BE SMART - Emission du mercredi 19 avril

  • l’année dernière
Mercredi 19 avril 2023, BE SMART reçoit Laurent Cohen-Tanugi (Avocat international) , Jean-Pierre Petit (président, Cahiers Verts de l'Économie) et Alain Getraud (DG, Le Train)

Category

🗞
News
Transcript
00:00 Salut à tous, c'est Bsmart, émission interview aujourd'hui.
00:12 Trois thématiques, l'Italie, vous allez voir pourquoi il faut s'intéresser à l'Italie,
00:16 les entrepreneurs du ferroviaire et puis un bouquin formidable, petit bouquin d'ailleurs
00:21 formidable sur le droit sans frontières, sur l'extraterritorialité.
00:25 On va parler de la guerre économique américaine mais vous allez voir que les choses sont en
00:29 fait bien plus complexes que ça.
00:31 C'est parti !
00:32 Donc on démarre avec Jean-Pierre Petit, salut Jean-Pierre, ça fait un moment que je vous
00:42 en parle, mesdames, messieurs, et Jean-Pierre on en avait parlé ensemble la dernière fois
00:46 que tu es venu.
00:47 Et donc l'Italie, et pourquoi l'Italie ? On finira sans doute là-dessus, parce que
00:52 Giorgia Meloni si elle y arrive, c'est peut-être une rampe de lancement supplémentaire pour
00:57 Marine Le Pen.
00:58 Il va falloir assurer les vieux notamment par exemple, qui sont quand même aujourd'hui
01:02 ceux qui votent et qui n'ont pas envie de prendre des risques avec une éventuelle élection
01:10 de Marine Le Pen.
01:11 Donc j'ai écrit surprise italienne, c'est-à-dire qu'est-ce qui se passe en ce moment ? Globalement
01:18 elle s'est complètement fondue dans le système institutionnel et économique mis en place
01:30 en partie par Mario Draghi, son prédécesseur, sans aucun coup d'éclat et sans aucune innovation
01:38 économique majeure.
01:40 Comment est-ce que tu démarres ? Qu'est-ce que tu retiens ? Qu'est-ce qui t'intéresse
01:43 ?
01:44 D'ailleurs moi, quand elle a été élue en octobre dernier, il y avait beaucoup de crainte
01:48 chez les investisseurs parce qu'on disait "elle est populiste", l'expression "post-fasciste"
01:54 qui ne veut strictement rien dire, mais peu importe, c'est le truc usuel.
01:57 Comme si on disait "Mélenchon post-trotskiste", on pourrait dire plein de trucs.
02:03 Enfin bon, bref, ça n'avait aucun sens.
02:04 C'est factuel en ce sens qu'elle est effectivement héritière du MSI, du parti fasciste, etc.
02:09 C'est comme Marine Le Pen est héritière du Front National de 1972 qui était historiquement
02:14 un parti d'extrême droite.
02:15 On va en parler.
02:16 Mais ça, je n'ai jamais cru.
02:18 D'abord parce que l'Italie, il n'y a personne vraiment pour quitter la zone euro, il n'y
02:21 a personne pour quitter l'OTAN et surtout pas elle.
02:24 Donc ça, tout ça, c'est faux.
02:25 L'Italie représente 15% du PIB de la zone euro, donc c'est systémique.
02:29 Et en plus, l'Italie bénéficie des fonds européens qui ont été votés en 2020.
02:35 Alors elle a du mal justement, enfin on va en reparler, mais elle a du mal avec ces fonds
02:38 européens.
02:39 Ça c'est intéressant.
02:40 Mais grosso modo, ça va encore être débloqué, donc elle ne peut pas de toute façon.
02:43 Et puis elle sait très bien qu'elle paierait, elle le paierait sous forme d'augmentation
02:46 des taux d'intérêt.
02:47 Or, qu'est-ce qu'on observe depuis 6 mois, depuis octobre ? Qu'est-ce qu'on observe ?
02:51 C'est que l'écart de taux d'intérêt entre la France et l'Italie, elle était de 190
02:57 points de base, c'est-à-dire 1,9% au mois d'octobre.
03:00 Maintenant, c'est 1,35%.
03:02 Tu vois, ça s'est réduit.
03:04 Il fallait acheter de la dette italienne.
03:05 Voilà.
03:06 Le marché action italien surperforme, c'est le marché qui surperforme le plus tous les
03:11 marchés actions, même nous avec LVMH.
03:13 Ah oui, le MIB italien, malgré 30% de bancaires là-dedans et la crise bancaire, le stress
03:20 bancaire.
03:21 Oui, mais en même temps, attends, parce qu'on partait de plus bas.
03:24 Voilà, il faut toujours prendre le point de départ.
03:26 Sur le fond du fond, il y a une amélioration économique de l'Italie.
03:31 Quand tu regardes le PIB depuis 2020, le PIB italien rattrape le PIB, enfin progressivement,
03:39 rattrape le PIB allemand et le PIB français.
03:41 Prenons les chiffres de 2022.
03:42 Quelle était la croissance en Italie ? 3,6.
03:44 3,8.
03:45 Quelle était la croissance en France ? 2,5.
03:48 2,6.
03:49 2,6.
03:50 Oui, enfin bon.
03:51 Et l'Allemagne, 1,9.
03:52 Donc l'Allemagne diminue, la France… On va mettre l'Allemagne à part parce que
03:55 l'Allemagne a été frappée de plein fouet par sa crise énergétique.
03:59 Oui, avant, nous, on a été frappé par plein d'autres trucs aussi, d'accord.
04:03 Ok, l'Italie a souffert de la crise migratoire.
04:06 Enfin, je veux dire, elle a eu des chocs aussi à gérer.
04:09 La productivité italienne s'améliore depuis trois ans.
04:14 La croissance… La nôtre est en train de reculer.
04:18 Et la croissance potentielle.
04:20 La croissance potentielle, c'est un des rares pays occidentaux où tu vois une augmentation
04:26 des estimations de croissance potentielle.
04:28 Il faut dire qu'elle était tombée en négative.
04:29 Oui, mais là, voilà, c'est ça le sujet.
04:30 Si c'est du rattrapage, ben non, peu importe.
04:32 Non, mais l'argentine, elle décline depuis un siècle et continue.
04:35 Ah ben non, mais il n'y a pas de fatalité à remonter.
04:37 Non, non, ça c'est faux.
04:38 Tu peux continuer à t'enfoncer de la France, tu peux continuer à t'enfoncer de l'Argentine.
04:42 C'est mon point de vue.
04:43 C'est très bien que je te dis que l'Argentine est l'avenir de la France.
04:46 Ça fait, je ne sais pas combien de temps que je te dis ça.
04:48 15 ans qu'on se parle, donc ça doit faire 15 ans que tu me le dis.
04:50 15 ans que je te le dis et pour l'instant, on en prend bien le chemin.
04:53 Donc voilà, il y a une véritable amélioration sur le plan de la compétitivité structurelle.
04:57 Bon, je ne vais pas entrer trop dans les détails, mais il y a un indice qui est très bon, qui
05:01 est fabriqué par le MIT, c'est la complexité des produits.
05:04 Ça te donne une idée des produits exportés.
05:06 Ça donne une idée du niveau de gamme.
05:07 Et bien le niveau de gamme relatif de l'Italie par rapport à la France progresse.
05:11 Par exemple, la base industrielle, l'Italie, c'est moins désindustrialisé que la France.
05:15 Alors voilà, est-ce que ce n'est pas ça la clé d'ailleurs de tout ce que tu viens
05:19 de décrire, c'est-à-dire augmentation de productivité, commerce extérieur qui est
05:22 bien plus dynamique que le nôtre et gamme de produits qui ont bien plus de valeur que
05:28 les nôtres.
05:29 Et je vais te choquer, mais meilleure gestion des finances publiques.
05:31 Sur la décennie écoulée avant Covid, parce qu'évidemment, il y a eu du quoi qu'il
05:34 en coûte là-bas, quel était le solde primaire ?
05:36 Tiens, le solde primaire, c'est le solde budgétaire hors charge d'intérêt.
05:40 Et bien il était positif de deux points.
05:41 Alors ça, je sais ça depuis un moment.
05:43 Alors ça fait plus de 30 ans que le solde primaire italien est meilleur que le solde
05:48 primaire français.
05:49 Et quel était l'écart de…
05:51 C'est un point important sur lequel il faut insister, c'est-à-dire vous vous mettez
05:54 dans une optique où on allule toutes les dettes, la France est toujours en déficit.
05:58 La France recommencerait à creuser une dette, alors que l'Italie, non.
06:02 Quel était l'écart de dette publique par rapport aux PIB entre la France et l'Italie
06:05 au milieu des années 90 ?
06:06 J'en sais rien, vas-y.
06:07 70 points.
06:08 Nous on était à 50, ils étaient à 120, ils sont montés à 120.
06:12 Aujourd'hui, quel est l'écart ?
06:13 Nous on est à 120.
06:14 Non, non, on n'est pas à 120 quand même.
06:16 117.
06:17 Non, non, un peu moins.
06:18 Oui, la projection est à 117, voilà.
06:20 C'est-à-dire, non, non, non, parce qu'en fait j'ai lu ça, nous allons être dans,
06:24 c'est le FMI qui dit ça, nous allons être dans les cinq années qui viennent, le seul
06:28 des pays de l'OCDE dont la dette ne va pas baisser.
06:31 Voilà, exactement.
06:32 Sauf que là, sur les trois dernières années, elle baisse un petit poil.
06:35 Elle baisse un petit poil.
06:36 Et eux ils sont à quoi, 135 ?
06:38 Eux, plutôt 145.
06:39 145.
06:40 Donc ils ont 30 points d'écart, ils avaient 70 points d'écart dans les années 80,
06:44 au milieu des années 90.
06:46 En fait, ce qu'ils subissent c'est quoi ? Deux choses.
06:49 Un, le stock de dette historique hérité des années 70 et des années 80, et deux,
06:53 leur mauvaise réputation.
06:54 Mauvaise réputation en termes de gouvernance.
06:56 Et depuis, il y a eu les réformes quand même, Soudragy et sous un certain nombre de ses
07:01 prédécesseurs, il y a quand même eu des réformes.
07:03 Puis alors la digitalisation a fait quelques programmes et ça, ça mérite d'être vérifié
07:06 parce que, vous savez, estimer les gains de productivité, il faut prendre du temps
07:09 quand même.
