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Vendredi 21 juin 2024, SMART ÉDUCATION reçoit Marie Robert (Auteure, professeure de philosophie & Directrice, Écoles Montessori)

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00:00Générique
00:07Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans Smart Education, votre magazine hebdomadaire dédié aux nouveaux métiers, nouvelles formations, nouvelles pédagogies, également nouvelles technologies de l'éducation.
00:19La philosophie c'est sexy, c'est le mot d'ordre de notre invitée aujourd'hui Marie Robert, elle est philosophe, auteure de nombreux ouvrages dont les chemins du possible aux éditions Flammarion.
00:28Elle a fondé 4 écoles Montessori, nous reviendrons avec elle aujourd'hui sur cette passion pour la transmission et son envie de mettre la philosophie au cœur de nos vies, de nos écoles aussi.
00:38Marie Robert, je suis ravie de vous accueillir.
00:40Bonjour.
00:40Bonjour dans Smart Education.
00:42Marie Robert, multiples casquettes là, je viens de le dire, est-ce qu'on peut refaire juste rapidement un tour sur votre parcours ?
00:48Je disais cette passion pour la transmission, cette passion pour la philosophie, d'où c'est venu tout ça ?
00:52Avec grand plaisir, alors effectivement j'ai plusieurs casquettes, moi à l'origine je suis professeure de philosophie à la fac.
00:58Vraiment à l'université et puis par la suite, poussée par une envie justement de transmettre un peu autrement, je suis devenue entrepreneur, entrepreneur dans le secteur de l'éducation.
01:07En créant avec mon compagnon 4 écoles Montessori, 2 à Paris, 1 à Clichy et 1 la toute première à Marseille, puis 2 crèches.
01:16Et enfin la dernière casquette c'est toujours se transmettre autrement à travers des livres, à travers des podcasts, à travers un Instagram, à travers des conférences en entreprise.
01:24Mais je dirais que le fil conducteur elle-même, c'est non seulement la passion pour la transmission, mais essayer d'aller mettre dans tous les interstices cette idée que la pensée nous permet de mieux ajuster notre action.
01:36Et peu importe à qui on s'adresse.
01:38Exactement.
01:38Pour citer votre livre, quand tu ne sais plus quoi faire, quand évidemment il reste la philo, la philosophie, Marie Robert, c'est une solution à nos mots aujourd'hui ?
01:48Je ne sais pas si c'est une solution, en tout cas c'est une manière d'interroger notre réalité.
01:53Et j'ai vraiment cette idée que la philosophie, en tout cas c'est la façon dont je souhaite la transmettre, c'est penser sa vie, vivre sa pensée.
02:00En prenant un petit moment de recul, en décortiquant, en analysant, on revient à l'action d'une manière plus juste, plus cohérente, peut-être plus ouverte, plus active aussi.
02:11Donc il y a vraiment ce va et vient entre les deux.
02:13Pas trouver une solution, mais décortiquer, analyser et se sentir plus à notre place, plus alignée.
02:19Est-ce que vous trouvez qu'elle fait peur encore aujourd'hui la philosophie ?
02:22Toujours, j'ai beau essayer et je ne suis pas la seule.
02:27On est quand même un peu plus nombreux aujourd'hui à avoir une autre approche, que ce soit des Charles Pépin, que ce soit des Clermarin.
02:33Malgré tout, et soyons un peu honnêtes, la philo reste une discipline élitiste, tout le monde n'en fait pas, bourgeoise, assez masculine,
02:44même s'il y a quelques figures féminines qui émergent, tout de même, l'image du philosophe c'est un homme d'un certain âge.
02:51Donc bien sûr qu'elle fait peur, elle fait peur parce qu'elle est aride dans sa compréhension.
02:56Quand on ouvre Kant, ce n'est pas facile de le comprendre tout de suite.
