Lundi 28 août 2023, SMART BOURSE reçoit Sophie Chauvellier (Gérante allocations d'actifs, Dorval AM) , Wilfrid Galand (Directeur stratégiste, Montpensier finance) et Véronique Riches-Flores (Économiste indépendante, RF Research)
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00:00 *Musique*
00:10 Ravi d'accueillir les trois premiers invités de Planète Marché pour le début de cette saison 4 de Smart Bourse sur Bsmart.
00:16 Véronique Richelieu reste avec nous, économiste et présidente de RF Research. Bonsoir Véronique.
00:20 Merci beaucoup d'être là. Parmi les fidèles du jour, Sophie Chauvelier, gérante allocataire chez Dorval Asset Management.
00:26 Bonsoir Sophie. Et Wilfried Galland, évidemment avec nous, présent en ce jour de rentrée. Bonsoir Wilfried.
00:32 Bonsoir Gervoir.
00:33 Vous êtes directeur stratégiste de Montpensier Finance. Oui c'est la question assez ouverte, la question à trous, à compléter de cette première émission de rentrée.
00:40 Sophie, l'événement de rentrée pour les marchés, l'événement clé pour les investisseurs, c'est bien sûr ?
00:47 C'est une excellente question. On a passé tout le mois d'août à attendre Jérôme Powell, honnêtement, avec surtout un marché qui a été rythmé par le marché obligataire.
00:59 Des tensions très très fortes, une repentification de la courbe aux Etats-Unis et qui a amené des prises de bénéfices assez notables sur les marchés d'action.
01:09 Et en fait, tout avait été anticipé en amont de Jackson Hole. Tant et si bien qu'au regard de l'absence de "mauvaise nouvelle" de Jackson Hole,
01:21 puisque on comprend bien effectivement qu'on arrive au bout de la séquence de resserrement des taux, même si on est dans le fine tuning, on est vraiment en train de finir ce pilotage.
01:32 Donc le marché respire un peu, reprend un petit peu de hauteur après avoir quand même beaucoup stressé dans le sillage des marchés obligataires.
01:42 Bon. Donc d'une certaine manière, Jackson Hole, Jérôme Powell en tout cas, est plutôt un non-événement du point de vue des marchés au regard de ce qui a été anticipé au cours de l'été.
01:53 C'était un très très grand événement, mais toujours anticipé. Et voilà. Et maintenant, effectivement, comme la Fed a bien indiqué qu'elle était data-dependent,
02:01 on va vivre dans le rythme du marché de l'emploi aux Etats-Unis, puisque s'il y a surchauffe aux Etats-Unis, c'est toujours sur le marché de l'emploi.
02:08 Donc ça va être cette année, on a la publication des chiffres du mois d'août, et c'est ça qui va maintenant "rythmer" le marché, en tout cas au niveau top-down en provenance des Etats-Unis.
02:20 Bon, puisque Jackson Hole donne traditionnellement le coup d'envoi de la rentrée des banques centrales, parlons-en Wilfried.
02:27 Une douzaine de minutes de discours pour Jérôme Powell, qui avait besoin d'envoyer effectivement une petite carte postale aux investisseurs.
02:35 J'ai le sentiment qu'à côté de Jérôme Powell, c'est peut-être le discours de Christine Lagarde, qui pour une fois était un peu plus riche, un peu plus dense, un peu plus fourni, on va dire, en éléments structurants pour la suite.
02:48 On est complètement d'accord. Jérôme Powell, lui, il a été véritablement dans la pure continuité de ce qu'il avait dit jusqu'à présent, et son objectif c'était en fait gérer les risques.
02:59 Je gère le risque, et donc j'en dis le moins possible, tout en terminant quand même par sa phrase fétiche "We have to keep a tit", puisque "keep a tit" c'est le titre des mémoires de Paul Volcker.
03:13 C'est comme ça que Jérôme Powell se définit en étant l'héritier de Paul Volcker. Il reprend à chaque fois ce titre des mémoires de Paul Volcker.
03:21 Mais effectivement derrière, on avait, puisque lui faisait l'ouverture, il y a fait effectivement 12 minutes, alors c'est mieux que l'an dernier, l'an dernier il avait 8.
03:28 8 minutes avec une violence assez incroyable où il nous avait dit "j'utiliserai avec toute la force nécessaire tous les outils que j'ai à ma disposition, y compris au prix d'un ralentissement économique".
03:41 - Et l'an dernier c'était du sang et des larmes. - Exactement. - Il n'y a pas de moyen sans douleur d'arriver à notre objectif.
03:47 - Exactement. Et donc c'était -3,5% sur les marchés directement. Là effectivement on a vu, c'était un non-événement.
03:54 En revanche, derrière, ce qui a été intéressant, pas tellement d'un point de vue marché immédiat, mais c'était l'analyse de Christine Lagarde qui s'est remise finalement dans ses pas de directrice du FMI.
04:05 Où en fait elle a pris du recul en analysant les structures de l'économie d'aujourd'hui et leurs impacts sur la politique monétaire.
04:14 Et moi ce que j'ai trouvé très intéressant c'est que sa conclusion c'est en fait l'impact aujourd'hui des changements, puisque son discours c'était "shift and break", donc en fait rupture...
04:25 - Changement de structuration du marché du travail, les effets climatiques, les transitions qui vont apporter des changements...
04:31 - Tout est autour de l'offre. Et donc sa conclusion c'était "c'est l'offre aujourd'hui qui va piloter l'économie mondiale".
04:37 Et donc dans ce contexte là, il est important de raisonner non pas classiquement comme on le faisait en analysant un certain nombre de données de demande,
04:44 mais en analysant effectivement un certain nombre de scénarios qui nous permettront au fur et à mesure de nous adapter.
04:50 Et ça j'ai trouvé ça très intéressant parce que son analyse sur l'offre c'était pas uniquement une analyse sur l'offre de biens, c'est effectivement, comme vous le soulignez justement,
04:57 une analyse sur l'offre de travail, une analyse sur l'offre de financement, tous les murs qu'on avait devant nous.
05:01 Et ça effectivement c'est très intéressant, mais ça pose également la question, et c'est ça tout le paradoxe, d'une économie qui est pilotée par l'offre,
05:07 quand vous n'avez que les taux d'intérêt à votre disposition, c'est pas nécessairement là où vous avez nécessairement l'impact le plus important.
05:13 Et donc finalement en faisant ce diagnostic, d'une certaine manière elle se mettait en retrait.
05:17 - Encore une manière de nous dire "les taux d'intérêt c'est bien, on va peut-être en faire encore, mais c'est pas l'arme qui permettra de piloter ce nouveau régime économique".