07:10 Mais il y a une amélioration, il y a un re-rating en fait, italien par rapport à l'Europe.
07:16 Partant de là, il y a Giorgia Melloni.
07:18 Alors Giorgia Melloni arrive, elle rassemble la droite, et d'ailleurs elle réussit, son
07:23 autorité est très forte sur la ligue.
07:24 Pourtant il y a des types là-dedans, la ligue est Forza Italia, il y a Berlusconi, il est
07:29 malade, mais tu as Salvini, c'est bien plus facile.
07:32 Bien sûr.
07:33 Autorité très forte, contrairement à tout ce qu'on racontait, on dirait que ça allait
07:36 péter et tout ça.
07:37 Ben pas du tout, ça pète pas du tout.
07:39 Élections régionales, ben ils gagnent en février.
07:42 C'est de quoi des coalitions actuelles en Europe ou dans le monde occidental qui gagnent
07:46 les élections intermédiaires.
07:47 Surtout qu'elles gagnent en plus en revenant sur une partie de ses promesses, notamment
07:52 sur les baisses fiscales sur l'essence ou sur d'autres baisses d'impôts.
07:56 En plus, elles gagnent en plus avec ces handicaps-là.
07:59 Et en fait, elles se concentrent sur le sujet principal de l'Italie aujourd'hui qui est
08:03 l'immigration.
08:04 Il faut quand même pas l'oublier.
08:05 Il y a un truc qu'il faut qu'on ait tous en tête, parce qu'on en a des challenges
08:08 à surmonter au cours des prochaines années, des prochaines décennies, mais il ne faudra
08:11 jamais oublier le challenge migratoire.
08:13 L'Afrique subsaharienne va doubler de population d'ici 2050.
08:16 Alors il ne faut pas rêver.
08:17 On a vu les événements en Tunisie dernièrement, il y a un vrai sujet.
08:20 En Afrique du Nord, il y a un sujet.
08:22 Mais il y a un sujet in fine pour nous.
08:24 Et qui est en train de grossir en plus.
08:26 Et qui est en train de grossir.
08:27 Donc du point de vue de son électorat, du point de vue politique et même du point de
08:29 vue de l'intérêt, j'ai envie de dire, de l'Italie et de l'Europe, elle met le paquet
08:33 là-dessus.
08:34 Et elle a raison d'une certaine manière.
08:36 Parce que s'il y a bien une déficience démocratique depuis au moins une vingtaine d'années
08:40 de la part de tous les États occidentaux, c'est sur le sujet migratoire.
08:43 Surtout en Europe où le sujet en fait n'est pas traité.
08:46 Et tu m'avais dit ça il y a plusieurs années, on les a laissés seuls les Italiens.
08:50 On les a abandonnés en disant "démerdez-vous".
08:55 Et après on a commencé à s'inquiéter de ce que...
08:57 Oui j'ai cogné sur Enghel à Merkel, rappelle-toi.
08:59 Parce qu'en 2015 elle ouvre les vannes.
09:02 Et donc tu as l'instabilité en Italie, avec la victoire future de Salvini et Consor.
09:08 Mais tu as aussi l'instabilité en Angleterre, n'oublie jamais que la campagne du Brexit,
09:12 aidée probablement par les Russes, mais enfin peu importe.
09:15 La campagne du Brexit, ce n'est pas du tout focalisé sur l'accord excellent
09:20 qu'avait obtenu David Cameron auprès de l'Union Européenne.
09:22 C'est focalisé sur les...
09:24 Oui, mais sur l'immigration de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est.
09:28 Non, non, non.
09:29 À l'époque c'était l'immigration qui venait du Moyen-Orient et d'Afrique.
09:34 Ah bah parce que c'était la vague migratoire de 2015.
09:37 Ne l'oublie pas.
09:38 Et ça n'a rien à voir avec la choucroute.
09:40 Bon, revenons sur Dürger.
09:41 Brexit, c'est Merkel, enfin c'est l'Europe qui est responsable de ce truc-là.
09:44 Et donc là, Mélanie, elle a réussi à rassembler la droite là-dessus.
09:48 Voilà.
09:49 Parce que la droite est majoritaire en France.
09:52 Mais tu ne veux peut-être pas que je parle de la situation en France ?
09:54 Si, si, si, on va y aller sur la situation en France.
09:56 Mais encore deux minutes.
09:57 Non, non, parce que moi ce qui m'avait frappé en plus, c'est que ce sujet migratoire,
10:01 donc elle l'affronte sans provocation.
10:05 C'est-à-dire, alors que Salvini y avait été vraiment à coup de provocation incroyable,
10:09 elle l'affronte sans provocation.
10:11 Je lisais, alors évidemment, c'est des trucs qui sont pas bien, qu'il ne faut pas faire.
10:16 Mais la façon dont les bateaux sont déroutés mais ont quand même le droit d'accoster,
10:19 mais alors ils accostent plein d'or, ce qui fait que ça leur coûte plus cher.
10:23 Oui, absolument.
10:24 Le fait sans trop choquer.
10:25 Exactement, sans provocation.
10:26 Elle est très habile là-dessus.
10:27 Moi je la trouve beaucoup plus habile que ce que je pensais même d'elle auparavant.
10:31 Salvini était assez maladroit, il faut bien reconnaître.
10:33 Il était provocateur, il n'était pas très malin, il faut bien le dire d'ailleurs.
10:39 C'est la raison pour laquelle il n'est pas resté très très longtemps.
10:42 Et d'ailleurs il n'est jamais devenu Premier ministre, soit dit en passant.
10:45 Et donc effectivement, si ça m'intéresse l'Italie, alors ça m'intéresse en soi.
10:48 Mais c'est effectivement en relation avec ce qui peut se passer en France.
10:53 Donc tu dis toi ce qui est important, c'est la coalition des droites en fait.
10:57 Bien sûr.
10:58 Ce que n'arrive pas à faire Marine Le Pen.
11:00 Il va falloir arriver à ça en fait.
11:02 Parce que la gauche qui se radicalise aussi,
11:04 puisque en fait la gauche est devenue mélanchonienne fondamentalement.
11:07 Et en fait l'expression extrême droite ne mord quasiment plus sur l'électorat.
11:14 L'extrême droite c'est l'excommunication depuis 1945.
11:18 C'est le pétainisme, c'est le nazisme, c'est le fascisme.
11:20 Ça ne marche plus, ou ça ne marche quasiment plus.
11:23 Sauf pour la gauche, mais de toute façon ils ne vont jamais voter pour elle.
11:25 Donc ce n'est pas le sujet.
11:26 Donc ça ne marche plus.
11:27 D'ailleurs ce n'est pas une formation extrémiste le rassemblement de Sénat.
11:29 Où est-ce qu'on a vu que c'était...
11:31 Alors du point de vue d'ailleurs actuel...
11:33 Mais je trouve que son problème à Marine Le Pen c'est que Ciotti et ses amis là, jamais ils voudront...
11:39 À mon avis ils n'ont pas le choix.
11:41 Si tu donnes alternative pour Ciotti ou la droite,
11:44 si tu donnes alternative Mélenchon ou Le Pen ou équivalent Mélenchon et Le Pen, il n'y a pas photo.
11:48 Il n'y a pas photo.
11:49 Non, non sans doute.
11:50 Parce que le socle de la droite profonde...
11:52 Qu'est-ce qui ferait que tout à coup là ils acceptent ce qu'ils refusent ?
11:56 Et comme Marine Le Pen en plus, tu n'as pas l'impression qu'elle soit très demandeuse de cette alliance avec les LR ?
12:02 C'est politique.
12:03 Parce que les LR sont décrédibilisés par leur histoire.
12:07 Tous les septennats ou les quinquennats qui se sont renouvelés, fondamentalement c'était une politique centriste.
12:12 Il faut bien le dire.
12:13 Sarkozy ou Chirac c'était des centristes.
12:15 Ça n'a jamais été des gens clairement de droite.
12:17 Surtout sur le plan régalien, sur le plan de la morale ou sur le plan...
12:22 Bien sûr, bien sûr.
12:23 Donc elle, elle a à mon avis...
12:26 Et Zemmour.
12:27 Zemmour lui a rendu énormément de services parce que le mysticerie de l'extrémisme est passé chez Zemmour.
12:31 Et en plus il était très maladroit.
12:33 C'est pour ça qu'il est passé de 15 à 7 et c'est elle qui a empauché les trucs.
12:36 Oui, ça c'est clair.
12:37 Mais si tu regardes l'ensemble de la droite profonde en France, tu regardes Le Pen, Zemmour et Dupont-Aignan, en gros tu es à 32 ou 33%.
12:44 Enfin je veux dire c'est énorme.
12:45 Oui mais ça on le sait depuis longtemps Jean-Pierre.
12:49 Non mais non mais...
12:50 L'histoire c'est que...
12:51 Non parce que tous les jours aujourd'hui, tu as des mecs qui manifestent avec la foussille et le marteau.
12:55 Tu as vaguement l'impression que la France va rentrer dans un modèle cubain, nord-coréen.
13:00 En fait ces gens là sont présents dans les médias, dans les syndicats, dans les universités, chez les gauchistes habituels.
13:06 Mais en fait ils sont archi minoritaires.
13:08 C'est ça la réalité des choses.
13:09 Oui, bien sûr, bien sûr.
13:10 Et d'ailleurs l'ensemble des formations de gauche n'a fait que 26% aux élections législatives.
13:15 La nupe, la nupe.
13:16 Et c'est pour ça qu'on parle de Georgia Melloni aujourd'hui et c'est pour ça qu'on parle de Marine Le Pen.
13:20 Mais ce que tu expliques très bien, c'est-à-dire cette union des droites qu'elle arrive à faire avec en plus un affaiblissement,
13:26 et là aussi, chez nous aussi, il y a quand même un affaiblissement des leaders historiques.
13:29 Il n'y en a plus.
13:30 Il n'y a plus rien.
13:32 Il y a une occasion à saisir et tu n'as pas l'impression qu'elle soit dans le mindset de la saisir alors que Zemmour l'était totalement.
13:40 C'est même le grand reproche finalement que Zemmour fait à Marine Le Pen.
13:43 Oui, mais je pense que ça va se faire.
13:45 Je pense que ça va se faire, c'est la loi de l'histoire.
13:47 Sinon tu as l'alternative, puisque tu as une radicalisation de la gauche, donc le sujet c'est celui-là.
