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Les Français très attachés au fait de dîner à table, champions du monde du temps passé à table selon une étude de l'OCDE. Pour en parler, Bruno Verjus, Chef du restaurant Table à Paris, n°1 français et n°10 mondial du classement World fifty best 2023.
Regardez Le débat du 31 août 2023 avec Yves Calvi et Amandine Bégot.

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00:02 7h - 9h, RTL Matin.
00:05 Il est 8h23, s'octroyer une véritable pause à table. Voilà une habitude tout à fait française qui nous distingue du reste du monde selon l'OCDE.
00:16 Nous sommes les champions du temps consacré au repas, 2h11 par jour, c'est 40 minutes de plus que la moyenne.
00:22 On retrouve en deuxième position nos voisins italiens, 2h05, en troisième position nos amis grecs, 2h04,
00:27 puis nos voisins espagnols en 2h02. Bonjour Bruno Verjus.
00:30 Bonjour.
00:31 Merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes chef cuisinier, deux étoiles au Guide Michelin. Votre restaurant qui s'appelle justement Table à Paris
00:37 a été élu dixième meilleur restaurant du monde dans un classement récent d'un magazine britannique.
00:42 Bruno Verjus, l'amoureux de la gastronomie et des produits que vous êtes, cette passion française pour le repas,
00:46 j'imagine qu'elle doit vous faire plaisir, notamment dans sa durée.
00:49 Ah oui, c'est un bonheur d'imaginer qu'on a retrouvé le temps de la Table. J'y vois presque un bénéfice finalement
00:56 secondaire du Covid, c'est-à-dire je pense que les gens ont réappris justement à se retrouver ensemble, à parler, à prendre le temps,
01:02 peut-être à cuisiner aussi. Vous savez, moi j'ai appelé mon restaurant Table parce que pour moi tout se passe autour d'une table.
01:07 Autour d'une table on fait quoi ? Bien sûr qu'on va manger, qu'on va déjeuner, dîner, mais on va parler, on va échanger,
01:14 on va parler de nourriture, on va parler d'amour, on va parler d'affaires, on va...
01:19 Voilà, et la vie en quelque sorte va s'agréger de cette façon autour d'une
01:23 mémoire rapide mais intangible qu'est la nourriture.
01:26 Est-ce que vous êtes en train de nous expliquer ce qu'est une forme d'art de vivre à la française ?
01:31 Pour moi c'est probablement le premier art de vivre à la française,
01:35 avec cette blague qu'on connaît tous mais que je trouve toujours extraordinaire,
01:38 qu'est-ce qu'on fait la plupart du temps quand on est en train de déjeuner, en famille, le week-end,
01:43 on parle de ce qu'on va manger le soir ou le lendemain midi.
01:46 Bien sûr.
01:47 Et on n'est pas très nombreux à savoir faire ça. Les Chinois le font aussi,
01:52 mais nous on sait quand même notre corps de pensée.
01:55 Alors il y a une autre étude du CREDOC, le Centre de Recherche pour l'Observation et les Conditions de Vie,
01:59 qui va dans le même sens. 94% de français être attachés au dîner à table,
02:04 partager un déjeuner, un apéritif, un dîner
02:06 assis autour d'une table sont des moments très importants dans nos vies.
02:09 Pourquoi nous y consacrons autant de temps ? Qu'est-ce qui se passe ?
02:12 Peut-être qu'on a ce sentiment d'un besoin de cohésion.
02:17 On s'est rendu compte, on vient de le voir.
02:19 Le président a voulu créer une nouvelle cohésion sociale en rencontrant tout le monde,
02:23 et finalement il les a bloqués un peu autour de la table.
02:27 Eux, ils ont en quelque sorte fait péter les scores, ils ont fait 16 heures autour d'une table.
02:30 Donc c'est plutôt pas mal pour nos statistiques.
02:32 Mais peut-être qu'en famille, on s'est rendu compte aussi
02:35 qu'on avait besoin de recréer une cohésion familiale,
02:38 et rien de mieux que la table pour la réinventer en quelque sorte,
02:42 et surtout l'agréger et la consolider.