05:26 - Non, ce n'est pas nous qui allons piloter ce nouveau régime, n'attendez plus des banques centrales le fait que, comme toujours,
05:32 nous faisions justement ce fine-tuning parfaitement adapté, on sera dans un mode de gestion de scénario, elle a utilisé ce terme, un "scénario based analysis".
05:41 Et ça effectivement, pour l'avenir, c'est intéressant, avec évidemment le bémol de "on sait très bien qu'au fur et à mesure des données,
05:47 les grandes leçons stratégiques sont probablement oubliées assez rapidement".
05:50 Mais voilà, j'ai trouvé ça intéressant cette approche de politique de l'offre, et du fait qu'elle retrouve cette analyse un peu avec une hauteur de vue
05:58 qui apporte effectivement beaucoup de choses, beaucoup plus que le discours de Jerome Powell.
06:02 - Pyrrhonique, qu'est-ce que vous retenez de ces discours de rentrée pour les grands banquiers centraux,
06:07 qu'on peut mettre en parallèle aussi peut-être de l'analyse un peu conjoncturelle que vous faites à l'issue des deux mois d'été, juillet-août, qui nous amènent jusqu'à aujourd'hui ?
06:16 - Alors, pour revenir à la question initiale...
06:18 - Oui, bien sûr, merci !
06:20 - Jérôme Powell ou NVIDIA ? - Jackson Hole, NVIDIA...
06:22 - Qui a le plus d'influence sur les marchés aujourd'hui ?
06:24 - Alors, je pense que c'est très clair, du côté des gens et des analystes, c'est quand même Jackson Hole, du côté des marchés.
06:30 Pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Jackson Hole, Jérôme Powell...
06:35 - Rien à dire.
06:36 - Pas donné de guidance. Un petit peu sévère ou, voilà, prudent, en même temps pas outrancier,
06:44 et certainement pas nous agiter le spectre d'une hausse des taux en septembre.
06:48 Ça a suffi au marché, au Nasdaq en particulier, pour aller dans le sens du vent.
06:53 Et ça, je pense que ça révèle une situation qui est assez... qui me semble, pour beaucoup d'analystes, assez inconfortable.
06:59 Ça monte, ça monte. S'il n'y a rien pour stopper, ça monte. S'il n'y a pas de news, ça monte.
07:04 Un peu comme aujourd'hui. Et je pense que c'est encore le reflet d'une liquidité très abondante,
07:09 qui fait partie de cette équation, et des difficultés qu'on peut avoir aujourd'hui à cerner la réalité conjoncturelle.
07:16 On a l'impression d'être en lévitation, ce qu'on disait tout à l'heure.
07:19 Et toute la question étant de savoir quel point de lévitation,
07:24 et si à un moment donné, il y a quelque chose qui peut rattraper la chose, enfin rattraper le mouvement.
07:29 Et alors, nous, ce qu'on observe, quand même, du côté américain, ça tient.
07:35 Le troisième trimestre sera sans doute extrêmement vigoureux.
07:39 Au-dessus du potentiel, toujours ? L'économie américaine au-dessus du potentiel ?
07:42 Oui, au-dessus du potentiel. On a vu cet été les estimations de la Banque d'Atlanta.
07:47 À un moment donné, on était quasiment à 6%.
07:49 C'est l'estimation au vu du flux de données. Donc ça peut aussi se retourner assez vite.
07:54 Et en l'occurrence, il y a un événement, et ça c'est intéressant, c'est un tout petit trop tôt, un peu trop tôt pour être certain.
08:01 Mais le rebond des commandes généralisés en Allemagne, aux États-Unis, c'est quoi ?
08:07 C'est un salon international de l'aéronautique.
08:11 Et donc on est face à des phénomènes comme ceux-là, qui viennent absolument tout bousculer potentiellement,
08:18 qui font croire momentanément à quelque chose de nouveau.
08:22 Donc ça bouscule, ça bouscule le marché des taux, ça bouscule l'esprit des économistes aussi.
08:27 Et puis le mois d'après, ça retombe. Donc il ne se passe pas grand-chose.
08:31 Les derniers indicateurs, une fois ceux-là et ces distorsions analysées, les derniers indicateurs en zone euro ne sont pas bons.
08:39 Ils ne sont pas bons du tout, et il faut quand même le souligner.
08:42 Notamment ce qu'on constate, un, les grandes déceptions du côté tertiaire, ça ne tient pas.
08:47 C'était prévu, prévisible, peut-être pas aussi rapidement que dès le début de l'été.
08:53 Oui, on peut imaginer que la saison touristique, il y avait encore peut-être des phénomènes de rattrapage, de stock d'épargne qui permettait de...
09:00 Et ça n'a pas été le cas, dans les enquêtes en tout cas, ce n'est pas ce qu'on retrouve aujourd'hui.
09:03 Dans les enquêtes, ce n'est pas le cas. Et ces enquêtes nous disent, elles avaient commencé à se retourner un petit peu en début d'été,
09:09 les perspectives d'emploi se détériorent. Et ça va vite. Et ça va vite.
09:13 Et ça, c'est le changement de décor quand même, qui pourrait marquer les choses dans les prochains mois,
09:18 parce qu'on a quand même été porté, effectivement, par ce rattrapage, et au-delà d'ailleurs en zone euro, du marché de l'emploi.
09:24 Et là, ça commence à faire mal. Et probablement que compte tenu des pertes de productivité, des créations d'emploi,
09:32 qui ont été très supérieures à la croissance de l'économie, on a une marge là, effectivement, pour quelque chose d'assez désagréable.
09:39 Donc, ça, c'est à surveiller de près. Probablement que Mme Lagarde et la BCE vont également regarder de près.
09:45 Manifestement, la construction n'est pas tout à fait étrangère à ce phénomène-là et devrait contribuer encore.
09:52 Donc, on n'est quand même pas aussi confortable, malgré un environnement qui donne le sentiment de ne pas changer beaucoup.
10:02 Il y a quelque chose de l'ordre du trompe-l'œil, vous dites un peu.
10:04 Oui, oui, tout à fait. Et puis, il y a en sous-jacent quand même des choses qui se trame, qui ne sont pas dans le bon sens.
10:11 C'est vrai que Sophie, on a vécu depuis les premières hausses de taux.
10:15 Alors, c'est mars 2022 pour la Fed, juin 2022 pour la Banque centrale européenne, avec une vitesse, une intensité qu'on a décrite,
10:22 évidemment, comme étant historique depuis des générations au moins.
10:26 Il y a toujours eu ce sentiment de "so far, so good".
10:29 C'est-à-dire qu'il y a eu beaucoup d'anxiété au moment du déclenchement du lift-off, etc.
