Le dernier Indice mondial de compétitivité en matière de talents vient d'être publié : le palmarès des pays qui “cultivent, attirent et retiennent les talents” en 2023. Bruno Lanvin, à l'origine de cet indice, était l'invité éco de franceinfo le mardi 7 novembre.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:03 Bonsoir à toutes et à tous, ce soir gros plan sur l'attractivité en matière de talent.
00:09 Où les profils les plus recherchés travaillent-ils ? Dans quel pays ? Qu'est-ce qui les motive avant tout ?
00:15 Bruno Levin, bonsoir.
00:17 Bonsoir.
00:18 Ce sujet, c'est celui de l'indice mondial de compétitivité en matière de talent que vous publiez pour la dixième fois dixième année.
00:25 Vous êtes chercheur émérite associé à l'INSEAD et fondateur de l'Institut Descartes pour le futur.
00:32 Quel est le podium, le top 3 des pays où il fait bon vivre et travailler quand on est un profil hyper recherché par les entreprises, un talent comme on dit ?
00:41 Alors l'indice mondial des talents est un indice composite.
00:44 Donc il ne mesure pas seulement la qualité de vie mais c'est un facteur important.
00:49 Et le top 3 de cette année c'est dans l'ordre la Suisse, Singapour et les Etats-Unis.
00:54 Alors la Suisse, Singapour et les Etats-Unis. Pourquoi est-ce que les talents choisissent et lisent ces trois pays ?
01:00 Alors pour des raisons diverses.
01:03 Commençons par les Etats-Unis par exemple, c'est une grande économie.
01:07 C'est le pays qui accueille les universités les plus prestigieuses dans un grand nombre de domaines.
01:13 Donc il y a déjà une tradition pour les talents d'aller se former aux Etats-Unis.
01:17 C'est en plus le lieu où si on veut créer une start-up, des lieux comme Silicon Valley ont quasiment une valeur mythique qui ont toujours attiré les talents.
01:26 Pour des pays plus petits comme Singapour et la Suisse, les motivations sont différentes.
01:31 La qualité de vie mais aussi la capacité d'acquérir de nouvelles connaissances, de bénéficier d'opportunités de carrière sont ce qui guident principalement ces talents.
01:41 Alors je l'ai dit, ce palmarès existe depuis dix ans. Est-ce qu'il n'a pas bougé depuis dix ans ?
01:47 Le modèle s'est stabilisé très vite.
01:50 C'est-à-dire qu'il repose sur un certain nombre de piliers, je ne vais pas détailler.
01:55 C'est un indice que vous avez créé.
01:57 C'est un indice que j'ai créé et qui tourne autour de trois composantes principales en matière de talent.
02:03 La capacité de créer des talents, la capacité d'attirer des talents et la capacité de garder les talents.
02:09 Et autour de ces trois mesures, on a un certain nombre de hiérarchies qui s'établissent, qu'on voit se dessiner.
02:16 Le modèle s'est stabilisé très vite. Au bout de la troisième année, il n'a pratiquement plus bougé.
02:21 Ce qui est plus particulier en ce qui concerne cet indice, c'est que le top 10 et le top 20 n'ont eux aussi pratiquement pas bougé.
02:31 Ça veut dire que la Suisse, les Etats-Unis, Singapour, ils ont toujours été dans le top 3, plus ou moins ?
02:36 Plus ou moins. La Suisse a toujours été première et Singapour a toujours été deuxième à une année près.
02:42 Alors, est-ce qu'il y a un avant et un après Covid ?
02:45 Oui, et à plus d'un égard.
02:47 D'abord, le Covid a été le lieu d'une accélération d'un certain nombre de comportements qui avaient déjà commencé à changer.
02:55 Alors, bien sûr, on pense au travail en ligne, à la collaboration à travers les réseaux, les téléconférences, etc.
03:02 Mais au-delà de ça, le Covid a aussi installé comme une nouvelle norme les nouvelles conceptions du travail.
