SMART BOURSE - Emission du vendredi 16 juin

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Vendredi 16 juin 2023, SMART BOURSE reçoit Thierry Philipponnat (Chef économiste, Finance Watch) et Gilles Moëc (Chef économiste, Groupe Axa)

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00:00 Bienvenue dans Smart Bourse, votre double dose quotidienne de marché en direct sur
00:11 Bismarck, chaque jour à la mi-journée, 12h-13h et en fin d'après-midi la grande édition
00:16 pendant une heure à partir de 17h, rediffusée à 20h sur Bismarck TV, émission que vous
00:21 retrouvez chaque jour en replay sur Bismarck.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
00:26 Au sommaire de cette édition de la mi-journée, le mouvement de la semaine qui permet de résumer
00:31 d'ailleurs la manière dont le marché a digéré les communications des principales banques
00:36 centrales cette semaine, à savoir la Fed et la Banque Centrale Européenne.
00:39 Le mouvement de la semaine est à trouver du côté des devises avec un euro/dollar
00:44 qui a poursuivi son rebond jusqu'à plus de 1,09 au moment où on se parle, 1,0950 pour
00:50 la parité euro/dollar aujourd'hui.
00:52 Nous reviendrons en détail évidemment sur la communication de Jérôme Pohel mercredi
00:56 soir et de Christine Lagarde hier pour la Fed et la BCE respectivement avec Gilles Mouet
01:01 qui sera avec nous en visioconférence dans un instant, chef économiste du groupe AXA.
01:05 C'est une journée qui était également une journée d'échéance, d'échéance trimestrielle
01:10 sur les marchés avec l'expiration tout au long de cette séance d'un certain nombre
01:14 de produits dérivés, de contrats futurs sur indices.
01:17 Le futur CAC 40 échéance juin arrivera à expiration tout à l'heure à 16h00, une échéance
01:23 qui aura été marquée par une forme de consolidation à plat pour les indices européens mais par
01:28 des records en série pour les indices américains et d'autres indices asiatiques également.
01:33 On a vu le Nikkei, la fusée Nikkei poursuivre son envolée tout au long des dernières semaines
01:39 et puis des records de plus d'un an qui ont été marqués encore ces dernières heures
01:43 par les indices majeurs américains, le S&P 500 et surtout le Nasdaq dopé au thème de
01:48 l'intelligence artificielle générative.
01:52 Le Nasdaq est au plus haut depuis avril 2022.
01:55 Voilà pour la situation de marché et puis un sujet de fonds que nous aborderons en plateau
02:00 autour de l'ESG.
02:01 Toujours cette question comment permettre à l'ESG de grandir, de mûrir, d'être
02:07 toujours plus efficace.
02:08 Vaste sujet que nous allons circonscrire à la question des ratings ESG et de la confusion
02:14 que ces notations ESG construites, mal construites sans doute par les agences mondiales de notation,
02:21 la confusion que ces ratings peuvent entretenir auprès notamment des investisseurs.
02:27 C'est un sujet dont s'est saisie la Commission européenne avec un certain nombre de propositions
02:31 qui ont été faites cette semaine dans le cadre d'un nouveau package autour de la finance
02:36 durable, un sujet dont s'est saisie la Commission européenne et un sujet de réflexion évidemment
02:41 pour l'organisation Finance Watch et son chef économiste Thierry Philipponnat qui
02:46 sera avec nous en plateau pendant cette demi-heure.
02:47 Mais d'abord après quelques jours de réflexion, quelques commentaires encore sur les communications
03:02 de Banque Centrale qui ont marqué la semaine, la Fed et la Banque Centrale européenne.
03:06 Gilles Moet qui est avec nous en visioconférence, chef économiste du groupe AXA.
03:10 Bonjour et bienvenue Gilles, merci beaucoup d'être avec nous.
03:13 Commençons peut-être par le sujet européen avec la réunion de la BCE hier et la communication
03:17 de Christine Lagarde.
03:18 S'il faut chercher à comprendre ce qui motive aujourd'hui le conseil des gouverneurs
03:23 actuels de la Banque Centrale européenne, Gilles c'est bien du côté du marché du
03:26 travail qu'il faut regarder, c'est ce que vous nous dites depuis un certain temps en
03:31 tout cas, que cela plaise ou non, en tout cas c'est la froide réalité qu'il faut
03:36 regarder en face.
03:37 Visiblement ce que la BCE observe sur le marché du travail est une situation qui est en train
03:41 de se cristalliser et qui génère beaucoup d'inconfort.