10:34 Et puis, au fur et à mesure des hausses de taux, on s'apercevait que l'économie n'est peut-être pas dans une forme mirobolante extraordinaire.
10:41 Ce ne sont peut-être pas les 30 glorieuses.
10:43 Mais ce n'était pas non plus la catastrophe qu'on pouvait légitimement peut-être anticiper ou avoir dans certains cas, dans ces scénarios.
10:52 Est-ce que cette réflexion-là ou est-ce que cette logique-là, elle arrive au bout ?
10:56 Est-ce que la question des délais de transmission, qui est un sujet de discussion académique, même chez les banquiers centraux aujourd'hui,
11:02 est-ce qu'elle laisse imaginer qu'après tant de hausses de taux cumulées, il y a un moment où la douleur va être maximale
11:10 et qu'on n'est pas encore à ce moment-là pour l'économie réelle et pour nos économies en Europe et aux États-Unis ?
11:16 Alors, il y a deux constats.
11:18 Le constat que vous faisiez, Véronique, c'est que la situation n'est pas la même en Europe qu'aux États-Unis.
11:23 On a une dégradation en Europe qui vient bien entendu du manufacturier.
11:27 Mais ça, on l'avait bien. C'était bien flagué par les PMI.
11:31 Mais je pense que ce qui a déçu surtout, c'est la consommation.
11:34 La consommation n'a pas du tout rattrapé sa trajectoire de départ, contrairement aux États-Unis.
11:40 Donc on n'est pas dans la même logique.
11:43 Après, sur cette question du resserrement des conditions financières,
11:46 je pense qu'il y a quelque chose qu'on n'avait pas bien compris au début et qu'on a effectivement compris au fur et à mesure que ça progressait.
11:52 C'était le point de départ.
11:53 On est parti de moins de zéro.
11:55 Et donc, finalement, on arrive à des niveaux taux qui sont, si on fait juste un pas en arrière,
12:03 c'est-à-dire qu'on recule, on revient dans la décennie des années 2000, c'est normal.
12:09 Donc, en fait, on n'est pas non plus sur des niveaux taux anormaux.
12:12 On est parti de niveaux taux anormaux.
12:14 Et je pense que ça explique beaucoup de la résilience de l'économie dans ce mouvement-là.
12:18 Et la question que vous me posez, je pense qu'on pourra probablement y répondre l'année prochaine,
12:23 quand on va voir quel est l'impact réel sur les entreprises et sur l'activité en général du refinancement.
12:29 Parce qu'en fait, aujourd'hui, on ne le voit pas.
12:31 On ne le voit pas parce que la plupart des entreprises, en tout cas les entreprises cotées, les grandes entreprises,
12:35 se sont refinancées sur les marchés de capitaux au meilleur taux possible dans les quelques années qui précèdent.
12:43 Elles avaient refinancé à des taux incroyablement attractifs, proches de zéro ou en dessous de zéro,
12:48 en fonction de la taille des entreprises, avec des horizons de trois ans, cinq ans, etc.
12:53 Ça veut dire que ces gens-là, ils vont commencer à arriver sur le marché du refinancement en 2024 et surtout en 2025.
13:01 Donc ça crée effectivement un effet de décalage important et qui va commencer à se matérialiser un petit peu l'année prochaine et encore plus l'année d'après.
13:11 Donc on est dans un environnement finalement où la demande reste bonne, même si elle ralentit en Europe.
13:16 On n'est pas non plus en récession, on est proche de zéro, ce n'est pas très enthousiasmant, mais ça va.
13:21 On est très fort encore aux États-Unis. Il faut voir, l'activité réaccélère.
13:24 C'est d'ailleurs la seule chose qui finalement dérange quelque part les banques.
13:27 Enfin, Jérôme Powell, il a cette impression un petit peu de réaccélération.
13:32 Donc on n'a pas… C'est difficile d'imaginer un scénario très noir parce qu'on n'a pas encore l'effet de bascule.
13:40 On n'a pas de mur de refinancement très concret, très important.
13:44 Alors après, il y a des pans du financement qui sont moins transparents.
13:49 Tout ce qui a été fait dans le domaine du private equity, de la finance leveraged, etc.
13:55 Là, il y a un petit peu plus d'incertitude.
13:58 L'immobilier, on en a parlé, c'est un sujet un petit peu plus tendu.
14:03 Mais il n'y a pas de gros effets de bascule. Il n'y a pas de…
14:08 Il n'y a pas de bascule généralisée. Les anglo-saxons…
14:10 Les publics aussi.
14:11 Ah ben bien sûr.
14:12 Alors moi, en Europe, pour le coup, ça c'est pareil.
14:14 C'est-à-dire qu'aux États-Unis, on a 6,5 à 7 % de déficit.
14:18 Et puis là, en Europe, on commence à essayer de tirer de tous les côtés alors qu'on n'a rien.
14:21 On annonce. Mais en Europe, ce que fait l'Allemagne est juste phénoménal.
14:25 Ils en ont besoin. Ils ont toutes les bonnes raisons de le faire.
14:28 Et en plus, ils ont encore, disons, la latitude.
14:31 Un peu de crédit.
14:32 Voilà. Mais c'est colossal.
14:35 Et on a toujours du mal à estimer la part exacte de l'activité, du soutien des politiques publiques dans l'activité.
14:44 Mais on sent que ça tient.
14:47 Enfin, nous, les estimations qu'on a faites, elles sont quand même…
14:50 Aux États-Unis, j'ai en tête un graphique sur les dépenses de construction industrielle,
14:54 qui datent de trois mois, mais qui sont verticales, liées aux politiques publiques, à l'IRA, etc.
15:00 C'est-à-dire qu'il y a un effet d'entraînement qui est déjà matériel dans la construction industrielle, de sites industriels, en l'occurrence.
15:08 C'est peut-être d'ailleurs un des risques majeurs.
15:10 Si les politiques publiques font ce qu'elles annoncent en Europe, c'est-à-dire on serre la vis en 2024,
15:17 alors là, moi, je pars en courant.
15:20 Parce qu'effectivement, on n'a plus que ça qui tient la chose, et de manière assez magistrale.
15:24 Et pour l'instant, les officiels nous disent qu'on va resserrer.
15:29 Alors, on est tenté de prendre nos distances, compte tenu de tout un tas du contexte actuel, etc.
15:36 On y croit pas. Les annonces de l'Allemagne toutes récentes vont plutôt, d'ailleurs, dans le sens opposé.
15:42 Mais attention, attention là, à ce qui n'est pas effectivement un resserrement des politiques budgétaires,
15:47 parce que finalement, ça finira véritablement mal.
15:51 Donc voilà, on tient comme ça.
15:53 Il ne faut pas qu'on fasse 2011, quoi, en Europe.