13:52 Tu as un pôle central, un pôle de gauche, d'extrême gauche et tu as un pôle de droite.
13:55 Les choses sont binaires d'une certaine manière.
13:58 Est-ce que l'exemple italien, je n'ai pas l'impression qu'ils en parlent beaucoup.
14:02 Ils ont tort. Ils sont pas bons d'ailleurs.
14:05 Je crois que le numéro 2 du RN c'est Bardella, je crois.
14:09 Il a été à Rome, il a été reçu par un sous-fifre.
14:12 Ça ne les intéresse pas le RN.
14:15 Ils ne sont pas dans les rues, mais ils soutiennent quand même la gauche.
14:19 Ça ne les intéresse pas ça, c'est du eux.
14:22 Ça ne les intéresse pas. Donc ils ont un discours un petit peu ambigu.
14:25 Un mot, parce que...
14:28 Il ne faut jamais oublier qu'une partie de la droite est populaire.
14:30 L'effondrement démographique en Italie quand même.
14:33 L'effondrement démographique en France, je suis désolé de t'avoir...
14:36 Et il est comparable ?
14:38 Si tu regardes la courbe, non, il n'est pas comparable.
14:41 Parce que tu as quand même le stock, le vieillissement.
14:44 Tu as une part de senior plus important en Italie.
14:47 Mais la tendance sur les 3 dernières années, si je me souviens bien,
14:51 c'est que tu as un rapprochement.
14:53 Et puis de toute façon, ce qui compte à la limite, j'ai envie de te dire,
14:56 c'est la croissance potentielle, vieillissement ou pas.
14:58 La croissance potentielle, ils sont en train de se rejoindre les deux.
15:01 Et c'est les gains de productivité.
15:03 Et c'est les gains de productivité.
15:05 Et sur le plan politique, je pense que Marine Le Pen a énormément d'atouts
15:09 pour l'emporter en 2027.
15:11 Elle n'a jamais été au pouvoir.
15:14 Mais il faut qu'elle réussisse cette alchimie qu'elle est en train de réussir.
15:17 Même quand on lui reprochait d'augmenter le déficit public.
15:21 Tu parles aujourd'hui, ça ne marche plus.
15:23 On est dans le quoi qu'il en coûte depuis 3 ans permanents.
15:26 Et puis l'extrême droite, c'est ce que je disais.
15:29 Ce n'est pas une formation d'extrême droite.
15:31 Moi qui m'intéresse un peu l'histoire politique de la France,
15:34 depuis l'affaire Dreyfus, l'extrême droite c'est la violence.
15:37 Ce n'est pas du tout une formation.
15:39 Ce n'est pas boulangiste.
15:41 Ce n'est pas boulangiste.
15:43 Ce n'est pas boulangiste.
15:45 - On a parlé politique.
15:48 - Il adore ça.
15:50 Et moi aussi.
15:52 - Il n'y a pas que la macroéconomie ou la macrofinance dans la vie.
15:55 - Et on va continuer à regarder l'Italie.
15:57 On continue, bisous.
15:59 - On démarre avec Alain Gétraud.
16:07 Salut Alain.
16:08 - Bonjour Stéphane.
16:10 - Je vais rendre à César ce qui lui appartient.
16:13 C'était un papier à Les Echos à la fin janvier.
16:16 Qui s'appuyait sur ce qu'on va raconter.
16:19 C'est-à-dire la signature d'un accord avec le constructeur de trains espagnols qui s'appelle Talgo.
16:26 Et donc, vous allez me raconter un peu tout ça.
16:30 Mais qui faisait le point sur finalement un certain nombre d'entrepreneurs.
16:34 Vous êtes une demi-douzaine là.
16:36 A vous dire, est-ce que quand je faisais dans le sommaire le parallèle avec les compagnies aériennes.
16:40 Vous ne voulez faire rien d'autre que créer une compagnie ferroviaire.
16:45 Aujourd'hui c'est ça Alain le truc.
16:47 - Alors tout à fait Stéphane.
16:49 Votre analogie est bonne entre le monde de l'aérien et le monde du ferroviaire.
16:53 Le monde du ferroviaire s'ouvre bien sûr après le monde de l'aérien.
16:56 Mais finalement on retrouve des similitudes.
16:59 Il y avait des opérateurs, des opérateurs macro, des opérateurs européens, des opérateurs historiques.
17:04 Le marché s'est ouvert de par l'évolution des textes et de la législation.
17:08 Et donc ça laisse de nouvelles opportunités entrepreneuriales pour faire de nouveaux sommets.
17:12 - Il y a un moment qu'il est ouvert le marché ?
17:14 - Alors sur le fret oui mais sur le...
17:16 - Sur le transport de voyageurs c'est récent.
17:18 - Sur le transport de voyageurs et en particulier sur la grande vitesse.
17:21 Finalement c'est assez récent, décembre 2020 dans les textes.
17:24 - Ah ouais !
17:26 - Donc désolé, on n'a pas pu être là.
17:29 - Ah ouais non mais voilà parce que c'est là où j'avais du mal à percuter.
17:34 C'est simplement un frein réglementaire et vous êtes les premiers à profiter d'une ultime libéralisation.
17:41 - Exactement, le quatrième paquet ferroviaire.
17:44 - Quatrième paquet ferroviaire européen.
17:46 - Voilà, qui permet cette ouverture du marché sur ce qu'on appelle l'open access,
17:50 le service librement organisé pour des trains privés sur le marché voyageurs et sur le marché de la grande vitesse.
17:55 - Et c'est vrai que jusqu'à présent quand on parlait de concurrence,
17:58 finalement on avait d'un côté la Deutsche Bahn, de l'autre côté Tren Italia,
18:02 c'est Renfe, les chemins de fer espagnols.
18:05 Mais c'était les compagnies nationales et on ne voyait pas, moi je n'avais pas dans mon mindset,
18:10 l'idée d'entrepreneurs privés qui se lancent là-dessus.
18:13 - Oui alors c'est vrai que c'est un monde des grands.
18:15 Alors vous avez dit une demi-douzaine d'entrepreneurs, on est moins que ça en réalité.
18:19 - Ah ouais c'est vrai.
18:20 - D'entrepreneurs et d'entreprises de génération spontanée ou de jeunes pousses si on nous appelle comme ça, ou de start-up.
18:27 - Non, non, non, pas start-up, non, non, pitié, non, ça suffit.
18:30 Non, parce qu'on va le raconter, vous ne réinventez rien.
18:33 Votre sujet ce n'est pas de créer le train de l'an 2050, non, c'est de faire rouler des trains à des endroits où ils ne roulent pas.
18:38 - Alors on regarde souvent le sujet par le biais de l'infrastructure, mais il ne faut pas être fétichiste sur l'infrastructure.
18:45 - Ah bah il faut des rails.
18:46 - Il faut faire un service.
18:47 - Oui enfin il ne faut pas être fétichiste sur l'infrastructure.
18:49 À la différence des compagnies aériennes, il vous faut des rails.
18:53 - Alors il nous faut des rails mais l'infrastructure existe et je vous en dirai peut-être un peu plus juste après.
18:59 Effectivement il faut de l'infrastructure mais elle existe.
19:02 La France est plutôt bien équipée en infrastructure ferroviaire, il y a un bon réseau qui est assez dense.
19:06 Et puis on est particulièrement bien doté en infrastructure ferroviaire grande vitesse.
19:10 Et puis il y a des territoires qui sont encore mieux dotés que d'autres.
19:13 Et donc c'est là-dessus qu'on peut être habile et offrir une nouvelle offre de services, une nouvelle gamme de services.
19:18 - Combien il faut pour, on va parler d'ailleurs du financement et de la façon dont vous voulez aujourd'hui que,
19:24 enfin des particuliers, un actionnaire de votre entreprise, de le train.
19:30 Comment est-ce que, enfin ça coûte combien ?
19:33 Donc 10 rames de train que vous avez achetées, donc grande vitesse, effectivement je n'ai pas encore dit, vous en parlez.
19:38 10 rames de train que vous avez achetées à Talgo, livraison début 2025, combien ça coûte ?
19:43 - Alors c'est des assets lourds, c'est des montants importants.
19:46 Si on compare avec le monde de l'aérien, on achète une dizaine de rames, c'est un montant supérieur à 300 millions d'euros d'investissement sur l'asset.
19:53 - Ah je ne voyais pas ça comme ça !
19:56 Ah oui c'est un gros Boeing.
19:59 - C'est un gros Boeing et puis en plus quand vous achetez des trains, il faut quand même acheter des stocks de pièces de rechange pour tenir les premiers tours de roue.
20:06 Donc vous achetez un volume d'investissement.
20:08 - Mais c'est ça votre contrat avec Talgo d'ailleurs, vous achetez pas seulement les 10 rames, vous achetez l'entretien, enfin l'idée d'une maintenance sur le long terme.
20:18 - Oui exactement, quand vous signez un contrat avec votre constructeur, c'est pas uniquement un contrat de prestation, c'est un partenariat.
20:24 Vous allez être dans une relation durable, il y a l'acquisition des rames, une première partie de flotte et puis il y a sa maintenance.
20:29 En général on contracte pour une trentaine d'années avec des clauses de révision.
20:32 - C'est dingue !
20:33 10 rames, ça fait quoi ? 10 rames c'est 10 wagons ?
20:36 - Alors non, 10 rames c'est 10 trains complets.
20:38 - 10 trains complets, combien de wagons ?
20:40 - Une douzaine, 11-12 wagons, les trains Talgo sont un peu plus courts que le matériel d'autres constructeurs.
20:46 - Avec les locomotives ?
20:47 - Avec les locomotives.
20:48 - Grande vitesse ?
20:49 - Grande vitesse, une rame est un monolithe, on peut en assembler deux l'une derrière l'autre et composer ce qu'on appelle des unités mixtes.
20:55 - Et vous allez faire rouler ça, donc l'idée c'est 5 lignes grande vitesse, c'est ça le projet, dans le Grand Ouest, Bretagne, Pays de Loire.
21:07 - Oui, Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine.
21:10 - Oui.
21:11 - Alors finalement, dire deux mots sur le concept, nous on vient sur un marché qui est complémentaire à celui de l'opérateur historique, à celui de la SNCF.
21:18 - Oui.
