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00:00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états. Le fait du jour.
00:00:03 Le gouvernement français se dit
00:00:06 vigilant concernant le secteur bancaire actuellement chahuté par les débordes de plusieurs établissements aux USA.
00:00:12 Et ces dernières heures, c'est l'annonce par le principal actueur de Crédit Suisse
00:00:16 de son incapacité à fournir une nouvelle aide financière à la banque Helvette qui a semé un nouveau vent de panique.
00:00:21 Le plongeon de Crédit Suisse à la bourse a eu des répercussions sur le secteur bancaire français
00:00:25 avec la chute notamment des actions de Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole.
00:00:30 La deuxième banque suisse peine à se remettre d'une série de scandales qui a considérablement entamé la confiance des investisseurs et des clients.
00:00:36 On va voir les conséquences en compagnie de Sylvain Bersinger,
00:00:40 économiste au sein du cabinet d'études et de conseils Asterès. Sylvain Bersinger, bonjour.
00:00:44 Bonjour. Bienvenue sur Sud Radio. Alors concrètement,
00:00:48 que s'est-il passé hier à la bourse de Paris et notamment sur l'ensemble des bourses ?
00:00:55 Oui, alors c'est vrai qu'hier les bourses et notamment les valeurs bancaires ont été plutôt en baisse clairement. Alors elles rebondissent plutôt ce matin.
00:01:02 Ce qu'il faut voir c'est qu'on est dans une situation un petit peu agitée donc
00:01:05 ce qu'on dit à un moment donné ne sera peut-être plus vrai en fin d'après-midi etc.
00:01:09 Voilà, il faut être assez prudent et un petit peu marcher sur des oeufs.
00:01:13 Mais effectivement avec la faillite de Silicon Valley Bank et les difficultés notamment de Crédit Suisse,
00:01:18 il y a eu un mouvement de défiance
00:01:20 en bourse qui ont fait que un certain nombre d'investisseurs ont rendu des valeurs boursières, ce qui ont fait baisser leurs cours.
00:01:26 Donc je dirais que ce n'est pas très surprenant. Dès qu'il y a
00:01:29 des mauvaises nouvelles dans un secteur, dans les heures ou les jours qui suivent, les titres en bourse de ce secteur ont tendance à baisser.
00:01:36 Donc je ne suis pas particulièrement
00:01:39 surpris si vous voulez que les valeurs bancaires aient baissé à la bourse de Paris.
00:01:42 Donc c'est une baisse mais ce n'est pas non plus un effondrement. Je veux dire, il ne faut pas
00:01:46 dramatiser la situation. Je crois qu'on n'est pas, en tout cas à ce stade, et je pense
00:01:50 qu'il ne sera probablement pas, même s'il faut être très prudent, on n'est pas sur une crise de type 2008.
00:01:55 Il y a eu une crise bancaire aux Etats-Unis
00:01:57 qui chalute un petit peu les valeurs bancaires en bourse. Mais pour l'instant, on en reste là.
00:02:02 Mais cette crise américaine, c'est la conséquence qui a eu lieu hier sur les bourses. On va parler des remontées des banques françaises,
00:02:09 notamment BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole dans quelques minutes.
00:02:15 Est-ce que c'est la conséquence logique ou surprenante ? Je ne sais pas, moi je ne suis pas économiste.
00:02:21 Des faillites de SVB, Signature Banks, il y a eu trois banques qui ont fait faillite aux USA.
00:02:26 Oui bien sûr, le fait que il y ait eu notamment Silicon Valley Bank, parce que c'était
00:02:31 la plus grosse de celles qui ont eu des difficultés. C'est la banque des start-up ?
00:02:34 Emblématique, la banque des start-up, comme on dit. C'est sûr que ça a créé un mouvement
00:02:39 d'inquiétude autour des valeurs bancaires
00:02:42 puisqu'il y a un peu toujours dans ces… les crises bancaires c'est très difficile à prévoir parce qu'il peut y avoir un effet
00:02:48 autoréalisateur. C'est-à-dire que si tout le monde commence à avoir peur et à retirer
00:02:53 ses capitaux, son épargne des banques, la crise peut être autoréalisatrice.
00:02:58 C'est pour ça que les autorités sont toujours très prudentes avec ces situations de crise bancaire.
00:03:05 Vu que Silicon Valley Bank a fait faillite, il y a eu un mouvement de défiance sur les valeurs bancaires.
00:03:12 Encore une fois, ça ne me surprend pas quand il y a dans un secteur donné une entreprise qui a des grosses difficultés ou qui fait faillite.
00:03:18 Il y a souvent ce mouvement de défiance
00:03:20 en bourse, mais c'est pas…
00:03:23 pour moi c'est pas catastrophique ou c'est pas
00:03:26 le signe qu'on va vers une crise bancaire systémique et généralisée.
00:03:31 Alors hier justement, Société Générale avait perdu plus de 12%
00:03:34 BNP + de 10, Crédit Agricole + de 5. Leur rebond à midi est quel ? Qu'il est midi 38 à la pendule de Sud Radio.
00:03:42 Va de 0,49 pour la Société Générale, c'est le plus bas, à 1,2 pour la BNP.
00:03:47 C'est un rebond, mais quand même très timide, Sylvain Bersinger.
00:03:51 Oui, alors je suis tout à fait d'accord, mais on est dans une situation, voilà, un petit peu de tension.
00:03:56 Les cours de bourse d'une heure sur l'autre ou d'un jour sur l'autre, je vais pas dire qu'on s'en fiche,
00:04:01 mais si on veut analyser la situation de fond, c'est pas forcément l'indicateur le plus important.
00:04:07 Parce que la bourse, forcément c'est volatil, c'est le prix des actions en bourse,
00:04:12 il suffit qu'il y ait plutôt un mouvement de défiance ou de confiance, l'annonce de tel ou tel banquier central,
00:04:18 notamment les annonces qu'on va avoir de la BCE peuvent faire varier les choses.
