Avec Stéphane Ravacley, boulanger et homme de cause.
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##LE_FAIT_DU_JOUR-2023-09-26##
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00:00 La chanson du pain des Wawa Papi, très très très très belle chanson qui a fait des millions de vues et d'auditions sur YouTube.
00:08 La chanson du pain, oui, et puis on ne va pas revenir à ces temps où quand on réclamait du pain,
00:16 on leur proposait de la brioche, c'était il y a un peu plus de 200 ans cela.
00:21 Mais qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ?
00:25 Eh bien il se passe aujourd'hui que nous avons écouté une vidéo, une vidéo qui nous a effectivement bouleversé,
00:31 celle de Stéphane Ravaclet qui est boulanger.
00:34 Bonjour Stéphane Ravaclet, vous êtes avec nous ?
00:37 - Bonjour à vous.
00:39 - Stéphane Ravaclet, on vous a écouté à propos de ce boulanger de Marseille que vous connaissiez,
00:46 qui a mis fin à ses jours parce qu'il n'a plus de payer des factures qui dépassaient de très loin ses possibilités.
00:54 Qu'est-ce qui s'est passé d'abord exactement ? Qui est cette personne qui vous a amené effectivement à lancer ce cri d'alarme et ce cri d'alerte, il faut le dire ?
01:06 - Alors tout d'abord bonjour à toutes et tous.
01:09 En premier lieu, je ne connais pas ce boulanger mais c'est un collègue,
01:13 c'est un collègue dont on n'a pas entendu les alertes en fait.
01:18 Moi j'étais en conférence hier matin envers des jeunes étudiants et un député de Marseille m'a appelé et m'a dit "écoute Stéphane, il faut absolument que tu fasses quelque chose parce qu'un de tes collègues vient de se suicider".
01:33 Evidemment moi je regarde et il m'envoie un SMS où cet homme en plus avait un cœur immense puisqu'il donnait tous ses noms vendus à une population pauvre.
01:54 Donc voilà c'était déjà quelqu'un qui avait un grand cœur.
01:56 - Vous voulez dire qu'il redistribuait ce qu'il n'avait pas vendu parce qu'il n'avait pas enventé aux gens qui en avaient besoin.
02:01 - Voilà, tout à fait. Donc voilà, c'était déjà un homme d'une grande qualité.
02:05 Et lorsque j'ai vu ça, j'ai eu le choix que de faire une... que d'alerter en fait.
02:14 Parce qu'on est aussi là pour alerter de ce qui se passe dans nos provinces et dans nos villes.
02:21 - Alors qu'est-ce qui se passe exactement ?
02:23 Alors soyons très concrets Stéphane Ravacle, qu'est-ce qui se passe ?
02:27 - On est très concrets.
02:29 Lorsque vous payez x5 vos factures d'électricité, lorsque vous payez x2 ou x3 votre beurre,
02:38 et que vous augmentez de 30% la masse salariale puisque vous voulez, via l'inflation, payer correctement et que vos employés, comme ça, manqueront jusqu'à la fin du mois.
02:53 Et bien en fait, il ne vous reste plus rien à la fin du mois pour payer vos factures.
02:57 - Et c'est ce qui arrive... Vous êtes vous-même, pardon, je l'ai dit, vous êtes vous-même boulanger ?
03:02 - Moi j'étais boulangerie, moi je suis devenu ouvrier boulangerie puisque j'ai vendu mon entreprise.
03:07 - D'accord.
03:08 - Et je n'ai plus cet enclume au-dessus de ma tête, fort heureusement.
03:16 Parce que ça faisait 25 ans que moi je me battais pour sauvegarder mon entreprise.
03:21 Donc je connais la problématique, parce qu'il y a encore 6 mois que j'étais encore... Il y a encore 2 mois que j'étais encore patron.
03:28 - D'accord.
03:29 - Donc voilà, en fait, il faut absolument que le gouvernement se rende compte que...
03:34 Vous savez, lorsque vous avez parlé, vous avez fait un avant-propos, mais il n'y a pas que les boulangeries, vous avez un paysan sur tous les 3 jours qui se suicide.
03:43 - Exact.
03:44 - Est-ce qu'on en parle tous les jours à la radio ? Non.
