Immobilier : le coût du crédit grippe le marché

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00:00 - Le spécial immobilier de septembre,
00:06 qu'entre nous on appelle la Bible, la référence dans le secteur,
00:09 150 villes où on a repris les prix par une quinzaine de journées,
00:12 ce qu'on a envoyé partout sur le territoire,
00:14 orchestré par Mireille Weinberg.
00:16 Première question, est-ce qu'on peut dire qu'on assiste
00:19 à un retournement du marché de l'immobilier ?
00:21 Est-ce que les prix baissent ?
00:23 - Oui, les prix baissent, c'est certain.
00:25 Quand on regarde les statistiques sur un an,
00:27 ils sont encore positifs.
00:29 Quand on regarde vraiment les derniers mois,
00:31 et notamment depuis le début de l'année, le 23,
00:33 la baisse est claire, nette, précise.
00:35 Donc maintenant, on y est.
00:37 - Comment on explique cette baisse ?
00:39 - Cette baisse est très simple.
00:41 Elle s'explique essentiellement par une des données,
00:43 qui est le problème de financement des Français.
00:45 Les Français n'arrivent plus à emprunter.
00:47 C'est le taux des crédits.
00:49 Les crédits ont augmenté de manière féroce.
00:51 On n'avait jamais vu ça.
00:53 Le taux des crédits est passé de 1% à 4%.
00:55 Multiplié par 4 en 18 mois, c'est inédit.
00:57 Ça n'est jamais arrivé.
00:59 Donc évidemment, on n'emprunte plus la même chose.
01:01 Pour une mensualité de 1 000 euros,
01:03 début 2022, quand on était à 1%,
01:05 on avait une capacité d'emprunt
01:07 de 218 000 euros.
01:09 Maintenant qu'on est à 4%,
01:11 4% sur 20 ans, c'est maintenant.
01:13 Avec une mensualité de 1 000 euros,
01:15 à 4% sur 20 ans,
01:17 je n'emprunte plus que 165 000 euros.
01:19 C'est 25% de capacité d'emprunt en moins.
01:21 C'est énorme.
01:23 Ça explique le freinage,
01:25 le gros freinage du marché.
01:27 - Un boom des taux d'intérêt,
01:29 mais en même temps, une baisse des prix.
01:31 Est-ce que ça compense ?
01:33 Est-ce que le pouvoir d'achat immobilier des Français
01:35 a gagné ou a perdu ?
01:37 - Pour le moment, il est encore très nettement perdant.
01:39 Pourquoi ?
01:41 Parce que la baisse des prix est légère encore.
01:43 C'est un début de baisse des prix.
01:45 Elle ne permet pas de compenser.
01:47 Je vous donne un exemple.
01:49 Depuis 2015, la dernière fois que les prix ont baissé,
01:51 les prix ont pris plus de 35%.
01:53 Depuis les années post-Covid,
01:55 2021-2022,
01:57 sur ces trois seules années,
01:59 ils n'ont pris plus du double.
02:01 Ils ont pris 18% de ces 35% de hausse
02:03 depuis 2015.
02:05 En fait,
02:07 que les taux d'intérêt soient à 4% sur les crédits immobiliers,
02:09 ce n'est pas grave. On a l'habitude.
02:11 Ce qui est gênant, c'est que depuis 2015,
02:13 les prix de l'immobilier
02:15 ont fait un bond incommensurable.
02:17 C'est difficile
02:19 en termes de pouvoir d'achat
02:21 parce que les prix ne baissent pas assez.
02:23 Pour qu'on ait des premiers effets en termes de pouvoir d'achat immobilier,
02:25 de capacité des gens à emprunter mieux,
02:27 il faudrait qu'il y ait une baisse des prix de l'immobilier
02:29 de l'ordre de 15 à 20%. On n'y est pas du tout.
02:31 - D'accord.
02:33 Vous parliez de ces taux qui explosent.
02:35 On imagine bien que ça sort du marché un certain nombre
02:37 d'acquéreurs, notamment des primes au accédant.
02:39 Pour être très concret,
02:41 moins de crédits qui sont accordés, ça veut dire aussi
02:43 moins de transactions sur le marché ?