00:04:22 Donc voilà, je pense qu'il faut pas surjouer ou suranalyser les variations boursières des sociétés bancaires d'une heure sur l'autre.
00:04:33 Ce qui serait inquiétant, c'est effectivement si les cours boursiers baisseraient de manière continue sur plusieurs semaines ou plusieurs mois.
00:04:40 Vous avez parlé de Credit Suisse, Credit Suisse ça fait des années qu'ils ont des difficultés,
00:04:43 que leurs fonds baissent, que les clients ont de la défiance, là ça devient vraiment problématique.
00:04:47 Que quelques valeurs bancaires soient chahutées à la Bourse de Paris, à ce stade, ça me panique pas, j'ai envie de dire.
00:04:55 Alors, il y a une chose qui baisse depuis plusieurs jours et l'annonce des trois faillites aux Etats-Unis, c'est le prix des matières premières.
00:05:02 Pourquoi ? C'est important parce que le prix des matières premières qui se payent en dollars, c'est l'essence qu'on met à la pompe,
00:05:07 c'est le minerai de fer avec lequel on va faire de l'acier pour les voitures, ou l'aluminium avec lequel on va faire des pièces d'avion ou des canettes.
00:05:15 Oui bien sûr, en fait cette crise bancaire a fait baisser le prix des matières premières et notamment du pétrole, vous avez raison.
00:05:22 Le pétrole a perdu à peu près 10 dollars, donc un peu plus de 10% en quelques jours.
00:05:27 L'idée sous-jacente c'est que s'il y a des difficultés bancaires, ça pourrait, alors pour l'instant je pense pas que la faillite de Silicon Valley Bank change le scénario macro-économique,
00:05:38 mais voilà, si la crise bancaire venait à s'intensifier, il pourrait y avoir un ralentissement économique, donc une baisse de la demande du pétrole et d'autres matières premières,
00:05:46 ce qui entraîne une baisse des prix. En fait le pétrole baisse un petit peu pour la même raison qu'a baissé BNP Paris-Barrambourg,
00:05:53 c'est-à-dire qu'il y a un peu de panique, mais enfin un peu de défiance sur les marchés, ce qui fait que les investisseurs se détournent à titre un petit peu préventif de certaines valeurs et du pétrole.
00:06:06 Mais la baisse du pétrole, alors la crise bancaire n'est effectivement jamais une bonne nouvelle, mais en fait d'une certaine façon le fait que le pétrole soit plutôt à la baisse depuis quelques jours,
00:06:15 vu qu'on a un problème d'inflation en Europe, c'est quelque chose qui est positif. On aimerait voir le pétrole un petit peu plus bas pour casser l'inflation qui est restée en février quand même très élevée.
00:06:26 Justement, concernant le cours de les matières premières, on les paye en dollars, ça c'est un secret pour personne. La crise étant avant tout américaine,
00:06:34 et le dollar, la Fed risquant de devoir imprimer des billets, elle l'a déjà fait beaucoup de fois depuis 2008 pour enflouer le système bancaire américain où les banques en faillite aux États-Unis,
00:06:44 est-ce qu'on risque pas d'avoir une dépréciation du dollar par rapport à l'euro, et comme on paye nos matières premières en dollars, une double baisse par la baisse du prix des matières premières et par la baisse de la monnaie avec laquelle on les paye ?
00:06:58 Oui, alors c'est possible. C'est vrai que l'euro/dollar, alors hier l'euro c'était un peu apprécié, là ça fait un peu le yo-yo.
00:07:06 Mais vous avez raison, sur un point, c'est que si cette crise bancaire, qui est avant tout d'origine américaine, pourrait conduire la banque centrale américaine à moins augmenter ses taux,
00:07:18 alors vous avez parlé d'imprimer de la monnaie pour sauver les banques, je pense qu'on n'en est pas là, il ne faut pas être libite en besoin, mais effectivement la banque centrale américaine
00:07:27 pourrait moins augmenter ses taux d'intérêt ou les maintenir à leur niveau, et si les taux d'intérêt sont moins élevés aux Etats-Unis, ça veut dire que les placements en dollars sont moins attractifs,
00:07:36 ce qui ferait baisser le dollar et apprécier l'euro. Et comme vous l'avez dit, vu qu'on achète notre pétrole en dollars, si l'euro devient plus fort, on l'achèterait moins cher.
00:07:46 Donc il peut y avoir un effet change qui serait positif pour l'inflation européenne. Alors pour l'instant, les monnaies font un petit peu le yo-yo depuis une journée,
00:07:57 donc c'est difficile de voir la tendance, mais on peut anticiper un euro un petit peu plus fort, même si les évolutions sur le marché des changes, il faut toujours être très prudent.
00:08:09 Vous parlez du yo-yo, est-ce qu'on est dans une période d'instabilité outre-boursière monétaire ?
00:08:14 D'instabilité, clairement, sur le cours des valeurs boursières, je pense qu'il va probablement avoir encore des sautes à la hausse ou à la baisse.
00:08:24 Pour l'instant, on n'est pas sur une crise systémique comme en celle de 2008, où il y a une crainte sur l'ensemble du secteur bancaire,
00:08:33 et une crainte d'une crise bancaire qui entraînerait une crise économique. Pour l'instant, on est sur une banque qui a fait faillite aux Etats-Unis.
00:08:41 Trois en tout, ouais.
00:08:43 Oui, alors trois, mais une, on va dire deux toutes petites, ça dépend un petit peu comment on compte, une banque d'importance significative,
00:08:53 et donc qui entraîne des répercussions dans l'ensemble du secteur bancaire et sur les valeurs bancaires.