21:19 - Alors bien sûr avec une nouvelle offre, une nouvelle expérience voyageurs, on va peut-être en parler un peu plus, mais notre marché c'est ce qu'on appelle le marché de l'intersecteur,
21:26 c'est-à-dire finalement les liaisons intra et inter-régionales, et comme je vous l'ai dit le réseau est plutôt bien équipé en France,
21:32 alors même si c'est un réseau plutôt en étoile, mais en étant habile, en mettant de l'ingénierie là-dedans, on arrive à utiliser les infrastructures existantes,
21:38 et à réduire les temps de parcours, et surtout à éviter les ruptures de charges, et donc à avoir des trajets de bout en bout sans avoir besoin de correspondance.
21:45 - 50 trains quotidiens ?
21:47 - Oui, 50 liaisons quotidiennes. Il y a une surface minimum de marché.
21:51 - Entre combien de points ?
21:53 - Alors, 11 villes.
21:54 - 11 villes ?
21:55 - Voilà, 11 destinations, des villes importantes, Nantes, Rennes, Tours, Bordeaux, des villes intermédiaires, Angoulême, Angers, mais qui ne sont pas très loin de grandes villes.
22:03 - Oui, tout à fait.
22:04 - On peut inventer du commuteur.
22:06 - 3 millions de passagers par an. Alors, dites-moi un peu l'histoire du service, puisque vous insistez beaucoup là-dessus. En quoi est-ce que vous apportez une révolution de service ?
22:16 - Alors, révolution, c'est ambitieux, mais en tout cas en Seattle, on apporte du service. Je devrais commencer par là. Ce qu'on souhaite bâtir, c'est une relation client et une expérience voyageur qui nous distingue, forcément.
22:29 À l'instar de ce qui s'est passé dans l'aérien, à l'instar de ce qui se passe également en Europe, dans d'autres pays, puisque finalement la France arrive un petit peu en retard sur cette ouverture de marché.
22:40 Les Italiens ont commencé avant nous. L'Espagne a été un terreau important de l'ouverture à la concurrence.
22:45 - C'est vrai ?
22:46 - Oui, vraiment. En Espagne, vous avez 3-4 compagnies qui se disputent le marché actuellement.
22:50 - En plus de l'opérateur ?
22:53 - Mais attention Alain, parce qu'il ne dit pas à l'instar de ce qui s'est passé dans l'aérien. Ce qui s'est passé dans l'aérien, c'est l'émergence du low cost.
23:00 Je ne sais pas si... Alors, en plus, les gens ne comprennent pas bien que s'ils payent moins cher, c'est quand même forcément qu'à un moment, il faut quelque part, je ne vais pas dire dégrader le service, mais on va dire l'optimiser, pour parler comme Michael O'Leary.
23:14 Mais en tout cas, dans le ressenti que peuvent avoir les voyageurs, je ne suis pas sûr qu'ils soient absolument ravis de la qualité de service du low cost.
23:21 - Je ne suis pas complètement d'accord avec vous. On retenait surtout l'offre low cost, parce que c'est elle qui a pris une dimension importante dans l'évolution et l'aérien.
23:28 Mais finalement, il s'est fait jour d'autres compagnies un peu plus spécialisées sur certaines liaisons, voire plutôt du haut de gamme.
23:33 - Oui, c'est vrai. Quelques-unes.
23:35 - Les compagnies du Golfe, par exemple.
23:37 - Ah oui, mais celles-là, non. Les compagnies du Golfe, ce n'est pas des compagnies d'entrepreneurs.
23:40 Elles sont multisponsorisées par des Etats qui en font des avantages concurrentiels économiques.
23:46 - Tout à fait.
23:47 - Voilà. Non, non, non.
23:49 - Alors, quand je vous parle de service, nous, on n'est pas dans le low cost.
23:52 Je préfère le dire. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de la place pour des acteurs low cost.
23:55 Il y en a. La preuve, Ouigo est un acteur low cost.
23:58 - SNCF ?
23:59 - Oui, mais ça aurait pu être un acteur privé.
24:01 Et puis d'ailleurs, SNCF sera peut-être concurrencé sur ce marché du low cost.
24:04 - D'accord, d'accord, d'accord.
24:06 - D'ailleurs, la SNCF, je suis remarqué, ne se prive pas, au travers de Ouigo, d'aller concurrencer son homologue espagnol, la Renfe,
24:12 qui elle-même a dû créer un acteur low cost pour venir en frontage sur ce marché du low cost.
24:16 - D'accord, d'accord.
24:17 - Nous, notre positionnement, ce n'est pas celui-là.
24:19 C'est une offre de service plutôt bien positionnée en termes de qualité de service,
24:22 mais avec les prix les plus performants possibles.
24:25 Nous, on joue sur la fréquence.
24:27 C'est un paramètre important dans notre service et les temps de parcours, sans rupture de charge.
24:31 Voilà. Et puis, bien sûr, des services complémentaires.
24:33 Alors, je ne vais pas tout dévoiler aujourd'hui, parce qu'il faudra regarder un peu pour le teasing,
24:37 mais on embarque du vélo, par exemple.
24:39 40 places vélo dans le train, sans avoir besoin de le plier, sans avoir besoin de l'emballer.
24:42 - Tous les trains ?
24:43 - Tous les trains. Tous les trains et notre matériel.
24:45 - Parce que la SNCF aussi, elle vous dit qu'elle embarque les vélos,
24:48 mais il vaut mieux réserver trois mois avant, si vous êtes sûr d'avoir une place.
24:52 - Alors, moi, je préfère le dire clairement, je ne suis pas là pour juger l'offre SNCF.
24:56 - Oui, mais alors c'est ça. C'est-à-dire que vous n'êtes pas…
24:58 Parce que je me disais, l'autre logique qui m'intéressait, c'était les télécoms.
25:01 Et où, finalement, l'ouverture à la concurrence, Orange avait de tels coûts de structure,
25:06 de telles frais de personnel, c'était tellement lourd,
25:08 que ça a été simplissime de défoncer Orange.
25:11 On va le dire comme ça, jusqu'à ce qu'ils se rétablissent et qu'ils réagissent.
25:15 Et la SNCF, je pense que c'est un peu la même chose.
25:17 C'est-à-dire qu'elle souffre endémiquement de coûts de structure qui sont colossaux,
25:21 mais ce n'est pas là-dessus que vous allez vous battre.
25:24 Vous n'allez pas vous battre sur les tarifs contre la SNCF.
25:26 Ce qui doit être assez simple, je pense, quand même.
25:29 - Alors, ce n'est pas si simple que ça, quand même, parce que ce qu'il faut retenir,
25:31 c'est que, contrairement au modèle de l'aérien, nos charges d'infrastructure sont très élevées.
25:34 Nos charges d'infrastructure, c'est-à-dire la redevance de circulation sur le réseau,
25:38 plus le toucher de quai, hangars, etc., c'est environ 60% de notre structure de coût.
25:42 60 à 70% de notre structure de coût.
25:44 Dans l'aérien, c'est 7 à 13%.
25:46 Finalement, le modèle est complètement différent.
25:49 Mais on va quand même se battre là-dessus.
25:51 Et là encore, nous, c'est beaucoup plus facile.
25:54 On réécrit l'histoire à partir de zéro.
25:56 La SNCF, elle opère un service à vie avec son histoire.
25:59 Donc forcément, on se bat aussi là où on peut se battre,
26:02 c'est-à-dire sur nos coûts de structure et sur la performance de notre appareil de production.
26:05 - 300 millions d'euros, vous les avez ?
26:07 - Oui.
26:08 - Ah oui, vous les avez ?
26:09 - Oui, bien sûr.
26:10 - Donc ça veut dire qu'il y a de gros investisseurs qui marchent avec vous
26:13 et qui décident de tenter ce pari ?
26:16 - Oui. Alors, je ne vais pas vous dire que c'est forcément facile
26:19 et que c'est une promenade de santé et c'est un chemin à long.
26:22 Mais je pense qu'il n'y a aucune entreprise ou aucun entrepreneur
26:25 qui ne fait pas un effort et qui ne doit pas se battre pour financer son entreprise.
26:29 - Non, mais qui démarre avec 300 millions d'euros de capex, il n'y en a pas beaucoup quand même.
26:32 - Oui. Alors, il faut plus que ça, Stéphane,
26:35 parce qu'en fait, il faut de l'argent, bien sûr, pour l'asset,
26:37 mais il faut de l'argent aussi pour le corporate.
26:39 - Nous, vous voyez ici, c'est à peu près 100 fois moins, quoi.
26:41 Donc, on est un peu plus tranquille.
26:43 - Oui. Alors, il faut de l'argent sur l'asset, c'est ce que je veux dire.
26:46 Il faut aussi de l'argent sur le corporate.
26:47 - Bien sûr.
26:48 - Bien sûr, il faut de l'ingénierie, il faut bâtir un programme commercial, industriel.
26:52 Il faut former, il faut recruter, il faut structurer une entreprise.
26:55 Donc, il faut aussi quelques millions sur le corporate.
26:58 - Et il y a le personnel disponible ?
27:00 Les conducteurs de train, aujourd'hui, il y en a qui sont disponibles pour venir bosser avec vous ?
27:06 - Alors, il y en aurait et on a énormément de demandes.
27:08 D'ailleurs, on a énormément de demandes sur tous les métiers.
27:10 - Ah, oui ?
27:11 - Énormément de candidatures spontanées.
27:13 Je peux m'en féliciter, ça veut dire que l'entreprise est attractive.
27:16 - Ça alors !
27:17 - Ça veut dire que ça fait sens.
27:18 L'idée n'est pas de dépoiler, si vous me pardonnez l'expression...
27:20 - La SNCF ?
27:21 - Alors, la SNCF, la filière.
27:23 L'idée, c'est de contribuer quand même à la filière.
27:24 - Bien sûr.
27:25 - Il faut comprendre qu'il y a un effet d'induction.
27:27 C'est-à-dire que plus on sera nombreux, alors pas trop nombreux,
27:30 mais plus il y aura un effet d'induction, parce que plus d'offres,
27:32 donc plus de gens qui voyagent en train.
27:34 - Bien sûr.
27:35 - Plus d'interactions entre les acteurs et puis aussi un génie des correspondances.
27:39 C'est-à-dire qu'il y a même des parcours qu'on n'aura sûrement pas imaginés,
27:41 mais que le voyageur, lui, va imaginer.