02:45 - C'est exactement ça. C'est le cycle immobilier.
02:47 En l'occurrence, le détonateur, c'est cette histoire
02:49 de crédits. Donc, moins de crédits accordés
02:51 parce qu'effectivement, les banques ne sont plus regardantes
02:53 puisque les taux sont élevés.
02:55 Qu'est-ce que ça fait ? Ça fait moins de transactions.
02:57 Aujourd'hui, on estime qu'en fin d'année,
02:59 on sera à 900 000 transactions.
03:01 Au plus fort en août 2021, on était à 1,2 million
03:03 de transactions. Ce n'est pas encore un crash.
03:05 On n'est pas du tout comme c'était le cas en 2008
03:07 avec une baisse de moitié
03:09 des transactions. Mais la baisse des transactions,
03:11 elle est là. Et quand les transactions baissent,
03:13 naturellement, les prix baissent aussi.
03:15 Donc là, on y est.
03:17 En 2023, début 2024,
03:19 est-ce qu'on peut s'attendre à quel type
03:21 de baisse de prix sur le marché immobilier ?
03:23 Nous, nos journalistes,
03:25 on a 15 journalistes, vous l'avez dit,
03:27 qui ont sillonné la France, qui ont interrogé tous les agents immobiliers.
03:29 Ça, ils l'ont fait en mai-juin. Donc nous, on a des chiffres
03:31 vraiment très très frais.
03:33 Et ce qu'on voit là, c'est que ça va baisser
03:35 d'au moins 5 %
03:37 un peu partout sur le territoire. C'est à peu près
03:39 généralisé.
03:41 On peut s'attendre à 5 % de baisse
03:43 sur 2023 et peut-être encore plus
03:45 en 2025. - Ça, c'est la moyenne ? J'imagine qu'il y a
03:47 à la fois des marchés, des villes où ça résiste,
03:49 et aussi des villes et des marchés où ça s'effondre.
03:51 - Oui. Alors là où ça s'effondre,
03:53 c'est clairement
03:55 dans les endroits où le pouvoir d'achat est le plus
03:57 contraint, où les gens n'ont pas vraiment des revenus
03:59 vraiment très élevés. C'est par exemple dans le nord.
04:01 On a des villes comme Lille, Tourcoing, Roubaix.
04:03 Là, ça a baissé et ça va baisser encore
04:05 plus fortement à partir d'aujourd'hui. - On est quoi ?
04:07 Sur des -10, -15 % ? - -10, -15.
04:09 Ça, c'est vraiment des villes qui pêchent.
04:11 Et on a aussi des très fortes baisses
04:13 sur les villes qui sont très chères
04:15 et qui avaient vraiment profité
04:17 de l'effet post-Covid. Ce sont les
04:19 capitales qui ne sont pas très loin de Paris.
04:21 C'est Bordeaux, Lyon.
04:23 Et là, c'est aussi de l'ordre
04:25 de -10 à -15 %, parce que
04:27 c'était des villes qui étaient très très chères.
04:29 Et là, il y a beaucoup moins de crédit,
04:31 donc c'est compliqué. Donc là, ça...
04:33 - Pour 2024, est-ce qu'il faut s'attendre à une
04:35 nouvelle baisse des prix, une accélération de la
04:37 baisse des prix ? Où est-ce que ça va
04:39 se stabiliser ? Que disent les experts sur
04:41 les prix ? - Alors, 2024, les experts disent
04:43 que la baisse va être plus forte,
04:45 parce qu'elle va concerner toute l'année.
04:47 Donc là, on y entre. Et pourquoi ?
04:49 C'est toujours... La cause première, je vous l'ai dit,
04:51 c'est le taux des crédits immobiliers.
04:53 Les crédits immobiliers, a priori, aujourd'hui,
04:55 ils sont à 4 %, ça ne va pas
04:57 baisser, ça, on est certain. Maintenant, ce qu'on attend...
04:59 On attend la décision
05:01 de la BCE, c'est le 14 septembre.
05:03 Elle va dire si elle monte ou elle baisse son taux directeur.