03:44 Beaucoup d'inconfort oui parce que les données ne sont pas forcément faciles à interpréter
03:51 en ce moment et surtout la difficulté centrale je pense en Europe c'est les délais de transmission
03:57 extrêmement longs entre les signaux que l'on peut avoir sur l'économie réelle et la
04:02 réaction de la quantité d'emploi et ensuite du prix du travail, c'est-à-dire des salaires
04:06 qui va in fine être l'élément primordial pour l'évolution des prix de la consommation.
04:12 On en est en fait à la phase où la BCE est probablement rassurée du fait que le durecissement
04:19 des conditions monétaires se transmet bien à la sphère financière parce qu'on voit
04:23 à chaque nouvelle donnée mensuelle que la distribution de crédit en Europe a ralenti
04:27 de manière maintenant très marquée, donc ça c'est fait, ça veut dire qu'il y a effectivement
04:31 des conditions monétaires qui deviennent restrictives dans la zone euro.
04:34 On commence à avoir des signaux de transmission de la sphère financière à l'activité réelle
04:41 même si ça reste ténu mais on a quelques pays de la zone euro qui ont quand même eu
04:44 des contractions assez significatives du PIB depuis l'hiver dernier, c'est le cas de l'Allemagne
04:49 en particulier, mais ce qui manque toujours c'est la réaction du marché du travail,
04:55 c'est un ralentissement des créations d'emplois et un ralentissement des salaires.
05:00 Et la difficulté je pense pour la BCE tient au fait que l'appareil statistique en matière
05:05 de suivi en temps réel des salaires en Europe est plutôt embryonnaire par rapport à ce
05:10 qu'on a aux Etats-Unis et l'une des raisons qui font qu'à mon avis Christine Lagarde
05:16 n'a pas du tout voulu s'engager sur la trajectoire de politique monétaire après le mois de
05:21 juillet, donc on sait, on s'en doutait qu'il allait y avoir encore une hausse des taux
05:25 au mois de juillet, elle a été préannoncée, confirmée hier, mais au-delà, refus total
05:30 de s'engager, pourquoi ? Parce que OT3 ça peut peut-être être le pic de croissance
05:37 des salaires, c'est peut-être le moment où on verra les créations d'emplois commencer
05:41 à ralentir, où on pourra commencer à se dire qu'on peut prendre le risque de faire
05:46 une pause, mais est-ce que l'information sera suffisante au mois de septembre ou est-ce
05:51 qu'il faudra attendre d'être vraiment dans la dernière partie de l'année pour pouvoir
05:54 prendre ces décisions ? C'est là où la BCE clairement hésite.
05:57 Sur le marché du travail, si je donne une photographie un peu clinique que je vous laisse
06:01 compléter Gilles, mais on voit quand même des taux d'emploi qui sont à des niveaux
06:05 historiques partout en zone euro, on voit des schémas de productivité dont la croissance
06:12 est en train de tendre vers zéro en zone euro de manière assez large là aussi et
06:18 effectivement cette progression des salaires, ce coût unitaire du travail qui progresse
06:24 à des niveaux élevés de 5% et plus même peut-être encore au cours de cette année
06:28 2023, c'est une situation assez anormale par rapport à ce qu'on a connu dans le passé
06:33 en zone euro.
06:34 Qu'est-ce qui fait dire que cette situation pourrait se détendre peut-être à l'horizon
06:39 du troisième trimestre et à l'inverse ? Est-ce qu'il n'y a pas là des facteurs et j'ajoute
06:44 même la question démographique qui plaident pour une tension persistante et peut-être
06:48 même structurelle sur les marchés du travail en Europe demain ?
06:51 L'une des clés est en Allemagne, c'est un peu là que ça se passe parce que c'est
06:57 là où on a vraiment des augmentations de salariales absolument massives qui sont déjà
07:01 dans le pipeline, qui vont de toute manière avoir lieu et qui vont continuer à impacter
07:04 les prix pendant pas mal de temps.
07:06 On sait par exemple que les salaires de la fonction publique en Allemagne vont augmenter
07:09 de 11% au glissement annuel au printemps 2024, c'est fait, c'est une donnée.
07:14 Et c'est là qu'on peut peut-être se dire qu'on est à un point d'inflexion parce
07:19 que si vous regardez la relation historique entre le taux de chômage et la variation
07:23 du PIB, c'est une relation qui tient et qui a même tenu assez bien depuis la phase pandémique
07:31 alors même qu'on pouvait s'attendre à un vrai divorce entre les données, ça reste
07:36 assez étroit comme relation et on est juste au point où on devrait commencer à avoir
07:45 une augmentation du chômage en Allemagne, probablement dès le troisième trimestre.
