Mardi 13 juin 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Eloïc Peyrache (Doyen et Directeur général, HEC Paris)
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00:00 -Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans votre magazine quotidien
00:12 Smart Education, un magazine, vous le savez, dédié à la formation, aux nouveaux métiers,
00:17 aux nouvelles pédagogies, le rendez-vous qui donne un futur à la jeune génération.
00:22 Dans cette émission aujourd'hui, un programme de bourse inédit, inédit, c'est vrai, car
00:28 il est destiné aux étudiants issus de pays en guerre.
00:30 C'est la fondation HEC et HEC Paris qui sont à l'initiative de ce projet.
00:34 Pour sa première année de lancement, HEC Imagine Fellows a retenu 5 lauréats, parmi
00:41 eux 3 afghans, un syrien et un ukrainien, promouvoir la diversité ou créer un peu
00:45 plus de paix dans le monde.
00:47 Nous revenons sur les ambitions de ce programme avec Éloïc Pérache, doyen et directeur
00:51 général d'HEC Paris.
00:53 Nous sommes ravis de l'accueillir.
00:54 Bonjour.
00:55 -Bonjour Eva.
00:56 -Bonjour. -Bonjour.
00:57 -Eva, bienvenue dans Smart Education.
00:58 Éloïc Pérache, merci beaucoup de nous accompagner.
00:59 Ma première question est assez simple, comment elle est née l'idée de ce programme ?
01:02 -Merci beaucoup de votre invitation et de parler de ce programme.
01:06 La genèse est assez simple.
01:07 HEC, aujourd'hui on a à peu près 130 nationalités sur le campus.
01:12 Et donc c'est un vrai forum mondial.
01:14 Et on a des étudiants chinois et taïwanais, indiens et pakistanais, ukrainiens et russes,
01:19 israéliens et certains de pays arabes.
01:21 Donc parfois de pays en tension.
01:23 Et on est un peu habité et convaincu de cette mission qui est de créer des ponts entre
01:31 les nations, entre les différentes cultures.
01:32 Et donc on a toujours, enfin depuis très longtemps en tout cas, porté ce projet.
01:36 Et en espérant que c'est nos diplômés qui vont être des gens plutôt influents dans
01:40 le monde demain, seront des promoteurs de la richesse de cette diversité.
01:43 Et puis un jour avec le fondateur de Miracle, Adrien Nussenbaum, on s'est dit mais tiens
01:50 il faudrait qu'on aille plus loin.
01:51 Il y a une capacité de l'école de changer des destins de manière assez massive pour
01:56 des élèves qui ont sans doute un horizon assez assombri puisqu'ils sont dans des pays
02:01 en guerre ou qui ont été très touchés par des conflits.
02:03 Et donc c'est comme ça que c'est né le projet.
02:06 Adrien a fait un don assez significatif pour lancer les choses.
02:09 - Alors parlez-nous un peu plus du profil de cet Adrien qui finance donc ce projet,
02:15 c'est ça ?
02:16 - Adrien Nussenbaum c'est un ancien HEC, fondateur de Miracle, a une histoire personnelle particulière
02:24 qui a fait qu'il était sensible à ce genre de projet là.
02:27 Et c'est vrai que cette envie d'internationalisation, de capacité à changer de destin, il a voulu
02:33 la pousser aussi beaucoup plus loin en disant "Viens, on va essayer d'avoir un impact beaucoup
02:37 plus significatif".
02:38 Et donc il a fait effectivement un don très significatif au début et puis après nous
02:42 on a été chercher aussi d'autres donateurs parce qu'aujourd'hui on prend en charge l'intégralité
02:47 des frais de scolarité et des frais de vie de ces élèves.
02:49 C'était très important pour moi, pour nous, que les premiers récipiendaires soient des
02:55 jeunes femmes afghanes.
02:56 Les talibans venaient de reprendre le contrôle du pays et on s'est dit "Là il y a un signal
03:00 aussi très très fort".
03:01 - J'ai dit trois, je crois, j'ai pas dit de bêtises ? Deux, trois ?
03:04 - Trois sont arrivées à la rentrée dernière et puis d'autres arriveront à la rentrée
03:08 prochaine.
03:09 Et donc aujourd'hui vous imaginez bien que pour des jeunes femmes afghanes, s'il faut
03:14 sortir le moindre centime pour des frais de vie, c'est impossible.
03:17 - On va reparler des critères d'obtention, des profils de ces cinq lauréats.
