Vendredi 5 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Laurent Deydier (Directeur général délégué, HOTTINGUER Banque Privée)
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00:00 [Musique]
00:10 Oui, poursuivons cette discussion sur le plan des marchés.
00:12 À présent avec Laurent Dédier à nos côtés en plateau, le directeur général délégué chez Autingre Banque Privée.
00:17 Bonjour Laurent, bienvenue.
00:18 Bonjour Édouard.
00:19 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:21 Même question que je posais à François, mais avec la casquette d'investisseur, de stratégiste, d'allocataire d'actifs.
00:28 Laurent, qu'est-ce qu'une pause de la FED signifie pour vous ?
00:30 Est-ce que c'est une nouvelle séquence qui s'ouvre en matière de dynamique de marché
00:34 et donc en matière de construction de portefeuille et d'allocation d'actifs ?
00:37 Clairement, c'est un changement important dans l'allocation.
00:40 Bien évidemment, après, il va falloir "séquencer" cette question.
00:44 Est-ce que la FED va enclencher un mouvement différent prochainement ou beaucoup plus qu'étart dans le calendrier ?
00:49 Mais je vais juste donner une statistique.
00:52 Quand on regarde les marchés financiers américains depuis 1995, donc presque 30 ans,
00:56 le S&P 500, au moment où la FED dit "c'est ma dernière hausse de taux",
01:00 ce qui semble implicitement être le cas dans le discours de Jérôme Paul cette semaine,
01:05 c'est une hausse moyenne à 6 mois de 10% du S&P 500.
01:09 Ce qui veut dire que, logiquement, on rentre dans un mouvement haussier potentiel sur le marché américain.
01:15 Maintenant, je partage tout à fait l'analyse de François.
01:19 Je pense que le marché se trompe.
01:21 Il y a une situation économique, géopolitique et tous les sujets qu'on connaît très bien autour de l'inflation
01:27 qui est différente, qui va amener beaucoup de prudence, je pense, de la part de Jérôme Paul,
01:30 sur le mouvement prochain.
01:32 Mais j'ai envie de dire que c'est un peu comme un compte à rebours.
01:35 Plus le temps va s'écouler, plus on se rapproche de la bonne nouvelle.
01:38 La bonne nouvelle, c'est une baisse de taux à un moment ou un autre de la FED,
01:42 probablement début 2024.
01:44 Le marché est toujours dans l'anticipation, dans l'analyse de la dérivée seconde.
01:48 Une fois que certains éléments qui peuvent laisser penser qu'il y a quelques craintes à très court terme
01:53 sur les marchés seront derrière nous, et on espère qu'ils seront résolus avec succès,
01:57 il est possible qu'après l'été, les marchés commencent à se pencher sur le mouvement futur de la FED.
02:03 Un des éléments qui peut expliquer ce pricing de marché assez agressif,
02:07 l'idée que la FED renversera sa politique monétaire au cours de l'été,
02:13 c'est évidemment ce qui se passe sur le front des banques régionales américaines,
02:17 avec un jeu de domino qui ne s'arrête pas pour l'instant.
02:21 On n'a pas encore trouvé le coupe-circuit de ce point de vue-là.
02:24 Comment vous regardez ces développements, Laurent ?
02:26 Évidemment, on n'a pas personne à la boule de cristal qui permet de dire
02:30 comment est-ce que cette histoire bancaire américaine va finir,
02:33 mais est-ce que ça reste, de votre point de vue, une séquence contrôlée ?
02:36 Est-ce que ça reste très US spécifique ?
02:38 Est-ce qu'on est encore dans quelque chose qui semble gérable ?
02:42 Et comment vous évaluez le risque systémique attaché peut-être à cette séquence bancaire américaine ?
02:49 C'est difficile parce qu'on n'a pas toutes les données.
02:52 Ce que l'on voit, c'est que globalement, l'hémorragie continue,
02:55 toujours sur le même sujet, les banques régionales américaines.
02:59 Et le maître mot, c'est la perte de confiance aujourd'hui des investisseurs
03:04 sur des banques qui sont considérées comme des banques de moindre qualité,
03:07 qui n'étaient plus régulées.
03:09 Et cette semaine, on a attaqué PacWest, Bancorp, et on a attaqué Western Alliance, Bancorp.
