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Lundi 15 mai 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Éric Cherel (Directeur du pôle Ecosystèmes numériques, Learning Planet Institute)

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00:00 ...
00:07 -Bonjour à toutes et à tous et bienvenue
00:10 dans votre magazine quotidien Smart Education,
00:12 un magazine dédié à la formation,
00:14 aux nouveaux métiers, aux nouvelles pédagogies,
00:17 le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération.
00:20 Quand l'intelligence artificielle se met au service de l'éducation,
00:24 vous n'êtes sûrement pas passés à côté
00:26 de ce petit outil Tchatché-Pété,
00:28 dont l'utilisation au sein du système scolaire fait débat,
00:31 il faut le dire, mais il n'y a pas que l'IA générative.
00:34 D'autres applications d'intelligence artificielle
00:37 sont possibles, elles permettent de personnaliser les apprentissages.
00:41 Un jeune sur deux aimerait apprendre grâce à elle,
00:44 dans les cinq prochaines années, c'est ce que nous apprend
00:47 la dernière étude GoStudent.
00:48 Nous en parlons avec Eric Cherelle,
00:51 directeur du pôle écosystème numérique
00:53 du Learning Planet Institute,
00:55 un centre de recherche spécialiste des technologies numériques,
00:58 qui a publié une tribune sur l'IA dans le système éducatif.
01:01 Bonjour, Eric Cherelle. -Bonjour, Eva.
01:03 -Merci de nous accompagner dans Smart Education.
01:06 Pourquoi avez-vous publié cette tribune
01:08 sur l'impact de l'IA dans l'éducation ?
01:11 -Il se trouve que le Learning Planet Institute
01:13 est cofondateur avec l'UNESCO
01:15 d'un mouvement mondial sur l'éducation,
01:20 qui s'appelle l'Alliance Learning Planet,
01:22 une alliance pour la planète apprenante,
01:25 et que dans ce cadre-là, on organise une semaine thématique
01:28 pour la journée de l'éducation, le 24 janvier, tous les ans.
01:31 Et du coup, le sujet chaud de cette année,
01:33 un des sujets chauds, en tout cas,
01:35 c'est l'émergence des IA génératives
01:38 et les impacts qu'elles vont avoir
01:40 dans le monde économique en général,
01:42 mais dans le monde de l'éducation en particulier.
01:45 Donc, vous n'êtes pas sans savoir
01:47 qu'il y a eu une explosion des nouvelles technologies
01:49 ces derniers mois, et on s'est saisi rapidement du sujet.
01:53 C'était d'actualité, ça a soulevé beaucoup d'intérêt.
01:56 -C'est vrai que tous les grands noms du web
01:58 investissent désormais massivement dans l'IA,
02:01 notamment générative.
02:02 Est-ce qu'au sein du Learning Planet Institute,
02:05 c'est un sujet de recherche de plus en plus traité ?
02:08 Vous vous en rendez compte ?
02:09 -Alors, on a monté une équipe
02:11 sur la recherche d'intelligence artificielle
02:14 appliquée à l'éducation, il y a à peu près 4 ou 5 ans.
02:17 Donc, j'avais engagé d'abord un data scientist
02:20 pour commencer à explorer la problématique.
02:22 Et puis, on a fait pas mal d'expérimentations
02:25 avec des partenaires technologiques
02:27 et institutionnels variés.
02:29 Et du coup, on était déjà dans ces problématiques-là.
02:32 Et c'est vrai qu'il y a eu une accélération,
02:35 surtout auprès de la perception du grand public,
02:37 mais pas que. On a vu la génération d'images,
02:40 la génération de textes,
02:41 la génération, maintenant, même, de vidéos
02:44 qui commencent à arriver,
02:46 avec une espèce d'accélération exponentielle
02:48 de ces technologies. Et du coup...
02:50 -Quand vous parlez de la perception du grand public,
02:54 est-ce que vous pouvez dire par là ?
02:55 C'est-à-dire qu'on commence à en entendre parler davantage,
02:59 à savoir ce que c'est, à en comprendre,
03:01 les tenants et les aboutissants ?
03:03 -Si on parle de, par exemple, OpenAI,
03:05 qui est un des acteurs majeurs du sujet,
03:08 ils existaient déjà l'année dernière,
03:10 mais personne n'avait entendu parler d'OpenAI.
03:13 C'était quand même quelque chose de relativement confidentiel.