00:08:59 Je ne pense pas que pour l'instant, on soit sur un scénario de la crise de 2008, où on aurait une crise bancaire systémique qui entraînerait une crise économique,
00:09:09 parce que c'est ce qui s'était passé en 2008. Si vous voulez, à ce stade, les turbulences en bourse des valeurs bancaires ne font pas changer,
00:09:16 grosso modo, le scénario économique de la croissance française pour 2023.
00:09:21 Vous avez parlé de l'importance des annonces des banquiers centraux, donc la Fed et la BCE en particulier.
00:09:27 La BCE avait augmenté ses taux depuis des mois pour lutter contre l'inflation.
00:09:31 Est-ce que s'il y a dévaluation du dollar par rapport à l'euro et baisse du coût des matières premières, donc un risque plus déflationniste qu'inflationniste,
00:09:41 la BCE pourrait avoir tendance à rebaisser ses taux ?
00:09:44 Oui, alors on n'en est clairement pas là sur la déflation. Pour l'instant, on en est sur des matières premières qui ont baissé et un euro qui pourrait être un peu plus fort,
00:09:55 donc une inflation un peu moins vigoureuse qu'on aurait pu anticiper. On n'est clairement pas encore sur un scénario déflationniste généralisé.
00:10:04 Non, je pense que ce qui gêne les banques centrales actuellement, c'est un mécanisme peut-être un petit peu plus technique,
00:10:11 mais si on prend Silicon Valley Bank, une des raisons de ces difficultés, c'est que cette banque détenait des titres de dette publique
00:10:18 et quand les taux d'intérêt augmentent, la valeur des dettes publiques diminue.
00:10:22 Alors c'est un mécanisme peut-être un petit peu compliqué, mais l'idée c'est de se dire, si je détiens un titre de dette publique qui rapporte, je dis n'importe quoi, 1%,
00:10:31 et que l'ensemble des taux dans l'économie augmentent, eh bien j'ai tendance à vendre mon titre de dette publique pour aller placer ailleurs à un taux plus élevé.
00:10:38 Et si tout le monde fait ça, ça fait baisser la valeur des titres de dette et pour les banques qui détiennent beaucoup de ces actifs-là, ça diminue la valeur de leurs actifs.
00:10:47 C'est plutôt ce mécanisme financier qui n'est pas évident à expliquer rapidement à la radio, qui fait que les banques centrales, à mon avis, sont dans une situation un petit peu délicate.
00:10:59 C'est-à-dire que d'un côté, je pense qu'elles aimeraient encore augmenter les taux d'intérêt pour freiner l'inflation qui est encore forte, 6,3% en février en France,
00:11:07 mais elles sont conscientes que si elles augmentent trop leurs taux d'intérêt, elles risquent de diminuer la valeur des titres que détiennent les banques et donc d'attiser la crise bancaire.
00:11:16 Actuellement, je pense que les banques centrales marchent un petit peu sur des œufs et sont en train d'essayer de pondérer les différents risques qui peuvent apparaître.
00:11:24 – On en parlait lundi avec Didier Testot de la Bourse et la vie TV qui était à votre place.
00:11:30 Est-ce qu'on n'est pas devant une quadrature du cercle pour les banques centrales ?
00:11:33 Soit elles augmentent les taux pour essayer de faire baisser l'inflation et elles baissent le pouvoir d'achat et ça peut ruiner certains particuliers,
00:11:41 ou alors elles ne les baissent pas et on met le système bancaire en danger.
00:11:46 – Oui, c'est vrai qu'il y a…
00:11:48 – C'est la quadrature du cercle.
00:11:49 – Un petit peu, un petit peu.
00:11:51 C'est-à-dire que les banques centrales ont plusieurs objectifs.
00:11:55 D'un côté, elles veulent freiner l'inflation qui est actuellement trop vigoureuse et elles doivent assurer aussi la stabilité financière, donc éviter les crises bancaires.
00:12:03 Et ces deux objectifs dans la situation actuelle sont un petit peu contradictoires.
00:12:06 Donc c'est difficile pour les banques centrales de chasser ces deux lièvres à la fois.
00:12:12 Et donc oui, c'est un petit peu la quadrature du cercle, c'est-à-dire qu'elles doivent arbitrer entre leurs différents objectifs
00:12:17 qui actuellement sont un petit peu contradictoires pour une même politique monétaire en fait.
00:12:22 – Vous avez parlé de la BCE, il y a aussi une autre chose qui est importante pour la BCE,
00:12:27 c'est que la hausse des taux d'intérêt de ces derniers mois mette en difficulté les pays les plus endettés, en particulier la France.
00:12:35 Est-ce qu'il ne risque pas d'y avoir des pressions politiques des États sur la BCE ?
00:12:41 Alors, la Maynard n'aura peut-être pas la même position que la France, ça c'est une certitude,
00:12:45 ou que l'Italie, pour modérer la hausse des taux d'intérêt, voire même s'il y a un petit risque déflationniste, les baisser,
00:12:53 parce que dans ces cas-là, avec la hausse des taux d'intérêt, le remboursement de la dette est de plus en plus compliqué pour les États endettés.
00:12:59 Sylvain Bersinger.
00:13:00 – Oui, alors vous avez parlé de la France et de l'Italie, je pense qu'en fait ce sujet-là il se pose beaucoup pour l'Italie.
00:13:05 La France, alors oui il y a de la dette publique, mais j'ai envie de dire, le maillon faible potentiel en zone euro,
00:13:12 sur cette question des finances publiques, c'est vraiment l'Italie.
00:13:15 C'est possible, il y a effectivement ce discours, depuis d'ailleurs que les banques centrales,
00:13:22 la BCE a commencé à augmenter les taux il y a déjà plusieurs trimestres,
00:13:25 l'idée de dire, si on augmente trop tôt, des pays, notamment l'Italie, lourdement endettés, peuvent se retrouver en difficulté.
