Regardez L'invité de RTL du 16 mai 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin le colonel Claire,
00:13 première femme pilote de Rafale, la première aussi à commander un escadron de chasse à Mont-de-Mars.
00:17 Alors colonel Claire, je veux tout de suite préciser pour les auditeurs qu'on ne donne pas votre nom,
00:21 c'est la règle dans l'armée pour des raisons évidentes de sécurité à votre niveau. Vous avez 37 ans
00:27 et vous êtes devenue donc en 2012 à seulement 25 ans la première femme au monde à piloter un Rafale. Vous êtes aujourd'hui
00:33 deux seulement.
00:34 Le Rafale on le rappelle c'est bien sûr l'un des avions de combat de l'armée française souvent présenté comme l'un des meilleurs au monde.
00:40 Qu'est ce qu'on ressent d'abord quand on est aux commandes d'un tel appareil ?
00:43 C'est un mélange de puissance et puis de fusion d'informations
00:47 parce qu'il a vraiment ce côté très très puissant quand on fait du combat rapproché et il a aussi énormément
00:53 d'informations. Il a été très bien fait et on a toutes les informations qu'on veut même un petit peu trop. Il est difficile de faire
00:58 le tri
00:59 quand on a besoin d'une information dans du combat éloigné ou dans l'attaque au sol.
01:02 Ça va à près de 2000 km/h je disais, c'est incomparable ?
01:07 Oui après on n'y est pas si souvent à ces 2000 km/h mais bien sûr c'est sûr que les temps sont pas du tout les
01:12 mêmes quand on fait un Bordeaux-Paris en voiture ou en train et que le matin même on l'a fait en Rafale
01:17 il faut juste pas penser que c'est la même échelle de temps. Le Bordeaux-Paris en Rafale on peut le faire en...
01:21 alors si on est vraiment en
01:23 supersonique ça va être moins d'une demi-heure mais la plupart du temps on
01:26 voyage à la même vitesse que les avions de ligne et là ça va être une heure à peu près.
01:31 Mais pour que ceux qui nous écoutent comprennent ce qu'on peut ressentir, c'est quand même très très difficile. C'est quoi des montagnes russes
01:36 x 100, x 1000 ?
01:38 Alors peut-être pas x 100, x 1000 dans des montagnes russes je crois qu'on peut prendre 3, 4 G et dans un Rafale c'est 9.
01:43 Alors c'est 3 fois plus c'est quand même énorme. Je pense que vous avez tous pu voir des vidéos des gens dans les centrifugeuses
01:50 bah c'est ça en fait on est vraiment écrasé quand on amène l'avion à son maximum.
01:55 9 G oui on fait 9 fois notre poids. Je vous donnerai pas le mien mais
01:58 c'est conséquent.
02:00 Vous dites c'est un avion sans limite, sa seule limite c'est son pilote.
02:04 Ça veut dire quoi ? Que le moindre écart, la moindre faute d'inattention peut être...
02:08 C'est pas que la moindre faute d'inattention peut être dramatique, c'est que en fait l'avion va être aussi performant qu'on le veut.
02:14 C'est juste qu'il va falloir trouver la bonne information dans cette fusion d'informations qui est phénoménale.
02:20 Pour être le plus efficace possible. Donc la limite à mon sens voilà c'est
02:24 est-ce que je vais trouver la bonne information suffisamment vite pour donner le meilleur de mon avion.
02:29 Ça suppose des capacités particulières, il y a une formation qui est très longue.
02:33 Oui effectivement. Donc on est formé, alors moi j'ai eu une formation d'officier de carrière où je suis rentré après des classes préparatoires
02:40 pour via l'école de l'air pour être formé ingénieur.
02:44 Mais ça c'est le début de la formation d'officier de carrière. Après il y a la formation de pilote de chasse qui est commune pour les
02:49 officiers sous contrat et les officiers de carrière.
02:51 On fait à peu près deux ans, deux ans et demi d'école sur des avions de plus en plus gros.
02:55 Et ensuite on arrive sur un avion de chasse pour être là formé sur notre avion de chasse.
02:59 Les capacités que ça va demander et bien c'est beaucoup de division d'attention.
03:03 Être capable de prendre du recul et de pas louper l'information la plus importante.
03:07 Si par exemple à un moment il y a une panne qui apparaît et que celle là on n'est pas capable de la voir.
03:10 Là ça va être dramatique.
03:11 Ces huit ans de formation c'est plus qu'un médecin généraliste par exemple si je devais comparer.
03:17 Pour vous c'était le rafale ou rien ?
03:19 Non c'était pas le rafale ou rien. Moi je suis rentrée dans l'armée de l'air en voulant être pilote de chasse.