03:21 Moi vous parliez donc de contribuer au dialogue, c'est ça, entre les peuples, faire des ponts,
03:26 c'est ce que vous disiez, créer un peu plus de paix dans le monde, ça c'est moi qui l'ai
03:28 dit en préambule de cette émission.
03:29 Moi j'ai une question, est-ce que ces objectifs ils sont pas un peu ambitieux pour l'enseignement
03:35 supérieur ?
03:36 - Il faut rester modeste, c'est à notre échelle.
03:38 Maintenant les campus dans le monde entier sont de plus en plus des lieux de diversité
03:42 extrêmement importants et je pense participe à ce dialogue.
03:45 - Ouais c'est votre rôle à votre échelle de contribuer d'une manière ou d'une autre
03:51 à cette paix dans le monde.
03:52 - On doit avoir à cet échellement des étudiants français ou européens, c'est pas la position
03:58 de l'école et même par rapport à un certain nombre de campus international, on est sans
04:02 doute une des écoles les plus diverses au monde.
04:04 Et donc l'idée d'avoir peut-être trois étudiants mexicains, cinq étudiants australiens, c'est
04:09 un vrai projet qu'on a voulu porter.
04:12 Et donc à notre échelle, modestement en tout cas, on sait que ces étudiants-là auront
04:17 des responsabilités importantes demain partout dans le monde.
04:20 Et si les choses se tendent, est-ce qu'ils peuvent s'appeler, se tendre la main et se
04:24 dire "écoute là il faut qu'on fasse quelque chose, c'est compliqué".
04:26 Et le monde est un peu plus tendu, vous l'avez forcément vu.
04:30 Et donc on s'est dit que c'était effectivement notre rôle.
04:31 Et là on veut aller un petit peu plus loin.
04:33 Pareil, on ne changera pas les destins de l'ensemble des étudiants d'un pays.
04:38 Mais en tout cas, parfois de se dire "c'est possible, moi aussi".
04:42 Et puis si ça peut donner des idées à d'autres, on est ravis d'avoir lancé une dynamique.
04:47 Alors en quoi consiste exactement ce programme ? Vous parliez de financer une année, deux
04:52 années, trois années d'études, frais de scolarité, frais de vie.
04:55 Voilà, l'objectif de ce programme c'est déjà de financer finalement tout simplement
05:00 une année, deux années d'études à HEC ?
05:02 Alors le programme est un petit peu plus complexe ou un petit peu plus global que ça.
05:08 Il y a effectivement une dimension très forte de bourse.
05:10 Je vous l'ai dit, si les étudiants ne sont pas financés, ils ne peuvent pas venir.
05:14 Et donc c'est un effort très significatif de la fondation HEC et des donateurs que de
05:20 pouvoir les aider, parfois sur deux années, parfois sur une année, s'ils veulent faire
05:25 un master qui dure un an.
05:27 Et donc on a eu à la rentrée dernière des étudiantes, des étudiants syriens, notamment
05:34 dans un double diplôme qu'on a avec l'école Polytechnique, donc une année à Polytechnique,
05:38 une année à HEC, et puis un étudiant ukrainien.
05:40 Et donc ces étudiants-là, leur scolarité est prise en charge.
05:45 Maintenant on a voulu aller un peu plus loin que ça, même significativement plus loin.
05:49 Et donc on a la volonté d'aider les entrepreneurs de ces pays, alors c'est peut-être un peu
05:57 tôt dans certains pays qui sont vraiment très touchés par le conflit, mais des entrepreneurs
06:00 qui vont participer à la reconstruction du pays.
06:03 Est-ce que nous on peut les aider à distance ? C'est un élément d'excellence très
06:07 fort de l'école HEC, d'avoir des entrepreneurs, une histoire d'entreprenariat.
06:11 Et donc est-ce que nos diplômés, nos entrepreneurs peuvent accompagner à distance, être mentors
06:17 d'un certain nombre d'entrepreneurs de ces différents pays ? En tout cas on a mobilisé
06:20 notre centre d'entreprenariat.
06:22 Troisième chose, c'est qu'on a un programme académique qu'on propose pour nos élèves
06:27 de la grande école, des différents masters, autour de, désolé de l'anglicisme, "business
06:33 and peace", mais en tout cas de se dire comment est-ce que les entreprises, business, peuvent
06:37 être facteurs de promotion de paix un peu plus globalement.
06:41 Et c'est ce programme que ces Saint-Chloéas rejoignent ?
