Les invités de #PunchlineWE débattent de l'actualité du vendredi au dimanche.
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00:00 Quasiment 17 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Punchline Weekend.
00:05 D'abord le point sur l'information avec Michel Dos Santos et ensuite évidemment on commence l'émission.
00:11 Clément Beaune affiche sa détermination sur le projet de TGV Lyon-Turin.
00:19 Invité sur RTL, le ministère des Transports a déclaré vouloir aller jusqu'au bout.
00:23 Un projet qui selon lui devrait retirer un million de camions des routes.
00:26 Les écologistes s'y opposent fermement pour des raisons environnementales.
00:30 Un instituteur d'une école primaire privée bordelaise, mis en examen et placé en détention provisoire.
00:36 Le professeur de 52 ans est accusé d'avoir filmé sous les douches des élèves lors d'une classe découverte du bassin d'Arcachon.
00:42 Des photos de jeunes filles, des images à caractère pédopornographique,
00:46 mais aussi des captures d'écran de vidéos ont été retrouvées sur son téléphone portable.
00:51 Plus de 2 millions de musulmans de 160 pays débutent leur pèlerinage à la Mecque.
00:57 Considérés comme l'un des 5 piliers de l'islam, les croyants tentent de réaliser ce voyage au moins une fois dans leur vie.
01:03 Jamais l'Arabie Saoudite n'avait accueilli autant de personnes depuis la pandémie de Covid-19.
01:08 Merci cher Michael, rendez-vous à 17h30 pour le nouveau Point sur l'Information.
01:12 Régis Le Sommier est avec nous ce dimanche, cher Régis. Bonjour.
01:15 Bonjour Eric.
01:16 Vous vous êtes moqué de moi parce que j'ai dit on commence l'émission après le Point sur l'Information.
01:20 Bah oui, vous ne pouvez pas dire on va terminer l'émission.
01:24 Et pourquoi pas ? Parce que ça nous évite de dire des bêtises si vous voyez ce que je veux dire.
01:28 Après ce qui s'est passé hier, on pourrait peut-être justement...
01:31 Hier on n'a pas dit trop de bêtises.
01:33 Non, non, non, mais je crois que le mot clé c'est prudence.
01:36 Exactement.
01:37 Prudence. Et c'est Mathieu Boccotté qui en a parlé hier d'En face à Boccotté, qui a peut-être eu la meilleure analyse.
01:42 Pierre Laurent, merci d'être avec nous. Vous êtes spécialiste de la Russie.
01:46 Vous n'étiez pas prévu sur ce plateau aujourd'hui mais je voulais absolument que vous reveniez. Pourquoi ?
01:50 Parce que hier, à 17h très précisément, vous êtes l'un des seuls à annoncer ça.
01:57 Personne ne s'attendait à cette situation.
02:00 Tout le monde savait que Prigojine était une tête brûlée mais à ce point, peu de gens pensaient qu'il ferait ce qu'il a fait.
02:09 D'autre part, généralement lorsque les histoires se répètent, comme disait un personnage célèbre,
02:16 elles commencent en drame et se terminent en farce.
02:19 On n'est pas encore dans la farce mais je pense que la farce ne va pas tarder à arriver.
02:24 Mais ça va être une farce sanglante parce que si Prigojine n'arrête pas, effectivement on va l'arrêter.
02:30 17h, 19h35 très précisément, on apprend que Prigojine fait volte-face et qu'il décide de faire volte-face pour éviter un bain de sang.
02:42 Et vous avez dit ça hier, vous étiez l'un des seuls.
02:46 C'est-à-dire qu'à partir du moment où vous avez 25 000 hommes d'un côté et toute une armée entière de l'autre,
02:53 en plus avec une aviation importante, il était clair que l'aventure ne pouvait pas réussir.
03:02 Elle aurait éventuellement pu réussir si des garnisons, des unités, des généraux s'étaient ralliés à Prigojine.
03:12 Là oui, mais ça, ça aurait été une guerre civile.
03:14 Ce qui a fait changer certainement d'avis Prigojine, c'est d'une part qu'on lui a proposé des conditions de reddition qui étaient satisfaisantes pour lui, pour sa sécurité.
03:27 Puis d'autre part, ses troupes, semble-t-il, ont abattu un avion avec 10 personnes à bord qui n'avaient strictement rien à voir avec l'affaire.
03:35 Et ça, je pense que ce sont des choses qui permettent de prendre conscience.
03:40 Et Prigojine a proposé immédiatement 50 millions de roubles pour indemniser les victimes, enfin les familles des victimes.
03:50 Je crois que tout s'est joué à ce moment où il s'est dit "je suis tout seul".
03:55 Mais à 17h, on savait déjà qu'il était tout seul. Personne n'était dupe de la fin de la chose.
04:03 Vous dites "personne n'était dupe", je ne suis pas dupe. Régis Le Sommier.
04:10 Nous avons, il faut le reconnaître quand même, cette guerre.
04:12 Et vous avez été également, évidemment, Régis, très prudent, vous aussi, notamment sur les images qu'on a pu diffuser, qu'on a pu commenter.
04:19 Parce que certains ont pu foncer dans d'autres médias, mais nous aussi, moi je fais peut-être mon examen de conscience.
04:25 Non, mais je pense qu'on a essayé d'analyser au maximum. Moi, ce que j'ai essayé de retenir, je conserve cet angle,
04:33 c'est qu'il s'agit d'un problème entre Prigojine et l'état-major, et on n'est pas sortis de ce problème.
04:39 Poutine, évidemment, dans l'équation, c'est le chef des armées.
04:43 Donc, évidemment qu'il regarde la guerre et qu'il a son mot à dire,
04:47 mais c'est une dissension qui existe depuis très longtemps entre le ministre de la Défense et Sergeï Prigojine et sa ministre Wagner.
04:55 Donc ça, je pense qu'hier, on a vu ça.
04:58 Il y avait aussi des éléments, quand on a observé les images qui nous venaient de, pas de Voroniege,
05:04 puisque vers Voroniege, il y a eu un peu de tumulte, mais à Rostov, on regardait la population qui regardait les Wagner,
05:12 certains d'ailleurs se commandaient des hamburgers dans des restos du centre-ville.
05:16 Il n'y avait pas une liesse absolue.
05:19 Les femmes n'arrivaient pas avec des colliers de fleurs pour les mettre au coup des combattants.
05:26 On était dans une espèce d'attente passive.
05:30 L'armée russe n'avait pas tiré sur Wagner et Wagner, d'ailleurs, ça a été très intéressant.
05:35 Il y a des conversations qui ont été rapportées entre comment l'armée russe a accueilli Wagner au QG de l'opération spéciale,
05:43 qu'au début, il y a eu quand même quelques mots.
05:46 Et puis finalement, quand ils ont vu que Wagner n'était pas venu pour interrompre le flot,
05:51 notamment de ravitaillement pour l'opération spéciale et perturber les opérations,
05:56 Wagner a dit "non, on ne va pas perturber les opérations".
