B'INSPIRED - Pour changer le monde, penser global, agir local

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Deza Nguenbock est atteinte de la polio depuis qu'elle a 4 ans. Égérie de nombreuses initiatives d’envergure en faveur du handicap, entrepreneuse passionnée, elle a d’abord cherché à changer le monde au travers de la communication, avant de se tourner vers l’art et la politique. Aujourd’hui, présidente du fonds de dotation AHADI qui veut dire promesse, Deza aide les personnes handicapées à trouver leur juste place dans notre société par des expositions artistiques multimédia à l’international, la promotion de l’accessibilité universelle et le développement du leadership et de l'entrepreneuriat des femmes handicapées à travers le monde.
Transcript
00:00 [Musique]
00:02 [Sonnerie de téléphone]
00:04 Et maintenant, je suis ravie d'accueillir Deja Ghenbog.
00:08 Aujourd'hui présidente du Fonds de dotation AADIS,
00:12 qui veut dire promesse.
00:14 Deja aide les personnes handicapées à trouver leur juste place dans notre société
00:19 par des expositions artistiques multimédia et internationales.
00:23 La promotion de l'accessibilité universelle
00:26 et le développement du leadership et de l'entrepreneuriat des femmes handicapées à travers le monde.
00:32 Deja, tu as une énergie et un optimisme incroyables.
00:38 À quoi est dû tout ça ?
00:40 Bonjour Virginie, merci de m'accueillir.
00:44 Je pense que l'optimisme dont je fais preuve
00:47 est quelque chose qui est profondément ancré dans mon héristage culturel.
00:52 J'ai eu l'immense chance de naître au Cameroun,
00:56 dans une magnifique famille nombreuse,
00:59 dans laquelle je voyais déjà une mini société en soi.
01:03 Donc il n'y avait pas que mes frères et sœurs,
01:05 c'était toute une communauté de gens,
01:07 composés des oncles, des tantes, des voisins, des passants,
01:11 des élèves qui fréquentaient le collège éducateur qui était fondé par mon père.
01:17 Et donc ça grouillait le monde tout le temps, en permanence,
01:21 et mes parents avaient pour habitude de dire que quand il y en a pour un, il y en avait pour deux.
01:26 Donc on a eu l'habitude très tôt de partager absolument tout ce qu'on avait.
01:31 À titre d'exemple, lorsqu'on était installés à table pour le déjeuner par exemple,
01:35 et qu'un passant s'arrêtait pour nous dire bonjour,
01:38 mon père l'invitait à table à déjeuner avec nous,
01:41 sans même se préoccuper au préalable s'il y avait assez pour tout le monde.
01:45 Donc très tôt, j'ai appris à faire confiance à la vie,
01:49 à m'ouvrir aux autres, et c'est vraiment dans ce partage que j'ai trouvé l'optimisme et l'énergie dont je fais propositions.
01:56 - Ah oui, beaucoup promenée.
01:58 Et Yodi, vous dites que vous êtes une personne extrêmement spirituelle,
02:02 mais pas aussi classique du terme. Alors, quel concept apportez-vous ?
02:06 - Alors d'abord, j'aimerais dire que le concept de la spiritualité,
02:11 ça peut être lié à quelque chose qui renvoie à l'esprit, au souffle de vie.
02:16 Et pour certains, c'est lié à la relation de l'être humain avec son Dieu,
02:21 mais pour d'autres, c'est aussi la quête de sens, la quête de la liberté.
02:26 Et pour moi, c'est quelque chose, aussi longtemps que je me souvienne de ma propre expérience,
02:31 la spiritualité a toujours été au centre de ma vie.
02:34 Peut-être c'est lié aussi à ce que j'ai vécu dans mon enfance.
02:37 Je rappelle que je suis tombée malade quand j'avais 4 ans,
02:40 et tous les examens médicaux qui ont été faits étaient négatifs,
02:43 n'ont pas permis de poser un diagnostic sur ma maladie.
02:46 Toujours est-il que dans l'adolescence, j'ai commencé à développer une scoliose très sévère
02:50 qui m'a donné une instance respiratoire et qui m'a paralysée.
02:53 Mais petit à petit, mon état s'est stabilisé.