03:24 J'ai eu la chance d'avoir une des premières places sur rafale pour les jeunes qui rentraient.
03:28 Les premiers qui ont eu des places sur rafale devaient être deux ou trois ans avant moi.
03:31 Ça aurait été du Mirage 2000, j'aurais été ravie bien entendu. Après le rafale c'est sûr que c'est la pointe.
03:37 Et j'ai été... voilà c'était au-delà de mes attentes mais ça aurait été du Mirage 2000.
03:42 J'aurais été pareil comme une gamine comme je l'ai été sur rafale.
03:46 C'est quoi le quotidien d'un pilote de rafale ? Vous parliez de mission, de combat ?
03:50 Alors voilà tout à fait. On va avoir les parties où on est en métropole et où on s'entraîne
03:55 et les parties où on est en opération extérieure.
03:57 Quand on est en métropole, on a une mission où on va avoir un vol la plupart du temps, une journée où on a un vol.
04:02 On va le préparer, mine de rien ça peut prendre entre une et quatre heures
04:07 suivant la densité de la mission et la complexité.
04:09 Ensuite on a le briefing, le moment où on va à l'avion parce qu'on le néglige
04:14 mais ça prend 45 minutes d'aller à l'avion, de le mettre en route, d'aller en bout de piste et de décoller.
04:17 La mission qui va durer une heure et demie à deux heures ou plus s'il y a du ravitaillement en vol.
04:22 Et une fois qu'on est rentré, il y a tout le debriefing.
04:24 Mais pour être très concret, c'est quoi une mission en métropole pour un rafale ?
04:27 On va s'entraîner à toutes les choses qu'on va pouvoir faire.
04:30 C'est de l'entraînement ?
04:31 Exactement, c'est de l'entraînement.
04:32 Après on a des missions opérationnelles en métropole qui sont la défense aérienne du territoire.
04:37 Typiquement pour éviter ce qui s'est passé au 11 septembre, on a huit avions de chasse
04:41 qui sont prêts à décoller en France en sept minutes.
04:42 24 heures sur 24 ces avions ?
04:44 7 jours sur 7.
04:45 En sept minutes ils peuvent décoller ?
04:46 En sept minutes.
04:47 Et ils doivent être sur zone je crois en moins de 15 minutes ?
04:49 Ça va dépendre où est la zone, bien entendu, mais oui, le plus rapidement possible.
04:53 Ça vous le faites régulièrement aujourd'hui ?
04:56 Oui, moi je le fais à peu près deux fois par an.
04:58 Mais les pilotes qui sont en unité opérationnelle, ils vont le faire une fois par mois, une fois tous les deux mois.
05:02 Et comment ça se passe pour être prêt à décoller en sept minutes ?
05:05 On dort à côté de l'avion, on est collé à son avion, on est déjà en tenue ?
05:09 On dort à côté de l'avion, on est en tenue avec notre pantalon à anti-G.
05:12 Donc un pantalon qui va comprimer le bas du corps qui est connecté à l'avion
05:15 pour éviter de perdre connaissance s'il y a de forts facteurs de charge.
05:18 Et dès que ça sonne, on prend notre gilet de combat, on court à l'avion avec notre casque.
05:23 On a des mécaniciens bien sûr qui sont là pour nous aider.
05:25 Et on décolle le plus rapidement possible.
05:27 On a juste à mettre en route l'avion très rapidement, qui a été préparé bien entendu.
05:31 Et on part le plus vite possible.
05:33 Le plus vite possible, une fois que vous arrivez auprès de l'avion, qu'il faut intercepter, comment ça se passe ?
05:38 Ça va dépendre du type d'avion, du nombre d'avions.
05:40 Il peut y avoir des avions menaçants, c'est pas le quotidien.
05:44 C'est plus souvent des avions de ligne qui ont perdu la radio.
05:47 Et là, du coup, on se met à côté, on vérifie ce qui s'est passé.
05:49 Est-ce que c'est juste qu'ils ont eu un problème technique ou est-ce que malheureusement, il y a un terroriste à bord ?
05:54 La plupart du temps, c'est des problèmes techniques ou ils ont perdu la fréquence.
05:57 J'imagine que ça doit faire un drôle d'effet de voir tout d'un coup un rafale se mettre à leur niveau.
06:03 Surtout au passage, je pense.
06:05 Hier, la Russie a indiqué avoir fait décoller l'un de ses avions de guerre pour aller à la rencontre de deux avions militaires,
06:11 un français et un allemand, au-dessus de la mer Baltique, qui disait-elle, allaient violer la frontière russe.
06:17 On assiste depuis plusieurs semaines, plusieurs mois avec cette guerre en Ukraine à une espèce de guerre d'énergie dans les airs au-dessus de la mer Baltique.