02:59Donc tout mon travail, ce n'est pas de prétendre simplifier la philosophie, mais c'est d'être une forme de passerelle.
03:06De dire, tiens, on peut faire de la philo pas seulement en lisant des textes, ça c'est peut-être une seconde étape,
03:12mais peut-être en réfléchissant, en essayant de s'interroger sur ce que veulent dire les mots, sur pourquoi, sur une histoire de la pensée.
03:19Ça c'est l'objectif aussi derrière philosophie sexy, c'était l'objectif derrière ça, désacraliser, dépoussiérer, démocratiser,
03:27montrer qu'en fait la philosophie c'est juste, comme vous disiez, se poser des questions.
03:31Oui, il y a cette idée, en fait pour tout vous avouer, quand j'ai commencé à ouvrir mon compte Instagram il y a maintenant au moins 8 ans,
03:37je n'avais pas de prétention, pas de ligne éditoriale, pas de projet, si ce n'est montrer ce que je fais dans le quotidien,
03:44c'est-à-dire le matin je me réveille et je me dis, tiens, à quoi tu penses ?
03:48Et si je continue à écrire 2200 signes tous les jours, quoi qu'il arrive, c'est justement pour déposer une hypothèse,
03:56et dire aux gens, tenez, et vous, que se passe-t-il ?
04:01C'est se dire qu'on a tous, même dans nos vies pleines de contraintes, avec une accélération qui caractérise notre modernité,
04:07on a tous la possibilité de s'arrêter un instant et d'interroger ce qui se passe dans notre esprit.
04:13Vous parliez tout à l'heure de l'enseignement supérieur puisque vous avez commencé, donc vous le disiez, professeur de philosophie à l'université,
04:19vous parliez aussi des entreprises, comment on parle de philosophie aux plus petits, là, c'est ça ma question, aux plus jeunes ?
04:25Alors je vais vous dire, c'est sans doute parmi tous les publics, le public le plus réceptif.
04:30Moi je commence des ateliers philo, alors j'en fais évidemment dans mes établissements, mais j'en ai fait aussi ailleurs,
04:36aux alentours de 4-5 ans, il y a vraiment un âge, je dirais, un âge métaphysique,
04:41c'est-à-dire qu'il y a un âge où le pourquoi est permanent, et je suis sûre que les parents qui nous écoutent voient très bien ce que je veux dire.
04:47Pourquoi ? Pourquoi l'autorité ? Pourquoi le désir ? Pourquoi les choses ?
04:51C'est un mélange d'émerveillement, de questionnement, d'aussi de vertige en fait,
04:56puisque c'est souvent un âge auquel la question de la mort intervient, donc philosophie avec les enfants, c'est presque naturel.
05:05Donc moi, ma façon de faire, c'est souvent que je commence à raconter une histoire, et une histoire qui interroge des idées, qui interroge des concepts.
05:13Et ensuite, il se passe quelque chose quand même de fantastique, c'est que les enfants s'emparent en fait de ces concepts pour dialoguer entre eux.
05:20Donc les ateliers philo avec les enfants ont plusieurs fonctions, non seulement effectivement de se questionner, d'interroger la réalité, de les rendre acteurs,
05:26de leur apprendre à préciser leurs pensées, parce qu'une fois qu'ils ont entendu l'histoire, comment j'argumente, comment je la transmet aux autres,
05:33comment j'arrive à affiner ce que je veux dire. Et puis, troisième point, écouter les autres, se nourrir en fait de l'altérité,
05:41être parfois subjuguée parce que le copain ne pense pas du tout la même chose que nous, et qu'on trouve ça dingue quand même qu'il ne pense pas la même chose.
05:48Donc c'est à la fois, je dirais, extrêmement simple, parce qu'ils ont ce désir, et en même temps c'est extrêmement puissant,
05:57parce qu'il se passe quelque chose dans ces moments qui n'existent pas dans le reste du système éducatif,
06:02au sens où on ne va pas d'un point A à un point B, on ne leur enseigne pas une bonne réponse, on leur enseigne une façon de se positionner face au monde.
