Le discours du dirigeant et l'art de naviguer face à l'ambiguïté [Eric-Jean Garcia]
Dans un monde où les incertitudes prospèrent autant que les injonctions à agir de façon responsable, décider et communiquer ne peuvent plus être considérés comme des actes allant de soi. Et pour cause, l’exercice d’un pouvoir statutaire ou managérial au sein d’une organisation fait vite ressentir les limites de la rationalité comme celles des raisonnements simplifiés face aux nouvelles ambiguïtés de la vie sociale organisée.
Mais alors, comment réconcilier les intérêts divergents d’une variété toujours plus grande de parties prenantes ? Il était déjà difficile de faire converger les attentes des actionnaires avec celles des salariés et des clients. Il faut désormais compter avec le législateur qui s’intéresse non sans compassion à la raison d’être des entreprises et leur impact social et environnemental. [...]
Mais alors, comment réconcilier les intérêts divergents d’une variété toujours plus grande de parties prenantes ? Il était déjà difficile de faire converger les attentes des actionnaires avec celles des salariés et des clients. Il faut désormais compter avec le législateur qui s’intéresse non sans compassion à la raison d’être des entreprises et leur impact social et environnemental. [...]
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00:00 Dans un monde où les incertitudes prospèrent autant que les injonctions à agir de façon
00:12 responsable, décider et communiquer ne peuvent plus être considérés comme des actes allant
00:18 de soi.
00:19 Et pour cause, l'exercice d'un pouvoir statutaire ou managérial au sein d'une
00:24 organisation fait vite ressentir les limites de la rationalité comme celles des raisonnements
00:30 simplifiés face aux nouvelles ambiguïtés de la vie sociale organisée.
00:34 Mais alors, comment réconcilier les intérêts divergents d'une variété toujours plus
00:40 grande de parties prenantes ? Il était déjà difficile de faire converger les attentes
00:45 des actionnaires avec celles des salariés et des clients.
00:48 Il faut désormais compter avec le législateur, qui s'intéresse non sans compassion à
00:53 la raison d'être des entreprises et à leur impact social et environnemental.
00:57 Mais ce n'est pas tout, d'autres parties prenantes s'ingénient à corriger les
01:02 inégalités de ce monde et à lutter contre les projets écocides et climaticides.
01:07 Mouvements politiques, associations de consommateurs et collectifs d'activistes à l'échelle
01:13 locale et internationale militent pour un changement plus ou moins radical d'un capitalisme
01:18 jugé court-termiste et irresponsable.
01:21 C'est ainsi que les équipes dirigeantes des entreprises se retrouvent exposées à
01:27 des situations d'une remarquable ambiguïté faites de dilemmes, de paradoxes et de controverses
01:33 associés à des risques qui ne cessent de croître en intensité.
01:36 Dans ce contexte, définir le réel est devenu un exercice aussi indispensable que périlleux.
01:43 Pour relever ce défi, les équipes dirigeantes peuvent recourir à au moins trois types de
01:49 discours inspirés d'une typologie esquissée par James Marsh, ancien professeur de sciences
01:54 politiques à Stanford.
01:55 Le premier est un discours qualifié d'idéaliste, dans lequel le dirigeant tente de faire coller
02:02 la réalité à son propos.
02:04 Un discours idéaliste cherche à rendre l'organisation et son fonctionnement conformes à un modèle
02:09 théorique ou supposé-éprouvé dans d'autres circonstances.
02:12 Cette forme de communication permet de limiter sérieusement les effets gênants de l'ambiguïté
02:18 des situations rencontrées, mais elle peut également paraître hors sol, c'est-à-dire
02:23 franchement déconnectée de la réalité concrète vécue par les équipes et confrontée à
02:28 l'exécution opérationnelle.
02:29 Le second est un discours qualifié d'opportuniste, puisque son objectif est de tirer avantage
02:35 des ambiguïtés auxquelles l'entreprise est confrontée.
02:38 Plus ces ambiguïtés sont prononcées, plus il est tentant et relativement facile d'imposer
02:43 son propre narratif de la situation en prélevant dans les indicateurs disponibles ceux qui
02:49 confirment sa propre version de l'histoire.
02:52 Un discours opportuniste peut sembler créatif et visionnaire pour les uns et parfaitement
02:58 biaisé voire manipulateur pour les autres.
03:00 Le troisième est un discours que l'on peut qualifier de réaliste lorsque le dirigeant
03:07 s'efforce de faire coller son propos à sa propre perception de la réalité.
03:12 Cette façon de discourir sans filtre est d'apparence louable, mais en fait, elle
03:18 permet d'échapper à son devoir d'interprétation, de hiérarchisation et de mise en perspective
03:24 du réel.
03:25 En se limitant à ce qui est observable ou établi pour décider, le dirigeant risque
03:30 en plus d'altérer sérieusement ses capacités de promoteur d'une vision ambitieuse et
03:36 porteuse de sens pour ses parties prenantes directes.
03:39 En conclusion, puisque la présence d'intérêts irréconciliables est un des marqueurs de
03:45 notre société, il convient aux décideurs de s'interroger sur la façon dont ils appréhendent
03:51 l'ambiguïté des situations dans leur discours.
03:54 Car qu'on le veuille ou non, si dire ce n'est pas faire, prendre la parole c'est
04:00 déjà agir.
04:01 [Musique]
04:05 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org