00:13:31 Alors pour l'instant il n'y a pas de tension forte sur les taux souverains,
00:13:35 alors les taux souverains ont augmenté, donc les taux souverains c'est les taux auxquels s'endettent les États,
00:13:39 ils ont augmenté mais l'inflation a elle aussi augmenté très fortement.
00:13:43 Donc ce qu'il faut voir aussi c'est les taux réels, c'est-à-dire ajustés de l'inflation.
00:13:46 Donc pour l'instant ce risque que vous mentionnez, il ne se matérialise pas, cela dit c'est un risque potentiel.
00:13:54 C'est-à-dire que je pense que quand Christine Lagarde et ses équipes réfléchissent à la hausse des taux,
00:13:58 je pense qu'ils ont en tête, si on augmente trop vite, est-ce qu'il n'y a pas un risque, principalement pour l'Italie,
00:14:03 je pense que la France n'est pas en première ligne là-dessus.
00:14:05 Mais c'est clairement un risque potentiel qui pour l'instant ne se matérialise pas en tout cas.
00:14:10 Alors Crédit Suisse, ce n'est pas une banque française, elle s'est effondrée hier en bourse, est-ce qu'il y a un risque systémique ?
00:14:15 Est-ce que Crédit Suisse pourrait être le Lehman Brothers du continent européen ?
00:14:19 Alors potentiellement Crédit Suisse, pour le coup c'est une grosse banque.
00:14:23 Si elle venait à faire faillite comme un château de cartes, j'ai envie de dire à la Lehman entre guillemets en 2008,
00:14:29 là oui, il pourrait y avoir un choc important.
00:14:31 Je pense que les autorités en sont totalement conscientes et je ne pense pas que Crédit Suisse fera faillite.
00:14:37 Et on a vu d'ailleurs la banque centrale suisse qui a annoncé des prêts,
00:14:42 qui va s'engager à prêter de l'argent justement à Crédit Suisse pour essayer d'aider cette banque à passer ce cap difficile.
00:14:51 Donc oui, si Crédit Suisse faisait faillite, il y aurait effectivement un choc potentiellement très violent,
00:14:56 mais je pense que ça ne se produira pas justement pour éviter ce choc.
00:15:00 Selon Elisabeth Born, la situation reste très différente de 2008.
00:15:04 Il me semble avoir décrypté dans vos propos, vous étiez d'accord avec ça, on n'est pas en 2008.
00:15:09 Alors oui, pour l'instant, dans les situations de crise bancaire, je mets beaucoup de prudence dans ce que je dis,
00:15:15 parce que c'est des choses qui peuvent évoluer très vite.
00:15:18 On se souvient d'une ministre des Finances française qui est maintenant étale à la BCE,
00:15:22 qui avait dit que la crise des subprimes ne toucherait pas l'Europe.
00:15:25 Oui, mais quand on fait de la prévision économique, c'est un internet d'exercice de modestie.
00:15:31 Donc je prends toutes les précautions qui s'imposent.
00:15:34 Je pense effectivement qu'on n'est pas là dans ce qu'on voit dans un scénario de 2008.
00:15:38 Il y a clairement une crise bancaire, les banques sont clairement chahutées,
00:15:41 mais je ne pense pas qu'on soit sur un scénario de crise systémique.
00:15:44 En 2008, on était à se demander si les banques ne vont pas faire faillite, un effet domino l'une après l'autre.
00:15:51 Silicon Valley Bank, qui a coulé aux États-Unis, c'est une banque qui avait un modèle d'affaires très particulier,
00:15:57 très peu diversifié, avec des réglementations plus faibles que les autres grosses banques généralistes.
00:16:03 Donc je pense qu'on ne peut pas extrapoler sur le cas de Silicon Valley Bank,
00:16:06 et on ne peut pas non plus extrapoler sur le cas de Credit Suisse,
00:16:08 qui est une banque qui, comme vous l'avez dit, a des difficultés depuis déjà une dizaine d'années
00:16:12 pour tout un tas de raisons, de scandales, de bisbilles à sa tête entre ses dirigeants, etc.
00:16:19 Donc je pense que Credit Suisse et Silicon Valley Bank sont plus des exceptions que la règle.
00:16:25 Je rejoins ce qu'a dit la Première Ministre, avec encore une fois toute la prudence que ça implique,
00:16:30 mais je ne pense pas qu'on soit actuellement dans la situation de septembre 2008.
00:16:34 Dernière question, pas de risque pour les épargnants et pour les comptes en banque en France ?
00:16:38 Non, je ne pense pas, parce que d'une part je ne pense pas qu'il va y avoir de faillite bancaire
00:16:43 sur les grandes banques françaises, et les dépôts sont protégés, les petits dépôts sont protégés.
00:16:48 Jusqu'à 100 000 euros par établissement, par personne ?
00:16:50 Oui, et par client.
00:16:52 Non, je pense qu'on n'est pas du tout dans un scénario où on en serait à aller faire la queue
00:16:56 au guichet des banques pour retirer nos billets.
00:16:59 On n'est pas en Argentine en décembre 2001, quoi ?
00:17:01 Oui, il y a une crise bancaire, c'est inévitable,
00:17:04 mais je pense qu'il faut savoir raison garder et garder la tête froide.
00:17:08 Je ne pense pas qu'on aille vers une vague de faillite bancaire en novembre.
00:17:13 Espérons-le, en tout cas merci beaucoup Sylvain Bersinger,
00:17:16 économiste au sein du cabinet d'études et de conseils Asteres.
00:17:19 Sud, Sud Radio Bercov, dans tous ces états, les perles du jour.
00:17:24 Ce sont les suites de l'affaire dont on a parlé hier, des vidéos de ICY Diamond XX,
00:17:32 une escorte et actrice porno trans qui avait publié des photos d'elle ou de lui
00:17:37 dans la mairie de Paris et qui avait filmé, si on l'en croit,
00:17:40 des gaudrioles faites dans les toilettes de l'hôtel de ville
00:17:43 et dont le compte Twitter avait été suspendu.