05:58 Et bien finalement, ils se sont ignorés.
06:00 Ils sont restés les uns à côté des autres et il n'y a rien eu.
06:02 Donc, on sentait qu'il n'y avait pas de ralliement.
06:04 On sentait qu'il n'y avait pas de ferveur.
06:05 On a appelé aussi plusieurs Moscovites, souvenez-vous, qui vivaient finalement...
06:09 - Et d'ailleurs, lorsqu'on a le chef d'entreprise qui nous explique qu'à Moscou, la vie n'a pas changé,
06:15 j'étais le premier à être troublé en me disant "peut-être qu'il a des pressions, je ne sais pas".
06:19 C'était son témoignage.
06:21 - Il pouvait... Alors attention, la guerre civile, ça aurait très bien pu se transformer, vous avez parlé de sang.
06:26 Ça n'est pas été le cas parce que chacun, je crois que chaque partie n'a pas voulu tirer le premier,
06:32 de peur d'être accusé peut-être d'avoir été la première à répandre du sang russe entre Russes.
06:38 Et je pense qu'il y a eu ça et puis il y a eu cette négociation.
06:41 - Mais la ligne directrice maintenant, et je pense que c'est ça qui frappe aux yeux des téléspectateurs,
06:47 mais des commentateurs également, c'est la prudence.
06:49 C'est la prudence qui a peut-être été oubliée parce qu'il y avait eu un sentiment de sidération quand même hier.
06:55 Le monde a été sidéré et à tel point que quand vous regardez les "Unes" de la presse internationale,
07:00 il n'y a pas une, une aujourd'hui, qui n'est pas sur ce dossier-là.
07:04 On ne sera pas sur ce dossier. Regardez partout dans le monde entier ce matin,
07:09 on tente de comprendre ce qui s'est passé hier, on tente de comprendre les conséquences
07:14 et c'est aussi ça qu'on va essayer de faire aujourd'hui, c'est de savoir si c'est une humiliation ou non pour Vladimir Poutine,
07:20 si Vladimir Poutine était au courant de ce projet-là, si les États-Unis étaient au courant de ce projet-là.
07:26 Mais le récit médiatique, c'est intéressant aussi.
07:28 C'est pour ça, Pierre Laurent, que je voulais vous avoir sur ce plateau, parce que vous présentez factuellement ce qui s'est passé
07:35 avec votre expérience, votre expérience de spécialiste de la Russie, mais votre parole est ces derniers temps très discrète dans les médias,
07:42 parce que vous n'êtes peut-être pas souvent invité.
07:45 Non, je pense que je dois faire partie, je dois être dans une sorte de trou noir, vous voyez,
07:52 la lumière s'engouffre dans le trou noir et ne ressort pas.
07:56 Je pense que pour des raisons différentes, on ne considère pas que ma parole a un poids quelconque et donc on ne m'invite pas.
08:06 C'est vraiment une petite parenthèse et après on avancera, mais sur cette année et demie de conflit, un an et quatre mois,
08:14 quel regard vous portez sur la couverture médiatique et notamment en France ?
08:19 La couverture en France, elle est catastrophique. Elle est moins bonne que la couverture aux États-Unis.
08:25 Aux États-Unis, au moins, il y a des faits qui sont rapportés. En France, les faits sont ignorés, on vit dans le fantasme très souvent.
08:35 Pas tout le monde, pas tout le monde, pas tout le monde.
08:37 Pas généralisé, et puis nos confrères font aussi de la même chose.
08:40 Mais dans l'ensemble, lorsque l'on regarde certaines chaînes, on se demande si vraiment ils ont analysé correctement la situation,
08:48 en particulier l'offensive ukrainienne. Cela fait trois semaines qu'effectivement, elle patine.
08:55 Mais on entend sans cesse des communiqués de victoire, des victoires qui ne représentent pas réellement des éléments concrets
09:04 qui permettent de dire "oui, effectivement, les Ukrainiens ont avancé, ils ont gagné du terrain, etc."
09:09 Et là, nous sommes dans une situation où c'est comme aux échecs, c'est une situation de pattes.
09:17 C'est-à-dire, bon, ça va changer certainement, mais les lignes sont figées, ça n'avance pas.
09:24 Oui, mais cette confusion d'hier, elle symbolise également l'aspect très opaque, très sombre du système russe.
09:33 On dit que Colosimo ce matin, Jean-François Colosimo, c'était passionnant avec Sonia Mabrouk, parce qu'il parle d'un système mafieux.
09:39 Et que finalement, on ne peut pas... ça prêchait le vrai pour avoir le faux. Enfin, vous voyez ce que je veux dire ?
09:45 On ne peut pas avoir les bonnes informations dans ce...
09:47 Monsieur Colosimo dit aussi beaucoup de bêtises ce matin.
09:49 Oui, ben, tout le monde dit beaucoup de bêtises.
09:52 Tout le monde dit des bêtises, mais enfin, prétendre comme il l'a fait ce matin que Vladimir Poutine allait quitter Moscou
09:58 et que les Russes avaient pris conscience qu'il allait prendre son avion parce qu'il y a eu une vague rumeur.
10:02 Ce n'est pas sérieux. Le sérieux, c'est de se baser sur des faits.
10:05 Il n'est pas sur ce plateau.
10:06 Oui, non, non, mais il était sur un plateau de... voilà. Il l'a dit, il a prononcé, et ça, c'est quand même absolument incroyable.
10:13 Revenons sur quelques séquences. Eric Revelle, évidemment.
10:17 Juste un point. C'est-à-dire qu'il y a des paroles dans toutes les émissions qui sont censées, mais qui sont couvertes par un bruit de fond.
10:24 Par exemple, Régis Le Sommier dit des choses très intéressantes, mais généralement, eh bien, on le met de côté,
10:33 peut-être parce qu'il ne dit pas la même chose que les autres.
10:37 Permettez-moi d'avoir une pensée pour tous mes confrères reporters qui sont sur le terrain aujourd'hui
10:41 et qui tentent d'apporter justement, courageusement, factuellement, les meilleures informations.
10:46 Mais je sais que ce n'était pas le reproche que vous...
10:48 Non, non, pas du tout.
10:49 Ce n'était pas le reproche que vous avez fait, j'ai bien entendu.
10:51 Ce que je reproche aux spécialistes de plateau, c'est que très souvent, ils font passer leur idéologie et leur fantasme avant la réalité.
10:59 Mais c'est pour ça que c'était intéressant d'avoir votre analyse.
11:02 Maureen Vidal qui revient sur les 24 heures de rébellion.
11:05 Sous les acclamations de nombreux habitants, les forces du groupe Wagner quittent Rostov,
11:14 pratiquement 24 heures après être entrées sur le territoire.