02:56 Je me rends compte qu'aujourd'hui, j'ai toujours vécu, et encore tout le temps,
03:03 dans une quête intérieure qui est très profonde et qui est permanente.
03:06 Ça apporte globalement trois choses.
03:09 La première chose, c'est une grande connaissance de moi-même.
03:12 Le fait d'être à l'écoute me permet de savoir quelles sont mes limites.
03:18 La deuxième chose que ça apporte, c'est la volonté de dépassement de soi,
03:23 de dépassement des limitations de la condition humaine.
03:26 Et puis l'autre chose, c'est que j'ai très conscience du caractère éphémère de la vie.
03:31 Ça fait que tous les gestes, tous les actes que je pose,
03:34 j'ai envie de laisser une empreinte positive,
03:37 parce que je sais qu'on n'est là que quelques instants.
03:39 Et après, il faut qu'on se rappelle de nous de manière positive.
03:43 J'ai très conscience de tout ça et c'est grâce à la spiritualité.
03:47 – Merci Degas. J'aime bien ta définition de la spiritualité.
03:52 – Merci.
03:53 – Par ailleurs, tu as la chance, sous ton aspect professionnel international,
04:00 de beaucoup voyager.
04:02 Est-ce que tu pourrais faire un petit comparatif
04:06 entre les différents continents, Africa, Amérique, Européens,
04:10 sur le sujet du handicap ?
04:12 – Alors le handicap, c'est un sujet hyper complexe,
04:15 qui est vraiment pris en compte de manière très différente d'une culture à une autre.
04:21 Si je prends par exemple l'exemple de l'Afrique,
04:23 où je suis née, où j'ai grandi,
04:26 je dis souvent que si j'étais née en France,
04:29 ou si j'avais eu les problèmes que j'ai eus en France,
04:31 je ne serais pas la même femme qui est devant vous là.
04:34 Je serais une femme différente.
04:35 Mais en Afrique, il y a deux considérations.
04:38 Il y a une considération qui peut être rurale,
04:40 où des gens, peut-être, qui ont une autre forme de pensée,
04:45 de spiritualité aussi, qui peuvent penser que le handicap,
04:48 c'est peut-être une fatalité,
04:50 c'est peut-être parce qu'on a, dans une vie intérieure,
04:52 fait quelque chose qui fait qu'on a une sentence divine.
04:55 Ça veut dire qu'on est puni quelque part dans cette vie dans laquelle on va vivre.
04:59 Donc, dans ce cas-là, le handicap peut être très mal pris.
05:03 Pour les personnes qui le vivent,
05:05 pour les personnes qui vivent avec ces personnes-là.
05:07 Mais si on a la chance, comme moi j'ai eu la chance d'être dans une famille
05:10 qui était très ouverte, qui était très ouverte à la vie,
05:13 là, on donne toute la place à la personne.
05:15 Donc, le handicap n'est pas du tout mal perçu.
05:18 Moi, j'ai eu, dans cette mini-société dont je vous ai parlé précédemment,
05:22 j'ai eu la chance d'avoir ma place.
05:24 Je contribue au même titre que les autres, à mon niveau.
05:28 Donc, dans cette perspective, il n'y a pas de problème du tout.
05:31 Si je prends le cas des États-Unis, par exemple,
05:34 les États-Unis s'inscrivent dans une dimension de lutte des droits civiques, par exemple.
05:38 La lutte du handicap en a fait partie aussi.
05:41 Donc, il y a eu le American Disability Act,
05:45 qui est la loi sur le handicap aux États-Unis,
05:47 qui fait qu'on ne peut pas s'amuser là-bas avec le handicap,
05:50 au titre qu'on ne peut pas s'amuser avec toutes les autres problématiques ethniques.
05:54 Donc, les personnes handicapées sont quand même très en avance aussi,
05:57 sont intégrées dans la société, et il y a beaucoup de choses qui sont faites.
06:01 Quand je suis allée là-bas pour mes études, j'étais en fauteuil roulant à l'époque,
06:05 je ne marchais presque pas, mais je n'ai jamais eu aucun problème à aucun moment.
06:08 Tout était pensé, tout était fait de manière à ce que je sois intégrée correctement à l'université.
06:14 En Europe, si je reviens dans notre cas, en France, on a envie de reparer les choses.