27:43 Et donc, l'idée n'est pas du tout d'affaiblir ou d'amoindrir la filière.
27:47 C'est plutôt de l'enrichir et donc de former le personnel.
27:50 Nous, on s'est doté très tôt de l'appareil de formation,
27:52 donc on forme notre personnel, on forme les conducteurs,
27:54 qu'ils soient complètement novices ou qu'ils aient déjà une licence de conducteur.
27:57 - Vous les formez là, aujourd'hui, sachant que vos trains, ils rouleront en 2025.
28:00 C'est ça, on est d'accord.
28:01 - Les former, c'est déjà détenir l'appareil de production,
28:04 consolider un noyau de conducteurs, ne serait-ce que pour en faire des moniteurs,
28:08 former les gens sur simulateurs, soit pour des compléments de formation,
28:11 soit pour une formation initiale,
28:13 et puis compléter sur du matériel roulant in vivo.
28:16 - C'est ça, 2025 ?
28:18 - Oui.
28:19 Alors 2025, avec du matériel neuf, vous ne m'avez pas posé la question.
28:22 - Ben si.
28:23 - Parce que vous achetez de l'IRAM, heureusement que vous n'achetez pas d'occasion.
28:26 - C'était une hypothèse.
28:28 - Ah oui, oui, oui, oui, en le disant d'ailleurs, j'y pensais.
28:30 - C'était une hypothèse et ça reste intelligent,
28:32 ça aurait été intelligent pour arriver plus vite sur le marché
28:35 ou pour compléter le matériel neuf.
28:37 Vous avez parlé de refit sur d'autres sujets,
28:39 je vous ai entendu sur la filière hydrogène,
28:41 du refit dans le monde du ferroviaire, ça peut être intelligent.
28:43 Donc c'est des sujets qu'on a travaillé.
28:45 Bon, l'acquisition peut être un peu longue, un peu lourde, un peu compliquée.
28:49 Confier son destin uniquement à du matériel d'occasion,
28:52 on a préféré accélérer notre processus d'acquisition de matériel neuf.
28:55 - Oui, oui, et puis il y a un sujet de crédibilité.
28:57 Enfin, forcément, il va y avoir, forcément, enfin c'est nouveau quoi, voilà.
29:02 Donc je trouve l'aventure incroyable, je vous le dis très franchement,
29:05 c'est pour ça que vous êtes là.
29:07 Et c'est sûr que ceux qui vont monter dans le train,
29:09 je pense que vos premiers clients, ça va largement les rassurer
29:12 de voir que c'est du matériel neuf quoi, enfin.
29:15 - Oui, alors du matériel neuf.
29:16 - Même si le train est extrêmement sûr comme moyen de transport.
29:19 - Tout à fait, et puis on serait passé par des phases industrielles de régénération.
29:23 - Bien sûr, bien sûr.
29:24 - Aménagement des espaces, mais effectivement, un matériel neuf,
29:26 il est fiable, il va durer longtemps, et puis il y a une expérience voyageur
29:30 qui a été construite, qui a été bâtie pour un programme,
29:32 pour une offre spécifique.
29:34 - Eh bien, écoutez, c'est formidable tout ça.
29:38 - Merci.
29:40 - Et par rapport à vos petits concurrents, enfin vos petits concurrents,
29:43 par rapport à ceux qui se lancent en même temps que vous,
29:46 il y a, même s'il ne se fait pas, vous n'êtes pas mis autour d'une table
29:50 pour vous partager la carte de France, mais c'est dans des régions
29:54 différentes finalement que les initiatives se lancent,
29:58 ou cette région-là, Grand Ouest, comme vous le dites,
30:02 qui est effectivement une région de forte attractivité,
30:05 beaucoup de déplacements, etc., est particulièrement intéressante pour vous ?
30:10 - Alors, effectivement, ce n'est pas le hasard si on a démarré
30:13 dans le Grand Ouest. Pour revenir aux autres projets,
30:16 aux autres initiatives, elles sont moins sur des segments
30:19 géographiques différents que plutôt sur des modèles
30:22 ou sur des offres différentes. Par exemple, il peut y avoir
30:24 des offres qui sont plus liées à du commuteur,
30:26 il peut y avoir des offres qui ne sont pas du tout grande vitesse
30:29 et qui sont plus sur du service librement organisé,
30:31 de l'open access, mais plus sur une dimension régionale,
30:34 ou l'équilibre du territoire, enfin qui peut être assimilé
30:36 à des trains d'équilibre du territoire.
30:39 Sur la grande vitesse, j'ai envie de vous dire, nos principales concurrents,
30:41 c'est plutôt les majors du marché en Europe,
30:44 c'est-à-dire Trains Italia France, la Renfée,
30:47 mais eux aussi, ils débutent, enfin, ils arrivent à peine sur le marché.
30:51 Si vous avez suivi l'aventure Trains Italia,
30:53 ils ont mis longtemps à pénétrer le marché,
30:55 et puis Renfée a annoncé un début de service en France,
30:57 mais enfin, les trains n'ont pas commencé à circuler aujourd'hui.
31:00 Donc, c'est une compétition, c'est une course.
31:02 J'ai envie de vous dire, forcément, quand on est petit
31:05 et qu'on vient de naître, c'est complexe.
31:07 On n'a pas la même assise qu'un grand groupe,
31:09 mais enfin, ça doit ni démotiver l'intention,
31:12 et ça ne nous rend pas moins bons,
31:13 ou forcément moins performants pour pénétrer le marché.
31:15 Je pense même le contraire, si vous voulez.
31:17 Nous aussi.
31:18 Ça fait 20 ans que je pense le contraire.
31:20 Nous aussi.
31:21 Oui.
31:22 Un mot, Alain ?
31:23 Oui, encore un mot ?
31:24 Non, non, je vous en prie.
31:25 Tu disais ce qui est important.
31:26 Voilà, ce qui est important, c'est qu'il y a des initiatives,
31:28 et ça, c'est intéressant, parce que ça fait évoluer, bien sûr,
31:31 les offres potentielles.
31:33 Ensuite, c'est des temps qui sont longs,
31:35 et surtout une énergie et de l'investissement lourd.
31:37 Donc, je pense qu'il faut distinguer les projets
31:40 qui sont encore en intention,
31:41 et puis ceux qui se consolident au travers d'assets et d'investissements.
31:44 Ah oui, oui, ah bah oui.
31:45 Parce que forcément, les calendriers ne seront pas tout à fait...
31:47 Ah bah, ça, c'est clair.
31:48 Moi, si vous êtes là, c'est la commande de 10 rames de train.
31:50 Là, c'est... Voilà.
31:51 On est sur du lourd.
31:54 300 millions.
31:55 Merci, Alain.
31:57 Merci, Stéphane.
31:58 À bientôt.
31:59 À bientôt.
32:00 On verra comment tout ça...
32:01 Comment tout ça se passe, et donc, on parle d'hydrogène.
32:05 Et donc, on repart avec Laurent-Cohen-Tannouji.
32:08 Bonjour, maître.
32:10 Bonjour, Laurent-Cohen-Tannouji.
32:12 Donc, avocat international,
32:14 la puissance du droit extraterritorial.
32:16 Vraiment, ça s'appelle "Droit sans frontières", le bouquin.
32:19 J'ai beaucoup apprécié parce que, quand même,
32:21 ça nous remet les idées en place.
32:23 Ça nous remet des idées en place.
32:25 Alors, sur trois éléments, on va y aller,
32:27 et vous rentrez très vite dessus, d'ailleurs,
32:29 sur le sujet de la question de la réduction de la production.
32:32 Et vous y allez, vous rentrez très vite dessus, d'ailleurs,
32:34 dans le début du bouquin.
32:36 Vous dites que c'est totalement simpliste de penser,
32:38 notamment quand on parle des États-Unis,
32:40 qu'il s'agit là d'une forme de guerre économique.
32:43 C'est beaucoup plus que ça.
32:45 Un, dites-vous, tout le monde le fait.
32:47 On va voir ça.
32:48 Deux, donc, tout le monde le fait,
32:51 et c'est souvent au bénéfice du droit,
32:54 ou en tout cas, de ce qu'on peut ressentir profondément
32:57 comme étant la justice,
32:58 notamment sur la lutte anticorruption.
33:00 Et puis, on terminera avec les ambitions des puissances chinoises et russes,
33:04 qui sont là aussi intéressantes.
33:06 Mais d'abord, tout le monde le fait.
33:07 Pourquoi est-ce que vous dites que c'est un dérivé,
33:10 finalement, obligatoire de la mondialisation ?
33:13 Je suis parti, effectivement, de l'aspect le plus médiatisé
33:16 de ce débat sur l'extraterritorialité.
33:18 C'est le procès qu'on fait à l'application extraterritoriale du droit américain.
33:22 Vous vous souvenez des affaires Alstom ?
33:26 L'amende de BNP Paribas, vous en parlez beaucoup.
33:29 Les 10 milliards de BNP Paribas fondamentaires.
33:32 Voilà.
33:33 Et donc, on ne me parle en général que de ça.
33:37 En disant que c'est une violation du droit international,
33:41 c'est de l'escroquerie,
33:44 enfin, il y a des mots qui sont très durs.
33:46 Première chose, c'est que je me suis penché sur le droit international.
33:48 Et en fait, on s'aperçoit que,
33:50 même si le droit international, depuis son invention au XVIIe siècle,
33:53 est fondé sur le principe de territorialité,
33:56 que chaque état est souvent sur son territoire,
33:58 mais pas sur celui des autres,
34:00 en réalité, le droit international permet l'extraterritorialité.
34:04 Il y a une certaine limite, il y a un fameux arrêt Lotus de 1927,
34:08 déjà fait presque un siècle,
34:10 qui prévoit qu'il n'y a pas de compétence d'exécution,
34:15 c'est-à-dire qu'on ne peut pas arrêter quelqu'un sur le territoire d'un autre état.
34:18 Par contre, on peut faire des lois
34:23 ou même des décisions de justice
34:25 qui ont un effet extraterritorial.
34:27 Donc ça n'est pas quelque chose qui est contraire au droit international.
34:31 Ce qu'on constate aujourd'hui, par contre, c'est qu'avec la mondialisation,
34:34 il y a une expansion de l'application extraterritoriale des lois nationales.
34:39 Pourquoi ? Parce que dans une économie mondialisée,
34:42 dans un univers de plus en plus numérisé,
34:44 qui ne connaît pas les frontières,
34:46 pour avoir une efficacité,
34:48 les lois doivent avoir une extension extraterritoriale.