11:17 Evgeny Prigojine, pourtant déterminé à combattre le commandement militaire hier matin,
11:22 déclare soudain que ses troupes stoppent leur avancée vers Moscou.
11:26 Conscients de notre responsabilité dans l'effusion du sang russe d'un côté,
11:32 nous faisons reculer nos colonnes et retournons dans les camps de campagne conformément au plan.
11:40 Une rébellion qui commence samedi matin,
11:43 après avoir investi la ville de Rostov et le quartier général de l'armée russe,
11:47 les troupes de la milice Wagner, composées de 25 000 hommes selon leur déclaration,
11:52 auraient été aperçues à moins de 400 kilomètres de la capitale.
11:56 Pendant ce temps, c'est la course contre la montre du côté du gouvernement russe
12:00 qui dénonce alors une mutinerie armée et promet de punir les coupables.
12:04 C'est un coup porté à la Russie, à notre peuple,
12:06 et nos actions pour protéger la patrie d'une telle menace seront fermes.
12:10 C'est Alexandre Lukashenko, le président bélarusse,
12:13 qui serait alors intervenu en tant que médiateur
12:16 et a obtenu l'arrêt de l'insurrection du patron de Wagner.
12:19 Après des négociations, le Kremlin a annoncé qu'Evgeny Prigojine partira pour le Bélarus
12:25 et les poursuites le visant ainsi que les membres de son groupe seront abandonnés.
12:29 Avant de rejoindre Charles Danjou, qui est président d'Omerta Media,
12:33 vous faites partie, cher Régis Le Sommier,
12:36 parce que Charles Danjou est sur le terrain, est à Moscou.
12:39 On va essayer de prendre le pouls à Moscou.
12:41 Écoutons une dernière fois Jean-François Colosimo,
12:44 qui fait une sorte d'autopsie de ce volte-face, de cette volte-face.
12:48 Je crois qu'on sous-estime totalement la constitution mafieuse de l'État russe
12:54 et en fait, pour comprendre cette affaire,
12:57 il vaut mieux se tourner vers Coppola ou Scorsese que vers les livres d'histoire, n'est-ce pas ?
13:03 En fait, on a une constitution clanique.
13:06 Il y a bien un chef, un boss, un parrain.
13:09 Ce boss, ce parrain a entrepris une expédition malheureuse en Ukraine
13:14 et est complètement affaibli.
13:17 Le reproche de Prigogine adressé à Poutine,
13:20 à savoir que l'état-major russe a réellement bombardé son campement,
13:25 se doublait du fait que la cible, c'était pas ses hommes, c'était lui.
13:30 Lui qui dérangeait le Kremlin depuis longtemps,
13:33 lui surtout qui manifestement menait sa guerre pour capitaliser politiquement
13:39 et un jour incarner l'aile la plus chauvine de l'opinion russe,
13:43 dont Poutine ne veut pas.
13:45 Poutine a donc lâché Prigogine,
13:48 l'a abandonné à ses rivaux de l'état-major, Chouigou et Grassimov.
13:54 Et voilà que l'attentat ayant raté,
13:57 on se retrouve là encore dans un scénario typique.
14:02 L'homme de main, le nervis, le séide,
14:06 est allé demander des comptes au patron
14:09 en montrant qu'il était lui aussi très fort,
14:11 qu'il était même invincible
14:13 et que lui aussi pouvait menacer la vie du patron.
14:16 Ce qui m'intéresse dans cette déclaration,
14:19 au-delà des hypothèses, c'est l'opacité encore une fois.
14:22 C'est le système tellement sombre, tellement complexe,
14:25 Régis Le Sommier, de la Russie,
14:28 que toute analyse est compliquée,
14:30 même pour les plus grands experts ou les hommes de terrain.
14:33 Je suis entièrement d'accord.
14:35 En effet, dans un système...
14:37 Prendre l'allégorie avec le parrain,
14:39 ça a été fait maintes et maintes fois.
14:41 Oui, en effet, il y a un boss qui s'appelle Poutine
14:44 avec autour un clan des gens qu'on appelle les Silovikis,
14:48 qui le suivent depuis son époque de Saint-Pétersbourg et du KGB.
14:52 Donc en effet, c'est un système extrêmement opaque
14:58 et toute cette opacité est bien gardée et bien maintenue.
15:02 Maintenant, ce qui est intéressant aussi de voir,
15:05 c'est que là, autant sur l'analyse de ce qui s'est passé hier,
15:09 il fallait vraiment garder la tête froide,
15:11 je pense qu'il faut continuer à garder la tête froide
15:14 et à évaluer quel est l'impact de ce qui s'est passé.
15:17 Et là, on va le voir, je pense, dans les jours qui viennent,
15:21 on entend "Poutine est affaibli".
15:23 Oui, celui qui avait dit "moi, je vous garantis la sécurité"
15:26 quand il a pris le pouvoir et qui s'y est tenu aujourd'hui
15:29 est fragilisé par quelqu'un qui fait partie de son clan.
15:32 Ça, c'est une évidence.
15:33 Maintenant, est-ce que pour les Russes,
15:35 ce n'est pas justement le fait qu'il ait maté la révolte dans l'oeuf
15:38 en moins de 24 heures qui va être retenu et se dire
15:41 "oui, Poutine, Prigojin s'est agité"
15:44 et Prigojin, ce n'est pas à nouveau qu'il s'agite.
15:47 Ça fait des mois qu'on l'entend perorer.
15:50 Et récemment, avec des interventions, des interpellations
15:53 sur les réseaux sociaux, des vidéos aux voix quasiment attaquées.
15:56 Et puis avoir des discours parfois carrément défaitistes.
16:00 Donc ça, au niveau des Russes, je pense que c'est quelqu'un
16:03 qui avait fini par agacer et que là, Poutine siffle la fin de la récré.
16:07 Mais, et là, je me tourne vers l'ancien directeur de rédaction,
16:11 directeur de l'information que vous avez pu être, Eric Reuvel,
16:14 est-ce que vous avez cette sensation qu'on revit un peu ce qu'on a vécu
16:17 pendant le Covid, c'est-à-dire qu'il y a une zone d'ombre,
16:21 il était difficile d'arriver avec des faits, parce qu'il y avait
16:24 peut-être une idée majeure qu'il fallait respecter, et ceux qui
16:27 essayaient d'alerter sur des positions différentes étaient un peu ostracisés ?
16:31 Ah bah oui, il y a neuf que ce qu'on a oublié.
16:34 Quel que soit le fait, en fait, là on parle d'un fait géopolitique
16:37 qui aurait pu être majeur, mais si vous regardez la séquence
16:41 des infos fortes, souvent, oui, les médias se précipitent,
16:45 font appel à des experts, vous avez raison, monsieur Laurent,
16:48 des experts, souvent des experts de plateau, c'est-à-dire des gens
16:51 qui mettent d'abord en avant leur conviction personnelle,
16:55 et c'est par le tamis de leur conviction personnelle ou de leur idéologie
16:59 qui décryptent des faits, et quand vous...