00:17:45 Alors ICY Diamond XX est revenue sur les réseaux sociaux, peut-être pas encore sur Twitter,
00:17:51 puisqu'elle avait dit qu'elle allait diffuser le film de ses gaudrioles filmées à la mairie de Paris
00:17:56 où elle avait été invitée.
00:17:58 Mais voilà, son compte a été suspendu et l'intéressé a publié hier sur son compte Instagram le statut suivant
00:18:03 "Je demande à récupérer mon compte Twitter ou je ferai sortir d'autres vidéos de moi à l'hôtel de ville,
00:18:09 qui sait ce que je peux avoir sur les collègues de Madame Annie Dalgo".
00:18:13 Alors aux dernières nouvelles, son compte Twitter n'a toujours pas été rétabli,
00:18:16 on espère que ces menaces sont des menaces en l'air,
00:18:19 mais son premier statut "Comment j'ai réussi à transformer l'hôtel de ville dans Paris
00:18:23 en strip club et bordel géant" était vraiment prémonitoire.
00:18:28 On se demande si on n'a pas encore fini de toucher le fond, malheureusement non.
00:18:33 [Musique]
00:18:33 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
00:18:36 [Musique]
00:18:39 - On me dit que la meilleure façon pour que je me sente réellement moi-même,
00:18:42 c'est en me faisant appeler Fred.
00:18:44 Ça, c'est parce que je suis non-binaire.
00:18:46 Et Fred, ça sonne aussi bien pour un garçon que pour une fille.
00:18:49 Et je préfère qu'on dise "eux" ou "ils" au pluriel,
00:18:51 parce que quand on me parle et qu'on me dit "il" ou "elle",
00:18:54 je ne me reconnais pas du tout.
00:18:56 Oh, je n'étais pas au courant.
00:18:59 Pas étonnant que tu n'étais pas dans ton assiette.
00:19:02 Comment voulais-tu réussir à mener convenablement le troupeau sans être toi-même ?
00:19:05 Je te demande pardon si je n'ai pas utilisé le bon prénom et les bons pronoms depuis tout à l'heure.
00:19:10 Merci à toi de m'avoir ouvert ton cœur.
00:19:13 - On connaissait l'homo sapiens non-binaire depuis une émission de télévision,
00:19:17 vous savez, je ne suis pas un homme, monsieur.
00:19:19 On connaît désormais le bison non-binaire.
00:19:23 Comment ? Un bison d'Europe ou un bison d'Amérique, ça ne parle pas.
00:19:26 Si, grâce au dessin animé de Netflix, Ridley Jones,
00:19:30 dont vous avez entendu en extrait, on sait qu'il y a désormais des bisons non-binaires.
00:19:35 Alors, un dessin animé pour les enfants,
00:19:38 mais ne peut-on pas assimiler cela de la propagande pour nos enfants ?
00:19:42 Un petit garçon ou une petite fille n'a pas besoin qu'on lui explique des théories fumeuses,
00:19:47 comme la théorie du genre, qui sont à la science,
00:19:49 ceux que la piquette est au grand cru.
00:19:51 Alors, laissez les enfants hors de tout ça.
00:19:53 Moi, j'ai une petite fille de 3 ans,
00:19:55 je n'aimerais pas qu'elle me demande, en voyant ce type de dessin animé,
00:19:59 c'est quoi un bison non-binaire ?
00:20:01 Parce que je n'ai absolument pas envie de lui expliquer.
00:20:03 Elle qui aime bien s'habiller en princesse et se regarder dans la glace.
00:20:07 Alors, s'il vous plaît, laissez nos enfants, ne leur parlez pas de sexualité.
00:20:11 Ils apprendront quand il sera temps.
00:20:14 Sud Radio, Bercov, dans tous ses états.
00:20:17 Et pour conclure, je voudrais faire un bravo à David Lysnard, le maire de Cannes,
00:20:22 qui après avoir débattu dans l'émission quotidien avec la journaliste Salomé Saquet,
00:20:27 a été victime par l'intéressé d'un tweet franchement pas courtois.
00:20:31 Un tweet dont elle est tellement fière qu'elle a d'ailleurs décidé de protéger l'ensemble de ses tweets.
00:20:35 Alors, tweet auquel le maire de Cannes a répondu,
00:20:38 "Il m'a semblé au contraire que le débat était courtois et argumenté,
00:20:42 si apporter nuance et contradiction à vos propos est synonyme chez vous de baillonnement,
00:20:47 cela signifie que vous appliquez le titre de votre livre à tout avis divergent du l'autre.
00:20:51 Etais-je censé me taire ? C'est le titre du livre de Salomé Saquet, et sois jeune et tais-toi."
00:20:57 Alors, si maintenant il faut aller dans les débats et ne plus avoir à répondre,
00:21:02 plus avec courtoisie et argument parce qu'on est plus âgé de son contradicteur,
00:21:07 mais où va-t-on ?
00:21:08 Ce n'est pas parce qu'on est jeune qu'on ne dit pas de conneries,
00:21:11 on peut être vu et en dire aussi,
00:21:13 mais quand on est jeune, on n'a pas l'expérience de la vie qu'on a à 40, 50, 60, 70 ans,
00:21:19 et l'expérience dans la vie, ça peut toujours aider.
00:21:22 Alors, plutôt que de toujours se victimiser,
00:21:24 certains feraient mieux d'argumenter,
00:21:27 à moins que ce soit un peu trop compliqué pour eux.
00:21:30 Bravo donc à David Lissnard.
00:21:32 Le face-à-face du jeudi 16 mars,
00:21:37 l'avènement des Bricks marque-t-il la fin de la domination occidentale ?
