Comment réactiver la voix passive ? - La Chronique linguiste de Laélia Veron

  • l’année dernière
À la voix active le sujet fait l’action. À la voix passive il subit l’action (assurée par un complément d’agent). Différence de syntaxe, mais aussi de sens. Réf : la revue « Ela » https://www.cairn.info/revue-ela-2017-3.htm

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00:00 Parce que maintenant derrière, il va falloir passer une maîtresse de conférence à l'université d'Orléans.
00:03 C'est-à-dire la linguistique, la stédistique, c'est-à-dire l'excellence de nos universités.
00:13 Laëlia Veyron est avec nous pour parler comme jamais.
00:16 Merci Charline.
00:17 Alors c'est mercredi, on va faire de la grammaire, vous allez faire de la grammaire.
00:20 Vous êtes prêts ?
00:21 J'adore ça moi.
00:22 Et bien très bien.
00:23 Si je vous dis « Walli, écoute la chronique », qui fait l'action ici dans cette phrase ?
00:27 Walli.
00:28 Et quelle est la fonction du mot Walli ?
00:29 C'est un sujet.
00:30 C'est le sujet du verbe « écoute ». Le sujet fait l'action.
00:33 Mais ça c'est la voix active.
00:35 Si je vous dis « voix passive, voix active », ça va ?
00:37 Si je vous dis « le chat mange la souris », c'est l'exemple canonique, à la voix
00:40 passive ça fait quoi ?
00:41 La souris est mangée par le chat.
00:43 Voilà, la souris est mangée par le chat.
00:45 Donc, le chat mange la souris, voix active, le chat est le sujet, fait l'action.
00:48 La souris est mangée par le chat, voix passive.
00:50 Le chat fait toujours l'action mais il n'est plus sujet, il est complément d'agent et
00:54 il se retrouve à la fin de la phrase.
00:55 La voix passive et la voix active, ça crée des effets de sens différents et choisir
00:59 l'une ou l'autre, ce n'est pas une question de grammaire abstraite mais ça se pose très
01:02 concrètement, par exemple pour les journalistes quand il s'agit de parler de violence.
01:06 Par exemple, si je dis « la police disperse les manifestants », quelle voix c'est ici ?
01:10 Active.
01:11 Très active.
01:12 Très active.
01:13 On met l'accent sur le sujet de l'action.
01:15 Trop active.
01:16 Alors que si on dit « les manifestants se sont dispersés par la police », c'est
01:18 la voix passive.
01:19 Et là, on met l'accent sur les manifestants qui ont subi l'action alors que l'agent
01:23 de l'action passe au second plan.
01:25 Il peut même disparaître si on prend une troisième voix qui s'appelle la voix
01:28 moyenne.
01:29 « Les manifestants se sont dispersés ». Généralement on les aide.
01:32 Le choix de la voix passive fait souvent polémique.
01:35 Ça marche pour la police mais aussi pour la chasse.
01:37 Je vous donne un exemple de titre qui a fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux.
01:41 « Un promeneur touché par un tir de chasse ». On a quelle voix ici ?
01:44 La voix passive.
01:45 C'est beau comme sujet.
01:46 Il la cherchait quoi.
01:47 C'est ça.
01:48 Alors la voix passive, ça a provoqué des réécritures très énervées des internautes
01:51 à la voix active.
01:52 Je vous lis un tweet de Sandrine Delhoff qui avait dit « ça danse le limbo pour ne pas
01:56 dire « un chasseur tire sur un promeneur ». Vous avez l'image.
01:58 Je touche pas la voix active.
01:59 Ce qui a fait réagir, c'est le choix de la voix mais aussi du complément d'agent.
02:03 « Touché par un tir, inanimé » plutôt que « par un chasseur, animé ». On a quelques
02:08 fois l'impression que les compléments d'agent inanimés, ça masque le rôle des humains
02:12 comme si les fusils parlaient tout seuls.
02:13 Partez tout seuls, pardon.
02:15 Si ces formes peuvent énerver, c'est parce que quand on parle de violence, on réclame
02:19 l'identification et donc la responsabilisation de l'auteur de la violence.
02:23 Et cette identification, elle est possible quand il y a un chasseur et son fusil.
02:27 Mais des fois c'est plus compliqué quand on parle de violence policière.
02:30 Quand on dit qu'un manifestant a été touché par une grenade, qu'on emploie une voix
02:34 passive et un complément d'agent inanimé, c'est peut-être parce que justement c'est
02:39 compliqué d'identifier le responsable et de le mettre à la voix active.
02:41 Est-ce que c'est un policier spécifique ? Est-ce que c'est le corps de la police ?
02:45 Est-ce que c'est une volonté politique derrière la police ?
02:48 Darmanin démission !
02:49 Alors qu'est-ce qu'on fait ? On peut essayer d'avoir conscience des effets
02:53 standards de ces structures, notamment la voix passive, pour les détourner.
02:57 Comme c'est bien de faire quelqu'un en musique dans cette équipe, mais qui ?
03:00 Guédré qu'on va écouter ?
03:01 *Guédré* Un trou de balle par un gros trou de balle, c'est pas normal mais ça devient banal.
03:08 Voilà, là vous avez un bel exemple de complément d'agent en part et qui pourtant est bien responsabilisé.
03:13 Ça nous montre quoi ? Qu'aucune structure de la langue n'est figée, même la voix
03:16 passive et le complément d'agent, qu'on peut toujours les faire bouger et que pour
03:20 ça rien de plus efficace que l'humour.
03:21 Et qu'une chanson de Guédré !
03:24 Merci Laëlia Veyron !
03:25 *Laëlia* Avec plaisir !
03:26 On va écouter doublement attentivement tous les propos journalistiques qui sont tenus
03:31 sur ces petites choses qui n'existent pas comme les licornes, les violences policières.
03:35 Merci Laëlia ! On peut balado-diffuser aussi, podcaster votre chronique bien sûr et se
03:40 la partager, je vous le conseille.

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