17:01 - Ou de ceux qui les payent. - Voilà, et quand vous mettez
17:03 sur un même plateau des gens qui pensent la même chose,
17:05 il ne peut rien se passer. Mais juste un mot quand même, Eliott,
17:08 sur la corruption en Russie, pardonnez-moi, mais on ne découvre pas
17:12 le fil à couper le beurre. À chaque fois qu'un président russe
17:16 depuis l'effondrement de l'Union soviétique arrive au pouvoir,
17:18 il s'entoure des oligarques qui lui vont bien et qui mettent en coupe
17:22 réglée l'économie russe. C'était vrai avec Boris Yeltsin,
17:26 c'est vrai avec Poutine, et ce sera vrai avec le prochain.
17:30 - Allez-y Pierre, bien sûr, et ensuite on va voir Charles Danjou
17:33 qui attend, pardonnez-moi. - Avec Poutine, les choses ont été
17:36 un tout petit peu différentes parce que dès le départ, il a mis
17:40 les limites aux oligarques. Il leur a dit en 2000
17:44 "Oh, vous vous occupez de vos affaires, l'État ne va pas chercher
17:49 à savoir comment vous avez fait vos milliards, vous les gardez,
17:53 mais vous ne faites plus de politique." - Il a fait des exemples.
17:57 - Charles Danjou, Charles Danjou est avec nous,
18:00 Charles Danjou, président d'Omerta Media, merci d'être en direct
18:03 pour Punchline Weekend. Vous êtes actuellement à Moscou.
18:07 Déjà, première question, racontez-nous un peu ce que vous avez vécu
18:12 puisque si mes souvenirs sont bons, vous êtes arrivé hier,
18:15 et donc est-ce qu'il y a eu ce vent de panique qu'on a pu voir en image
18:19 notamment à l'est de la Russie, arrivé à Moscou ?
18:23 - Écoutez, j'étais à Saint-Pétersbourg hier matin, j'avais le vol pour Moscou
18:28 à 9h30, et quand j'ai pris le taxi à 8h, j'étais sur les fils d'info
18:33 et j'ai demandé au chauffeur de taxi s'il était au courant de ce qui se passait
18:36 et il n'était pas au courant. C'est moi qui lui ai appris
18:40 puisque on était un samedi matin et qu'en général, le samedi matin,
18:43 les Russes ont du mal à démarrer. Donc la population russe, je pense,
18:46 au fur et à mesure de la matinée, a appris les nouvelles,
18:50 mais un peu avec circonspection parce que ça ressemble pour moi
18:54 un peu à un conflit de famille, puisque à haut niveau,
18:58 messieurs Prigojine, Shoigu, Poutine et Consor se connaissent
19:01 depuis maintenant plus de 20 ans. Donc je dirais qu'il n'y avait pas
19:07 entre eux de conflit sur le fond, puisque Prigojine n'a pas remis en cause
19:12 vraiment l'intervention en Ukraine. D'ailleurs, il y a participé
19:17 de manière majeure et très médiatique, et il a voulu que les interventions
19:23 de Wagner soient très médiatisées. Il en a fait une véritable arme.
19:28 Donc sur le fond, il n'y avait pas tellement de problèmes.
19:31 Et aussi, je tiens à souligner que les personnels de Wagner
19:34 sont pour la grande majorité d'anciens militaires ou d'anciens
19:38 des services spéciaux, des forces spéciales de l'armée russe,
19:42 et qui ont eux aussi des relations avec des personnels
19:46 qui sont toujours militaires, qui sont toujours dans les forces
19:50 du ministère des armées russes. Et donc c'est un peu un conflit de famille
19:55 qui ne pouvait pas se régler, à mon avis, autrement que comme il s'est réglé,
19:59 puisque je dirais que le problème pour Poutine était un problème politique.
20:04 C'est-à-dire qu'il ne pouvait pas faire bombarder la colonne.
20:09 Techniquement, il aurait pu le faire, puisque, comme l'a dit Régis Le Sommier
20:13 hier et d'autres, la colonne s'étendait sur des dizaines de kilomètres,
20:16 sur une autoroute sur laquelle il n'y a quasiment pas de sortie.
20:18 Donc pour les avions russes, c'était très facile de les arrêter.
20:21 Mais politiquement, c'était impossible, puisque ça lui aurait créé
20:24 un problème de politique interne majeure, puisque Wagner conserve
20:28 quand même une bonne image au sein de la population russe.
20:33 Et puis pour Prigojin, c'était un problème, à mon avis, plus personnel,
20:37 puisque depuis des semaines, on sait que Wagner est progressivement débranché,
20:41 puisqu'il a, je dirais, par son attitude et peut-être son égo,
20:47 et peut-être un peu aussi un côté mégalomane, franchi certaines limites
20:51 qu'il ne devait pas dépasser. Donc on voit bien que depuis,
20:54 le ministère de la Défense russe débranche Prigojin.
20:56 Et donc pour Prigojin, c'était une affaire un peu personnelle.
20:58 C'était un peu, à mon sens, un baroud d'honneur.
21:01 Et je pense qu'il est suffisamment intelligent pour avoir toujours gardé
21:07 à l'esprit qu'il ne pouvait pas prendre Moscou avec 25 000 hommes
21:10 et des troupes qui étaient sous-équipées pour le faire.
21:14 Charles Danjou, restons vraiment sur le...
21:16 Parce que l'analyse, on va la faire un peu plus tardivement.
21:18 Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est ce que vous avez vécu sur le terrain.
21:21 Et d'ailleurs, c'est très intéressant qu'hier matin, dans les médias russes,
21:25 on ne parlait pas de cette rébellion.
21:28 Peut-être parce que, aussi, les médias russes, l'information est filtrée, disons-le.
21:34 Parce qu'hier matin, par exemple, il y a quand même eu une allocution
21:39 de Vladimir Poutine extrêmement forte, où il a parlé de coups de poignard dans le dos.
21:43 À Moscou, par exemple, il y a eu le régime antiterroriste qui a été lancé.
21:49 C'est-à-dire que vous aviez les manifestations de masse qui étaient annulées.
21:54 Le maire de Moscou a exprimé une situation difficile dans la ville.
22:00 Et un jour chômé, lundi.
22:02 Donc, est-ce que ce climat-là, au fil de l'après-midi, lorsque vous êtes allé à Moscou,
22:07 vous l'avez vous-même vécu ?
22:09 Est-ce que vous avez eu, par exemple, une ville qui était en train de se barricader ?
22:13 Alors non, pas du tout.
22:16 Moi, je suis arrivé de... L'avion a atterri à 11h30 à Moscou, à l'horaire prévu.
22:21 Et j'ai fait ensuite 60 kilomètres pour me rendre du nord de Moscou
22:26 à l'extrême sud de Moscou.