34:52 - On va revenir sur l'Amérique. Vous dites "mais l'Europe le fait".
34:55 L'Europe le fait même assez massivement, finalement.
34:58 - Oui, alors l'Europe, d'abord, c'est longtemps défini
35:01 comme une puissance normative internationale.
35:03 On n'est pas une puissance militaire, on n'est pas un état, etc.
35:05 Mais on crée de la norme et on voudrait que cette norme
35:09 soit appliquée universellement.
35:12 Je prends deux exemples très simples.
35:14 Le fameux règlement sur les données personnelles.
35:17 - RGPD.
35:18 - Le RGPD, que tout le monde connaît maintenant,
35:20 et qui a de facto une application extraterritoriale.
35:23 On a même des sanctions contre Google, contre Meta, etc.
35:26 pour violation de RGPD.
35:28 De même, dans le domaine de la régulation des plateformes numériques,
35:33 là aussi, l'Europe souhaite pouvoir réguler...
35:37 - Digital Service Act, Digital Market Act, etc.
35:40 Tout à fait.
35:41 - Dans le domaine de l'environnement, etc.
35:43 Alors, quelle est la différence avec les États-Unis ?
35:45 C'est que les États-Unis, eux, ont une force de frappe,
35:48 parce que c'est une puissance, et puis que c'est un État intégré.
35:52 Ils ont un département de la justice, ils ont un OFAC,
35:55 ils ont un certain nombre d'agences qui ont la possibilité
35:59 de sanctionner ces lois d'application extraterritoriale,
36:02 tandis que l'Europe n'a pas encore...
36:04 Il y a un parquet européen qui est assez récent
36:06 et qui ne concerne que les fraudes au système communautaire,
36:10 mais il n'y a pas cette force de frappe.
36:12 C'est ça, la différence.
36:13 - Il n'y a pas cette force de frappe, et vous l'expliquez bien.
36:15 C'est lié aux règles d'unanimité.
36:17 - Voilà.
36:18 - Et aux attermoiements, finalement, de la construction européenne.
36:20 - Oui, c'est-à-dire qu'on n'est pas encore un État...
36:22 Enfin, ça n'est pas un État,
36:24 et il n'y a pas encore d'intégration politique suffisante,
36:28 mais à mon avis, ça va venir.
36:29 - Mais, comme vous le dites, il y a quand même bel et bien des amendes,
36:32 des amendes sur des entreprises américaines,
36:35 donc il y a bel et bien une parquet extraterritorial.
36:37 - Ah oui, parfait.
36:38 Il y a même eu une affaire...
36:39 Parce que le premier domaine dans lequel j'aurais peut-être dû le citer avant,
36:42 c'est le droit de la concurrence.
36:43 - Oui.
36:44 - C'est-à-dire que le droit de la concurrence européen
36:46 et d'application extraterritoriale.
36:47 Il y a même eu une décision, il y en a eu une plus récente,
36:50 mais en 2001, dans laquelle une fusion entre...
36:54 Un projet de fusion entre O'Neill et GE,
36:57 qui avait été autorisé aux États-Unis,
36:59 a été interdit par la Commission européenne pour des raisons antitrust.
37:02 Voilà, donc deux entreprises américaines
37:04 qui ne peuvent pas, finalement, fusionner
37:06 parce que ça a un effet sur le marché européen.
37:09 - Alors, justement, dites-moi un mot de cette théorie des effets,
37:12 qui est un peu à la base de la réflexion,
37:15 là-dessus, de l'Union européenne.
37:17 - Oui, c'est-à-dire que lorsqu'il y a,
37:19 enfin, en matière de droit de la concurrence,
37:21 notamment lorsqu'il y a une entente ou une opération de concentration
37:24 entre deux entreprises étrangères,
37:26 si cette concentration ou cette entente a un effet
37:30 sur le marché unique européen,
37:32 eh bien, ça suffit à donner compétence à la Commission européenne.
37:35 Et donc, cette théorie des effets est une des théories
37:39 de l'application extraterritoriale qui sous-tend l'application...
37:42 - Et sachant que, alors vous l'avez dit d'un mot,
37:44 je pense que c'est important, il faut y revenir,
37:46 parce que les téléspectateurs vont se dire
37:48 "OK, on sanctionne Google, mais parce que Google travaille en Europe".
37:51 Mais ça, c'est la base.
37:53 Même les Américains ne viennent pas chercher en Europe
37:56 des gens qu'ils auraient condamnés.
37:59 C'est bien pour l'activité sur leur territoire,
38:03 où on va y revenir, en lien avec le dollar,
38:06 que ces entreprises sont sanctionnées.
38:09 - Voilà. Alors, en lien avec le dollar,
38:11 là aussi, il y a souvent un malentendu,
38:13 par exemple sur l'affaire BNP Paribas,
38:15 on a beaucoup dit "en fait, c'est parce qu'on a utilisé le dollar,
38:18 et donc, utilisons l'euro", où il y a eu ce système de paiement.
38:22 Mais en fait, c'est pas le sujet.
38:24 Parce que si... Non, non.
38:26 Parce que BNP Paribas a une licence bancaire américaine,
38:29 une activité aux États-Unis.
38:31 Donc, cette licence bancaire et cette activité suffit
38:34 à donner compétence...
38:36 - Oui, Laurent, mais c'est là où, quand même, je...
38:39 Et alors, on va aller sur l'affaire Huawei,
38:41 qui est quand même, qu'on le veuille ou non,
38:43 une prise d'otage, quoi.
38:44 D'ailleurs, vous l'expliquez bien, double prise d'otage.
38:47 Mais c'est quand même parce que BNP...
38:49 Alors, oui, il y a cette licence bancaire aux États-Unis,
38:52 d'ailleurs, qu'ils ont vendue depuis,
38:54 parce qu'en fait, finalement, leur filiale californienne,
38:57 c'est compliqué.
38:58 Mais c'est quand même parce que BNP Paribas
39:00 ne pouvait pas se voir fermer l'accès au dollar
39:03 qu'ils ont accepté l'ensemble de la procédure
39:05 qui a amené cette amende de 10 milliards.
39:07 Alors, la puissance du dollar sur une banque comme BNP Paribas
39:10 c'est le marché américain.
39:12 C'est plus que ça, non.
39:13 C'est les règlements internationaux.
39:15 Si vous n'avez plus le dollar, tout de suite.
39:17 Mais ce que je veux dire, c'est que juridiquement,
39:19 si l'euro avait été...
39:22 Je comprends.
39:23 Ça n'aurait pas changé grand-chose.
39:24 Je comprends.
39:25 Juridiquement, ça ne fonde pas la sanction.
39:27 En revanche, si...
39:28 Et alors, on va y aller là-dessus,
39:30 parce que c'est très important.
39:31 Si BNP Paribas accepte de rentrer dans une transaction
39:34 avec le département de la justice,
39:35 c'est bien parce qu'ils n'ont pas le choix
39:37 et qu'ils ne peuvent pas se voir fermer l'accès au dollar.
39:39 Alors, le problème,
39:40 l'un des problèmes, c'est que toutes les entreprises,
39:42 France Asuo d'ailleurs, font des transactions.
39:45 Elles ne vont pas au procès.
39:47 Et en réalité, on s'aperçoit que ça pose problème
39:51 parce que du coup, les juridictions américaines,
39:53 les tribunaux n'ont jamais, très rarement,
39:55 l'occasion de se prononcer sur les interprétations
39:58 que font les procureurs américains.
39:59 C'est seulement lorsqu'il y a des personnes physiques
40:01 qui sont inculpées,
40:03 et moi j'ai eu le cas,
40:04 parce que j'ai représenté une personne physique
40:06 qui a été inculpée aux Etats-Unis,
40:07 nous avons en fait,
40:10 nous avons défendu cette personne devant les tribunaux américains
40:14 et finalement, nous avons réussi à faire tomber cette inculpation.
40:18 Donc, lorsqu'on va devant les tribunaux,
40:20 parfois, on a gain de cause.
40:22 Mais le problème, c'est que les entreprises transigent tout le temps.
40:24 Alors ça, c'est un truc très intéressant dans votre bouquin.
40:26 Vous dites, en fait, le problème, c'est que
40:28 beaucoup d'Européens ne comprennent pas l'essence du droit américain
40:31 qui est un droit en fait de transaction.
40:34 Oui.
40:35 Voilà. Et il ne s'agit absolument pas de mettre le couteau sous la gorge de quelqu'un.
40:40 C'est comme ça qu'en fait avance la justice américaine, c'est ça ?
40:43 Oui, alors il y a effectivement une préférence pour la transaction,
40:46 pour des raisons d'efficacité,
40:48 pour des raisons de...
40:49 aussi parce que...
40:50 enfin, c'est une des raisons pour lesquelles les entreprises transigent.
40:52 C'est que, notamment lorsqu'on est au pénal, évidemment,
40:55 une condamnation ou même un procès
40:57 peut avoir un impact très négatif
40:59 sur l'accès à des marchés publics ou autre.
41:02 Mais cela dit, il y a...
41:05 la Cour suprême des Etats-Unis a posé un principe
41:07 qu'on appelle la présomption contre l'extraterritorialité.
41:09 C'est-à-dire que si une loi américaine
41:11 ne prévoit pas expressément qu'elle est d'application extraterritoriale,
41:14 elle n'est pas d'application extraterritoriale.
41:16 Donc, ça peut se discuter devant les tribunaux.
41:19 Mais si on transige tout de suite, évidemment,
41:21 on n'a pas cette marge de manœuvre.
41:23 Vous appelez ça la justice négociée,
41:25 mais en même temps, c'est une grande tradition.
41:27 Oui, oui.
41:28 En tout cas, c'est ce que vous écrivez.
41:29 Voilà, c'est une des plus...
41:30 Tous les films et les séries que l'on consomme,
41:34 effectivement, il y a toujours "take the deal".
41:36 Toujours un avocat pour dire "take the deal".
41:39 La France vient d'adopter, avec la loi Sapin II,
41:42 en matière de corruption,
41:44 vient d'adopter les instruments de justice négociés,
41:46 ce qu'on appelle la Convention judiciaire d'intérêt public,
41:48 la CGIP en France.