15:55 Ah non, clairement pas.
15:56 Il y a l'idée un peu de cette récession tournante.
15:59 Les anglo-saxons disent "rolling recession".
16:01 C'est d'un secteur à l'autre.
16:03 Alors oui, le manufacturier de l'industrie, et puis l'immobilier.
16:05 Mais on voit bien que sous certaines mesures, l'immobilier américain a baissé beaucoup,
16:10 mais qu'il y a déjà des indicateurs de confiance, de mise en chantier, qui repartent.
16:16 Et donc, on passe à un autre secteur.
16:18 Et peut-être que maintenant, c'est le secteur de la consommation qui va être attaqué.
16:21 Consommation alimentaire, et peut-être demain, les dépenses d'homé...
16:23 On a l'impression d'un peu le Mystic Reef, quoi.
16:26 La carte tourne, mais en même temps, le château ne s'effondre pas.
16:29 En fait, pour reprendre le raisonnement de Véronique, que je trouve excellent,
16:33 on a un sujet en ce moment, en particulier aux Etats-Unis, là aussi un peu en Europe,
16:39 qui est le sujet d'évaluer l'impact du creusement,
16:44 ce n'est pas des déficits publics, mais du creusement des déficits publics,
16:48 sur le momentum économique.
16:50 Et en fait, ce dont on se rend compte, c'est que depuis un an, aux Etats-Unis,
16:54 on a creusé de nouveau les déficits publics.
16:57 C'est-à-dire qu'entre 2021 et 2022, on avait restreint les déficits publics.
17:01 Depuis juillet 2022, en gros, on a eu, en déficit primaire,
17:05 hors paiement de la dette, on a eu à peu près entre 4,5 et 5 points de PIB de plus,
17:11 réinjectés dans l'économie.
17:13 Et donc, en fait, effectivement, cette réinjection,
17:16 elle a été faite largement dans des subventions pour l'infrastructure.
17:21 Ce qu'on voit, c'est que le moteur précédent, effectivement,
17:23 le moteur de la consommation, qui était largement alimenté
17:25 par l'épargne accumulée pendant le Covid,
17:29 il est en train de s'éteindre gentiment, parce qu'on avait,
17:32 selon les estimations, on avait à peu près 1 800 milliards de dollars
17:35 d'épargne accumulée, et aujourd'hui, on est à peu près,
17:38 selon les estimations, entre 200 et 250 milliards qui resteraient,
17:41 et essentiellement... - L'épargne excédentaire.
17:43 - L'épargne excédentaire, et essentiellement,
17:45 chez les classes les plus riches, et donc,
17:47 qui sont les moins sensibles à cet excédent d'épargne.
17:50 Et donc, effectivement, on a... - Un passage de relais.
17:53 - On a ce relais qui arrive, mais même aux Etats-Unis,
17:56 on va arriver dans une année fiscale où le creusement des déficits
18:00 va s'arrêter, parce que le Congrès des Etats-Unis,
18:03 dans cette année électorale, ne va plus autoriser le fait
18:06 de creuser encore plus ces déficits publics.
18:08 Donc, aux Etats-Unis, ça, ça va s'arrêter.
18:10 Et effectivement, la crainte, là, je partage totalement
18:13 ce qui vient d'être dit, la crainte en Europe,
18:15 c'est qu'on refasse la même erreur que 2011,
18:17 c'est-à-dire que dès qu'on est sortis du cœur des ennuis,
18:20 deux ans après, comme par hasard, juste après le Covid,
18:22 c'est un peu pareil, dès qu'on est sortis du cœur des ennuis,
18:24 tout de suite, allez, hop, on revient à l'orthodoxie budgétaire,
18:27 on met un tour de vie fiscale, et surtout,
18:29 il faut revenir à nos fameux 3% de déficit.
18:31 Et effectivement, on pourrait avoir un impact sur l'activité
18:35 qui serait relativement faible.
18:36 Alors, je mets énormément de bémol là-dessus,
18:38 parce qu'effectivement, comme le souligne Sophie,
18:41 en fait, on a le sujet des délais avec lesquels tout se met en place,
18:46 mais effectivement, on a des éléments qui sont
18:49 relativement inquiétants sur 2024,
18:52 sauf à avoir, effectivement, soit un pivot des banques centrales
18:54 beaucoup plus rapide que ce qu'elles nous disent,
18:56 aujourd'hui, elles nous disent, vous allez attendre
18:58 plusieurs trimestres avant que je baisse les taux.
19:00 Historiquement, ce n'est pas le cas.
19:01 Historiquement, dès que la née fiscale n'est pas bonne,
19:05 dès que la conjoncture est faible, quelques mois après,
19:09 très très vite, les banques centrales...
19:11 C'est un peu asymétrique de ce point de vue-là.
19:13 Voilà, exactement.
19:14 Pour soutenir l'économie, on peut baisser très vite, très fort les taux.
19:16 Si effectivement, en Europe, on arrête de parler
19:18 de restrictions fiscales trop fortes,
19:21 et on suit un peu les Allemands,
19:22 si, il y a encore des possibilités de s'en sortir.
19:24 Mais là, aujourd'hui, c'est vrai que le momentum,
19:26 il n'est pas excellent, donc il faut être un peu prudent là-dessus.
19:29 Qu'est-ce qui amènerait les banques centrales à baisser les taux
19:31 à ce stade, une fois qu'on a fait ce...
19:33 Sophie, non mais, c'est quand même la question.
19:35 Parce qu'évidemment, elles nous disent,
19:36 elles ne peuvent pas nous dire autre chose à ce stade, j'imagine.
19:39 Mais c'est le...
19:40 La récession se déclenche.
19:42 Si la récession se déclenche,
19:43 aujourd'hui, on a une vraie récession,
19:45 enfin, on a une baisse très très forte
19:47 du moteur d'activité chinois.
19:49 Donc si, effectivement, on a tout le reste qui commence à tomber,
19:52 à un moment, comme vous voyez...
19:54 Ce qu'on a vu en Allemagne, par exemple,
19:55 ça ne suffit pas à ramener la BCE à quelque chose de moins dur.
19:59 Non, parce qu'il n'y a pas d'entraînement.
20:02 C'est pas minéral.
20:03 C'est pas endogène.
20:04 C'est pas une relance de la consommation.
20:05 C'est un trou d'air et puis...
20:06 C'est endogène, mais ça ne s'alimente pas.
20:09 Ce n'est pas...
20:10 D'accord.
20:11 Il n'y a pas d'accélération à la baisse.
20:12 Il n'y a pas d'effet multiplicateur.
20:13 Exactement.
20:14 Il n'y a pas le fameux effet multiplicateur de notre enfance.