07:49 Et si on regarde par exemple certaines mesures nationales du taux de chômage en Allemagne,
07:54 il a déjà commencé à monter.
07:55 C'est-à-dire que la mesure harmonisée au sens du Bureau international du travail,
07:59 là on est en stabilité, la mesure nationale, on commence à avoir une augmentation.
08:03 Et si on regarde d'autres indicateurs du type nombre d'offres d'emploi qui ne sont
08:08 pas remplies en Allemagne, ça commence aussi à se normaliser, on avait atteint un pic en
08:12 gros à l'automne dernier.
08:14 Donc c'est peut-être là que ça se passe.
08:16 Mais c'est vrai qu'on est quand même confronté à une situation assez inusitée,
08:20 à cette augmentation très forte des taux d'emploi et avec un contraste entre, dans
08:25 beaucoup de pays en tout cas, un contraste entre les créations d'emplois en termes
08:30 de nombre de salariés et les heures travaillées.
08:33 Les heures travaillées ont tendance à baisser dans un certain nombre de pays, c'est le
08:36 cas pour l'Allemagne, c'est le cas pour l'Espagne par exemple.
08:38 Et là on pourrait se dire que peut-être ces créations d'emploi très vives qui conduisent
08:43 à la BCE à maintenir un discours très très haut quiche, elles sont peut-être en tout
08:47 cas en partie simplement le produit d'une réduction des heures de travail qui n'est
08:51 pas forcément volontaire, qui n'est pas forcément voulu par les entreprises mais
08:55 qui par exemple dans un certain nombre de cas semble refléter une augmentation très
08:59 forte du nombre de congés maladie.
09:01 Donc vous auriez en fait beaucoup d'entreprises qui sont contraintes entre guillemets de
09:04 continuer à augmenter les effectifs parce que l'intensité du travail, le nombre d'heures
09:10 en particulier, baisse en partie du fait de cette augmentation très forte des congés
09:14 maladie.
09:15 Bon, rendez-vous en septembre pour la BCE, ça laissera quand même assez peu de données
09:20 lourdes entre temps pour installer peut-être l'idée d'une pause en septembre.
09:25 D'ailleurs, vous-même Gilles, je crois chez AXA, vous avez rajouté une hausse en septembre
09:30 en préemption de l'idée qu'on n'aura pas assez de données peut-être pour mettre
09:36 une pause en septembre.
09:37 On en a rajouté une, on était honnêtement, on avait un baseline, on s'arrête en juillet
09:43 avec un fort risque que ce soit septembre, là on a bougé avec baseline que ce soit
09:46 septembre mais avec un fort risque qu'ils ne le fassent pas.
09:49 Donc voilà, on est dans l'épaisseur du trait.
09:51 Mais juste une chose pour la BCE, une vraie difficulté de communication pour eux, c'est
09:55 qu'ils vont devoir nous dire quand même à peu près à quelle sauce on est mangé
09:59 dès le mois de juillet parce qu'aujourd'hui on a quand même une communication de la BCE
10:04 qui intègre une forme de forward guidance.
10:06 La BCE nous dit au début de son paragraphe de politique monétaire que les taux d'intérêt
10:12 vont continuer à monter.
10:13 Christine Lagarde nous dit qu'il y reste du chemin à faire.
10:17 Au mois de juillet on va lui poser la même question.
10:19 Donc si la BCE souhaite augmenter ses taux au mois de septembre, comment le précommuniquer
10:28 au mois de juillet ? Et c'est à mon avis une bagarre qui va être intéressante au
10:32 sein du Conseil des gouverneurs parce que soit on maintient l'espoir actuel, donc
10:35 on préannonce une poursuite de la hausse dès le mois de juillet, soit on dit "ah
10:39 non non là on ne peut plus rien vous dire, on est complètement dépendant des données".
10:43 Je pense que c'est ce qu'ils vont faire, qu'ils vont dire "on est complètement dépendant
10:46 des données, on ne peut plus rien vous dire".
10:48 Mais le débat, il va déjà avoir lieu au mois de juillet sur la base d'un flux d'informations
10:53 comme vous le dites qui va être extrêmement maigre par rapport à ce qu'on sait aujourd'hui.
10:57 Donc des meetings de juillet qui vont être importants pour la BCE et pour la Réserve
11:01 fédérale américaine.
11:02 Gilles, puisque l'information de la semaine c'est que la FED, le comité de politique
11:08 monétaire de la FED a décidé à l'unanimité d'une pause pour ce mois de juin, sachant
11:13 que les deux tiers des membres du comité sont convaincus qu'il faudra monter encore
11:18 les taux de 2x25 BP cette année.