00:21:41 Avec nous pour en parler, Claude Blanchemaison,
00:21:43 ancien ambassadeur de France à Moscou,
00:21:44 auteur de « Vivre avec Poutine » édité chez Temporis,
00:21:47 et Tigran Yegavian, professeur de relations internationales à l'université Schiller.
00:21:51 Bonjour à tous les deux.
00:21:52 Bonjour.
00:21:53 En fin de semaine dernière, les deux frères ennemis de l'Islam sunnite et chiite,
00:21:58 l'Arabie saoudite et l'Iran ont rétabli leur relation diplomatique rompue en 2016.
00:22:02 Un rétablissement qui ne s'est pas fait tout seul, mais sous l'égide de la Chine,
00:22:06 alors que les USA sont depuis la fin de la seconde guerre mondiale,
00:22:09 le principal allié de l'Arabie saoudite dans la région.
00:22:11 Est-ce un camouflet pour Washington ?
00:22:13 Quelles leçons ont tiré dans la région ?
00:22:15 Est-on en train d'assister à la création d'un bloc composé des Bricks,
00:22:18 Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud,
00:22:21 auxquels viendrait s'ajouter l'Arabie saoudite et l'Iran face à l'Occident ?
00:22:24 Une telle alliance est-elle crédible et peut-elle changer totalement
00:22:27 l'écart géopolitique, géoéconomique et géostratégique du monde ?
00:22:31 Est-on en train d'assister aux prémices de la fin de cinq siècles
00:22:33 de domination du monde par l'Occident ?
00:22:35 On va en débattre avec nos deux invités.
00:22:38 Claude Blanchemaison, ce retour des relations diplomatiques
00:22:41 entre l'Iran et l'Arabie saoudite sous l'agite de la Chine,
00:22:44 est-ce que ça vous a surpris ?
00:22:47 - Écoutez, pas tellement, parce que d'abord c'est un succès diplomatique pour la Chine
00:22:50 qui est devenu un acteur global sur la scène internationale,
00:22:54 et parce qu'ensuite les relations internationales ont changé de nature.
00:22:57 Et la guerre d'Ukraine le marque encore plus,
00:23:01 mais c'était déjà en cours auparavant.
00:23:02 C'est-à-dire que les alliances classiques, rigides,
00:23:05 les camps fermés, je crois que c'est un peu du passé.
00:23:08 Et que maintenant il y a une certaine fluidité dans les relations internationales.
00:23:11 C'est en tout cas la thèse d'un pays dans lequel j'ai servi, qui est l'Inde.
00:23:16 Le ministre des Affaires étrangères de l'Inde appelle ça le "multi-alignement".
00:23:21 C'est pas le non-alignement, mais c'est le multi-alignement.
00:23:23 C'est-à-dire qu'il n'y a plus d'alliances fixes sur tous les sujets.
00:23:27 Il y a des accords de coopération avec beaucoup de pays,
00:23:31 et on choisit le segment de la coopération qui convient dans les rapports bilatéraux.
00:23:35 Et effectivement, là, ce qui vient de se passer entre l'Iran et l'Arabie Saoudite,
00:23:39 ça n'est pas une alliance militaire,
00:23:41 c'est tout simplement le rétablissement des relations diplomatiques.
00:23:44 C'est bien le moins qu'on puisse faire pour deux pays qui sont importants sur la scène internationale.
00:23:48 Ils ne se parlaient plus, ils ne se voyaient plus,
00:23:50 ou soit par personnages interposés.
00:23:52 - Ils se faisaient un peu la guerre au pari émène interposé.
00:23:54 - Ils se faisaient la guerre en effet.
00:23:56 Donc effectivement, c'est un retour à la normale en quelque sorte.
00:23:59 Mais vous avez raison, c'est le troisième point.
00:24:02 Ça veut dire que probablement, l'un et l'autre ont un intérêt diffus,
00:24:07 comme d'ailleurs la Chine, à modifier l'équilibre de l'ordre international à long terme,
00:24:13 à modifier les grands équilibres, à faire évoluer la gouvernance des relations internationales
00:24:20 et du monde globalisé dans lequel nous vivons,
00:24:22 dont les règles ont quand même grosso modo été établies par les pays développés,
00:24:27 par les pays qui font actuellement partie du G7.
00:24:29 Mais en réalité, essentiellement par les États-Unis et leurs alliés directs.
00:24:33 - Tigran, il est également surpris par ce rôle d'entremetteur de la Chine.
00:24:38 - Alors, il y a des ruptures et des continuités.
00:24:40 La rupture, c'est que oui, la Chine adopte une position plus audacieuse,
00:24:44 alors qu'elle était habituellement en retrait sur les grands dossiers de questions internationales.
00:24:47 Elle ne faisait pas office de médiatrice, elle faisait plutôt office de, disons, courtier
00:24:51 qui défendait uniquement ses relations, ses intérêts commerciaux et économiques.
00:24:55 Donc là, il y a effectivement une certaine nouveauté,
00:24:57 parce que la Chine a des relations transactionnelles économiques fortes,
00:25:02 à la fois avec l'Iran et l'Arabie Saoudite.
00:25:04 Donc c'est dans son intérêt à elle qu'il y a une convergence de vues,
00:25:07 voire une cogestion de plusieurs dossiers importants, stratégiques, que ce soit le Yémen.
00:25:11 Le Yémen, il faut comprendre une chose, c'est le glacis de l'Arabie Saoudite.
00:25:14 C'est son glacis protecteur, c'est l'équivalent du Donbass pour la Russie,
00:25:18 de Taïwan pour la Chine.
00:25:20 Donc le Yémen, c'est important.
00:25:22 Effectivement, il y a une guerre par proxy entre les Iraniens et les Saoudiens
00:25:27 sur le terrain yéménite, et les Chinois, en fait,
00:25:30 là où ils ont un avantage comparatif par rapport aux Occidentaux.
00:25:32 Ce qui ne s'encombre pas de considérations morales et droits de l'homiste.