06:43 Alors non, eux ils vont rejoindre un master d'HEC.
06:46 D'accord.
06:47 Cursus ?
06:48 Un cursus standard.
06:49 Donc s'ils viennent à la grande école, ils suivent les deux années du programme
06:51 de grande école.
06:52 S'ils viennent dans un master plus spécialisé, ils suivront le master spécialisé.
06:55 Mais au sein de nos cursus, il y a la possibilité, pour les uns et pour les autres, de suivre
06:59 en plus un certain nombre de cours, voire même un programme certifiant qu'on a monté.
07:03 Et donc on a créé un programme autour de ces sujets-là, où on vient parler des droits
07:08 de l'homme, de géopolitique, de géostratégie, de comment est-ce qu'on gère des projets
07:12 sur le terrain quand on veut faire de l'humanitaire, tout un ensemble de sujets liés à ça.
07:18 Et puis après, nos élèves ont vraiment adhéré, ils ont aimé, et donc ils ont créé
07:24 une association Business and Peace, avec l'idée de faire de l'événementiel autour du sujet.
07:28 Parfois, il y a un grand forum à Paris sur le sujet de la paix, il y avait Change Now
07:35 il y a 15 jours, en lequel on a parlé de ce sujet-là.
07:38 L'idée c'est qu'ils veulent porter cette parole, avoir des intervenants et faire vivre
07:42 le sujet de manière un peu plus…
07:43 Donc l'intégration de ces lauréats auprès des étudiants, vous dites, c'est fait naturellement,
07:47 simplement ?
07:48 Il y a une forte volonté de les accueillir et de les aider, et donc cette association
07:55 qui s'est créée sur le campus, elle gère ces événements, mais elle a aussi comme rôle
07:58 de faire en sorte que ces élèves-là se sentent chez eux.
08:01 Et ce n'est pas simple, c'est-à-dire que quand vous venez d'un pays en conflit,
08:05 pays en guerre, il y a un enjeu d'accompagner ces élèves, assez important.
08:11 On a peut-être un peu nous sous-estimé au début, c'est-à-dire que l'effort est plus important.
08:16 Les étudiants ont voulu prendre une part de cette responsabilité-là.
08:19 Exactement.
08:20 Et donc on a à nous des services de l'école qui les accompagnent, mais eux jouent un rôle
08:23 absolument central dans le fait qu'ils se sentent bien, qu'ils se sentent accueillis,
08:27 qu'ils se sentent engagés.
08:28 Vous savez, la vie associative sur les campus est fortement importante, et donc là, ils
08:34 font partie intégrante du corps étudiant de l'école.
08:38 Comment ils ont été choisis, ces cinq lauréats ? Quel est le profil ? Vous n'allez peut-être
08:41 pas nous décrire les cinq, mais voilà, comment ils ont été choisis ? Est-ce qu'il y a
08:44 des critères d'obtention de cette bourse ?
08:46 Alors, ça a été une transformation assez importante pour l'école, parce que, à HEC,
08:51 vous avez des étudiants du monde entier qui postulent à l'école.
08:54 On les sélectionne beaucoup sur une base d'excellence académique, aussi sur leur engagement,
08:59 sur tout ce qu'ils ont pu être amenés à faire à côté.
09:01 Mais la partie académique est importante, et puis après, ces étudiants-là, la majorité
09:04 décident de venir.
09:05 Quand vous tournez vers des pays en conflit, c'est un changement complet de paradigme,
09:13 de méthode.
09:14 C'est-à-dire que c'est nous qui avons dû aller les chercher.
09:16 Et ça, c'était nouveau pour l'école.
09:18 C'est-à-dire que, si vous regardez en Afghanistan, par exemple, ce qu'on a fait, c'est qu'on
09:22 est allé travailler avec les associations, avec les services diplomatiques, avec les
09:25 services militaires, essayer de récupérer les listings de tout un ensemble de femmes
09:30 qui ont été diplômées de l'Université de Kaboul, avec les honneurs, et on a été,
09:36 nous-mêmes, les contacter pour leur proposer de candidater.
09:40 - Et ces Afghanes, par exemple, de quelles filières elles venaient, quels diplômes
09:43 elles avaient obtenus à l'université ?
09:44 - Des filières différentes.
09:45 Certaines ont travaillé beaucoup sur les enjeux de développement durable, d'autres
09:49 ont fait des parcours un peu plus business, d'autres avaient étudié l'économie.