06:09Mais ça, Marie-Robert, pour créer ça, il faut que ce soit très cadré, tout de même ?
06:13Oui, complètement. C'est pour ça qu'il faut vraiment que ce soit, je dirais, un moment rituel, c'est un moment à part.
06:19Et souvent, quand je forme d'autres professeurs ou quand j'échange avec des collègues sur cette question-là,
06:26il y a des séances qui parfois sont frustrantes, justement, parce qu'on n'a pas mis un cadre où on a l'impression qu'on avait des ambitions,
06:32et puis en fait les choses nous ont un peu échappées.
06:34Donc il ne faut vraiment pas s'inquiéter, reprendre, ritualiser, essayer de créer un espace singulier.
06:41On est quand même dans une société où on a un peu perdu l'habitude de dialoguer les uns avec les autres.
06:46Ce n'est pas un constat, c'est un constat un peu triste, mais ce n'est pas un constat, ce n'est pas un jugement.
06:51Mais on n'a pas beaucoup d'espace de parole où c'est juste de la parole.
06:55Donc les enfants doivent s'habituer.
06:57Et je garantis, pour l'avoir vécu, que de semaine en semaine, il se passe quelque chose, ils prennent l'habitude et la pensée vraiment s'installe.
07:07Quel lien on peut faire, Marie-Robert, entre la philosophie et la pédagogie Montessori ?
07:12Alors, Maria Montessori ne proposait pas tellement d'atelier philosophie.
07:17En revanche, elle avait vraiment une idée, c'est que la connaissance de l'autre va permettre la paix dans le monde.
07:22Je fais un raccourci pour les puristes, mais en tout cas, c'est cette idée de plus on connaît des choses,
07:27que ce soit en géographie, en histoire, en science, moins on a d'inquiétudes face au monde.
07:33Je crois que la philosophie participe à cette idée-là.
07:37C'est-à-dire, en mettant du partage, en mettant de la parole, en mettant de la communication là où il y a de l'altérité,
07:46L'autre a une idée différente, mais à partir du moment où je l'entends, je ne suis pas dans un rapport de violence à l'égard de lui-même.
07:55Donc, j'ai la conviction que ça participe effectivement à cette idée de Maria Montessori qui est l'ambition de l'éducation.
08:03Et de créer un environnement propice, c'est ça, à l'apprentissage, au développement personnel ?
08:10Alors, évidemment, respect de soi, respect de l'autre, avec l'idée aussi de faire confiance, de poser un regard de confiance sur les enfants.
08:16Parce que les ateliers philo, c'est une chose que je n'ai pas mentionné, mais quand on en anime, c'est aussi accepter que les enfants aient l'autonomie dans leurs paroles.
08:26Ce n'est pas du tout une leçon de morale. Je ne suis pas là à la fin pour dire, bon, alors, la bonne réponse n'était absolument pas.
08:32Au contraire, c'est accepter parfois qu'il y ait des choses qui sortent, qui, tiens, je n'étais pas sur ce chemin.
08:38Donc, il y a cette idée de paix, il y a cette idée d'autonomie, il y a cette idée de leur faire confiance, en fait, dans leur capacité à juger.
08:44Donc, effectivement, il y a cette... Alors, on ne passe pas par le concret, puisqu'on est vraiment dans de l'abstrait, donc ça, c'est différent de la pédagogie.
08:51Mais je crois que l'état d'esprit demeure assez proche.
08:54Donc, quatre écoles Montessori. Je le disais, est-ce que les enjeux à Paris, à Marseille, où vous avez fondé ces écoles-là, sont les mêmes ?
09:02Non. Et c'est ça, à la fois le plus dur, à la fois, moi, ce que je trouve le plus intéressant.