03:09 Pour les jeunes générations, par exemple, le fait de travailler simultanément pour plusieurs employeurs,
03:15 de travailler avec des horaires flexibles dans des géographies différentes,
03:19 parce que la communication en ligne permet de contribuer à un projet à Dubaï en même temps qu'un autre au Canada, même si on est à Paris.
03:26 Tous ces comportements-là existaient d'une certaine façon et se sont généralisés avec le Covid.
03:32 Et est-ce que ça a changé le classement des pays ? Est-ce qu'il y a des facteurs qui, aujourd'hui, sont plus importants qu'il y a quelques années ?
03:38 Je pense notamment à la qualité de vie.
03:40 Deux éléments au moins sont intervenus comme particulièrement discriminants en termes d'attractivité des talents.
03:47 Le premier, c'est l'infrastructure des télécommunications et des échanges de données.
03:52 Les pays qui disposent d'une bande passante suffisamment large et économique en termes de coûts ont eu subitement un avantage supplémentaire par rapport aux autres.
04:03 La France, de ce point de vue-là, est bien classée.
04:05 Le deuxième élément, c'est la qualité de vie.
04:07 C'est-à-dire qu'à partir du moment où on peut contribuer à un projet, qu'on soit en Norvège, en Afrique du Sud ou au Canada, la qualité de vie devient un élément important.
04:17 La France, où est-ce qu'elle se situe dans ce classement ? Je rappelle que vous passez au Crible 134 pays.
04:22 134 pays cette année. La France, il y a trois ans, a fait son entrée dans le top 20 du classement.
04:29 Il y a trois ans seulement.
04:30 Il y a trois ans seulement. Elle n'était pas très loin auparavant. Elle naviguait entre la 20e et la 25e place, ce qui était tout à fait honorable.
04:37 Mais le top 20, ça a toujours été considéré dans l'indice comme la crème de la crème.
04:41 Et lorsqu'elle a fait son entrée, nous avons passé beaucoup de temps à expliquer aux médias et aux analystes qu'il fallait deux ou trois ans pour voir si ce classement était confirmé.
04:52 Les trois dernières années, la France est restée parmi ce top 20.
04:56 Enfin, elle est quand même 19e. Elle est tout en bas de ce top 20.
04:59 On est 19e ou on est 21e. On n'est pas. Donc, c'est une bonne nouvelle qui a été confirmée.
05:04 Et quels sont les atouts de la France ?
05:06 Les atouts de la France sont principalement dans le facteur production des talents.
05:11 La France est et a été depuis très longtemps un producteur de talents.
05:16 C'est dû à la qualité du système d'éducation. C'est dû aussi à un accroissement de la performance de la France en termes de formation permanente.
05:26 C'est quelque chose qu'on voit beaucoup à l'INSEAD.
05:28 Les entreprises qui payent pour envoyer leur cadre, leurs étoiles montantes, acquérir des capacités supplémentaires.
05:34 Et dernière question, les points faibles de la France. On parle souvent de la fiscalité, des mouvements sociaux.
05:39 Est-ce que c'est un cliché, un repoussoir réel ou un fantasme ?
05:42 C'est un élément qui est subjectif, mais on ne doit pas négliger le subjectif en économie.
05:48 Il a clairement un impact. Les talents souhaitent travailler dans un pays où la sécurité soit garantie,
05:56 où la stabilité, la prévisibilité en tout cas du système fiscal soit aussi un élément de leur environnement.
06:02 Et là encore, la France a des progrès à faire.
06:04 Et ce sont donc les points faibles aujourd'hui de la France selon votre classement des talents.
06:10 Ce sont des domaines dans lesquels on constate des améliorations dont on aimerait parfois qu'elles soient plus rapides.
06:15 Merci beaucoup Bruno Lanvin, co-auteur de l'indice mondial de la compétitivité des talents, chercheur et mérite associé à l'INSEAD.
06:23 Invité Echo de France Info ce soir.