02:45 - Dans le huis clos auquel vous venez de faire allusion,
02:47 et dont on parle beaucoup ce matin sur notre autenne,
02:49 on a le menu "Gravelax de saumon, pintade aux champignons".
02:52 Qu'est-ce que ça vous inspire comme commentaire ?
02:54 - Pas grand-chose.
02:56 - Pas les tessus !
02:58 - C'est-à-dire, bon ok, Gravelax de saumon, formidable,
03:00 c'est probablement saumon d'élevage, on peut discuter.
03:03 Je suis surpris que ce petit saumon fût sauvage.
03:06 Mais je ne vois pas le lien, surtout entre un Gravelax,
03:09 qui est quand même quelque chose d'un peu étrange,
03:12 lié à une pintade, ça fait partie des incongruités.
03:16 Mais je pense que là, encore une fois,
03:18 et contrairement peut-être à l'esprit français,
03:21 la nourriture n'était pas là pour favoriser justement les idées de la discussion,
03:24 mais était finalement un passe-plat.
03:27 - Dites-moi Bruno Verjus, dans votre livre "L'art de se nourrir"
03:29 qui est paru chez Flammarion,
03:31 vous écriviez que la façon dont on se nourrit
03:33 décide du monde dans lequel on vit.
03:35 Ce qui signifie que notre façon de manger en dit bien plus sur nous-mêmes
03:38 qu'on ne veut bien croire, ou qu'on imagine.
03:40 - Oui absolument, et c'était presque un acte de foi politique.
03:44 J'ai hésité entre m'engager vers la présidence de la République
03:47 ou faire un restaurant, j'ai choisi un restaurant.
03:49 - Ah bah oui, c'est bien restant comme ça.
03:51 - C'est plus difficile je pense, mais en tout cas,
03:53 c'était un vrai mot d'ordre en disant,
03:55 la façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit.
03:57 Là, avec l'inflation, je pense que tout le monde peut le comprendre,
03:59 il faut comprendre qu'il y a des rares pouvoirs que nous ayons,
04:02 c'est auprès de qui on va donner son argent quand on achète des produits.
04:06 Et si on les donne aux bonnes personnes,
04:08 c'est-à-dire à ceux qui sont vertueux,
04:10 qui travaillent la terre en respect,
04:12 qui produisent des produits d'excellence,
04:14 de proximité, sur un petit marché,
04:16 plutôt que d'aller acheter des produits en process,
04:18 de la salade en sachet, de la viande déjà hachée dans des barquettes, etc.
04:22 Eh bien, on investit son argent auprès des bonnes personnes,
04:25 et d'une certaine façon, on contribue à fabriquer un monde
04:27 dans lequel on se sent plus à l'aise
04:29 que probablement celui de la grande industrie ou de la grande distribution.
04:33 - Que répondez-vous à ceux qui vous écoutent en ce moment
04:35 et qui disent "il est bien gentil Verjus,
04:37 mais on ne perd pas les moyens,
04:39 et en fait, dans des contraintes économiques très importantes,
04:41 on passe par les produits que vous venez de citer".
04:44 C'est extravagant en effet.
04:46 - Je pense que c'est effectivement la doxa
04:49 qui a été imprimée par l'agro-industrie,
04:51 qui est de dire "mais nous, on vous fait les prix".
04:54 Mais quand par exemple, une ménagère va acheter du steak haché pour ses enfants,
04:57 et qu'elle achète un steak haché dans un supermarché
05:00 produit de l'agro-industrie,
05:02 elle va acheter grosso modo 50-55% de protéines,
05:05 le reste étant tout un tas de matières
05:07 qui n'ont rien à voir avec la protéine.
05:09 Quand vous allez chez votre boucher,
05:10 certes, vous allez probablement le payer 30% de plus,
05:12 mais vous aurez 100% de protéines.
05:14 Et je pense que bien nourrir ses enfants,
05:16 c'est peut-être les nourrir avec un steak un peu plus petit,
05:19 mais qui représente 100% de viande,
05:21 et pas avec 40% de différentes saloperies de dos,
05:25 et notamment de l'eau.
05:26 - Merci beaucoup Bruno Verjus d'être venu commenter ce chiffre passionnant
05:29 qui nous concerne, nous, Français.
05:31 capacité.

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