03:46 - On en a en tout cas parlé, mais ce n'est pas le problème, vous avez raison, qu'effectivement il y a des gens, et ça se compte par milliers, sinon par centaines de milliers, ou même voies par millions,
03:57 qui effectivement le 15 du mois, ça flue comment ils vont finir le mois.
04:00 - Oui, c'est évident. Et puis nous, nos clients, nous si on augmente nos prix, ce qu'on a fait, malheureusement, en fait ils ne vont pas pouvoir se payer un croissant à 1,50€.
04:10 - Ben oui.
04:12 - Donc en fait, il n'y a pas que l'électrificité, alors ça fait 3 fois 5, mais la difficulté c'est que si nos clients ne peuvent plus venir parce que l'inflation fait qu'ils ne peuvent plus manger le pain ou le croissant,
04:24 on fait quoi nous, derrière ? Ben ça sera les grands industriels qui vont racheter l'artisanat français.
04:29 - Et alors, dites-moi M. Ravacle, vous avez vu ça changer depuis quand, puisque vous avez été, ça fait 25 ans, vous avez dit que vous étiez dans cette activité, même plus.
04:38 A votre avis, ça a commencé à sentir que ça n'allait plus, quand je dis que ça n'allait plus, je veux dire, quand ça a commencé à vendre et que ça devenait trop, c'était trop et qu'on dépassait les limites ?
04:51 - Depuis le Covid en fait. Alors tous les mois de décembre, il y avait une inflation artificielle, c'est les boulangeries, les faiseurs de beurre, les faiseurs d'amandes,
04:59 les poudres d'amandes faisaient une inflation artificielle et on payait 3, 4 fois le prix des amendes. Mais là, c'est continuellement depuis le Covid.
05:07 - Depuis le Covid, oui d'accord. Et ça n'a pas baissé, ça n'a pas changé ?
05:11 - Ah non, non. Alors le beurre commence seulement à baisser, mais c'est pas quand même extraordinaire. Mais tout le reste est là, quoi.
05:17 Et puis quand vous faites x5, vous devez avoir un beurre pour croissant ou pour incorporation qui baisse de quelques dizaines de centimes.
05:27 Si vous faites x5 en électricité, vous n'allez rien faire. Enfin, ça ne sert à rien du tout à la fin du mois, quoi.
05:33 - Et ça, dites-moi, autour de vous, beaucoup de gens le disent, beaucoup de gens s'en plaignent, beaucoup de gens voient en disant
05:40 "Qu'est-ce qu'on va faire ? Comment on va faire ?" Enfin, vous sentez ça monter un peu partout ?
05:45 - Mais depuis mon appel hier matin, j'ai des boulangers qui m'appellent, qui me disent "Mais tu as raison, nous on va faire comment ?"
05:53 Enfin, voilà, l'alerte, elle est faite depuis le Covid. De toute façon, il y a eu même une remontée à Paris de certains boulangers,
05:58 mais qui ont été pris pour des oseaux, parce que de toute façon, c'est un secrétaire d'État qui les a reçus, et puis il n'y a rien qui a été fait.
06:05 On nous a augmenté, on devait nous sauvegarder avec le bouclier fiscal... - Oui, tarifaire.
06:12 - Le bouclier tarifaire, oui. - En 25, et là on a augmenté 10%, et puis au mois de janvier ou au mois de février, on va nous remonter 10%.
06:20 On veut quoi, en fait ? L'artisanat, c'est la première entreprise de France, on fait quoi ?
06:26 - Oui, mais vous avez l'impression justement, quand on... Mais c'est la question que tout le monde se pose, on veut quoi ?
06:32 Je veux dire, est-ce qu'on veut quoi ? Etouffer ? On veut faire disparaître toute une catégorie de métiers ?
06:39 Les artisans, les agriculteurs, etc. C'est vrai qu'on peut se poser la question, mais à votre avis, franchement, vous êtes dans le...
06:46 Qu'est-ce que... Enfin, disons, si vous avez un interlocuteur aujourd'hui face à vous, disons un interlocuteur qui a le pouvoir de bouger, de faire,
06:53 qu'est-ce qu'il faudrait faire en premier, ou en tout cas le plus urgent pour vous ?