11:20 C'est quand même compliqué leur affaire là.
11:22 On est dans l'acrobatie communicationnelle, c'est de la haute voltage.
11:28 On m'a dit que c'était subtil.
11:30 C'est quand même très compliqué d'avoir la prévision médiane des membres du FEMC
11:38 qui dit "on a encore besoin de deux hausses".
11:39 Si on a encore besoin de deux hausses, ça veut dire qu'on n'est vraiment pas du tout
11:44 certain qu'on soit arrivé au degré de restriction nécessaire.
11:46 À ce moment-là, pourquoi faire une pause ? En général, historiquement en tout cas,
11:55 les banques centrales font une pause juste avant la dernière hausse.
11:59 C'est pas là, c'est pas ce qu'on nous dit exactement.
12:01 On nous dit "on fait une pause, on va sans doute remonter, mais on pourrait remonter
12:05 encore deux fois".
12:07 C'est vraiment très compliqué comme discussion.
12:12 C'est un peu la même difficulté que la BCE a en ce moment.
12:18 Aux Etats-Unis, les signes de ralentissement de l'inflation sont plus tangibles qu'en
12:23 Europe, parce que l'inflation sous-jacente a vraiment ralenti.
12:25 Les composantes un peu clés comme les services hors loyer ont vraiment beaucoup ralenti.
12:31 Si vous prenez cette composante-là, sur les trois derniers mois, on est quand même en
12:35 territoire négatif, donc c'est quand même un changement très important.
12:39 Donc on pourrait se dire que la Fed peut quand même plus facilement faire le pari que le
12:44 degré nécessaire de restriction a été atteint, mais chaque mois, au moment où les péroles
12:48 sont publiées, on rappelle à la Fed que le marché du travail reste quand même incroyablement
12:55 robuste.
12:56 Et donc on a une Fed qui est obligée de maintenir un biais haussier, qui est obligée de maintenir
13:01 un biais au quidje, parce qu'elle n'est toujours pas convaincue que l'atterrissage du marché
13:06 du travail est suffisamment tangible pour qu'il n'y ait pas de redémarrage de l'inflation
13:11 sous-jacente, quelque part vers la fin de 2023, début 2024.
13:16 La réaction du marché d'ailleurs était assez marrante pendant le mercredi soir, parce
13:21 que le communiqué a provoqué immédiatement un sell-off du marché obligataire, on a eu
13:27 une espèce de rétro-pédalage pendant la conférence de presse de Powell, mais au crédit
13:33 des banquiers centraux, ça peut être un peu facile de les critiquer, et en tant qu'ancien
13:39 banquier central moi-même, j'ai encore une solidarité de métier, c'est vrai que c'est
13:44 très compliqué.
13:45 On a des messages très contradictoires de données conjoncturelles, d'un mois sur l'autre
13:54 les choses changent assez vite, et c'est du pilotage automatique en visibilité réduite,
14:02 donc c'est vraiment très très...
14:04 Je reprends mon adjectif, c'est très acrobatique.
14:07 Des données contradictoires qui en plus confortent les positions de part et d'autre, chacun y
14:11 trouve de quoi être conforté dans ses convictions, et donc pour l'instant les positions ne bougent
14:16 pas, donc rendez-vous en juillet, 25-26 pour la Fed et 27 juillet pour la Banque Centrale
14:21 Européenne, ça permettra de garder un peu d'attention sur les marchés au cours de cet
14:26 été.
14:27 Merci beaucoup Gilles.
14:28 Gilles Mouaik avec nous en visioconférence, chef économiste du groupe AXA.
14:30 Sujet désormais autour de la finance durable et de la question spécifique des notations
14:46 ESG, des ratings ESG, comment sortir de la confusion qui est entretenue par ces notations
14:52 ESG elles-mêmes.
14:53 Nous en parlons avec Thierry Philipponat, à mes côtés en plateau, chef économiste
14:56 de l'organisation Finance Watch.
14:58 Bonjour et bienvenue Thierry.
14:59 Bonjour Cléo.
15:00 Merci beaucoup d'être avec nous, c'est un sujet qui a fait l'actualité aujourd'hui
15:03 du côté de la Commission Européenne, on va revenir sur ces propositions qui ont été
15:07 formulées par la Commission dans le but d'améliorer effectivement la pertinence de ces ratings
15:12 ESG, des ratings qui sont indispensables pour la finance dans le cadre du verdissement
15:18 de la finance mais qui sont imparfaits, mal construits sans doute par les agences de notation
15:25 mondiale qui fournissent et qui émettent ces ratings destinés notamment aux investisseurs.