20:17 Enfin bon.
20:18 Baisse de taux, c'est un sujet pour 2024 quand même ou pas, Sophie ?
20:21 Baisse de taux.
20:23 Fin 2025.
20:24 Voilà, ça dépend, ça dépend, effectivement.
20:27 Il faut forcer à imaginer que ce sera toujours un peu plus tard
20:31 que ce qu'on espère.
20:32 Probablement plus tard.
20:33 Qu'est-ce qui pourrait intervenir à un moment ?
20:36 On a quand même eu des chocs financiers saignants.
20:38 On a eu le choc britannique, les fonds de pension.
20:41 Oui, bien sûr.
20:42 On a eu S&P.
20:43 Mais dans un contexte d'activité qui était toujours assez soutenu.
20:46 Là, si on se prend un autre choc financier dans un contexte d'activité dégradée,
20:49 bon, ben voilà, ce sera la recette.
20:51 Les crises, comme en Suisse et en Europe.
20:53 Voilà, ce sera la recette pour effectivement une...
20:55 Et ça, c'est le genre de risque qui est toujours dans les cartes et dans les rabats.
20:57 Ah, mais qu'il reste...
20:58 Oui, oui.
20:59 Les FTE, les FTX, les LDI, SVB, crédit suivre...
21:02 Tout à fait.
21:03 Et je ne mentionnais pas le private equity par hasard.
21:05 C'est-à-dire qu'il y a des pans de l'économie qui sont moins transparents
21:08 et où il peut y avoir effectivement des sujets qui peuvent émerger.
21:11 Il n'y a pas eu de SVB moment du private equity encore aujourd'hui dans les marchés privés,
21:16 dans les actifs privés ?
21:17 Non, non, non, non.
21:18 Le refinancement, il n'a pas encore eu lieu.
21:19 Il y a eu des ratés, mais c'était très ordonné.
21:22 Pour l'instant, très, très ordonné, très limité en termes de taille.
21:26 Donc, non, il n'y a pas eu de moment de ce niveau, mais il y a des stress.
21:30 On le voit bien, on le voit même dans les produits d'épargne en France
21:34 qui sont attachés à l'immobilier.
21:35 Il y a eu quand même des baisses...
21:37 Ah, ben, on a marqué de la grande baisse.
21:39 Assettables, qui n'étaient inimaginables, entre guillemets.
21:43 Où on nous disait, non, non, ça ne naîtra jamais.
21:46 Vous ne vous rendez pas compte.
21:48 L'immobilier, ça ne baisse jamais.
21:49 Oui, je crois que toute une génération n'a jamais vu de baisse de l'immobilier en Europe.
21:54 Oui, je crois que la précédente baisse était en 1995.
21:57 Oui, c'est ça.
21:58 Une bonne génération.
21:59 Donc...
22:00 Qu'est-ce qu'on peut dire de la Chine en cette rentrée aussi ?
22:03 Alors, l'actualité immédiate du jour, c'est une nouvelle série d'annonces,
22:07 il y en a régulièrement, mais qui vise là directement le soutien au marché boursier, cette fois, Sophie.
22:13 Oui, alors la Chine, ça déçoit.
22:15 Il faut être clair.
22:17 Ça a commencé à décevoir à partir du printemps.
22:20 Les fers et ouvertures ont fait long feu.
22:24 La consommation a ralenti aussi rapidement qu'elle avait accéléré.
22:30 Parce que, en fait, la Chine est en plein choc immobilier,
22:34 mais un choc de grande ampleur, comparable, et souvent comparé,
22:37 même s'il y a des divergences avec le choc qu'a connu le Japon dans les années 90.
22:41 Donc, voilà, on est dans ce spectre-là.
22:45 Donc, le gouvernement annonce des actions, mais qui, pour l'instant, sont modérées, très, très modérées.
22:53 Le Politburo, du mois de juillet, avait amené à imaginer peut-être une action un petit peu plus forte.
23:00 Et puis, finalement, derrière, il n'y a rien eu.
23:02 Il y a eu une légère baisse de taux.
23:03 Il y a eu quelques plans de soutien, à droite, à gauche.
23:06 Et puis là, l'annonce du jour, c'était "Vous êtes un grand fonds de pension chinois, ne vendez pas vos actions, soyez patriote".
23:12 Donc, voilà. Mais ça ne suffit pas.
23:14 Ils ont baissé la taxe sur les transactions de trading, sur le trading aussi.
23:18 Évidemment, ça ne suffit pas parce que...
23:21 On en arrive à un point, moi, quand je pense à la Chine, j'en arrive à me dire,
23:25 je ne sais même pas si je remettrai vraiment de l'argent un jour en Chine.
23:27 Autant que ce que vous avez pu avoir comme conviction dans le passé, en tout cas.
23:30 Voilà, mais même tout court.
23:32 En fait, il y a déjà... Ces dernières années, s'est développé une forme de caractère ininvestissable.
23:38 Finalement, c'est quoi la différence entre la Chine et la Russie ?
23:41 Bon, voilà. Il y a une question qui s'est développée sous la pulsion des tensions entre la Chine et les Etats-Unis,
23:49 mais qui a mis en lumière un certain nombre de problèmes.
23:52 La crise immobilière chinoise.
23:54 Alors, si on fait un parallèle avec la crise immobilière japonaise, il y a eu des périodes de rebonds de marché au Japon, mais il ne fallait pas se rater.
24:00 Il ne fallait pas se rater parce que la performance moyenne du marché japonais sur les deux décennies qui ont suivi, c'était -5% par an.
24:07 Donc, si on n'est pas au bon endroit au bon moment, voilà.
24:10 Donc, il y a tous ces phénomènes. Il y a des problèmes de gouvernance.
24:13 Il y a les problèmes de tensions entre la Chine et les Etats-Unis qui ne vont pas se résoudre facilement
24:18 parce qu'on sait bien que c'est un problème d'hégémonie technologique d'une autre nature.
24:23 Il y a ce problème de désendettement qui va peser beaucoup sur la croissance chinoise.
24:30 Donc, il faudrait qu'il y ait une annonce très, très, très notable pour que le marché soit porté à nouveau.
24:38 Et moi, j'aurais tendance à penser que le retour des investisseurs internationaux serait principalement spéculatif.
24:44 On a vu les annonces du jour. Ça a fait bondir effectivement les marchés chinois sur la nouvelle.
24:49 Mais derrière, ça s'épuise très, très vite. On ne sent pas que ce soit un mouvement...
24:53 Là, il n'y a pas de relais, non ?
24:54 Il y a de la place pour un rebond, mais il n'y a pas de place pour se réinvestir dans la durée.
24:59 C'est difficile hors de Chine. Quand on est chinois, c'est différent.