22:28 Et il y avait quelques contrôles de police, mais c'était vraiment très léger.
22:33 Il y avait les embouteillages qu'on connaît d'habitude,
22:35 puisque les Russes partent à la Dacha le samedi matin.
22:39 À l'aéroport, il n'y avait pas de dispositif de sécurité particulier.
22:43 C'était vraiment calme.
22:46 Je pense que les gens ont accueilli la nouvelle un peu avec circonspection
22:52 et qu'ils n'ont pas tellement eu le temps de se préparer.
22:55 J'étais une après-midi avec des expatriés français qui regardaient les nouvelles.
23:00 On était tous un peu dans l'attente de ce qui allait se passer,
23:04 mais il n'y a pas eu du tout de vent de panique.
23:07 Et les gens n'ont pas eu le temps vraiment de réagir,
23:09 puisque ça s'est dénoué assez rapidement.
23:11 Par contre, effectivement, il y avait très peu d'informations.
23:14 L'information était vraiment filtrée.
23:17 Il y avait peut-être même plus d'informations sur les sites
23:20 dans les médias français que dans les médias russes.
23:24 Ça peut s'entendre. Pierre Laurin.
23:26 J'étais informé essentiellement par les médias occidentaux,
23:31 mais également par le fil d'informations du journal Commercente,
23:36 qui rapportait les mêmes infos à peu près en même temps.
23:40 Donc, en fait, c'est plutôt au niveau de la télévision et peut-être des radios
23:45 qu'il y avait une référence.
23:48 Une sorte de filtrage.
23:49 Peut-être pas un filtrage, mais...
23:51 Mais la locution de Vladimir Poutine, par exemple,
23:54 elle a été diffusée partout en Russie.
23:57 Oui, oui, bien sûr.
23:58 Bon, écoutez, merci beaucoup Charles Danjou.
24:00 La publicité dans un instant.
24:02 Et puis, si les choses évoluent du côté de Moscou, on reviendra vers vous.
24:06 Merci beaucoup.
24:07 On continue le débat dans un instant.
24:08 On va parler de Vladimir Poutine.
24:10 On parlera également de Prigojin, bien sûr, des États-Unis,
24:13 est-ce qu'ils étaient au courant ?
24:15 Et puis, on terminera cette émission par une actualité française, politique.
24:20 Merci.
24:22 Régis Le Sommier, Eric Reuvel et Pierre Laurin sont toujours présents
24:28 sur le plateau de Punchline Weekend pour décrypter ce qu'il s'est passé
24:32 ces dernières 24 heures du côté de Moscou.
24:35 On sera en direct dans un instant avec Jacques Sapir,
24:38 directeur d'études à l'EHE de ZES.
24:41 D'abord, faisons le point sur l'information avec Micael Dos Santos
24:46 et ensuite, on reprend le débat.
24:49 Clément Beaune promet des réductions sur les trains SNCF et a intercité cet été.
24:57 Sur RTL, le ministre des Transports a également révélé
25:00 que le lancement d'un pass région était envisagé dans les prochains mois.
25:03 Un billet unique, pas cher, couvrant les trajets du quotidien
25:06 comme les TER ou les intercités.
25:08 Un instituteur d'une école primaire privée bordelaise,
25:11 mise en examen et placée en détention provisoire.
25:14 Le professeur de 52 ans est accusé d'avoir filmé sous les douches
25:17 les élèves lors d'une classe découverte au bassin d'Arcachon.
25:20 Des photos de jeunes filles, des images à caractère pédopornographique,
25:23 mais aussi des captures d'écran de vidéos où il procède à des attouchements
25:26 sur des mineurs ont été retrouvées sur son téléphone portable.
25:29 Et puis enfin, la droite grande favorite des élections législatives en Grèce,
25:34 Kyriakos Mitsotakis espère décrocher une majorité absolue
25:38 pour former un gouvernement stable.
25:40 Face à lui, Alexis Tsipras a promis de lutter jusqu'à la dernière seconde.
25:44 - T'as vu ça sur Twitter ? - T'as vu ça sur Twitter ?
25:46 Voilà pour le point sur l'information.
25:48 Régis Le Sommier, Eric Reuvel, Pierre Laurent et Jacques Sapir.
25:52 Merci d'être avec nous Jacques Sapir.
25:54 Vous êtes directeur de l'école des hautes études en sciences...
25:58 - Non, directeur d'études.
26:00 Directeur d'études à l'école des hautes études en sciences sociales.
26:03 - Ah écoutez, c'est bien de... C'est important la précision.
26:06 Faisons le point justement et voyons le sujet de Thomas Bonnet
26:09 sur l'inquiétude qu'il y a pu avoir ces dernières 24 heures à Moscou.
26:14 Des forces armées en ombre dans les rues moscovites.
26:18 La ville a vécu avec une certaine angoisse l'avancée des hommes de Wagner
26:21 en direction de la capitale.
26:23 Des contrôles renforcés, notamment au sud de Moscou,
26:26 illustrent les moyens mis en place pour tenter d'en limiter l'accès
26:29 à l'approche des troupes de Prigojin depuis le sud du pays.
26:32 Samedi, le régime d'opération antiterroriste a été décrété dans la ville,
26:36 donnant des pouvoirs accrus aux services de police.
26:38 Une procédure toujours en vigueur ce dimanche matin.
26:41 De la même façon, les restrictions de circulation sur l'autoroute
26:44 reliant Moscou à Rostov-sur-le-Don ont été maintenues pour la journée de dimanche.
26:49 Samedi, le maire de la ville avait évoqué sur Telegram une situation difficile.
26:54 "Afin de minimiser les risques, j'ai décidé de déclarer le lundi jour chômé.
26:59 Je vous demande de vous abstenir autant que possible de vous déplacer dans la ville."
27:03 En conséquence, des examens universitaires de mathématiques et de langue russe
27:07 prévus lundi ont été reportés au 1er juillet.
27:09 Ultime preuve de l'inquiétude qui a gagné ce week-end la capitale russe.
27:13 24 heures où la ville a retenu son souffle,
27:15 suivant avec angoisse l'avancée des troupes de Wagner.
27:18 Au moment de la volte-face de Prigojin,
27:20 ces hommes se trouvaient à seulement quelques centaines de kilomètres de Moscou.
27:24 "Si vous le voulez bien, écoutons à présent Volodymyr Zelensky,
27:29 qui a longuement réagi hier et notamment pointant
27:34 Vladimir Poutine en disant que c'est un homme qui a très peur aujourd'hui."
27:38 "L'homme du Kremlin a évidemment très peur et se cache probablement quelque part,
27:48 sans se montrer. Je suis sûr qu'il n'est plus à Moscou.
27:52 Il appelle quelque part et demande quelque chose.
27:56 Il sait de quoi il a peur parce qu'il a lui-même créé cette menace."