03:16 Et là, c'est vrai que quand on a vu l'atteinte
03:19 de millions d'utilisateurs en une durée extrêmement rapide
03:22 et très rapide, ça devient révélateur.
03:24 Je travaille dans le numérique depuis très longtemps,
03:27 et c'est vrai que cette espèce de graal du test de Turing,
03:31 d'être capable de discuter avec une IA sans se rendre compte
03:34 que ce n'est pas un humain, on n'y est pas encore tout à fait,
03:37 mais on a fait un grand pas en avant dans cette direction-là.
03:41 C'est déjà le cas si vous jouez aux échecs avec un ordinateur,
03:44 vous n'êtes plus capable de voir si vous jouez avec un ordinateur
03:48 ou un humain. Si vous pouvez discuter avec un ordinateur,
03:51 vous pouvez voir ce qu'il y a dans l'éducation.
03:54 Ces conclusions-là, elles sont destinées à qui ?
03:56 Est-ce qu'elles sont destinées aux acteurs du monde éducatif,
04:00 justement, aux acteurs de la tech ?
04:02 -C'est les acteurs du monde éducatif au sens large.
04:05 Il y a aussi un aspect qui a un importance,
04:07 c'est de toucher un peu les décideurs
04:10 et qu'ils prennent un peu la mesure des transformations possibles.
04:13 -Donc les pouvoirs publics ? -Les pouvoirs publics...
04:16 Quelque part, on est en lien avec des acteurs comme l'ONU
04:20 ou des réseaux internationaux,
04:22 qui, eux aussi, ont une force à la fois médiatique
04:26 de...
04:27 ...de régulation, également,
04:30 parce que c'est vrai que dans ces aspects éthiques,
04:33 il y a des enjeux qui sont assez larges.
04:36 Si on reprend globalement l'histoire
04:39 des sciences cognitives, de l'éducation au sens large,
04:42 c'est vrai qu'on a souvent parlé de soi-disant ruptures.
04:45 Je me rappelle avoir vu des tribunes sur l'arrivée des MOOCs
04:49 à la fin de l'université, mais précédemment,
04:51 il y avait l'arrivée de... Je sais pas, moi,
04:54 la vidéocassette, ça va remplacer le besoin de l'école.
04:57 Si vous prenez le début des années 80 ou fin des années 70,
05:00 vous avez ce genre de choses.
05:02 Maintenant, si on prend un niveau cognitif plus élevé,
05:05 par exemple, l'apparition de l'écriture
05:08 a permis aux humains de sortir des choses de leur mémoire,
05:11 qu'ils devaient avoir dans la mémoire individuelle ou collective,
05:15 totalement dans leur cerveau, de la désolidariser
05:18 sur le papier ou sur une tablette d'argile.
05:20 Il y a eu une révolution cognitive profonde.
05:23 Mais si vous voyez Socrates, lui-même,
05:25 s'inquiéter du fait que les gens les deviennent bêtes.
05:28 Est-ce qu'on est capable de processer l'information
05:31 en ayant posé l'information sur du papier ?
05:33 La question était légitime.
05:35 Certes, je pense qu'aujourd'hui, un humain a une moins bonne mémoire
05:38 qu'avait quelqu'un avant l'apparition de l'écriture.
05:41 Depuis, même l'imprimerie, c'est pas aussi massif.
05:44 Si demain, par contre, vous avez la capacité de raisonner
05:48 aussi poussée que celle d'un humain dans plein de domaines,
05:51 de classer des informations ou de faire des résumés,
05:54 que va-t-il changer dans votre fonctionnement cognitif ?
05:57 Ce sont des questions assez fascinantes.
05:59 C'est assez prospectif, on n'en est peut-être pas là.
06:02 -Mais il faut se les poser. -Il faut se les poser.
06:05 D'où vient l'information ? Qui la maintient ?
06:07 Qui maintient ces algorithmes ?
06:09 Sont-ils compréhensibles par des humains ?
06:12 Beaucoup de questions intéressantes.
06:14 -Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
06:16 J'ai parlé d'IA générative,
06:18 j'ai aussi parlé en préambule de cette émission,
06:21 de cette intelligence artificielle
06:23 qui servirait à la personnalisation de l'apprentissage
06:26 pour s'adapter plus facilement à chaque élève.
06:28 Adaptive learning aussi, on en a beaucoup entendu.
06:31 Pouvez-vous nous donner quelques cas concrets
06:34 d'application de l'intelligence artificielle
06:36 dans l'éducation pour qu'on se rende compte
06:39 à peu près où est-ce qu'on en est ?