06:20 Donc, le handicap n'est pas vraiment accepté.
06:22 Il faut qu'on repare la personne handicapée pour qu'elle soit « normale ».
06:26 Donc, le handicap dans cette dynamique a été beaucoup caché, a été longtemps caché.
06:30 On en a eu honte, on avait honte des personnes handicapées.
06:33 Et donc, c'est vraiment tout récemment qu'on peut commencer à dire « on existe ».
06:38 Prenez en considération notre situation, on n'est pas des êtres à reparer forcément,
06:43 on est des êtres humains à part entière.
06:45 Donc, ces différences-là sont très culturelles et c'est très intrigue.
06:49 - À plusieurs reprises, l'assistanat des personnes en situation de handicap
06:58 est un sujet sur lequel tu aimerais te positionner. Pourquoi ?
07:02 - En fait, l'assistanat, quels qu'ils soient en général, m'est un support.
07:06 Parce qu'on ne laisse pas la personne, quels qu'elles soient, explorer son potentiel humain.
07:12 Quand on est en situation de handicap, les autres ont toujours tendance à décider pour nous.
07:17 Ils parlent pour nous, ils prennent des décisions pour nous.
07:20 Mais à un moment donné, si nous, on ne reprend pas le pouvoir,
07:23 on ne saura vraiment jamais de quoi on est capable ou pas.
07:27 Donc, c'est dans ce cadre-là que je n'aime pas beaucoup l'assistanat.
07:31 Parce qu'il faut à un moment donné que… On observe par exemple les enfants.
07:35 Les bébés, ils rampent, ils se mettent à quatre pattes,
07:38 ils vont mettre un pied après l'autre et ils essaient de se lever.
07:42 Ils tombent, ils se relèvent. Quelquefois, ils tombent de manière très brutale.
07:46 Ils pleurent parce que la chute est dure, mais ils se relèvent, ils s'endurcissent,
07:50 ils prennent confiance, ils prennent le contrôle.
07:52 C'est pareil pour les personnes handicapées.
07:54 Ma devise, c'est apprendre à tomber pour mieux apprendre à te relever.
07:59 Si tu ne tombes jamais, tu ne sauras pas te relever.
08:01 Donc, c'est pareil. Il faut que les personnes handicapées arrivent à leur niveau,
08:05 à leur rythme, à mettre le curseur. Là où ils peuvent, petit à petit,
08:09 ils vont se rendre compte qu'ils ont un potentiel à explorer
08:12 et c'est comme ça qu'ils vont reprendre le contrôle de leur vie.
08:15 D'ailleurs, ça me donne envie de parler de ta relation avec les entreprises
08:20 que tu accompagnes. Pour toi, tout est possible.
08:23 C'est juste une question d'exploration. Alors, que répètes-tu à tes clients
08:28 quand tu te dis "Ah non, ça on ne peut pas le faire, c'est pas possible" ?
08:31 [Rires]
08:33 - C'est très drôle parce que c'est vrai.
08:35 Quand j'étais à la tête de mon agence de communication,
08:38 j'ai accompagné une soixantaine de clients, grand compte pour la plupart,
08:41 dans leur problématique de communication 360.
08:43 Et donc, quand les entreprises viennent me chercher sur un sujet quelconque,
08:48 je me dis que c'est parce qu'à la fois, elles font confiance à mon expertise
08:52 et elles font confiance à mon expérience.
08:54 Donc, je suis évidemment très à l'écoute pour comprendre le contexte
08:58 dans lequel elles évoluent, pour comprendre un peu les enjeux
09:02 qui sont les leurs. Mais, quand j'entends me dire "Ça, ce n'est pas possible",
09:07 pour moi, ce n'est pas entendable parce que je ne suis pas là
09:10 pour mettre une entreprise à risque, au contraire.
09:13 Je suis là pour embarquer les équipes, je suis là pour essayer de faire avancer
09:17 les choses, faire un pas de côté, faire bouger les lignes.
09:20 Si on m'a venue dans une entreprise, je dois juste permettre de faire le statut
09:24 que ça n'a pas de raison d'être. Donc, je peux dire aujourd'hui très clairement
09:28 que toutes les entreprises qui m'ont fait confiance peuvent témoigner
09:31 que mon passage n'a jamais laissé les équipes indifférentes.