28:02 "Jacques Sapir, on a beaucoup parlé de cette grande confusion
28:11 médiatique et politique en Russie dans la première partie.
28:14 Arrêtons-nous à présent sur Vladimir Poutine.
28:17 Quel regard vous portez sur ce qu'il s'est passé hier pour Vladimir Poutine ?
28:23 Est-ce que c'est un homme qui en sort comme le grand perdant ?
28:27 Est-ce que c'est un président qui a été humilié ?
28:29 "Le grand perdant, il faut d'abord le dire, c'est Prigojin.
28:33 Prigojin a voulu faire un coup, non pas un coup d'État, mais un coup de force.
28:40 Il y a probablement été acculé d'ailleurs par les actions
28:45 du ministre de la Défense Shoigu et du chef d'état-major Grassimov.
28:51 Mais il a très clairement franchi une ligne rouge.
28:55 On l'a laissé aussi franchir une ligne rouge.
28:59 Et là, effectivement, il s'est d'une certaine manière heurté un mur.
29:04 On le voit bien dans la situation actuelle où il part s'exiler au Bélarusse
29:11 avec quelques centaines d'hommes, pas plus.
29:14 Et où l'ensemble des forces de Wagner acceptent de fait leur intégration dans l'armée russe.
29:22 Donc s'il y a un grand perdant, c'est d'abord Prigojin.
29:27 Après, il est probable qu'il y aura des changements dans l'appareil militaire
29:34 au niveau du ministre de la Défense, au niveau du chef d'état-major.
29:39 Et ça, c'est un autre point.
29:41 C'est le fait que l'armée était d'une certaine manière mécontente de son sommet officiel.
29:50 Elle a pu tout à fait laisser dire à Prigojin "Allez-y, on vous soutient".
29:56 Ne pas le soutenir dans les faits, le laisser aller trop loin.
30:00 Mais pour récupérer en réalité, je dirais, le résultat de cette opération.
30:06 Vous restez évidemment avec nous Jacques Sapir, directeur d'études à l'école des Hautes études en sciences sociales.
30:13 Écoutons à présent, et ce sont deux réactions différentes, celle de Jean-François Colosimo
30:18 qui dit en gros "le roi est nu".
30:21 Et en même temps, Vladimir Fédorovski, donc deux spécialistes qui ont deux visions complètement différentes.
30:26 Et c'est pour ça que les téléspectateurs peuvent être également perdus, puisque lui il dit "c'était une mascarade".
30:34 Moi je ne crois pas qu'il ait pu agir sans avoir des formes de feu vert implicites.
30:41 En tout cas, je ne parle pas d'appui, je dis simplement qu'il a dû malgré tout consulter, tâter le terrain
30:47 avec quelques-uns véritablement dégradés du clan, que ce soit dans les services de sécurité ou les oligarques.
30:54 A savoir qu'il a, je dirais, pris la température sur leur lien à Poutine.
31:00 Et le lien de ses membres du clan à Poutine sont de plus en plus distendus.
31:07 Il lâche l'affaire parce qu'il n'a pas le soutien du véritable appareil de gouvernement,
31:14 le même appareil de gouvernement qui entoure Poutine.
31:18 Et que, parce que pour l'instant aussi, parce que nous nous voyons ça véritablement,
31:22 nous sommes concentrés dans ce duel Prigogine-Poutine.
31:25 Mais il est évident que Prigogine ne peut pas remplacer Poutine.
31:29 Donc la question qu'il faut se poser, c'est quel est, où est le troisième homme
31:34 qui aurait pu profiter de cette opération, a préféré ne pas en profiter tout de suite,
31:40 parce que certainement l'affaire n'était pas mûre, mais qui en a d'ores et déjà profité.
31:45 – Il attend dans l'ombre cet homme.
31:47 – Parce que Poutine est affaibli, considérablement affaibli par Prigogine.
31:52 Prigogine, c'est un peu dans cette affaire-là, je dirais, l'idiot utile
31:57 de gens qui lui sont largement supérieurs.
31:59 – C'est une sorte de mascarade.
32:02 Évidemment, Prigogine n'avait aucune chance d'aller jusqu'à Moscou.
32:07 Je pense que dans cette affaire, Poutine ne sort pas nécessairement affaibli.
32:14 Vous comprenez, les Russes, ils se prouvent une sorte de soulagement,
32:18 aujourd'hui, que la guerre civile, ils craignent la guerre civile,
32:23 la déstabilisation peut arriver à leur pays.
32:28 Évidemment, beaucoup de choses vont défendre de l'évolution militaire.
32:32 Sur le plan géopolitique, en revanche, hier, je tiens à vous souligner
32:37 que les Américains ont été très prudents.
32:41 Et le mot qui revient aujourd'hui, vraiment la première ligne,
32:46 je pense qu'ils vont discuter ça au sommet de l'OTAN,
32:49 comment éviter la déstabilisation de la Russie ?
32:52 – Alors, il y a deux éléments majeurs.
32:54 D'abord, sur Poutine, le poids de Vladimir Poutine,
32:57 est-ce qu'il en sort affaibli ?
32:59 Est-ce que le "roi est nu", comme disait Jean-François Colosimo,
33:02 réalise le sommet ?
33:03 – Il est certainement… ce qui s'est passé hier n'est absolument pas anodin,
33:08 c'est une crise, et d'ailleurs, la tonalité de son discours
33:11 était un discours extrêmement dur.
33:13 Il aurait pu ne pas faire de discours, régler la question avec des négociations,
33:18 ou il a fait un discours qui, quand on l'écoute bien,
33:21 puisque c'est important d'écouter Poutine,
33:24 souvent on met sa référence à 1917, à l'époque que Kierinski
33:29 et le début de la révolution bolchevique, en fait,
33:33 comment le pays a été déstabilisé, la guerre civile, etc.
33:36 C'est des références précises, vous savez qu'on a souvent dit
33:39 que Poutine parle tout le temps de la seconde guerre mondiale,
33:41 là il est revenu au fondement des moments où la Russie
33:45 a été extrêmement affaiblie, où elle s'est retirée de la guerre.
33:48 Donc là, c'était très solennel, c'était extrêmement fort.
33:53 Donc il y a eu menace, et il n'a pas sous-estimé cette menace.
33:57 Alors oui, son pouvoir a été ébranlé par quelqu'un
34:04 qu'il a lui-même créé, qui a été un de ses proches,
34:07 quelqu'un qui a fait partie du plan, mais on peut regarder une chose,
34:11 et je pense qu'il ne faut pas oublier la perspective,
34:14 c'est de remettre Prigojin là où il est,
34:16 c'est-à-dire dans l'appareil militaire russe.
34:19 Et on est dans une crise qui concerne la conduite de la guerre en Ukraine.
34:28 C'est-à-dire que les reproches que Prigojin fait à Shoigu et à Zhirinov,
34:33 c'est des reproches de terrain, c'est des reproches sur le nombre,
34:37 le sang versé, le trop grand nombre de soldats russes
34:41 sacrifiés selon lui pour des incompétents de l'arrière.