09:52 Donc elles ont des parcours très différents.
09:54 Elles ont un engagement incroyable.
09:57 C'est-à-dire que chacune d'entre elles qui avait monté une école pour les jeunes
10:02 filles afghanes, lycéens, et leur donnait des cours de manière clandestine, d'autres
10:07 étaient très engagées sur les enjeux de développement durable dans le pays.
10:09 Donc elles ont à la fois une excellence académique et un niveau d'engagement qui était incroyable.
10:13 Et c'était important pour nous aussi, pour être certains qu'elles allaient aussi s'adapter
10:18 à un contexte assez différent.
10:19 - Niveau d'engagement pour leur pays d'origine, c'est ça ? Puisque l'objectif in fine après
10:23 ce programme-là, c'est aussi de contribuer, elles aussi, d'une manière ou d'une autre,
10:27 à améliorer le contexte, ou en tout cas ce qui se passe chez elles ?
10:31 - Je pense qu'elles ont en commun, les trois en tout cas afghanes, mais je pense que c'est
10:35 le cas de tous les élèves, je pense même qu'ils viennent à HEC globalement, c'est
10:39 qu'il y a une volonté de contribuer au développement de son pays d'une façon ou d'une autre.
10:43 Certains ont envie de rester en Europe, avoir une carrière en Europe, et puis un jour retourner
10:48 dans leur pays.
10:49 On se voit aussi des ambassadeurs de la France, ces étudiants viennent en France, apprennent
10:55 le français.
10:56 Maintenant, à quelle échéance ces jeunes filles pourront retourner en Afghanistan,
11:01 je suis incapable de vous le dire, mais je suis sûr qu'au fond d'elles, elles ont envie
11:05 de contribuer, peut-être à distance, peut-être un jour en retournant dans leur pays, en tout
11:09 cas c'est ce qu'on leur souhaite, si jamais c'est leur souhait.
11:12 - L'ambition de HEC, c'est de financer à terme encore plus la scolarité d'étudiants
11:17 comme ceux-là qui viennent de pays en conflit, c'est quoi la suite là pour vous ?
11:21 - Nous, effectivement, on va monter en puissance, on va essayer d'en financer un petit peu
11:25 plus.
11:26 Aujourd'hui, on a beaucoup d'aides pour des étudiants qui viennent une fois plus du monde
11:30 entier, mais ce qu'on a fait, c'est qu'HEC est toujours très engagé sous les enjeux
11:35 d'ascenseur social en France.
11:37 Donc on investit énormément en France pour des étudiants issus de catégories socio-professionnelles
11:42 plus défavorisées, qu'ils soient boursiers d'État, secrétaires sociaux, puissent avoir
11:46 accès à HEC.
11:47 Et on a senti qu'on était mûrs, qu'on était désormais capables de pouvoir porter ce projet-là
11:54 au-delà de nos frontières.
11:55 Et donc on a monté un programme aujourd'hui pour les étudiants libanais, on a un programme
12:02 pour des étudiants en Afrique, et puis effectivement ce programme Imagine.
12:08 On voudrait en avoir le plus possible, donc c'est vrai que la limite, c'est les fonds
12:13 qu'on peut avoir.
12:14 Aujourd'hui, ce sont essentiellement des anciens HEC qui nous aident et viennent financer
12:19 ce programme.
12:20 J'espère que demain, on pourra avoir un petit peu plus de fonds, parce qu'il n'y a en tout
12:24 cas pour nous aucune limite à ce qu'on peut faire.
12:26 Le sujet, c'est l'excellence des élèves, leur profil, mais quand on voit ce que font
12:32 aujourd'hui la personnalité des étudiants qu'on a admis en septembre dernier, on se
12:37 dit qu'il faut aller plus loin et qu'on a une vraie capacité à changer massivement
12:41 des destins.
12:42 On va terminer là-dessus.
12:43 Merci beaucoup, Héloïc Pérage, d'avoir répondu à nos questions aujourd'hui dans
12:45 Smart Education.
12:46 Je rappelle, vous êtes doyen et directeur général d'HEC.
12:48 Merci beaucoup d'être venu nous parler de ce programme de bourse aujourd'hui.
12:50 C'est bon ?
12:51 Merci.
12:52 Merci à vous de nous avoir suivis.
12:53 On se retrouve évidemment très vite pour un nouveau numéro de Smart Education.
12:57 A très vite sur Bsmart.
12:58 Ciao !
12:58 [Musique]
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