06:41 -L'adaptive learning, c'est pas nouveau.
06:43 La différence, c'est que là, on n'est plus dans des scénarios
06:46 où on a des applications scriptées,
06:48 où on fait ça, quand on atteint un score,
06:51 on va dans une branche, etc.,
06:52 mais des choses plus softs,
06:54 où le système est capable de s'adapter
06:56 plus finement à des situations un peu ambiguës, un peu floues.
07:00 Des choses concrètes, je peux vous en donner plusieurs.
07:04 Il y a un groupe dans le mouvement Open Education Global,
07:07 un groupe d'enseignants, surtout du supérieur,
07:10 mais pas que, du monde entier,
07:11 qui se sont mis en commun pour réfléchir
07:14 à l'IA et notamment les IAs génératives
07:16 dans des scénarios pédagogiques intelligents.
07:19 Ca peut passer de faire de l'IA
07:20 à une sorte de moteur de questionnement socratique
07:23 pour vous obliger à creuser un sujet,
07:26 ça, c'est intéressant.
07:27 Il y a des gens qui ont poussé assez loin
07:29 la capacité à débattre de l'IA,
07:31 on demande de débattre un point de vue
07:33 pour que l'étudiant apprenne à débattre le point de vue opposé.
07:37 Mais il faut savoir aussi le besoin d'esprit critique
07:40 qui devient plus important.
07:42 Si vous demandez au chat de GPT de générer un article scientifique,
07:45 il le fait, sauf qu'il hallucine un article scientifique.
07:48 Il lui parait le plus probable
07:50 dans le contexte des milliers d'articles scientifiques.
07:53 Il va inventer des références, des théorèmes,
07:56 des chercheurs qui n'existent pas,
07:58 des universités dans lesquelles travaillent ces chercheurs
08:01 qui n'existent pas non plus.
08:03 Ca lui pose aucun problème. Il n'a pas une base de fait.
08:06 Il génère le texte le plus cohérent
08:08 avec ce qu'il possède comme information
08:11 et donc tout l'enjeu de connecter ces IAs génératives
08:14 avec des bases de fait qui soient fiables,
08:16 qui soient spécialisées dans différents problèmes.
08:19 -Comment l'un arrive après l'autre ?
08:21 C'est qu'on réfléchisse à ces questions-là
08:24 après l'arrivée finalement de cet outil ?
08:27 -Vous l'irez.
08:28 Pourquoi les gens d'OpenAI ne se sont pas posé ces questions ?
08:31 -Pourquoi ces questions d'éthique arrivent souvent
08:34 après la création d'un outil ?
08:37 -Je pense qu'en fait, on est dans l'urgence
08:40 de la création. C'est des outils de la Silicon Valley,
08:43 on est dans le mode start-up, la recherche de valeur
08:46 est très rapide.
08:47 On a une compétition internationale
08:50 extrêmement violente. -Il faut aller vite.
08:52 -Il faut aller vite. On met en ligne,
08:54 même si ça ne marche qu'à moitié,
08:56 même si les garanties de qualité de l'information
08:59 ne sont pas très bonnes.
09:01 Aujourd'hui, Tchad GPT, il y a une armée de personnes
09:04 derrière qui vont essayer de profiler
09:07 certains types de questions
09:09 pour fermer des réponses problématiques,
09:11 climato-sceptiques, phallocrates ou autres.
09:14 Le système, comme il a été entraîné
09:16 sur l'ensemble des données d'Internet,
09:19 il va reprendre ce qu'il lit et pour l'en empêcher,
09:21 on est obligé de faire des systèmes par-dessus
09:24 pour bloquer des morceaux. -Comment expliquez-vous
09:27 que cet outil-là, Tchad GPT, serait une intelligence artificielle
09:31 à bannir de l'éducation ? On en a beaucoup parlé
09:34 d'intelligence artificielle au service du système éducatif.
09:37 Sur cet outil particulier, on a l'impression
09:40 qu'il y a eu plus de contre que de pour.
09:42 On en a plutôt dit, on n'en veut pas, nous.
09:45 Il y a même des établissements de l'enseignement supérieur
09:48 qui ont dit que chez eux, ce serait interdit.
09:51 On a l'impression que pour la première fois,
09:53 il y a un sujet de dire si on l'accepte ou non
09:56 au sein du système éducatif. -Je pense que c'est
09:59 un peu un faux débat. On a Sciences Po,
10:01 qui a pris, fameusement, des restrictions
10:04 extrêmement fortes, avec des sanctions très fortes,
10:07 pour les élèves s'ils se servent de ça.