06:57 - Il faut quitter... Il faut désobéir à l'Europe. Et comme l'Espagne a fait, il faut faire nos propres tarifs à nous, en électricité,
07:05 pour sauvegarder, mais même par rapport au simple Kidam, hein. Parce que quand vous revenez avec deux ou trois fois votre électricité
07:13 et que vous êtes déjà au semi-car, c'est pas possible. Donc de toute façon, il faut déjà désobéir à l'Europe.
07:19 C'est une question électricité et une question énergie. Et puis voilà, déjà, on aurait déjà une solution. Et puis, comment revenir ?
07:26 Là, vous savez, bon, je suis plutôt de gauche, mais on attend le panier à TVA zéro depuis combien de mois ?
07:36 C'est tellement simple de faire un panier, vous savez. Et puis si jamais le panier a zéro TVA, pas de problème.
07:44 Pour moi, j'accepte. Si on perd de la TVA, et bien vous savez, l'Espagne a mis un impôt en plus sur les banques,
07:52 sur les transactions bancaires et sur les grands profits. Pourquoi on le fait pas ?
07:56 On aime mieux que nos paysans se tuent et que nos boulangers se tuent que de préserver les grandes familles d'argent, enfin...
08:07 - Et les grosse... - C'est impensable.
08:09 - Les gros dividendes, vous voulez dire, etc. - Oui, voilà.
08:12 - Et puis les transactions bancaires, les grosses transactions bancaires. - Oui.
08:17 - Pourquoi on peut pas le faire, nous ? Qu'est-ce qu'on a de moins ou de plus que l'Espagne ?
08:22 - Oui, l'Espagne, et d'ailleurs, je crois que le Portugal aussi l'a fait, effectivement.
08:27 Et on se demande pourquoi eux peuvent effectivement désobéir à l'Europe, en tout cas dire à l'Europe,
08:32 "Écoutez, nous, on peut pas carrier." Et tous les autres, dont la France, effectivement, suivent,
08:37 je dirais pas aveuglément, mais suivent docilement les instructions européennes.
08:42 Et ça, effectivement, c'est une vraie question, en tout cas, qu'on pose.
08:46 Et vous, vous dites, sortons, en tout cas, ne suivons plus ces instructions-là, quoi, c'est ça ?
08:51 - On n'a pas le choix. On est devant le mur, on est devant le vide.
08:55 Est-ce que l'Europe, par cette question-là, va nous pousser encore longtemps ?
09:00 C'est pas le premier, ce sera pas le dernier, malheureusement, parce qu'on sait très bien que,
09:04 publiquement parlant, ça va faire que certains le feront parce qu'il y en a un qui l'a fait, quoi.
09:09 - Oui, oui, moi aussi. - C'est un syndrome.
09:12 Et ça le fera. Et pour nos paysans, c'est pareil. Enfin, c'est une catastrophe.
09:17 - Et dites-moi, juste une dernière question, M. Ravacle,
09:20 ce que vous voyez autour de vous, parce que c'est vraiment une question qu'on se pose,
09:23 c'est plutôt un sentiment de révolte ou un sentiment de résignation en disant "Oui, on peut rien faire" ?
09:27 - Non, c'est plutôt... Alors, on a les deux, mais là, franchement, c'est plutôt...
09:31 Si on avait un sentiment de révolte, tous les boulangers seraient dehors.
09:35 - Ouais. - Lesquels sont dehors, là ?
09:37 On paye le gazole ou l'essence à 2,30€, ou 2,50€ dans les grandes capitales de France,
09:43 et on sort pas, en fait. En fait, on le sait très bien,
09:47 parce qu'on a un État quand même qui a éborgné, qui a coupé les mains, etc.
09:51 Puis bon, voilà, pour faire sortir l'artisanat dehors, il en faut.
09:55 Donc je sais pas, je suis un peu perdu, là, pour tout vous dire.
09:59 - Je comprends. En tout cas, merci de votre témoignage,
10:02 merci de ce qu'on a entendu. On va évidemment suivre ça, parce qu'à un moment donné,
10:06 je pense qu'on ne peut pas laisser, effectivement, des professions entières s'éteindre,
10:10 ou en tout cas, péricliter, comme elles le sont aujourd'hui.
10:13 Merci, Stéphane Ravaclé. - Merci, Stéphane Ravaclé.
10:16 Je rappelle que vous êtes boulanger à Besançon.