09:07Il faut imaginer que notre école à Marseille, qui est donc la première que nous avons créée, on a un tissu qui ressemble à la ville.
09:15C'est-à-dire, on a quelque chose d'un peu plus familial, il y a des grands-parents qui viennent chercher, des oncles et tantes,
09:21quelque chose d'un peu plus ancré, effectivement, dans une perspective familiale.
09:26À Paris 15, à Paris 16, on a beaucoup d'expatriés.
09:30Donc, on a une autre mixité culturelle qui est une mixité, vraiment, de nationalités.
09:3570% des enfants que nous accueillons à Paris 15 et Paris 16 sont d'origine étrangère.
09:41Donc, ça, c'est pas la même chose, puisque ça veut dire des parents isolés qui, eux, sont en France pour une expérience.
09:47Clichy, on est un peu entre les deux.
09:50Donc, on est souvent des parents qui travaillent beaucoup, mais on a aussi un peu plus de terreau familial.
09:57Donc, notre enjeu, et c'est intéressant, parce que c'est pas du tout un business, justement, qu'on peut juste développer en se disant
10:03« Oh, il y a une recette miracle, je vais faire ». Non, il faut comprendre l'endroit où on est.
10:07Il faut comprendre l'écosystème de la ville, comprendre les écosystèmes familiaux que nous avons autour de nous.
10:13Et je crois que respecter un endroit, c'est précisément ça, justement.
10:17C'est pas juste implanter une école et une méthode toutes faites, c'est comprendre là où on se situe,
10:21même dans le choix des projets pédagogiques, d'ailleurs.
10:23Vous parliez de crèches, d'écoles.
10:25Est-ce que c'est pas un peu frustrant, après, de les lâcher, ces enfants, dans le monde de l'école traditionnelle ?
10:31Si, moi, je veux jamais les lâcher. J'aimerais les garder jusqu'à la fac. J'ai pas encore eu cette opportunité.
10:36Alors, il y a deux choses.
10:38La première chose, c'est que, contrairement à ce qu'on pense souvent, ils s'adaptent totalement au système.
10:42Et moi, mes enjeux, je dirais, presque...
10:45Parce que vous leur avez donné les clés ?
10:47C'est surtout, on leur a donné confiance, en fait.
10:50Moi, j'avais pas envie de les perfuser à une méthode.
10:53Au contraire, je trouve que là, ce serait un peu dangereux.
10:56Ils sont capables parce qu'ils ont confiance en eux, parce qu'ils ont des compétences, parce qu'ils ont eu des acquis,
11:01parce qu'ils sont bien dans leur peau de s'adapter à n'importe quel système.
11:04Cependant, on crée, cette année, notre collège à Marseille, enfin, en septembre prochain.
11:11Évidemment que j'ai envie, moi, d'attaquer le collège.
11:14Parce que c'est un enjeu fondamental.
11:17Le collège est souvent la tranche d'âge assez oubliée dans l'éducation.
11:21On parle beaucoup crèche, pour tout un tas de raisons, pas toujours les bonnes, d'ailleurs.
11:25Maternelle et primaire, il y a sa bouche, pédagogiquement.
11:29Collège, ça reste difficile, alors même que c'est un âge de transformation, de questionnement passionnant.
11:34Donc, j'ai hâte d'y aller.
11:35En 30 secondes, Marie-Robert, ce sera ma dernière question.
11:38Comment imaginer demain un monde où ces ateliers philosophie, cette pédagogie Montessori d'accompagnement de l'élève,
11:44elle va se démocratiser un peu pour l'instant ?
11:46On a l'impression que c'est quand même une infime part des élèves aujourd'hui en France qui sont concernés par ces pédagogies-là.
11:51C'est indispensable.
11:52C'est en formant les profs, en leur faisant confiance, en leur permettant.
11:56Il y a plein de profs qui en ont envie, de pratiquer avec un peu plus de liberté.

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