05:05 Alors ça, vous allez me dire, mais qu'est-ce que ça a à voir avec les crédits
05:07 immobiliers ? Ça a tout à voir. Parce que la BCE,
05:09 elle, avec ce taux, elle prête aux
05:11 banques. Et c'est les banques qui prêtent aux acteurs économiques,
05:13 notamment aux ménages. Donc ça veut dire que le
05:15 prix de mon crédit immobilier, il est finalement
05:17 indexé sur le taux de la BCE ou à
05:19 quelque chose près sur ce taux-là. - Bien sûr.
05:21 - Et donc le 14, qu'est-ce que va faire Christine Lagarde ?
05:23 Elle a dit que peut-être il y aurait une
05:25 pause. Donc son taux de directeur reste à
05:27 3,75, ce qui signifie que pour les épargnants
05:29 et pour les emprunteurs notamment, pas de changement.
05:31 On reste à 4. Et il est aussi
05:33 possible, elle a dit, si je fais une pause là,
05:35 il y aura peut-être une hausse après. Donc encore de
05:37 25 points de base. Donc les crédits immobiliers
05:39 pourraient augmenter de
05:41 0,25 à 0,30. Enfin 25
05:43 ou 30 points de base. Et ça, c'est
05:45 une nouvelle hausse possible d'ici la fin de l'année.
05:47 Eh bien ça, ça va freiner encore un peu
05:49 plus les transactions. Et donc
05:51 ça va faire baisser le marché immobilier.
05:53 - D'accord. Donc c'est un marché immobilier qui va rester très
05:55 compliqué, très contraint. Et est-ce qu'il y a
05:57 néanmoins des villes où les prix
05:59 résistent ? - Oui, absolument.
06:01 Il y en a notamment sur le pourtour méditerranéen.
06:03 Là, ce sont des villes
06:05 en fait où il fait bon vivre. Et où
06:07 finalement, les acheteurs n'ont pas de problème de
06:09 pouvoir d'achat. C'est ce que je vous disais.
06:11 Eux, ils n'ont souvent pas besoin de crédit pour acheter
06:13 une résidence secondaire ou un beau logement
06:15 autour de la Méditerranée. Et là,
06:17 les prix, alors
06:19 ils vont augmenter beaucoup moins qu'avant.
06:21 Mais dans certains endroits, ça montera encore.
06:23 A Aix-en-Provence, par exemple. En Corse,
06:25 Bastia, Ajaccio, ça c'est des endroits où ça va
06:27 continuer de monter. Et puis on a
06:29 des petits bastions comme ça, de sérénité,
06:31 d'endroits où c'est par exemple
06:33 Chamonix, où on atteint des prix
06:35 démants. On est à 18 000 euros le mètre carré.
06:37 Mais Chamonix, ça continue
06:39 parce qu'il y a un problème d'offres. Le marché immobilier, c'est toujours
06:41 offre et de la demande. Il n'y a pas assez d'offres. Il y a
06:43 énormément de demandes. Et puis il y a des
06:45 villes comme Annecy, Annemas, pareil,
06:47 très peu d'offres. Et beaucoup de
06:49 frontaliers, beaucoup de gens qui ont un vrai bon pouvoir
06:51 d'achat parce qu'ils travaillent en Suisse. - Qui soutiennent le marché.
06:53 - Donc là, pas de soucis non plus. Après, on a des choses
06:55 plus originales. A Paux, par exemple.
06:57 A Paux, il y a un problème d'offres. Il n'y a pas
06:59 assez d'offres. Pourquoi ? Eh bien là, ce sont
07:01 le coût de l'immobilier
07:03 neuf étant trop cher. Les promoteurs ont décidé à Paux
07:05 de mettre le pied sur
07:07 la pédale. Donc il y a moins de logements qui sortent
07:09 de terre neuve. Du coup, les gens se rabattent sur
07:11 l'ancien. Et donc, ça ne baisse pas à Paux.
07:13 Pour cette raison-là, vous voyez, il y a plein de petits
07:15 micro-marchés. Et en fonction, je vous dis
07:17 de l'offre et de la demande
07:19 dans ces micro-marchés,
07:21 c'est stable ou ça augmente plus ou moins.