25:02 Quel est le niveau de déception qu'on a sur la Chine aujourd'hui ? Alors, Wilfried, sur la Chine ?
25:06 Moi, je pense que la Chine, c'est le point noir de l'économie mondiale.
25:11 Ce qui me frappe énormément, je suis totalement d'accord avec l'analyse faite sur le marché immobilier,
25:16 c'est qu'en plus de ça, on voit se développer une vraie perte de confiance des acteurs économiques privés.
25:23 Quand vous regardez, par exemple, le montant des investissements sur le premier semestre,
25:28 les investissements des entreprises d'État, c'est +8 %, les investissements des entreprises privées, c'est -0,5.
25:34 Et en fait, ce qu'on voit, et je passe les chiffres catastrophiques de l'immobilier,
25:40 ce qu'on voit véritablement, c'est qu'on a un problème aujourd'hui, effectivement, d'entraînement et de confiance dans l'économie chinoise,
25:47 y compris des acteurs chinois, des acteurs privés, qui fait qu'on n'arrive pas à casser ce cercle-là.
25:55 Historiquement, la Chine, quand je dis historiquement, c'est il n'y a pas très longtemps, dans les années 2010,
26:00 pour relancer, il y avait trois méthodes. Il y avait d'abord, je baisse les conditions d'accès au crédit,
26:06 ensuite, je construis des infrastructures, n'importe quoi, mais je construis des infrastructures,
26:10 et enfin, j'incite à construire dans l'immobilier. C'était ces trois éléments-là.
26:14 Et en fait, aujourd'hui, on a une approche qui n'est plus du tout économique de la part des autorités chinoises,
26:19 ce qui est uniquement politique. Et donc, la question, c'est est-ce que je construis une économie souveraine ?
26:24 Ce n'est plus du tout la croissance. Et moi, ce qui me frappe énormément dans les dernières mesures,
26:29 c'est que la Chine a relevé plusieurs fois son point pivot sur le taux de change du bal. Pourquoi ?
26:36 Et ça, je reprends des calculs de The Economist, il y a quelques semaines. En fait, quand on regardait en 2021,
26:41 le PIB nominal chinois... – Donc une des devises qu'elle puisse baisser,
26:44 une des grandes devises émergentes qu'elle puisse baisser, face au dollar 7.
26:47 – Quand on regardait le PIB nominal chinois en 2021, il représentait 76% du PIB nominal américain.
26:53 Aujourd'hui, quand on prolonge la trajectoire, fin 2023, donc en deux ans, on aura plus 76% du PIB nominal américain,
27:00 mais 67% du PIB nominal américain, parce que baisse de la devise, parce que baisse de l'inflation et baisse de la croissance.
27:07 Et ça, pour les Chinois, c'est absolument inacceptable, parce que ça remet totalement en cause l'objectif
27:14 première puissance mondiale en 2049. Et donc, on a l'impression que tout est fait pour des effets d'affichage,
27:20 d'où, par exemple, le fait de... On ne publie plus les statistiques sur le chômage des jeunes.
27:24 Oui, parce que c'est trop mauvais, donc on ne les publie plus.
27:27 – On n'a jamais publié aussi peu de statistiques en Chine que sous Jinping.
27:30 – Exactement. Et puis derrière, effectivement, on dit... La grosse mesure, c'est qu'on interdit la vente des actions par les fonds chinois.
27:39 Mais tout ceci ne combat pas les maux structurels de l'économie chinoise, qui sont effectivement,
27:44 si on n'y prend pas garde, de rentrer dans un vrai phénomène déflationniste.
27:48 On n'en est pas encore là, mais on n'est pas très loin. Et donc, tant qu'on n'en est pas là,
27:51 et qu'on ne remet pas de la confiance, et peut-être, osons le gros mot chinois,
27:55 de l'état de droit dans cette économie pour les investisseurs internationaux, ce sera quand même très compliqué.
28:01 – Il y a quand même des parties, alors peut-être, et sans doute pour des questions politiques, de souveraineté,
28:05 il y a quand même des parties de l'économie chinoise qui sont soutenues et qui sont préservées.
28:10 La transition énergétique, l'automobile électrique, il y a quand même des secteurs,
28:14 qui ne sont pas des petits secteurs, qui profitent quand même d'un boom soutenu par le politique,
28:21 mais d'un boom quand même qui est réel aujourd'hui, Véronique.
28:24 – Oui, et qui va continuer, et qui va continuer à être mis en évidence,
28:30 parce qu'il faut camoufler la misère derrière.
28:33 Moi, il y a longtemps que j'ai fait mon deuil sur les perspectives chinoises.
28:39 La Chine, peut-être que je l'ai entendue dire par quelqu'un d'autre, mais peu importe,
28:46 est vieille avant que d'être.
28:49 La Chine vieillit à une rapidité phénoménale qui est plus rapide
28:53 que ce qu'on a comme perspective pour l'Europe dans sa globalité.
28:57 Ça c'est un phénomène qui veut dire quoi ?
28:59 – Ça sera vieille avant d'être riche.
29:00 – Oui, et qui veut dire qu'à cet âge-là, avec l'âge médian actuel en Chine,
29:05 on ne prend plus de risques, on prend beaucoup moins de risques qu'il y a 20 ans.
29:09 On ne va pas aller investir là où c'est risqué, c'est d'ailleurs notre problème aussi.
29:13 Mais nous, on a des politiques publiques qui ont été tellement absentes
29:16 qu'on a une force de rattrapage, donc bon, pour l'instant, ça tient à peu près.
29:20 En Chine, s'ils capitulent et qu'ils ne deviennent plus politiques,
29:23 c'est peut-être aussi parce que ça fait 5-6 ans qu'ils font plan de relance sur plan de relance,
29:28 et que la machine ne prend pas, et que ça ne prend pas.
29:32 Donc, le grand danger, me semble-t-il, de cette situation, face à une dictature,
29:39 au régime chinois, l'ambition politique de ce régime, il est géopolitique.
29:45 Et la bascule géopolitique, donc bascule politique de la politique économique du gouvernement,
29:54 pour moi, elle correspond précisément à cette espèce de fuite en avant,
29:58 de prise de conscience que du côté fondamental, l'économie chinoise a fait ce qu'elle pouvait faire
30:06 et qu'elle ne fera pas beaucoup mieux.
30:08 Au mieux, elle arrivera à gérer une crise de surendettement, plus ou moins bien,
30:12 mais du dernier chiffre, on est en déflation, le déflateur du carbone est négatif.
30:15 C'est la question qu'on posait au début de l'été, avant la pause estivale dans l'émission.