03:14 Donc deux banques, une fois encore, en difficulté,
03:16 après celle qu'on vient de voir sur le mois et demi qui vient de s'écouler.
03:20 Je pense que les marchés financiers sont à la recherche d'une réponse forte
03:25 de la part des autorités, que ce soit la Fed, que ce soit peut-être l'État fédéral ou la FDIC.
03:30 Une réponse systémique, quoi ?
03:32 Exactement.
03:33 Qui coupe l'enchaînement des dominos.
03:36 J'ai envie de dire que le marché adorerait que l'intégralité des dépôts,
03:39 bancaires et assuranciels, soit garantie.
03:41 17 milliards de dollars, c'est ça ?
03:43 Voilà, si cette information arrivait, tout d'un coup,
03:45 l'hémorragie s'arrête du jour au lendemain et on passe à un autre sujet.
03:48 Je ne pense pas que ce soit la trajectoire aujourd'hui
03:51 voulue par les autorités et ces trois institutions, entre guillemets,
03:55 mais le marché a la capacité d'amener des réponses fortes
03:58 et donc d'acculer, entre guillemets, les décideurs à des réponses très puissantes,
04:03 qui seraient des réponses pour lutter contre le risque systémique.
04:06 Entre les deux, là où je partage aussi l'analyse de François,
04:10 c'est que, quelque part, la Fed a fini son job
04:12 et que l'économie réelle va continuer à faire le job pour elle, maintenant.
04:15 Et ce resserrement qu'on a aujourd'hui financier,
04:19 cette restriction de crédit qui arrive aux États-Unis depuis la mi-mars,
04:22 et qui continue globalement, certainement aujourd'hui,
04:25 sur les entreprises de moindre qualité, sur le financement dans la partie régionale,
04:30 va faire que l'économie va connaître encore un cool down,
04:34 va continuer à ralentir, et donc, quelque part, l'inflation va d'elle-même,
04:38 entre guillemets, continuer à diminuer,
04:40 grâce un petit peu, malheureusement, à ce phénomène de crise bancaire régionale.
04:45 L'autre événement, qui marque un peu les esprits,
04:48 qui fait office de marronnier, pour dire les choses, dans le monde de la finance,
04:52 c'est la question du plafond de la dette aux États-Unis.
04:54 Tout le monde est habitué au folklore, au drama habituel, politique,
04:58 autour de cette question qui revient de manière récurrente, évidemment.
05:02 C'est un plafond qu'on décale dans le temps à chaque fois.
05:04 Le marché nous dit que l'histoire de 2023 est peut-être différente.
05:09 En tout cas, que c'est une histoire à prendre plus au sérieux que les épisodes précédents,
05:13 y compris l'épisode de 2011, qui a été un épisode de référence,
05:16 avec un défaut évité à 48 heures près, je crois, à l'époque,
05:20 et qui avait ensuite généré la perte du AAA américain.
05:24 Comment vous regardez là, cette situation ?
05:26 - Les marchés financiers, on est déjà où on avait vu des baisses à deux chiffres.
05:29 - Et sans même défaut des États-Unis, il y avait eu un coût à payer,
05:33 notamment sur les actifs financiers.
05:35 - Très clairement, on est dans un jeu politique, donc donner une réponse, c'est difficile.
05:39 On peut essayer d'établir plusieurs scénarii.
05:41 Pour nous, le scénario central, c'est de dire qu'il va y avoir un accord, ça on n'en doute pas.
05:45 Est-ce que l'accord va arriver au dernier moment, dans les derniers mètres de la ligne droite,
05:50 ou est-ce qu'il va se produire légèrement plus tôt ?
05:52 C'est là où la partie est difficile à lire,
05:54 parce que vous avez d'un côté les démocrates, avec un candidat qui est affirmé, qui est connu,
05:58 qui est M. Biden, et quand vous regardez du côté des républicains,
06:01 tout va se jouer au premier tour des élections,
06:04 et clairement M. Trump est quand même très bien parti aujourd'hui,
06:07 pour être face à M. Biden prochainement.
06:09 Donc très clairement, aujourd'hui, il peut y avoir une situation,
06:13 un petit peu, où chacun commence à montrer ses muscles, surtout les républicains,
06:17 et peut-être que l'accord va se faire vraiment dans la douleur au dernier moment.