09:35 Donc, il faut faire le pas de côté nécessaire pour faire bouger les lignes
09:38 et c'est mon objectif partout où je passe.
09:41 – D'ailleurs, c'est peut-être pour ça aussi que tu as décidé de te lancer en politique,
09:46 mais de manière assez originale, parce que tu l'as fait de manière
09:50 totalement indépendante.
09:52 – Je dois dire que mon entrée en politique s'est faite sur un coup de tête.
09:57 Je rappelle que c'est vraiment le soir de la réélection du président Macron
10:02 que j'ai pris la décision. L'idée m'a effleuré l'esprit un instant
10:06 au vu de l'abstentéisme aux élections des jeunes de la jeunesse.
10:12 C'était historique, c'est un truc, j'étais bouleversée.
10:15 Et je me suis dit, soit je déménage de la France pendant 5 ans au moins,
10:20 soit je reste là et je fais quelque chose.
10:22 Et le lendemain, en me revoyant le 25 avril, très exactement,
10:26 j'ai décidé de rester et de faire quelque chose.
10:28 Mais comme je n'étais pas imprégnée en politique,
10:30 je n'ai jamais fait partie d'aucun parti politique,
10:33 c'était logique que je porte une candidature indépendante.
10:36 D'autant plus que tous ces partis nous ont déçus,
10:39 ont profondément déçus les citoyens que nous sommes.
10:42 Donc oui, j'ai porté une candidature indépendante,
10:44 ce qui ne m'a pas épargnée les attaques, notamment d'autres partis
10:48 qui disaient que oui, c'est le parti du président qui finance ma campagne
10:51 pour que je vienne leur voler des voix, ce qui était totalement ridicule.
10:55 – Et quel concet a apporté ? Quel est le message que tu veux faire passer ?
10:59 – Sur cette campagne législative, alors ce que j'aimerais dire là-dessus,
11:05 c'est qu'il faut impérativement que nous, les citoyens, nous nous engageons.
11:09 Si on déserte les urnes, on fait le jeu des partis politiques,
11:13 on fait le jeu de ces carriéristes politiques qui sont là pour continuer
11:18 encore et encore et encore à faire les mêmes choses.
11:20 Donc il faut impérativement, c'est le message que je voulais porter
11:23 lors de ma campagne, c'est reprenons le pouvoir
11:26 parce que le pouvoir appartient aux citoyens, reprenons ce pouvoir-là
11:30 et ensemble réfléchissons aux uns aux autres, au vivre ensemble.
11:34 La question de l'accessibilité universelle qui est vraiment le tournant
11:37 pour notre société aujourd'hui et demain.
11:39 – Alors pourquoi l'accessibilité universelle est-elle aussi importante ?
11:43 – L'accessibilité universelle déjà permet de penser à tout le monde
11:47 parce que là où on pense, on répond aux besoins spécifiques
11:50 d'une catégorie de personnes, ça améliore le confort de vie de tout le monde.
11:55 Et aujourd'hui certains peuvent être en situation de fragilité, de vulnérabilité,
12:00 mais demain c'est les autres aussi, donc personne n'est épargné.
12:03 D'ailleurs la crise Covid nous l'a montré, là où on pointait du doigt
12:07 les personnes vulnérables, on s'est rendu compte que nous sommes tous
12:10 logés à la même enseigne, voilà.
12:13 – Et quel message pour le moment de la fin aimerait-tu perpasser aux femmes
12:18 en situation de handicap en particulier ?
12:20 – Alors je regarde très droite dans les yeux à la fois les jeunes filles
12:24 et les femmes en situation de handicap, je leur dis,
12:28 ne vous laissez jamais réduire au handicap.
12:32 Si je suis là aujourd'hui, si j'arrive à faire ce que je peux faire,
12:36 c'est parce que j'ai choisi la liberté, j'ai choisi d'avancer
12:40 selon mon propre rythme, faites-le et vous verrez que vous pourrez faire comme moi.
12:45 – Merci beaucoup Déjà, c'était passionnant.
12:48 – Merci Virginie, merci.
12:50 – À la fin de cette émission, j'espère que vous avez passé un très joli moment avec nous
12:54 et à très vite pour la suite.

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