34:44 Et il y a chez Prigojin la question de quelqu'un
34:47 qui est très proche de ses hommes, qui va au contact,
34:50 et qui critique évidemment ceux qui n'y vont pas.
34:54 Donc il faut mettre ça en perspective.
34:57 Prigojin n'a jamais été quelqu'un qui s'est érigé contre Poutine
35:01 pour arrêter la guerre en Ukraine.
35:03 Pierre Laurent, le roi, est-il nu ou non ?
35:07 Je crois qu'il est relativement bien habillé.
35:10 Je constatais qu'il était dans des tenues très sombres
35:14 pour prononcer un discours très sombre.
35:16 Non, sérieusement, je pense qu'il se trouve,
35:20 toute proportion gardée, mais dans la même position
35:24 que le général de Gaulle face à la rébellion d'Alger
35:28 et à quelqu'un comme le général Salan,
35:31 qui était quelqu'un de très très important
35:33 et qui était également l'un de ses proches d'une certaine manière.
35:36 C'était tous les deux des militaires qui se connaissaient bien.
35:39 Et le général de Gaulle, lors du putsch d'Alger,
35:43 a pris la situation en main.
35:45 Et ce qui lui a permis de réussir, c'est que l'armée,
35:50 le contingent, les conscrits étaient de son côté.
35:53 Et là, de la même manière, l'armée est du côté de Poutine,
35:57 malgré tout ce que l'on peut dire et des deus ex machina
36:01 que l'on peut inventer.
36:03 Mais apparemment ce serait une négociation entre Prigojin et Minsk
36:08 et donc non pas Vladimir Poutine qui aurait permis de faire cette volte-face.
36:12 Si je peux me permettre ce propos, Poutine ne pouvait pas négocier
36:17 directement avec Prigojin.
36:19 Pourquoi ?
36:20 Parce qu'ils ne sont pas du même niveau.
36:22 Un chef d'État négocie avec d'autres chefs d'État éventuellement.
36:25 Mais Prigojin, lui, ne pouvait pas négocier avec Gerasimov et Chouigou.
36:29 Donc forcément, il fallait une tierce personne.
36:32 Un médiateur.
36:33 Et le médiateur, le message du médiateur,
36:35 ce n'était pas de dire on va faire un juste milieu.
36:38 C'est où tu te rends, où tu es mort.
36:41 Moi, je te permets de venir en Biélorussie, tu seras tranquille.
36:47 Jacques Sapir, vous vouliez réagir.
36:50 Oui, je suis assez d'accord avec ce que vient de dire Pierre Laurin.
36:55 Dans ce qui s'est passé, on voit très bien que Poutine reste
37:01 dans une position qui est absolument intouchable pour une raison très simple.
37:06 Il n'y a personne qui puisse aujourd'hui incarner l'unité de la Russie
37:11 sauf lui.
37:12 Et donc, cela, tout le monde le sait, y compris Prigojin d'ailleurs.
37:16 Et c'est d'ailleurs pour ça que Prigojin n'a jamais attaqué
37:19 frontalement Vladimir Poutine.
37:21 Donc, tout le monde le sait.
37:22 Et ça, c'est ce qui fait la grande force de Vladimir Poutine.
37:27 Après, ce dont il était question,
37:29 c'était à la fois des questions effectivement de terrain.
37:32 Et là, je dois dire que les récriminations du front
37:38 contre les gens de l'arrière, c'est un vieux classique.
37:41 Rappelons-nous ce qui s'est passé lors de la première guerre mondiale en France.
37:46 C'était constant.
37:47 Mais il y a surtout un point.
37:49 C'est que Poutine mène aujourd'hui une opération militaire,
37:54 une guerre en réalité, mais ce qu'il appelle une opération militaire
37:58 de manière limitée.
38:00 La Russie n'est pas mobilisée.
38:02 Bien sûr, les industries militaires tournent à plein régime
38:06 et elles produisent beaucoup plus que ce que produisent, par exemple,
38:09 les industries militaires de l'OTAN.
38:11 C'est un fait.
38:12 Mais il n'y a pas de mobilisation de la société russe.
38:15 Et ce qui est encore plus important, c'est que cette politique,
38:19 c'est une politique non pas les canons avant le beurre,
38:22 mais le beurre et les canons.
38:25 Or, c'est peut-être là qu'il y a effectivement une divergence
38:29 entre des gens de l'armée qui souhaiteraient en finir plus vite
38:33 avec l'Ukraine et Poutine et qui disent "enfin, on n'a pas mis les moyens,
38:39 il faut y aller de manière beaucoup plus forte".
38:42 Et là, ce qui sera intéressant, c'est de voir dans la semaine qui vient,
38:46 qui va remplacer Choygou.
38:48 Si Choygou d'abord est remplacé, et qui va le remplacer ?
38:51 Et puis deuxièmement, est-ce que Gerasimov,
38:53 qui est un bon théoricien mais qui a été un médiocre chef d'état-major,
38:57 est-ce qu'il va partir et est-ce qu'il va être remplacé,
39:00 ce que l'on dit actuellement à Moscou, par Sourovikhin ?
39:03 Merci beaucoup Jacques Sapir pour cet éclairage.
39:06 Je le disais, deux éléments essentiels.
39:08 Un sur l'affaiblissement ou non de Vladimir Poutine
39:12 et deux sur le rôle de l'Occident.
39:14 Et ce qui est vrai, c'est qu'hier, vous n'avez pas eu ou très peu de réactions
39:19 de chefs d'État, qu'Emmanuel Macron n'a pas réagi hier après-midi
39:22 ou que très tardivement, en disant qu'il y avait eu un échange.
39:25 Les États-Unis non plus.
39:26 En revanche, Anthony Blinken, le chef de la diplomatie américaine,
39:29 aujourd'hui a réagi en disant que cela a défié directement
39:32 l'autorité de Vladimir Poutine.
39:34 Donc cela soulève de vraies questions et révèle des fissures
39:38 au plus haut niveau de l'État russe.
39:41 Elisabeth Guenel, notre correspondante, régisse où vous allez poursuivre.
39:45 La question c'est de savoir si les États-Unis étaient au courant ou non
39:48 de cette tentative de rébellion.
39:51 Le renseignement américain avait détecté dès le mois de janvier
39:55 des signes de tensions entre le leader du groupe Wagner
39:58 et l'État-major russe.
39:59 Selon les médias, les responsables américains avaient anticipé
40:03 qu'Egveni Prigojin se préparait à défier Moscou en amassant
40:07 une grande quantité d'armes et de munitions près de la frontière russe.
40:10 Ils en avaient même alerté les élus du Congrès.
40:13 Mais ils ont été surpris par la rapidité de l'escalade.
40:16 Pour le moment, les Américains observent.