06:22 Alors à 48 heures de l'arrivée, je ne souhaite pas et je ne pense pas,
06:25 mais dans la dernière semaine, ce n'est pas excluant.
06:28 La seule mauvaise nouvelle, c'est que le calendrier joue contre nous.
06:31 Mme Yellen nous a dit "Attention, début juin, je change mon fusil d'épaule
06:36 et je mets des mesures bien plus strictes en place".
06:39 On peut imaginer plein de choses.
06:42 On est le 5, il nous reste 4 semaines.
06:45 Un temps très court, effectivement, de ce point de vue-là.
06:48 Sur la stratégie d'investissement et les évolutions avec cette pause de la Fed
06:54 qui s'installe aujourd'hui, qui est prête à s'installer, Laurent,
06:59 vous dites en moyenne, le S&P c'est +10% dans les 6 mois qui suivent
07:04 la dernière hausse de taux de la Fed sur les 30 ans d'historique que vous avez rappelé.
07:08 Dans votre tête, c'est +10% à partir de maintenant,
07:12 ou c'est d'abord -10, -15 et puis +15, +20 ?
07:18 Comment on gère cet intervalle dans une allocation d'actifs
07:22 avec un risque à un moment de récession douce, dure, de l'économie américaine
07:29 qui peut chambouler peut-être là aussi les prix de marché ?
07:32 Nous ne déciderons pas de savoir si c'était une récession.
07:35 Il y a une institution qui le fera pour nous.
07:37 Mais une récession technique, ce n'est pas impossible.
07:39 On peut faire Q2, Q3 ou Q4, on verra bien aux Etats-Unis.
07:42 Moi, ce que j'observe, la première chose, c'est que les bénéfices des entreprises se portent bien.
07:46 On démarre le premier trimestre il y a quelques semaines avec une anticipation de baisse
07:50 des profits des entreprises américaines de 6,6%.
07:53 Avant-hier, on était à zéro, ce qui veut dire qu'il y a une réaccélération des profits.
07:56 Et quand on regarde la trajectoire des profits fin 2023 et fin 2024,
08:00 on est sur cette même trajectoire aussi.
08:02 Ce qui veut dire qu'on a quand même un petit peu d'essence dans le moteur,
08:05 positif, parce que les marchés aiment bien quand même qu'il y ait une trajectoire positive des profits
08:09 et pas en décroissance.
08:11 Le deuxième élément, c'est de se dire "Ok, on a deux risques".
08:14 Ils sont identifiés.
08:16 Il y en a un, je ne sais pas s'il peut déraper, c'est le plafond de la dette.
08:19 Le second, je pense qu'il est gérable, la crise des banques régionales.
08:22 Et donc le marché a déjà un peu priceé ça.
08:25 Il l'a priceé d'une certaine manière dans le niveau de la parité euro/dollar.
08:29 Quand le dollar a glissé vers les 1,11 et un très légèrement au-dessus,
08:33 ou en-dessous en fonction de comment on le regarde, il y a quelques semaines,
08:36 ça veut dire que le marché avait priceé pas mal de "négativisme" sur l'économie américaine et sur les risques.
08:41 On voit qu'il est autour d'un indice assez solide aujourd'hui.
08:45 Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas avoir une trajectoire différente,
08:47 parce que le mouvement des taux de la BCE est différent de celui de la Fed.
08:51 Donc peut-être qu'on peut repriceer un euro plus fort prochainement, en deuxième partie d'année.
08:55 Nous ce qu'on dit, c'est de profiter peut-être de la séquence jusqu'à l'été
09:00 pour trouver un meilleur point d'entrée.
09:03 On ne peut pas exclure un retour à 3,8 mille. 3,8 ou 4,2 c'est un peu l'abordant sur le S&P 500,
09:08 c'est la borne de trading.
09:09 On a quand même à l'esprit que le corporate va bien, que les ménages vont bien,
09:14 que les perspectives sont réhaussées au niveau des bénéfices.
09:17 J'ai quand même beaucoup de sociétés dans de nombreux secteurs
09:20 qui ont déjà révisé à la hausse leurs perspectives 2023 après le premier trimestre.
09:24 Ça veut dire qu'on aura des confirmations au deuxième, peut-être des accélérations.
09:28 Et donc à un moment ou à un autre, la dynamique des marchés, c'est quand même la dynamique des bénéfices.