00:25:36 Donc, même si vous avez un régime, on va dire, athée chinois,
00:25:39 et un régime qui est le Vatican de l'Islam théocratique,
00:25:42 une sorte de théocratie, l'Iran et l'Arabie Saoudite, chacun à leur façon,
00:25:45 ça n'empêche pas de rétablir des canaux diplomatiques importants.
00:25:51 Il faut souligner que les Chinois n'ont pas obtenu cette victoire diplomatique tout seuls.
00:25:55 Ils doivent beaucoup à Oman, le sultanat d'Oman,
00:25:57 qui est un pays très discret, mais extrêmement dynamique
00:26:00 dans la diplomatie régionale, dans la médiation entre les principaux acteurs,
00:26:04 parce que l'Oman parle à tout le monde, avec la Syrie, avec l'Iran, avec Israël aussi.
00:26:09 Et puis, les Émirats Arabes Unis aussi avaient intérêt à ce qu'il y ait
00:26:11 une convergence de vues irano-saoudienne.
00:26:13 Alors, il y aura un impact.
00:26:15 Il y aura un impact sur le Yémen, les Saoudiens en ont besoin,
00:26:17 parce qu'ils sont embroubés, mais aussi sur le Liban,
00:26:19 parce que le Liban est en panne de président de la République,
00:26:21 est en vacances présidentielles,
00:26:23 est en faillite, et là, ça marque un retour de l'Arabie Saoudite sur le dossier libanais,
00:26:28 alors que les Saoudiens étaient en retrait depuis plusieurs années, au profit de l'Iran.
00:26:32 - Est-ce que c'est, Claude Blanchemaison, un camouflet pour Washington,
00:26:35 qui a eu une réaction plutôt fraîche à cette rencontre tripartite Chine-Iran-Arabie Saoudite,
00:26:43 alors que, on peut le dire, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale,
00:26:46 l'Arabie Saoudite était le protectorat américain dans le Golfe Persique ?
00:26:49 - Oui, enfin, je pense que c'est surtout un camouflet,
00:26:53 parce que les États-Unis sont en train d'organiser le monde
00:26:58 pour tenter d'empêcher la Chine de poursuivre son cours de développement économique
00:27:05 et de devenir la première puissance du monde.
00:27:08 Et là-dessus, les États-Unis, effectivement, sont bien déterminés à empêcher la Chine
00:27:13 de devenir la première puissance économique du monde.
00:27:15 C'est d'ailleurs pas sûr qu'elle le devienne,
00:27:17 puisqu'on voit les économistes qui tirent les conséquences de ce qui s'est passé après le Covid,
00:27:21 et il se peut très bien que la croissance exponentielle de la Chine connaisse,
00:27:25 dans le fond, un ralentissement, c'est le cas actuellement d'ailleurs,
00:27:28 à une sorte de plateau, d'autant plus qu'il y a une situation démographique qui est mauvaise.
00:27:33 Donc, les États-Unis s'emploient à faire en sorte que la Chine
00:27:39 ne devienne pas la première puissance économique du monde,
00:27:42 ne dépasse pas les États-Unis,
00:27:43 et surtout, n'accompagne pas cette montée économique, qui va quand même continuer,
00:27:48 d'une croissance, d'une montée en puissance sur le plan militaire et sur le plan diplomatique.
00:27:54 Alors, sur le plan militaire, on en est encore loin,
00:27:56 puisqu'on connaît maintenant les budgets militaires pour l'année prochaine.
00:27:59 Pour les États-Unis, c'est à peu près 850 milliards de dollars,
00:28:02 et pour la Chine, c'est environ 240 millions de dollars.
00:28:05 Donc, il y a un rapport...
00:28:06 milliards, milliards de dollars, pardon.
00:28:08 Et il y a un rapport, donc, de 1 à 3 ou à 3,5.
00:28:11 C'est évidemment, la Chine ne rattrapera pas de si tôt la puissance militaire américaine,
00:28:17 et puis les Américains sont installés dans le monde entier.
00:28:19 C'est la seule vraie puissance globale,
00:28:21 avec des bases militaires en Asie, d'ailleurs, tout près de la Chine,
00:28:25 et des alliés comme le Japon et comme la Corée du Sud,
00:28:30 qui sont également tout près de la Chine.
00:28:32 La Chine a une seule base militaire à l'extérieur du territoire,
00:28:36 c'est Djibouti, plus les colliers de perles autour de l'Inde et dans l'océan Indien,
00:28:41 mais qui ne sont généralement que des facilités portuaires,
00:28:44 qui tentent à venir en effet, de redevenir des bases,
00:28:46 en utilisant le mythe des "routes de la soie",
00:28:49 c'est-à-dire des investissements en fait, en infrastructure,
00:28:51 notamment au Pakistan, notamment au Sri Lanka,
00:28:55 quitte à mettre ces pays en faillite, puisqu'ils s'endettent.
00:28:58 - Tigran, le micro, avant.
00:28:59 - Je dirais que le pays qui est le plus touché,
00:29:01 enfin, c'est surtout un camouflet pour l'État d'Israël.
00:29:03 Parce qu'Israël croyait vraiment qu'il était en mesure de constituer un bloc monolithique
00:29:07 à travers des nouvelles alliances régionales,
00:29:10 les pactes d'Abraham c'était avec les Emirats Arabes Unis, anti-iraniens.
00:29:13 Et là, on voit que l'Arabie Saoudite qui avait misé beaucoup sur Israël
00:29:18 pour assurer sa sécurité contre l'Iran,
00:29:19 parce qu'effectivement, on arrive à la fin d'une séquence importante
00:29:23 qui avait commencé en 1945 avec le fameux pacte de Quincy
00:29:26 qui unit les États-Unis contre l'Arabie Saoudite,
00:29:28 lorsque le président Roosevelt rencontrait le roi Saoud,
00:29:31 et ils avaient convenu du deal suivant,
00:29:34 pétrole contre sécurité,
00:29:35 contre sanctuarisation de l'Arabie Saoudite par l'armée américaine.