15:31 Comment est-ce que vous caractérisez le problème de cette notation ESG aujourd'hui Thierry?
15:36 Le problème je pense qu'il a été bien résumé en une phrase très simple par la
15:41 commissaire européenne Méride McGuinness quand elle propose son projet de règlement
15:45 mardi dernier où elle dit "nous avons un problème de clarté sur les objectifs de la
15:52 notation ESG".
15:53 En fait nous ne savons pas bien ce qu'est la notation ESG.
15:56 Alors creusons un peu de quoi on est en train de parler.
15:58 On est en train de parler d'une note synthétique pour juger de l'environnement, du social
16:07 et de la gouvernance.
16:08 Mais ce n'est pas tout.
16:09 L'environnement, le social et la gouvernance on va le juger dans deux sens.
16:15 On va le juger de l'extérieur de l'entreprise vers l'intérieur, autrement dit quel est
16:19 l'impact de l'environnement et des questions sociales pour faire simple, sur les risques
16:23 dans l'entreprise, sur les comptes de l'entreprise, sur sa capacité bénéficiaire pour appeler
16:27 un chat un chat.
16:28 Et dans l'autre sens, de l'intérieur vers l'extérieur, quel est l'impact de l'entreprise
16:34 sur l'environnement ou sur la société.
16:36 Et on voit très bien que si on croise le fait qu'on a le E, le S et le G et les deux
16:41 sens de impact financier, conséquence financière et puis impact de l'entreprise sur son environnement,
16:48 on a en fait fondamentalement six dimensions différentes.
16:51 Et si on donne une note synthétique pour juger de six dimensions différentes, on ne
16:56 sait plus de quoi on parle.
16:57 Vous avez un élève qui passe un examen de maths, de français et d'histoire géo,
17:04 on lui donne une seule note pour les trois copies.
17:06 Bon, est-ce qu'il est bon en maths ou est-ce qu'il est bon en français mon élève ?
17:09 C'est ça la question.
17:11 Ça c'est lié à quoi ? Comment on en est arrivé là Thierry ? Parce que vous l'expliquez
17:14 très simplement, vu la multidimension du problème, la complexité du problème, tout
17:18 résumé en une note, ça paraît aberrant.
17:21 C'est lié au fonctionnement des agences de notation, c'est lié à la demande de
17:26 simplicité des utilisateurs de ces ratings.
17:29 Je pense qu'il ne faut pas que nous collectivement, tous les gens qui travaillent sur ce sujet,
17:35 il ne faut pas que nous nous autoflagellions trop.
17:38 Tout le SG, la finance durable, la tentative d'orienter les flux financiers vers une
17:45 économie durable, c'est du travail en cours.
17:48 Je vais faire un horrible anglicisme, c'est du work in progress.
17:50 On est en train de faire le travail.
17:52 Donc au début on s'est dit, ah ben oui, la durabilité, il y a de l'environnement,
17:56 il y a du social et puis bien sûr une bonne gouvernance, c'est quand même la base de
18:00 tout.
18:01 Tous les financiers ont toujours su ça au passage.
18:02 Et puis donc on a tout mis ensemble parce qu'on a dit la durabilité c'est tout ça.
18:06 Et puis après ça, on se rend compte que, voilà, le constat que je faisais à l'instant.
18:11 Le but de mon point de vue est moins de dire comment on en est arrivé là, on en est arrivé
18:16 là parce qu'on est en train de faire le travail, on s'est relevé les manches puis
18:19 on s'aperçoit que c'est très très imparfait, que de constater que si on reste sur cette
18:24 logique, on va aller nulle part.
18:26 D'où les débats franchement très difficiles qu'il y a aujourd'hui autour de l'ESG,
18:30 avec des critiques dans tous les sens.
18:32 Mais ces critiques, elles sont alimentées par quoi ? La plupart du temps, et il n'y
18:36 a aucun jugement certainement pas moral dans ce que je vais dire, c'est juste factuel,
18:41 la plupart du temps, le monde des affaires s'intéresse à ce qu'on appelle dans notre
18:47 jargon ESG la matérialité financière, autrement dit, quelle est la conséquence des questions
18:51 environnementales ou sociales sur les comptes de l'entreprise.
18:53 Ils ont bien raison de s'y intéresser, c'est la base de leur métier, c'est absolument
18:57 fondamental.
18:58 Et la plupart du temps, l'investisseur citoyen qui a un peu d'épargne et qui aimerait bien
19:03 que son épargne contribue à construire un monde durable, s'intéresse à l'impact
19:09 de l'entreprise sur son environnement.
19:10 Donc à un bout de la chaîne, on a des gens qui s'intéressent au risque et de l'autre
19:13 à l'impact.