41:50 Et c'est vrai que c'est beaucoup plus efficace,
41:51 parce que jusqu'à part, en prenant le cas de la corruption,
41:54 jusqu'à la loi Sapin II,
41:56 les affaires de corruption ont traîné en longueur
41:59 devant les tribunaux et n'étaient jamais sanctionnées.
42:02 Je vais vous lire, même.
42:03 C'est plus que ça.
42:04 "Gardons en mémoire que la corruption d'agents publics à l'étranger
42:10 était non seulement légale en France,
42:12 mais pouvait même faire l'objet d'une déduction fiscale
42:16 avec l'agrément du ministère des Finances."
42:18 J'ai découvert ça.
42:19 C'est dans le an 2000, vous dites.
42:20 Oui, il y avait un bureau à Bercy, en fait,
42:22 qui tamponnait l'élection fiscale.
42:25 Jusqu'à l'entrevue en vigueur de la Convention OCDE.
42:27 Alors, ce que vous évoquiez tout à l'heure,
42:30 effectivement, c'est comment l'extraterritorialité
42:32 peut faire avancer le droit international.
42:34 Voilà.
42:35 Le cas de la corruption est tout à fait éclairant.
42:38 Les États-Unis se sont dotés d'une loi anticorruption
42:41 après le scandale du Watergate,
42:43 donc dans les années 70, le FCPA.
42:46 Ensuite, ils ont voulu, évidemment,
42:48 que les entreprises puissent faire jeu égal.
42:51 C'est-à-dire que pas seulement les entreprises américaines
42:52 qui soient sanctionnées pour corruption,
42:53 alors que toutes les autres pouvaient payer les pots de vin.
42:55 Ils comprirent qu'il y a eu une délégation fiscale.
42:57 Tout à fait.
42:58 Donc, ça a donné lieu, au bout de 20 ans,
42:59 à une Convention OCDE,
43:01 qui est aujourd'hui l'instrument international principal
43:03 pour la corruption.
43:04 Et ensuite, tous les États membres de l'OCDE
43:06 ont dû se doter de législation anticorruption.
43:11 Et donc, avec la France, c'est aujourd'hui la loi Sapin II.
43:13 Et voilà, donc, comment aujourd'hui,
43:15 comment à partir d'une initiative unilatérale des États-Unis,
43:19 d'application extraterritoriale par définition,
43:21 puisqu'on parle de corruption d'agences publiques à l'étranger,
43:24 on a maintenant un régime international,
43:28 au moins au sein de l'OCDE,
43:30 mais c'est quand même très important,
43:32 qui est...
43:33 Donc, le droit international a progressé de ce point de vue-là.
43:36 Ah oui, et puis je peux témoigner de ce que,
43:38 au cœur des grandes entreprises aujourd'hui,
43:41 c'est une obsession maintenant
43:43 d'énormément de services de compliance,
43:45 de directeurs des risques, etc.
43:47 La loi Sapin II,
43:49 derrière le devoir de vigilance et l'ensemble,
43:53 et c'est fondamentalement extraterritorial,
43:56 puisqu'il faut aller auditer pratiquement l'ensemble des chaînes de valeur
43:59 à travers la planète.
44:01 Voilà ce que demande aujourd'hui la loi Sapin II.
44:03 Et ça, on le doit aux Américains, finalement.
44:05 Et alors, là aussi, vous parliez de compliance,
44:08 mais, et tout à l'heure, vous parliez de guerre économique.
44:10 On va y revenir sur la guerre économique,
44:12 attendez, je ne vais pas vous lâcher comme ça.
44:14 Non, non, mais je voulais revenir.
44:16 Je disais, effectivement, que dans les tenants de la guerre économique,
44:20 ce qu'ils disent en réalité de tout ça,
44:22 c'est uniquement une manière pour les Américains
44:25 de mener une guerre économique contre les entreprises européennes, etc.
44:28 Et même la compliance elle-même, la conformité,
44:31 tout ça, c'est un instrument de guerre économique.
44:34 Pour moi, c'est vraiment une espèce de théorie du complot
44:37 qui vraiment n'a aucun sens.
44:39 Alors, théorie du complot,
44:41 j'y pensais avec notamment BAL 3.
44:44 Mais c'est exactement ce que vous écrivez dans le bouquin.
44:48 C'est-à-dire les réglementations bancaires internationales,
44:51 finalement, les Européens se les ont imposées,
44:57 après une crise de 2008, dont ils sont quand même assez lointainement responsables,
45:03 mais n'ont aucun moyen, et c'est là où, effectivement,
45:06 il n'y a pas la force de frappe d'exiger des banques américaines,
45:09 même pour travailler en Europe,
45:11 qu'elles respectent BAL 3 aujourd'hui et ses règlements internationaux.
45:16 Et donc, on est quand même sur un affaiblissement,
45:18 parce que c'est davantage de coussins de sécurité, etc.,
45:21 enfin bon, de fonds propres, on l'a bien expliqué,
45:23 c'est quand même un affaiblissement du système bancaire européen
45:25 par rapport à la concurrence américaine.
45:28 De fait, ces réglementations, on n'a pas la force d'imposer, en fait.
45:31 Mais on en impose d'autres.
45:33 Tout à fait, on en impose d'autres.
45:35 Mais celle-là est importante.
45:36 Mais revenons sur l'affaire Huawei.
45:38 Parce que là, on a quand même, vous vous souvenez tous,
45:41 on a l'arrestation au Canada de l'héritière,
45:46 directrice financière du groupe, mais héritière de Huawei.
45:50 Franchement, là, on est sur une pure prise d'otage, non, quand même ?
45:53 Non, je ne suis pas d'accord avec vous.
45:55 La prise d'otage, c'est les Chinois qui l'ont...
45:57 Alors, ils l'ont fait avec des Australiens, ça ?
45:59 Ils l'ont fait avec des Canadiens qui n'avaient rien à voir avec le sujet.
46:03 Alors, il y en a un qui était un humanitaire, l'autre qui était un diplomate.
46:07 On les a mis en prison.
46:09 La dame en question, elle, était dans une maison de luxe à Vancouver,
46:13 mais elle a été inculpée pour une violation des sanctions.
46:21 Oui, voilà, c'est ça.
46:23 Donc, c'était une inculpation judiciaire.
46:25 Elle était ensuite...
46:26 Mais oui, mais c'est la directrice financière.
46:28 Ça veut dire quoi ? On n'arrête pas les directeurs financiers s'ils sont...
46:32 Non, on n'arrête pas les directeurs financiers.
46:34 C'est la personne morale qui...
46:36 Enfin, vraiment, je parle sur le contrôle.
46:38 C'est l'entreprise qui se rend responsable de ces sanctions.
46:40 Donc, elle, en tant que directrice financière, sans doute,
46:43 elle a une part de responsabilité.
46:45 Mais enfin, ça vous semble parfaitement légitime, ça ?
46:48 Ah ben, je veux dire, il y a une responsabilité morale des personnes morales.
46:53 Et encore, elle n'est pas reconnue dans beaucoup de pays.
46:56 Mais aussi des personnes physiques.
46:58 Et l'une des tendances aux États-Unis, mais également en Europe,
47:01 aujourd'hui, c'est de rechercher la responsabilité des personnes physiques.
47:04 Pour cela, des personnes morales.
47:05 Parce qu'on dit les personnes morales, c'est très simple.
47:06 Ils font un gros chèque et c'est terminé.
47:08 Et donc, alors, je ne dis pas que ça peut donner des abus.
47:12 Mais dans ce cas-là, je pense que le terme de prise d'otage est excessif.
47:16 C'est une personne inculpée.
47:18 Alors, ce qui est un peu...
47:20 Là où il y a eu...
47:21 Enfin, le département de la justice, finalement, a cédé.
47:24 Enfin, et a libéré cette personne.
47:28 Enfin, c'est devenu quelque chose de diplomatique.
47:31 Puisqu'il y avait ces deux malheureux Canadiens qui étaient en prison.
47:34 Alors, ça nous amène à ce qu'on évoquait, la Chine, la Russie, etc.
47:40 Attends, on va y aller après.
47:42 Parce que, ok, là-dessus, on conteste, je vous entends contester l'idée de prise d'otage.
47:46 J'ai quand même l'impression que là, on va dire, l'affaire Huawei, d'une manière générale,
47:51 et d'ailleurs, on peut en reparler aussi avec la façon dont Trump décide finalement de sanctionner l'Iran.
47:56 Après la rupture, enfin décide de rompre les négociations sur le traité nucléaire et de sanctionner l'Iran.
48:03 J'ai quand même l'impression que là, on n'est pas dans la même dimension qu'avec BNP Paribas, qu'avec Alstom, etc.
48:09 Oui, non, non, absolument. Ça c'est de la politique étrangère.
48:11 Et c'est du Trump. Non, non, c'est différent.
48:14 Alors, là où ça se rejoint, c'est que les sanctions, ce qu'on appelle les sanctions secondaires,
48:21 sont en application extraterritoriale.
48:23 C'est-à-dire que là, véritablement, on dit aux entreprises étrangères,
48:28 finalement, si vous commercez avec l'Iran, vous ne pourrez pas continuer à faire des affaires aux États-Unis.
48:34 Donc là, on n'est pas dans... C'est un choix.
48:37 Alors, on dirait que ce n'est pas un vrai choix, parce que personne ne va choisir de se couper du marché américain.
48:42 Mais on n'est pas dans la coercition juridique.
48:46 Si vous voulez dire que vous êtes tout à fait libre de décider de commercer avec l'Iran et pas avec les États-Unis.
48:51 Mais donc...
48:52 D'accord.
48:53 Non, mais juste témoignage personnel. Il se trouve que... Enfin, tout le monde le sait.
48:58 Alors, Renault, d'ailleurs, et PSA avaient des activités importantes en Iran.
49:02 Il se trouve que quand le... Alors, le thème est mal choisi, mais je n'en trouve pas d'autre.
49:06 Lucas de Trump est tombé.
49:09 Je me souviens très, très bien.
49:11 Je pense que c'était le patron de la marque Citroën à l'époque qui dit,
49:14 mais on n'a même plus eu le droit d'envoyer ne serait-ce qu'un mail pour dire à nos gens en Iran,
49:20 désolé, c'est fini, j'espère qu'on se retrouvera bientôt.
49:23 Donc, en tout cas, la façon dont les entreprises, elles, ont pris le truc.
49:27 Alors, ça, c'est ce qu'on appelle l'overcompliance.