09:33 Et je crois qu'il faudra savoir bien se positionner sur les valeurs de qualité,
09:37 d'offensive et de croissance américaines pour bénéficier de cette dynamique-là.
09:42 On regardera les cycliques et les financières peut-être plus tard,
09:45 quand la confiance sera revenue au-delà du rebond technique qu'on peut observer sur les financières.
09:49 C'est-à-dire au moment où on aura une certitude que le point bas de l'économie aura été touché
09:54 et qu'on pourra imaginer, comme vous disiez tout à l'heure François, un scénario très légèrement haussier.
09:59 Pas un grand dynamisme de rebond de l'économie mondiale en 2024, mais une trajectoire peut-être un peu meilleure.
10:04 Oui, une année 2024 qui sera peut-être nettoyée de toutes les scories Covid, post-Covid, etc.
10:11 avec une forme peut-être un peu plus normale.
10:14 Que ce soit la première année sans un choc.
10:16 Oui, c'est ça. Et la repondération avenir des Etats-Unis se fera au détriment de l'Europe ?
10:24 C'est ce qu'il faut comprendre, Laurent, à un moment ?
10:26 Alors, peut-être que ça peut se faire au détriment d'autres classes d'actifs.
10:31 La classe d'actifs alternative, aujourd'hui, ne nous intéresse que modestement, si ce n'est plus du tout.
10:36 Parce que vous avez des taux sans risque à 5% plus aux Etats-Unis, à 3% plus en Europe.
10:40 Et ça va continuer de grimper. Donc pourquoi aller chercher des gens qui vont vous générer potentiellement de la volatilité ?
10:45 Donc, quelque part, ça, on est en train de l'exclure des portefeuilles pour ne plus en avoir ou quasiment plus dans les prochains mois.
10:51 La question qui peut se poser, c'est que nous, on a reneutralisé notre position sur les marchés obligataires au sens large.
10:57 Alors, j'ai envie de dire, le message de la Fed peut nous amener à réfléchir différemment sur la partie crédit américain.
11:03 Parce que, quelque part, le mouvement est terminé. Et peut-être qu'il y a un intérêt à être sur la partie courte, sur du portage, sur l'investment grade.
11:10 Donc, ça, ce n'est pas inintéressant.
11:12 À Yield, il faudrait que ce soit un peu plus séduisant. Il faudrait un peu de volatilité, un écartement des spreads.
11:17 C'est un marché qui est très lié aux matières premières. Le baril est très faible. Donc, il peut y avoir des entreprises qui connaîtraient des difficultés.
11:23 Donc, pas à exclure. On n'a pas envie de désensibiliser l'Europe aujourd'hui. Pourquoi ?
11:28 Parce que l'Europe, c'est quand même l'économie la plus internationale. Et on a bien en tête qu'il y a un véhicule qui redémarre très vite.
11:34 C'est les émergents, surtout l'Asie et particulièrement la Chine.
11:37 Et rien de mieux que l'Europe pour jouer la Chine aujourd'hui, Laurent ?
11:41 Alors, ça a été grandement joué par les investisseurs. On a tous été regarder les secteurs du luxe dans un premier temps.
11:47 Et on a vu les performances opérationnelles de toutes les grandes banques, de toutes les sociétés de luxe françaises et italiennes.
11:52 Ça a été extraordinaire. Montclair encore cette semaine.
11:55 Mais il reste quand même des opportunités sur les industriels. On en avait parlé il y a quelques mois.
12:03 Et je trouve que le premier trimestre, en général, dans le secteur industriel, a plutôt été de bonnes factures.
12:08 Et on voit la réouverture permettre une réaccélération des prises de commandes et des bénéfices sur ce segment-là.
12:15 Et je trouve que c'est un segment d'investissement qui reste intéressant.
12:18 Schneider, pour ceux qui ont regardé la publication il y a quelques semaines, a quand même envoyé des messages très positifs.
12:24 Bon, intéressant. Nouvelle séquence qui commence quand même dans les marchés avec une Fed qui arrive au bout de son cycle de resserrement monétaire historique.
12:35 Et qui restera évidemment gravée dans les mémoires.
12:37 Merci beaucoup à vous deux et Laurent Dédier qui est avec nous en plateau.
12:40 Le directeur général délégué en charge des gestions d'Ottingre Bank Privilege.
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