19:14 Et après ça, on a un dialogue de sou en disant "ah, il y a cette incompréhension".
19:18 Pourquoi ? Parce qu'on met un sens différent derrière les mêmes mots.
19:24 Derrière le mot "notation ESG", "ESG", "durabilité", on ne parle pas de la même
19:29 chose aux deux extrémités de la chaîne.
19:30 La recette est garantie pour une incompréhension et puis après ça, des débats difficiles
19:35 et après ça, une perte de crédibilité.
19:37 Et la finance, qu'elle soit durable ou pas, c'est la confiance.
19:40 Et si on n'a pas cette compréhension, on va perdre la confiance.
19:45 Une perte de crédibilité et moi je me place du côté des investisseurs.
19:48 Cette émission est destinée aux investisseurs et à recueillir leurs témoignages.
19:51 Le risque de démobiliser des acteurs financiers qui sont engagés.
19:58 On peut débattre des intentions, des bonnes intentions, etc.
20:00 Mais les engagements, ils sont là.
20:01 Ce sont des gens qui investissent dans les données extra-financières, dans ces critères
20:06 de notation ESG.
20:08 Donc à partir de ce moment-là, il faut quand même que ces investissements rendent quelque
20:13 chose à l'arrivée.
20:14 Et eux-mêmes, je sens qu'il y a une forme de déception par rapport aux critiques qu'ils
20:19 peuvent recevoir.
20:20 Alors les critiques de ceux qui pensent que l'ESG est le diable, comme tweet Elon Musk
20:24 régulièrement, c'est une chose.
20:25 Mais même dans le camp de ceux qui veulent voir les choses avancer, il y a des critiques
20:29 qui sont parfois très démobilisatrices pour des acteurs financiers engagés.
20:33 Quand ce sont les stratégies, articles 8, 9, qui sont pointées du doigt parce qu'elles
20:38 ont des pouillèmes de parts grises.
20:39 Parce que oui, on peut s'engager aussi auprès d'acteurs qui ont aujourd'hui des parts grises,
20:44 mais qui sont de gros investisseurs sur les questions de transition.
20:46 Ça démobilise quand même une partie des troupes.
20:49 Vous avez tout à fait raison.
20:50 Alors là, vous ouvrez un débat gigantesque.
20:53 Donc je reviens en parler très volontiers.
20:55 Mais ce que vous dites mène directement à la question des notations ESG.
21:00 Pourquoi ? Parce que les notations ESG, elles sont au cœur de la construction de l'État
21:03 de l'Europe.
21:04 Elles sont au cœur de la construction soit des portefeuilles ESG, soit des indices qui
21:09 se disent ESG.
21:10 Donc si elles sont au cœur, il faut en fait tout simplement, et là ce qui est très intéressant,
21:16 c'est qu'on est au cœur d'une question de bon sens.
21:18 Et le bon sens, il consiste tout simplement, c'est extrêmement simple en fait quand on
21:22 y réfléchit, à clarifier les objectifs.
21:25 Dites-moi ce que vous notez.
21:27 Est-ce que vous notez les conséquences financières pour l'entreprise X du réchauffement climatique ?
21:34 Simple matérialité.
21:35 Ou est-ce que vous notez les conséquences sur la société de la politique sociale de
21:42 l'entreprise Y ?
21:43 Dites-moi.
21:44 Après ça, vous allez me donner votre opinion, votre analyse, votre score.
21:48 C'est tout simplement ça.
21:49 Alors ce qui est très intéressant dans la proposition qui a été faite par la Commission
21:52 européenne, je dois avouer que chez FinanceWatch, on ne boude pas notre plaisir sur le sujet
21:56 parce qu'on a beaucoup travaillé sur le sujet.
21:58 On a sorti un rapport au mois de mai, qui disait en fait arrêtons de donner une seule
22:07 note synthétique parce que ça n'a pas de sens, j'ai envie de dire, chez les grands
22:10 mots, économique.
22:11 Donnez-nous des notes séparées.
22:13 Et puis après ça, chacun jugera ce qui l'intéresse.
22:17 Moi je m'intéresse juste au risque financier.
22:19 Très bien, c'est ton droit.
22:20 Ah non, moi je m'intéresse à l'impact.
22:21 C'est très bien, mais dites-moi ce que vous évaluez.
22:23 La Commission a presque fait ça.
22:26 Elle a dit, dites-moi si vous donnez une note agrégée ou pas agrégée.
22:31 Donc déjà c'est un peu plus clair.
22:32 Et au cas où ça soit agrégé, donnez-moi la pondération du E, du S et du G.