30:19 Et je pense que le grand danger, c'est précisément que la Chine
30:24 essaye de se récupérer à l'extérieur de ses frontières.
30:27 Ça avait commencé avec les routes de la soie qui ont été un échec.
30:30 Là, on tente de bricoler des briques plus, etc. pour époustoufler le reste du monde.
30:37 Moi, ça me paraît complètement artificiel et manipulé.
30:44 Et je crains, en réalité, le prochain pas à l'extérieur, géopolitique, comme un affrontement.
30:54 Parce qu'effectivement, c'est ce type de réunion, un peu à la Russie, à la Russie,
30:58 où on n'accepte pas la défaite économique structurelle.
31:02 Je parle sous votre contrôle, sans faire de la politique chinoise,
31:05 mais avec un parti politique en Chine qui recrute de moins en moins,
31:09 j'aimerais bien savoir quel est le taux d'encartement chez les jeunes chinois au PCC.
31:14 Mais je crois que c'est un parti qui a énormément de mal à recruter de nouveaux adhérents aujourd'hui.
31:19 Est-ce qu'il a besoin de le faire ? J'en sais un.
31:21 Il y a peut-être aussi l'idée qu'il y a une nouvelle génération qui arrive en Chine,
31:25 qui n'a pas tout à fait les mêmes aspirations de ce point de vue-là que la génération précédente.
31:29 Vous ne pouvez pas avoir des responsabilités en Chine si vous n'êtes pas membre du Parti communiste.
31:33 Le Parti communiste, c'est 100 millions de personnes, quand même, en Chine.
31:35 Donc, c'est quasiment 8% de la population.
31:39 Et le vrai sujet qu'on a aujourd'hui profondément en Chine, c'est qu'effectivement,
31:44 je le répète, soit je suis cohérent, soit je radote, c'est à vous de me le dire,
31:48 mais en fait, le premier des 14 principes de la pensée Xi Jinping,
31:52 qui est introduite maintenant dans la Constitution chinoise,
31:56 le premier, c'est assurer le leadership du Parti communiste chinois
32:00 sur toute forme d'organisation sociale en Chine.
32:02 Le "Parti above all".
32:03 Exactement. Et là, en fait, ce qu'on voit, c'est qu'on a aujourd'hui,
32:07 et je reprends les éléments, par exemple, sur la crise de l'immobilier,
32:11 on a aujourd'hui, quand on lit des papiers chinois traduits,
32:15 parce que je ne parle pas le mandat, en fait, ce qu'on voit,
32:18 c'est que les autorités locales sont totalement tétanisées à l'idée
32:22 d'être prises en flagrant délit, ou en tout cas, en soupçon de corruption.
32:26 Et donc, toutes les politiques qui visent, par exemple, à relancer des plans immobiliers
32:32 à droite, à gauche, en fait, se heurtent à un moment donné
32:35 à un responsable local qui ne dit certainement pas,
32:37 parce que je n'ai pas du tout envie que m'arrive ce qui est arrivé à mon voisin,
32:41 qui a disparu du jour au lendemain.
32:43 Donc, tant qu'on n'a pas cette espèce de calme qui peut se reprendre du côté chinois,
32:49 on va quand même avoir beaucoup de mal.
32:51 Je rappelle simplement un chiffre, quand même, là aussi,
32:53 c'est que Country Garden, dont on parle, qui est le promoteur chinois,
32:57 par rapport à Evergrande, qui était le promoteur de 2021, justement,
33:00 dont on parlait tout à l'heure, qui a eu un problème,
33:02 c'est quand même trois fois... Country Garden, c'est trois fois plus gros.
33:06 C'est 3 000 opérations en Chine. C'est juste considérable.
33:11 C'est comme si vous aviez en même temps Nexity et un autre très grand promoteur.
33:17 Non, mais ça, c'est absolument considérable.
33:22 Donc, tant que vous n'avez pas ce retour de la confiance profondément,
33:26 y compris dans les strates publiques, pour l'instant, c'est très compliqué.
33:30 Qu'est-ce qu'on fait sur les marchés ? C'est quoi les bonnes nouvelles ?
33:33 Oui, non, les bonnes nouvelles, il y en a toujours des bonnes nouvelles.
33:36 Nvidia, je vous l'ai cité en début d'émission, ça n'a pas intéressé beaucoup.
33:40 Les entreprises résistent. Dans tout ça, les entreprises résistent.
33:42 C'est ce qu'on a vu, le résultat n'est pas mal du tout.
33:44 Oui, et puis il y a quand même une réalité. Oui, Nvidia transforme l'aisselle.
33:48 Je veux dire, c'est le genre de thème sur les marchés qui crante aujourd'hui.
33:54 Est-ce que c'est encore quelque chose qui peut tirer,
33:57 ou en tout cas, est-ce que ça fait partie des pans de marché, des secteurs,
34:00 des thèmes sur lesquels il faut encore être investi, plus que jamais, peut-être même aujourd'hui ?
34:05 Ça a clairement lancé l'intérêt pour la digitalisation de l'économie.
34:08 C'est-à-dire que c'était un thème qui, dans la première phase de hausse de taux,
34:12 pour des questions de valorisation, avait énormément décoté.
34:16 C'est effectivement revenu sur le devant de la scène.
34:20 J'ai beaucoup de mal à juger de la « pérennité » de cette question de l'intelligence artificielle générative,
34:27 parce que pour des raisons évidentes, je ne suis pas ingénieure et que j'ai du mal à me rendre compte.
34:31 Mais ce que je comprends, c'est que c'est un outil de productivité qui est très intéressant
34:35 et que comme les gros le regardent, les autres ne peuvent pas ne pas le regarder.
34:39 Du coup, ça envoie quand même une impulsion d'investissement extrêmement forte qui va bien au-delà de Nvidia
34:47 et qui bénéficie à un certain nombre d'acteurs.
34:51 En première strata, c'est effectivement les semi-conducteurs, mais d'une façon qui va bien au-delà d'Nvidia.
34:57 Ça va être les softwares, ça va être l'IT services.
35:02 Ça vient par étapes et il y a un délai dans le temps, mais ça entraîne quand même des gens.
35:08 On était en plein cycle de correction des semi-conducteurs.
35:13 Cette correction n'est pas terminée, mais c'est sûr que l'explosion d'un coup de la demande pour l'intelligence artificielle
35:22 a énormément amorti et a capé à la baisse.
35:27 Ça a vraiment mis un plancher sous cette correction des semi-conducteurs.
35:32 Ça a permis au secteur de reprendre un élan.
35:36 On verra qu'elle est au troisième trimestre.
35:41 Est-ce qu'on a vraiment une reprise plus généralisée de la demande qui va arriver au troisième, au quatrième, au trieste
35:48 et qui pourra emmener ça ?