40:19 Ils ne savent pas ce que les derniers développements signifient
40:22 en termes de stabilité pour la Russie.
40:24 La Maison-Blanche et le département d'État multiplient les contacts
40:27 avec les alliés. Joe Biden, le président, ne s'est pas encore
40:31 publiquement exprimé. Il passe le week-end à Kem David,
40:34 qui est la résidence d'été des présidents américains,
40:37 pas trop loin de la Maison-Blanche, à moins de 100 km au nord.
40:40 Il est avec ses proches conseillers. Il y a tout ce qu'il faut sur place
40:44 pour rester informés en permanence sur la situation en Russie.
40:48 - Ils étaient au courant, les États-Unis, ou pas ?
40:51 - Dit comme ça, j'ai lu l'article du New York Times ce matin.
40:55 En effet, les Américains, on ne peut pas leur retirer ça.
40:59 D'abord, on était les seuls à dire que les Russes allaient envahir
41:03 l'Ukraine en février 2022. Tout le monde, absolument tous les experts,
41:08 moi compris, pensaient que ça n'allait pas arriver.
41:12 Donc, ils ont des renseignements assez solides.
41:16 On sait qu'ils ont réussi, au niveau du renseignement aussi,
41:19 à pénétrer certaines structures du pouvoir, y compris des proches de Poutine.
41:23 C'est vrai qu'il y a eu un travail énorme de fait.
41:26 Maintenant, sur le fait que Prigojine allait tenter quelque chose,
41:29 je pense qu'il n'y a pas besoin d'être un expert du renseignement
41:33 pour se rendre compte qu'il y avait un problème grandissant
41:36 et que cette date butoir du 1er juillet sur la réintégration de Wagner
41:41 dans l'armée posait problème. Prigojine a dit plusieurs fois
41:46 que ça ne lui convenait pas. Il suffisait d'écouter les propos
41:50 et de voir que, sur le fait d'amasser des stocks d'armes
41:55 à côté de la frontière, les casernements de Wagner
41:59 à la suite de Baikmouth se trouvaient de l'autre côté de la frontière.
42:03 Donc, amasser des armes, non. Ils avaient juste récupéré leurs armes
42:07 qu'ils ont retirées quand ils se sont retirés du front.
42:10 - Eric Revelle, sur cette discrétion, cette prudence
42:13 que les médias n'ont peut-être pas eue hier,
42:16 mais que les chefs d'État ont eue en revanche, il y a...
42:19 - Oui, alors, il y a l'intervention du secrétaire d'État américain
42:22 dont vous parliez, mais on sait aussi qu'hier, Joe Biden
42:25 s'est entretenu avec le chancelier allemand,
42:28 avec le président de la République française.
42:30 Donc, on ne sait pas évidemment ce qu'ils se sont dit,
42:32 mais ils ont suivi cette question. C'est vrai qu'hier, on disait,
42:35 on était étonné par le fait qu'il n'y ait aucune réaction européenne,
42:37 qu'il n'y ait pas de réaction américaine, mais vous l'avez dit,
42:40 tout ça, c'était drive par... Ils ont des spécialistes
42:43 en Europe ou aux États-Unis de la cause russe,
42:46 et tout ça a été drive par une chose, c'était la prudence,
42:48 dont certains médias, oui, on peut le redire,
42:51 avec lesquels ils n'ont pas brillé spécialement hier.
42:55 Mais la farce dont parlait M.Lorrain hier
43:00 se termine en farce tragico-comique en réalité,
43:03 parce que, enfin, c'est vous le spécialiste,
43:05 mais moi, ce qui me fascine quand même, c'est de voir
43:07 que le patron de Wagner est accueilli par le patron du Belarus,
43:11 il est en exil, alors que c'est le principal allié de Poutine.
43:15 Donc, c'est très... Pour l'esprit occidental, c'est très surprenant.
43:22 Je poursuis la question, et maintenant.
43:24 D'abord, trois points.
43:26 Vous avez une minute.
43:27 Oui, aucun problème. Le premier point, c'est que,
43:30 d'une certaine manière, le président de la Biélorussie,
43:36 il est simplement en train de jouer les proxys de Poutine.
43:40 Il était hors de question de permettre un Balsan,
43:43 donc, par conséquent, on a trouvé une porte de sortie pour Prigogine.
43:46 Et de plus, en Biélorussie, Prigogine peut être utile,
43:50 parce que, semble-t-il, qu'il y ait des mouvements de libération
43:55 qui cherchent à envahir, à changer le pouvoir en Biélorussie.
43:58 Bon, est-ce que c'est du fantasme ? On n'en sait rien,
44:00 mais en tout cas, Prigogine est sur place.
44:02 Bon, ça, c'est le premier point.
44:04 Le deuxième point, en ce qui concerne les États-Unis et les autres,
44:07 c'est la politique du Comte de Monte-Cristo.
44:10 Vous savez, à la fin du roman, Alexandre Dumas,
44:14 la dernière phrase, c'est "attendre et espérer".
44:18 Attendre de voir comment se déroulent les choses,
44:22 et espérer que ça prenne une bonne position
44:25 avant de pouvoir éventuellement jeter de l'huile sur le feu,
44:28 éventuellement récupérer des dividendes, etc.
44:31 Donc, ça, c'est la base de la géopolitique.
44:34 Les gouvernements, ils agissent toujours comme ça,
44:38 devant une situation imprévue, ne jamais se précipiter.
44:41 Le spécialiste que vous êtes de la Russie,
44:44 dans les jours ou les heures à venir,
44:47 est-ce que Vladimir Poutine va ou doit prendre la parole,
44:51 puisqu'il l'avait prise hier, avec un discours extrêmement grave ?
44:55 Est-ce qu'aujourd'hui, il doit rassurer le peuple russe ou non ?
45:00 Je pense que ce n'est pas forcément nécessaire.
45:03 Mais en tout cas, s'il prend la parole,
45:06 ce sera vraisemblablement pour dire qu'il renouvelle sa confiance
45:11 au ministre de la Défense et au chef d'état-major général.
45:15 Parce qu'il n'y a que cela qui serait logique dans son comportement.
45:19 Il ne va pas prendre la parole pour dire
45:21 "je change le ministre de la Défense et je change le chef d'état-major général".
45:25 Il rencontre Choukou demain.
45:27 Et il rencontre Choukou demain ?
45:29 Eh bien, écoutez, "wait and see", comme disait Alain Bauer hier sur ce plateau.
45:34 Merci à tous les trois pour cette heure de punchline week-end.
45:38 C'était intéressant de mettre en perspective,
45:41 prendre un peu de hauteur sur cette actualité-là,
45:44 dans la prudence.
45:47 Merci à tous les trois.
45:49 Dans un instant, c'est vraiment pas d'accord avec Charlotte Dornelas et Philippe Guybert.
45:52 A tout de suite.
45:53 ...