22:37 Et elle dit aussi, je vous demande de me demander si vous regardez la matérialité financière
22:42 ou la matérialité d'impact.
22:44 Autrement dit, voilà, ce dont on parlait.
22:46 Le travail c'est déjà de simplement qualifier, caractériser l'information que ces agences
22:52 émettent à travers ces scores.
22:54 Absolument, de quoi parle-t-on ?
22:55 Et il est vraiment très, oui je répète le mot, satisfaisant de voir que la Commission
22:59 européenne en fait, entre guillemets, tout bêtement, propose ça.
23:03 Mais derrière mon tout bêtement, c'est quelque chose de fondamental.
23:05 Si on veut que l'ESG sorte du piège de la diabolisation où on est en train de l'enfermer
23:13 en ce moment, que ça soit ce que vous évoquiez, un camp de politico ou business extrême qui
23:21 dit tout ce qui m'intéresse c'est mes profits demain matin et je me moque de la durabilité
23:25 du monde.
23:26 Bon, on sait que ça vient largement d'outre-Atlantique.
23:29 Anglo-saxon, oui bien sûr, la logique anglo-saxonne.
23:31 Mais pas que, mais en tout cas ça vient de là.
23:33 Ou le camp à l'autre extrémité du spectre qui dit tout ça, ça ne sert à rien.
23:37 C'est du washing.
23:38 Et la réalité c'est qu'entre les deux, il y a des gens qui essayent de faire.
23:41 Alors oui c'est souvent imparfait, mais en tout cas donnons-leur des outils pour aller
23:44 dans le bon sens.
23:45 Et donc dans ce paquet, dans ces propositions formulées, donc l'idée déjà de clarifier,
23:50 l'information émise par les agences, c'est du bon sens, c'est simple et ce sont des propositions
23:57 si elles sont mises en application.
23:59 Il y a encore un parcours évidemment européen, législatif devant nous.
24:03 Mais typiquement c'est le genre de réglementation qui peut apaiser la situation.
24:07 Je pense que ça peut contribuer à apaiser la situation, ce dont on a vraiment besoin.
24:11 Et ce qui est intéressant c'est que c'est une pierre à l'édifice.
24:16 J'ai le sentiment, j'espère ne pas être trop optimiste, que c'est une proposition
24:20 tellement de bon sens qu'on va peut-être, j'espère, arriver à dépasser les clans
24:25 partisans.
24:26 Je veux dire qu'on soit de drôle.
24:27 Qu'est-ce qui vous fait dire ça Thierry ? Parce que réglementation, je vais vous dire,
24:31 le financier il en a jusque là la réglementation, dans tous les sens financiers, extra financiers.
24:36 Il a un budget compliance désormais qui explose, il n'en peut plus.
24:40 Vous allez être obligé de me réinviter une troisième fois parce que c'est un autre sujet.
24:44 Non mais je vois le point.
24:46 Tu fais une réglementation qui peut trouver effectivement une forme d'adhésion.
24:48 Je vois le point même si je pourrais mettre des nuances, parce qu'il y a quand même
24:52 des raisons.
24:53 Mais vous avez raison, la réglementation elle est quand même globalement lourde.
24:57 Il faut appeler un chat un chat.
24:58 Donc ça c'est vrai.
24:59 Ce qui me rend optimiste c'est que, encore une fois, on est au niveau du bon sens.
25:06 Dire "dites-moi ce que vous êtes en train d'évaluer", en fait, ce n'est pas très
25:11 révolutionnaire.
25:12 Et à la limite, quelqu'un qui est purement business, une fois qu'il aura les informations
25:20 très clairement, il ne va regarder que l'impact sur les comptes de l'entreprise, parce que
25:24 c'est tout ce qui l'intéresse, très bien, c'est son droit.
25:26 Et puis quelqu'un qui est plus "je veux faire bouger le monde dans le sens de la durabilité",
25:32 le cas géant, les gens qui sont militants, ils vont regarder la partie qui dit quel est
25:36 l'impact sur le monde.
25:37 Et donc ça peut apaiser plutôt que de rester dans ces débats stériles où on finit par
25:43 échanger des noms d'oiseaux en disant "tu es un menteur".
25:45 Non, ce n'est pas vrai, c'est pas vrai que tu es un menteur.
25:47 Ça n'a aucun intérêt.
25:48 Donc oui, il faut contribuer à cet apaisement.
25:50 Et là, ça va plutôt dans le bon sens.
25:53 Alors la Commission qui a le droit d'initiative législative au niveau de l'Union européenne
25:57 a mis la proposition sur la table.