35:49 En tout cas, pour l'instant, ça a l'air effectivement de vouloir, un, marquer le point bas des semi-conducteurs
35:54 et, deux, emmener un retour d'intérêt plus durable sur la technologie.
35:58 Toutes les questions autour de la transition énergétique, on a parlé de l'IRA, le plan américain, on a parlé de l'impulsion européenne.
36:08 C'est quelque chose qu'on a bien vu dans les publications des industriels.
36:13 Ce sont des secteurs qui, historiquement, étaient beaucoup plus cycliques.
36:16 On a eu un écroulement des PME manufacturiers et les résultats des entreprises industrielles n'ont jamais été aussi bons.
36:22 Les rentabilités n'ont jamais été aussi élevées.
36:25 Donc, il y a d'un côté le bénéfice des hausses de prix qui a été possible grâce à l'inflation,
36:29 mais il y a aussi, de l'autre côté, une demande extrêmement nourrie.
36:32 Donc, on suit l'argent public en tant qu'investisseur pragmatique ?
36:36 Exactement. On continue effectivement dans cette tendance.
36:41 Si la Chine en met un petit peu plus, on va aussi avoir un retour d'intérêt sur les matières premières.
36:46 Et là, la consolidation qu'il y a eu, c'est un call un peu "décoté".
36:50 Ça peut être attractif. On n'achète toujours pas les taux.
36:54 Pourtant, l'idée de la duration au début de l'été faisait fureur.
37:00 Je l'ai vue autour de la table. 3,90 sur le 10 ans, tout le monde rechargeait.
37:06 On a eu une belle correction. C'est beaucoup plus confortable à 4,30, 4,20 que ça ne l'était.
37:13 3,90 sur le 10 ans, ça paraissait déjà confortable pour beaucoup.
37:16 Mais on a toujours une courbe très inversée.
37:18 Alors, pour le moment, c'est difficile de se dire "je vais payer autant d'assurance".
37:26 Donc, on est toujours mieux sur du cours, en tout cas, que sur la duration ?
37:31 Ça va évoluer dans les semaines à venir.
37:34 Donc, il y a des choses positives côté des actions. C'est toujours difficile de racheter les taux.
37:38 L'intérêt logique d'investissement prévaut en cette rentrée ?
37:42 Je suis à peu près à ce qui vient d'être dit.
37:44 On est un peu plus positif sur la partie taux.
37:46 On pense qu'à ce niveau-là, il y a des choses très intéressantes à faire.
37:50 Quand on a un peu long, on est payé pour le risque.
37:54 Je rajouterais à tout ce qui vient d'être dit toute la partie santé,
37:58 sur laquelle il se passe énormément de choses.
38:00 On a l'impression d'avoir un secteur qui retrouve de l'intérêt
38:05 et qui bénéficie aussi des nouvelles techniques d'intelligence artificielle,
38:10 de numérisation. C'est quelque chose qui rigue ce secteur.
38:14 C'est quelque chose qui nous intéresse aussi.
38:17 Pour le reste, il faut rester un peu prudent.
38:19 Il y a un call qui est très contrariant, mais il faut quand même commencer à regarder.
38:23 C'est tout ce qui est valeur moyenne et européenne.
38:26 C'est un sujet de la rentrée, ce n'est pas le cas aujourd'hui.
38:30 Les publications ont été très correctes.
38:34 Aujourd'hui, la croissance ne se paye absolument plus.
38:37 Ça devient asymétrique.
38:38 Ça devient totalement asymétrique.
38:40 Quand on a un profit de l'advocat, avoir un schéma asymétrique, ce n'est pas mal.
38:45 Là, c'est vraiment le moment de s'y intéresser.
38:49 Véronique, qu'est-ce qui vous intéresse dans la logique de marché ?
38:53 Je crois qu'il va falloir faire attention au timing.
38:57 À bref échéance, en septembre, les choses sont statuques.
39:01 Comment il nous a dit, Paul, je navigue avec les étoiles dans un ciel brumeux ?
39:06 Oui, c'est ça.
39:08 C'était quasiment de l'océan.
39:11 C'est logique de trading.
39:14 Probablement qu'un statu quo des FEDFUNDS en septembre, ça peut créer un appel d'air.
39:19 C'est plutôt favorable sans doute encore aux technologies qui sont déjà en train de se faire.
39:26 La question fondamentale, me semble-t-il, c'est celle des taux longs et de leur capacité à baisser.
39:33 Sensiblement ou pas.
39:35 Est-ce qu'on a entamé...
39:37 Je suis toujours imprégnée de ces travaux que j'ai fait sur les parles mondiales.
39:41 Qui me disent que les taux longs doivent structurellement s'élever.
39:46 Et encore et encore.
39:48 J'ai tendance à me dire, ne ratons pas le moment où le marché va commencer à douter de l'évolution des finances publiques.
39:55 Et à se poser la question du financement de tout ça.
39:58 A la poser ou à l'imposer par des hausses de taux longs.
40:01 Un petit peu comme la hausse des taux américains après la baisse de la notation par Fitch.
40:06 Il me semblait que ça couvait depuis 2-3 mois cette embardée des taux.
40:12 Puis Fitch a baissé la note et c'est parti.
40:15 J'ai un petit peu peur de ça.
40:19 Donc je me dis, à court terme, la FED va sans doute nous rassurer.
40:23 Après récession ou pas, dans le pire des cas on a une récession mais on a une baisse des taux qui vient peut-être compenser.
40:29 Mais bon là ce sera quand même moins sympathique pour les valeurs technologiques, Nvidia, etc.
40:34 Les marchés demanderont une prime.
40:37 Et puis il y a cette prime d'inflation structurelle ou de risque structurel par rapport à la dette publique.
40:46 Je pense qu'il y a un sujet majeur là et qu'on est pris dans le court terme.
40:50 Donc on a tendance à le repousser à chaque fois un petit peu plus loin.
40:53 Mais il est vraiment très structurant et c'est celui qui fera, me semble-t-il, l'histoire du marché des prochains trimestres.
41:00 Les chemins sont balisés pour les prochaines semaines et les prochains mois sur les marchés.
41:05 Grâce à vous, merci d'avoir été les chemins un peu sinueux.
41:11 On verra jusqu'où ça nous mène.
41:13 Pour l'instant, 7300 points et des poussières sur le CAC 40.
41:17 On peut dire qu'on a passé de ce point de vue-là un été relativement tranquille.
41:21 Merci à vous trois d'avoir été les premiers invités de Planète Marché en cette rentrée, en ce 28 août précisément.
41:28 Véronique Riche-Flores, Sophie Chauvelier et Wilfried Galland étaient avec nous en plateau.