49:30 C'est-à-dire la surconformité.
49:31 C'est-à-dire qu'on est passé d'un extrême à l'autre.
49:33 De BNP Paribas qui avait été averti à plusieurs reprises, notamment par le trésor américain, etc.
49:39 et qui a passé outre à aujourd'hui, un Américain ne peut pratiquement plus ouvrir un compte bancaire en France.
49:45 On est passé d'un extrême à l'autre.
49:47 Et ça, je crois que c'est un problème.
49:50 Sur la question des sanctions, ce qui est intéressant, c'est que depuis la guerre en Ukraine,
49:55 depuis l'invasion russe de l'Ukraine, l'Union européenne s'est dotée du même arsenal de sanctions
50:01 contre la Russie que les États-Unis et donc comprend aujourd'hui la logique des sanctions secondaires.
50:08 C'est-à-dire que si on permet à un état tiers de contourner les sanctions, ça n'a plus aucune efficacité.
50:13 Donc, on est aujourd'hui à peu près aligné.
50:15 Il y a une convergence. De même qu'il y a eu une convergence dans le passé en droit de la concurrence.
50:19 Au début, dans les années 60-70, les Américains étaient attaqués en raison de leurs actions en matière de concurrence contre une entreprise européenne.
50:30 Aujourd'hui, on a une totale convergence entre l'Union européenne et les États-Unis dans ce domaine-là.
50:36 Sur la corruption, c'est pareil.
50:38 C'est ça qui est très intéressant. D'une certaine manière, les Américains écrivent.
50:44 Ils ont commencé avant nous une forme de droit de la mondialisation. C'est un peu ce que vous dites.
50:49 Il n'est pas si mal fait. Donc, on s'engouffre derrière.
50:53 Ce qui est important, c'est qu'il y ait de plus en plus d'harmonisation des législations.
50:58 Si on veut éviter ces conflits d'extraterritorialité, il faut une harmonisation des législations.
51:02 Il faut une coopération entre les autorités nationales, ce qui est aussi en train de se faire.
51:07 Donc, de mon point de vue, c'est très positif.
51:10 On a parlé du dollar. Sur le Cloud Act, vous dites qu'on délire un peu en Europe autour de cette histoire.
51:18 C'est un truc qui est très présent dans la tête des...
51:21 Oui, il y a un peu de...
51:23 C'est sûr qu'on a vu encore récemment que les Américains espionnent partout.
51:28 D'ailleurs, la plupart des pays le font avec plus ou moins de succès et de force.
51:32 Oui !
51:33 Mais l'idée de dire que toutes les procédures judiciaires, etc. ne sont faites que dans le seul but de piquer de l'information sensible aux entreprises,
51:44 je pense que là, on est un peu dans la parano.
51:46 Oui, parce que vous l'expliquez bien.
51:48 Il y a, alors, on peut en redire un mot, vous l'avez dit très vite, mais il y a la justice américaine qui, parfois, fait barrière.
51:55 Moi, j'avais le sentiment que n'importe quelle demande du Pentagone d'aller voir dans les serveurs d'Amazon était forcément exécutée.
52:06 Non, il y a l'état de garde-fou. Et puis, aujourd'hui, la France même s'est dotée également de garde-fou.
52:11 Il y a même le CIS qui est un bureau au ministère des Finances qui permet de contrôler ce qui est demandé soit par des avocats américains, soit par des jeux d'élections.
52:22 Il y a la loi de blocage qui a longtemps ne servait à rien, mais qui commence à avoir...
52:25 Donc, il y a toute une série de mécanismes. Et je crois qu'on est plus dans une logique, aujourd'hui, de coopération qu'il a pu y avoir des abus dans le passé.
52:34 Mais je crois qu'on commence maintenant à savoir travailler ensemble.
52:38 Et d'un mot, avant d'en venir effectivement aux Chinois et aux Russes, vous regrettez...
52:41 Alors bon, là, on sort un peu du droit. Mais c'est vrai que la façon... Je me souviens que Bruno Le Maire avait été assez vindicatif et assez volontariste sur l'idée
52:53 d'enfin mettre un système en place européen basé sur l'euro qui allait permettre de continuer à travailler avec l'Iran parce qu'on voulait continuer à travailler avec l'Iran.
53:01 Donc, ça, c'est fait d'une part. Ça n'a pas d'efficacité juridique parce que, comme je le disais tout à l'heure, ça n'est pas seulement l'utilisation du dollar
53:08 qui permet de justifier la compétence américaine. Donc, ça n'est pas efficace juridiquement.
53:14 Et en plus, aujourd'hui, je crois qu'on ne veut pas non plus nous-mêmes commercer avec l'Iran. Donc, on est en convergence sur la politique étrangère également.
53:21 Alors, venons-en pour terminer effectivement aux ambitions des puissances chinoises et russes.
53:27 Là, vous pensez, Laurent, qu'il y a quelque chose vraiment à regarder de très près ?
53:31 Oui, parce que si vous voulez, jusqu'à présent, prenons la Chine, par exemple, qui est quand même la principale, la nouvelle puissance.
53:42 La Chine, d'aujourd'hui, a vraiment une ambition normative internationale. Elle veut donc restructurer l'ordre mondial à sa manière et donc en opposition avec l'Occident.
53:52 Donc, au départ, il y a eu plutôt une attitude défensive, c'est-à-dire comment se prémunir contre l'application extraterritoriale du droit américain, les sanctions, etc.
54:00 Mais aujourd'hui, de plus en plus, on a des dispositions offensives d'application extraterritoriale dans un État.
54:06 Ça vaut pour la Russie ou pour l'Iran, pour d'autres qui ne sont pas. On n'est pas dans le cadre d'État de droit.
54:12 Et puis, ça peut aller jusqu'à ce qu'on voit des prises d'otages, plus ou moins simplement en Iran, en Russie, en Chine avec l'affaire Huawei,
54:19 où là, les personnes physiques n'ont absolument aucune protection. On est ensuite dans des marchandages diplomatiques, des changes d'otages.
54:27 Donc, on est totalement dans un autre univers. Et ça, c'est extrêmement préoccupant parce que ça peut véritablement freiner la mondialisation.
54:37 On peut y regarder à deux fois avant d'aller. Et donc, je pense que là, il y a vraiment besoin.
54:44 – Vous écrivez que la prise d'otages des Canadiens a fait réfléchir des multinationales sur l'envoi de personnel communautaire, expatrié.
54:54 – Donc, il ne faut absolument pas confondre les conflits qu'il peut y avoir entre pays occidentaux
55:01 sur l'application extraterritoriale de leurs droits avec ce phénomène qui est véritablement…
55:06 On sort, j'appelle ça le Far West, en fait. On passe de l'État de droit au Far West.
55:11 Et ça, c'est extrêmement préoccupant.
55:14 – Vous appelez ça… l'offert, c'est ça l'offert ?
55:19 – L'offert, oui, c'est l'utilisation guerrière du droit.
55:23 Alors, donc, pour moi, par exemple, l'anticorruption n'est pas du tout de la guerre économique.
55:28 Par contre, voilà, prendre… À partir du moment où vous avez des États qui sont des États autoritaires,
55:34 dans lequel le droit, en fait, est un pur instrument de l'arbitraire,
55:39 en réalité, il y a quelque chose qui est écrit sur le papier, on vous l'applique,
55:42 et puis vous êtes jugé sommairement, prenez le journaliste du World Food Journal d'aujourd'hui.
55:47 – Tout à fait.
55:48 – Voilà, donc là, c'est extrêmement dangereux.
55:52 – Et ça passe quand même par, vous l'écrivez, la dé-dollarisation de leurs économies.
55:58 – Les Chinois, les Russes, etc. ont voulu, effectivement, se prémunir contre l'utilisation du dollar.
56:05 Et donc, en fait, c'est une autre forme du découplage qui est en cours,
56:09 entre découpage technologique, mais également découpage financier, géologie, etc.
56:14 – Tout à fait, il y a cette notion de "sud global" qu'on a déjà expliquée ici,
56:19 que les Chinois essayent d'imposer, justement, comme une sorte de contre-modèle
56:24 par rapport au modèle occidental, et c'est très intéressant.
56:27 – Oui, c'est préoccupant, je crois.
56:30 – Alors, c'est préoccupant, et juste pour finir, je voulais vous lire quand même
56:33 ce que Bruno Le Maire a dit récemment, il présentait son plan "Industrie verte".
56:38 Et il dit "On vit un Yalta de l'industrie verte, la bataille est mondiale pour récupérer sur son sol
56:45 les investissements qui vont définir le partage de la puissance industrielle au XXIème siècle".
56:49 Très bien, et c'est la phrase d'après qui fait une belle conclusion à votre bouquin, à mon avis, Laurent.
56:54 "Dans la théorie des jeux, le dernier qui respecte les règles est celui qui perd".
57:00 Il a l'air de dire "tous les coups sont permis", et de plus en plus, tous les coups vont être permis.
57:06 Est-ce que vous… ?
57:07 – Moi, je crois que si on va dans cette direction, ça va être le chaos,
57:12 ça va être véritablement la guerre économique.
57:15 Moi, je ne crois pas, enfin, il y a des gens qui pensent que la mondialisation est terminée.
57:19 Moi, je ne crois pas, je pense que la mondialisation devient beaucoup plus complexe,
57:23 qu'il y a une interprétation entre la géopolitique et l'économie
57:27 qu'il n'y a pas eu depuis, enfin, au cours des années 80, 90, etc.
57:31 Mais je crois qu'il est d'autant plus nécessaire d'avoir des règles,
57:36 et de respecter ces règles, et de les faire adopter.
57:39 Je pense que je plaide à la fin pour une convention, déjà transatlantique,
57:46 sur les questions de l'extraterritorialité, et puis ensuite, plus largement,
57:49 une convention OCDE, de manière à ce qu'on puisse avoir
57:53 un certain nombre de règles du jeu de base pour le commerce international,
57:58 l'économie internationale.
58:00 Et en tout cas, grâce à vous, on comprend mieux ce qui se joue,
58:02 notamment, effectivement, dans la tête des Américains.
58:05 Donc, merci pour tout ça.
58:07 Laurent Cohen-Tanuji, donc, droit sans frontières.
58:11 Merci de nous avoir suivis, et évidemment, à très bientôt sur Bismarck.
58:15 Merci de notre invitation.
58:17 [musique]

Recommandée