25:58 Maintenant, les co-législateurs que sont le Parlement et le Conseil vont s'en saisir.
26:03 Le Parlement dans un premier temps.
26:04 Donc affaire à suivre.
26:05 Et il faut espérer que dans le processus législatif, on ne va pas avoir de perte en
26:08 ligne.
26:09 Du point de vue des agences qui fournissent ces scores et ces notations au SG aujourd'hui,
26:14 c'est une réglementation effectivement qui peut être accueillie de quelle manière ?
26:17 Ah, ça, vous devriez les inviter.
26:19 Pour connaître pas mal d'entre elles et des responsables de ces agences, je pense que la
26:28 plupart d'entre elles vont dire "oui, oui, oui, quand même".
26:32 On peut mieux faire.
26:33 On peut le faire différemment.
26:36 On peut le faire différemment et garder.
26:39 Et la Commission européenne dit bien "on ne va pas s'immiscer dans votre méthodologie".
26:42 Gardez votre méthodologie.
26:43 Simplement, il y a le régulateur européen, l'ESMA, qui va vérifier que la méthodologie
26:48 est cohérente.
26:49 Et puis, encore une fois, dites-moi quels sont vos objectifs.
26:53 Je ne vois pas qu'elles arrivent à développer un argumentaire puissant pour dire "ah non,
26:59 je vais continuer à ne pas vous dire ce que j'essaie de noter".
27:01 Je suis un tout petit peu injuste en le disant comme ça, parce que quand on va vraiment
27:05 creuser dans des documentations souvent volumineuses, on finit par comprendre qu'ils sont plutôt
27:11 dans tel sens ou dans tel sens.
27:12 Pour être l'auteur du rapport de Farnsworth, j'ai fait toutes ces lectures.
27:15 Il faut vraiment y aller.
27:17 Donc, si on pouvait avoir quelque chose de clair et de simple, ça serait quand même
27:19 bien.
27:20 Il y a une deuxième dimension de la proposition de la Commission européenne, qui est la gestion
27:24 des conflits d'intérêts, qui est évidemment quelque chose d'essentiel.
27:28 Mais encore une fois, ça, ce n'est pas quelque chose de très nouveau ni de révolutionnaire.
27:32 C'est du bon sens.
27:33 Alors, il y a quelque chose…
27:34 On l'a connu avec l'aspect financier.
27:36 La question de la notation financière et du conflit d'intérêts est une question
27:39 qui a déjà été…
27:40 Dans la réglementation sur les agences de rating de crédit, il y a tout un volet gestion
27:45 des conflits d'intérêts qui va de soi.
27:48 Et quelque part, on est en train de prendre des… il y a une proposition de prendre des
27:51 mesures qui sont très très similaires.
27:53 Je pense qu'il y a, ou j'anticipe qu'il y a peut-être une proposition qui va heurter
27:58 certaines agences.
27:59 C'est celle qui consiste à dire, si vous vendez du conseil, du consulting à un émetteur,
28:05 vous ne pouvez pas en même temps le noter, évidemment.
28:09 Parce que si vous recevez de l'argent de quelqu'un, quand bien même les gens sont
28:12 parfaitement honnêtes et qu'il n'y a pas de problème, il y a une suspicion.
28:16 Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.
28:18 Donc, la Commission dit, vous séparez ces deux activités, je ne veux pas les voir sous
28:22 le même toit.
28:23 Très franchement, ça peut ne pas faire plaisir, je comprends.
28:26 Ça peut compliquer un peu la donne, mais c'est indispensable.
28:29 C'est entendable.
28:30 Mais c'est plus qu'entendable.
28:31 Oui, c'est entendable, bien sûr, mais c'est indispensable.
28:34 Vu l'importance de ce marché, vu les masses, on est en train de parler de milliers de milliards
28:38 d'euros, de dollars qui sont en train d'aller dans cette direction-là.
28:41 Si on n'a pas une évaluation, lâchons le grand mot, dans laquelle on a confiance,
28:47 tout le système s'effondre.
28:49 En fait, c'est au cœur de la construction de la confiance.
28:52 On restera sur cette notion clé de confiance, Thierry, en attendant de vous revoir avec
28:58 grand plaisir pour un troisième épisode sur les sujets réglementaires.
29:04 Merci beaucoup Thierry.
29:05 Merci Grégoire.
29:06 On a quitté avec nous l'invité en plateau de cette demi-heure d'émission, chef économiste
29:09 de l'organisation Finance Watch.
29:11 Voilà pour Smart Bourse de la mi-journée.
29:13 On se retrouve à 17h en direct sur Bismarck.
29:15 Au revoir.
29:16 [Musique]

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