06:24 Ça fait aussi partie des missions d'escadrons comme le vôtre ?
06:27 Alors là, c'est dans le cadre de l'OTAN, bien sûr.
06:29 Oui. Alors nous, on va faire exactement ce qu'ont fait les Russes en défendant notre territoire français.
06:33 Donc s'il y a un avion, qu'il soit russe ou autre, qui s'approche, on va aller vérifier son identité et pourquoi il est là.
06:39 Et après, oui, ça fait partie avec l'OTAN, des missions qui nous sont confiées par l'OTAN, de participer à cette mission-là.
06:45 Quel est votre plus beau souvenir aux commandes du rafale ?
06:48 J'étais aux Émirats-Unis parce qu'on a une base aérienne qui est là-bas et on déploie nos jeunes pilotes souvent pour s'aguerrir un petit peu
06:56 et prendre de l'ampleur sur certaines missions.
06:59 Et j'ai eu l'occasion de voler en combat rapproché avec un F-22 et qui m'a ramené, on appelle dans son aile, mais vraiment...
07:06 Alors un F-22 pour les auditeurs ?
07:08 Un F-22, c'est l'avion de combat de pointe des Américains.
07:11 L'équivalent du rafale un peu ?
07:13 Presque.
07:14 Disons ça parce que nous sommes chauvins, mais non.
07:16 Non, non.
07:18 Rien de beau le rafale.
07:19 Qu'est-ce qui me fait non dans l'envie ?
07:20 Rien de beau le rafale, écoute.
07:21 Et donc vous avez volé ensemble ?
07:22 Et j'étais collée à lui, alors que c'est des avions qu'on a du mal à approcher, même nous, entre militaires,
07:26 on n'a pas le droit de s'approcher d'un F-22 au sol.
07:28 Et là, on vole, être collée à un F-22, c'est un avion qui est vraiment magnifique.
07:32 J'adore le rafale, je ne pourrais pas dire le contraire, mais...
07:35 Oui, vraiment.
07:36 Je disais, vous avez été la première femme à piloter un rafale dans le monde.
07:42 Ça vous agace qu'on rappelle ça ou pas ?
07:44 Oui et non, parce que oui, ça m'agace qu'on me renvoie à ma qualité de femme,
07:48 alors que mon métier est bien plus complexe que ça, et qu'on soit homme ou femme, il est complexe,
07:53 et il est difficile, et il y a beaucoup de choses à dire.
07:55 En revanche, ce que je trouve bien, c'est de rappeler que tous les métiers de l'armée de l'air et de l'espace sont ouverts aux femmes.
08:00 Il n'y a que deux femmes aujourd'hui qui pilotent des rafales en France et quasiment dans le monde.
08:04 Alors dans le monde, je ne sais pas, en France effectivement, oui, ça s'ouvre progressivement,
08:08 forcément, on est dans un recrutement qui est assez spécifique,
08:12 c'est comme dans les écoles d'ingénieurs, il y a peu de femmes, voilà, ça s'ouvre progressivement.
08:15 Vous les appelez, les jeunes filles, à se lancer dans l'aventure ?
08:18 Bien sûr, si c'est leur rêve, il n'y a aucune barrière, et il faut juste se lancer, il n'y a aucun problème.
08:23 Il n'y a plus de barrière, il n'y a plus de misogynie dans l'armée de l'air, c'est complètement passé.
08:28 Colina Eclair, vous êtes maman de jumeaux qui ont 5 ans et demi aujourd'hui, ça change la donne d'être maman ?
08:35 Ça change un petit peu la donne. Ça change la donne dans le quotidien, je pense que vous savez ça.
08:40 On est comme la maman du monde, on est d'accord.
08:42 Exactement. Et après, oui, c'est sûr que je n'ai pas eu l'occasion de repartir en opération extérieure depuis que j'ai eu mes enfants.
08:49 Je pense que je repartirai avec peut-être un état d'esprit différent, mais ça doit être la même chose pour certains papas,
08:54 et puis il y a certaines mamans pour qui ça ne change rien.
08:56 Ils sont fiers de leur maman ?
08:58 Je pense qu'ils ne se rendent pas encore vraiment compte.
09:01 Oui, quand ils sont à côté des avions et quand ils sont venus à l'escadron, ils ont dit à tout le monde "c'est ma maman la chef".
09:06 J'adore !
09:08 En tout cas, c'est formidable de vous entendre et on sent que vous êtes passionnée.
09:13 Vraiment, c'est magique.
09:15 Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions et d'être venue nous voir ce matin ici à RTL.
09:19 Avec plaisir, merci à vous.
09:21 marqué dans le texte.
09:22 Merci à tous !