10:09 C'est un aveu de faiblesse.
10:11 C'était comme quand on interdisait les calculatrices
10:14 quand elles sont arrivées, et qu'on disait
10:16 que les enfants devaient apprendre à calculer.
10:19 -C'est possible de s'en servir à bon escient ?
10:22 -Bien sûr. De même qu'une calculatrice,
10:24 elle vous rend pas idiot par rapport à utiliser
10:27 une règle à calcul ou poser vos additions sur une feuille de papier.
10:31 Il faut garder l'expertise et l'esprit critique
10:33 et maîtriser les fondamentaux pour ne pas devenir
10:36 indépendant de ces outils-là.
10:38 Et ça, c'est pas évident. Aujourd'hui,
10:40 vous avez une moins bonne mémoire qu'un homme préhistorique
10:44 qui doit se rappeler des milliers de choses.
10:46 Vous savez moins bien calculer qu'un élève des années 60,
10:50 car il devait être extrêmement bon en calcul mental.
10:52 En contrepartie, vous avez accès à des informations
10:55 beaucoup plus larges, vous avez appris à les traiter
10:58 de plus largement. Demain, si la faculté
11:01 de faire un résumé d'un texte est meilleure
11:03 que la vôtre, sur quoi... Qu'est-ce que ça vous donne
11:06 pour vous concentrer sur autre chose ?
11:08 Votre capacité de cerveau reste la même.
11:11 -Où en est-on du déploiement de ces nouvelles pratiques
11:14 au niveau national ?
11:16 Est-ce que l'utilisation de l'IA,
11:19 elle est réservée à un cercle restreint
11:21 encore d'établissements ?
11:23 On en est où, vous ? Quel est votre constat ?
11:26 -On est dans l'expérimentation pure.
11:28 Actuellement, il n'y a pas du tout de mouvements organisés
11:31 à l'échelon national. Il y a des groupes de travail.
11:35 Dans le supérieur, vous avez les GTNUM,
11:37 des groupes d'expertise.
11:38 Nous, on anime aussi une communauté
11:40 qui s'appelle Profchercheurs, où ils se posent ces questions-là,
11:44 mais dans un cadre plus global du traitement
11:47 des questions éducatives dans leur ensemble.
11:50 Je pense qu'aujourd'hui, c'est les enseignants leaders,
11:53 un petit peu, enfin, expérimentateurs,
11:55 qui ont envie de saisir le sujet et de tester plein de choses.
11:59 Ca foisonne dans tous les coins.
12:01 Dans les meilleurs cas, ils se mettent en réseau.
12:04 Je vous mentionnais Open Education Global.
12:06 Ils vont essayer de trouver les bonnes et les mauvaises pratiques.
12:10 Ca, c'est très positif.
12:11 Il y a ceux qui ferment complètement la porte.
12:14 Et puis, la grande majorité sont attentifs.
12:16 Ils ne voient pas encore comment ça va les impacter.
12:19 Certains n'ont peut-être pas entendu parler.
12:22 C'est difficile de voir l'impact.
12:24 -L'IA au service, il nous reste 20 secondes.
12:26 On en a parlé des étudiants, des élèves, des enseignants,
12:30 de tous les acteurs du système éducatif.
12:32 On terminera là-dessus ?
12:34 -Dans l'idéal, oui.
12:35 Dans l'idéal, l'IA permettrait une éducation plus inclusive,
12:38 plus adaptée à chaque enfant,
12:40 qui prenne en compte ses spécificités,
12:43 une sorte de mentor toujours disponible,
12:45 qui n'a pas l'efficacité d'un humain,
12:47 il n'y a pas la même affectivité, la même connaissance.
12:50 -On remplacera pas le professeur. -Mais on peut le compléter.
12:54 Là où le professeur est seul face à 40 élèves,
12:57 avoir quelque chose qui peut l'aider
12:59 à s'adapter spécifiquement à chaque enfant.
13:01 -Merci d'avoir répondu à nos questions.
13:04 Dans Smart Education, vous êtes le directeur
13:06 du pôle écosystème numérique du Learning Planet Institute.
13:10 Merci de nous avoir accompagnés,
13:12 de nous avoir parlé d'intelligence artificielle dans l'éducation.
13:15 Merci à vous de nous avoir suivis.
13:17 On se retrouve très vite pour un prochain numéro.
13:20 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:22 Générique
13:25 ...

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