07:23 Mais encore une fois, les hausses entre
07:25 2023 et 2024 ne seront pas supérieures à 5%.
07:27 C'est plus des hausses de 10 à
07:29 15% qu'on a connues par le passé.
07:31 Peut-être pour finir, effectivement, cette interview,
07:33 quel conseil vous donneriez aux
07:35 acheteurs qui nous suivent aujourd'hui en ligne
07:37 pour néanmoins s'en sortir sur ce marché ?
07:39 La bonne nouvelle, justement, il y en a une, c'est que les acheteurs,
07:41 cette fois, ils ont la main.
07:43 Jusqu'à présent, ils subissaient. Depuis 2015,
07:45 je vous l'ai dit, les prix
07:47 de l'immobilier ne cessaient de monter. Les pauvres
07:49 acheteurs, ils étaient obligés de suivre. Ils n'avaient pas le choix.
07:51 Aujourd'hui, ils ont vraiment
07:53 des capacités de négociation.
07:55 Qu'est-ce qu'on peut négocier ? Chaque fois qu'un bien a des défauts.
07:57 Un défaut, c'est quoi ?
07:59 Un défaut, c'est une route qui passe au milieu du jardin.
08:01 C'est idiot, mais ça existe. Ça, c'est un défaut patent.
08:03 Mais il y a des défauts qui sont nés
08:05 suite aux nouveaux besoins liés au Covid.
08:07 Depuis le Covid, on a besoin de lumière.
08:09 Quand un logement est sombre, il va être
08:11 décoté. On a besoin d'extérieur.
08:13 Il nous faut aujourd'hui, les gens demandent des
08:15 balcons, des terrasses, des cours, des jardins.
08:17 Quand on n'a pas ça, c'est considéré aujourd'hui comme un défaut,
08:19 ce qui n'était pas le cas avant.
08:21 Et puis, surtout, la grosse nouveauté,
08:23 c'est notre fameux DPE, notre
08:25 diagnostic de performance énergétique.
08:27 C'est devenu un critère très fort
08:29 de négociation.
08:31 Les logements sont notés de A à G.
08:33 A, c'est les logements qui sont très bien énergiquement
08:35 parlants. F et G, ce sont
08:37 les passoires énergétiques, donc les logements où il faut
08:39 faire beaucoup de travaux pour arriver à quelque chose
08:41 de sécurisé au niveau énergétique.
08:43 Ces passoires thermiques, on arrive à négocier
08:45 des prix. Les gens de ce loger nous disaient
08:47 qu'a priori, on est sur ces biens-là,
08:49 passoires énergétiques à des baisses de prix qui sont
08:51 supérieures à 6%
08:53 aux autres biens
08:55 immobiliers. Et là, vous pouvez vraiment négocier.
08:57 Et puis, dernier conseil, quand vous avez...
08:59 On a vu que ça coince au niveau des crédits immobiliers.
09:01 Si vous n'avez pas de problème de financement parce que vous avez
09:03 un énorme revenu ou parce que
09:05 vous êtes secondo-accédant,
09:07 vous vendez
09:09 quelque chose pour racheter, là, vous avez peut-être
09:11 moins besoin de crédit. Là aussi, vous pouvez
09:13 négocier avec l'acheteur pour lui dire "Oh, je suis
09:15 super solvable. C'est pas le cas des autres gens
09:17 que tu vas voir sur le marché. Accorde-moi
09:19 un prix à moi parce que moi,
09:21 je t'assure que dans 3 mois, mon banquier, il aura dit oui."
09:23 Donc tout ça, c'est des choses... Aujourd'hui,
09:25 les acheteurs ont la main et ils peuvent négocier.
09:27 On peut y aller. - Très bien. Merci
09:29 Mireille Wimbert. Et vous pouvez retrouver l'intégralité
09:31 de notre dossier immobilier dans le numéro de
09:33 septembre qui est en kiosque avec la cotation
09:35 précise des 150 plus grandes villes françaises.
09:37 C'est ça.
09:37 Merci.

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