00:29:39 Or, ce qu'on a constaté depuis quelques années,
00:29:41 c'est que l'assurance vie américaine ne couvre plus l'Arabie Saoudite
00:29:45 puisque ça n'a pas empêché les rebelles yéménites
00:29:47 d'attaquer des cibles stratégiques dans le royaume d'Arabie Saoudite.
00:29:50 Donc c'est un camouflet pour Israël,
00:29:51 Israël est le pays le plus mécontent de ce rapprochement diplomatique.
00:29:54 - Ah c'est eux qui auraient la réaction la plus fraîche, c'est le moins qu'on puisse dire.
00:29:59 - Et en aucun cas, les Américains comprennent qu'on évolue dans un monde
00:30:03 où il n'y a plus d'alliances, il n'y a plus le terme d'alliance,
00:30:05 mis à part l'OTAN, mais des partenariats.
00:30:07 Donc les partenariats c'est beaucoup plus, on va dire, flexible,
00:30:10 mais c'est aussi beaucoup plus hasardeux parce qu'on est sortis de cette logique de bloc.
00:30:14 Donc il est un peu, on va dire, anachronique de parler d'une nouvelle guerre froide,
00:30:18 sino-occidentale en tout cas, puisque ce ne sont pas les mêmes paramètres,
00:30:21 ce n'est pas la même grammaire.
00:30:22 - Sud Radio, Bercov dans tous ses états, 13h12, ce débat.
00:30:26 Est-ce que la géopolitique du monde est en train de changer
00:30:29 suite au rapprochement de l'Iran et de l'Arabie Saoudite sous l'égide de la Chine ?
00:30:32 La Chine prend-elle de plus en plus de place dans la diplomatie mondiale ?
00:30:36 On continue d'en débattre dans quelques instants.
00:30:38 Vous voulez réagir ? Posez vos questions à vos invités.
00:30:42 Vous connaissez le numéro, le 0826 300 300.
00:30:45 On se retrouve dans quelques instants.
00:30:47 [Musique]
00:31:01 - Sud Radio, Bercov dans tous ses états.
00:31:04 L'évolution du monde, la place de plus en plus importante
00:31:07 que prend la Chine dans la diplomatie mondiale,
00:31:09 on en parle aujourd'hui avec Claude Blanchemaison,
00:31:11 ancien ambassadeur à Moscou et à New Delhi,
00:31:14 auteur de "L'Inde entre vents et marées et vivre avec Poutine",
00:31:17 les deux publiés chez Temporis, et Tigran Yegravian,
00:31:21 membre du comité de rédaction de la revue géopolitique "Conflit"
00:31:24 et enseignant à l'université internationale Schiller.
00:31:28 On avait, vous avez bien connu je crois Hubert Weydrin,
00:31:31 à la chute du mur de Berlin, Hubert Weydrin avait parlé
00:31:34 de l'hyperpuissance américaine, il n'y avait plus qu'elle,
00:31:37 quelque part avec la chute du bloc soviétique.
00:31:40 Est-ce qu'aujourd'hui il n'y a pas une deuxième hyperpuissance
00:31:42 qui arrive dans la diplomatie mondiale, la Chine,
00:31:44 et est-ce que les américains ont les moyens de s'y opposer ?
00:31:47 - Il avait même parlé à l'époque de "Hyper Madelaine"
00:31:49 à propos de Madeleine Albright, qui était la secrétaire d'état américaine,
00:31:52 et ça l'avait beaucoup amusée puisqu'elle était d'origine européenne.
00:31:56 - Et qu'elle parlait français parfaitement.
00:31:57 - Et qu'elle parlait bien le français.
00:31:58 Je pense que c'est difficile de qualifier aujourd'hui la Chine d'hyperpuissance.
00:32:04 La Chine est tout d'abord une très grande puissance régionale
00:32:08 qui veut s'assurer la maîtrise de son précaré,
00:32:11 d'où d'ailleurs les énormes difficultés dans la mer de Chine du Sud,
00:32:15 que les vietnamiens appellent la mer de l'Est,
00:32:18 et d'où les chinois ont véritablement une politique impérialiste,
00:32:22 c'est-à-dire qu'ils colonisent les uns après les autres les archipels, les îlots,
00:32:26 construisent des pistes aériennes, c'est-à-dire des porte-avions fixes en réalité,
00:32:30 dans l'ensemble de cette zone où passe une grande partie du commerce international.
00:32:34 Il est très important pour nous tous que le commerce puisse rester libre dans cette mer
00:32:39 qui est une sorte de Méditerranée dont les chinois voudraient faire une mer chinoise.
00:32:43 Donc ça c'est le premier point, puissance régionale.
00:32:46 Mais évidemment, d'abord elle est membre permanente du conseil de sécurité
00:32:49 puisqu'elle a hérité du siège de la Chine nationaliste,
00:32:53 qui était vainqueur de la deuxième guerre mondiale,
00:32:56 et qu'à partir de là, elle essaie de développer actuellement un rôle de puissance mondiale.
00:33:02 L'accord dont vous venez de parler entre l'Iran et l'Arabie Saoudite en sont une manifestation,
00:33:07 mais ça reste dans le fond dans sa zone au sens large.
00:33:11 Je pense qu'aujourd'hui la Chine,
00:33:14 parce que Xi Jinping va rencontrer M. Poutine probablement la semaine prochaine,
00:33:19 et il va sans doute aller le voir en lui disant "écoute nous sommes d'accord
00:33:23 pour faire évoluer à long terme la gouvernance mondiale,
00:33:26 ça peut plus durer, que tout soit décidé par les occidentaux et notamment par les américains,
00:33:30 mais nous ne sommes pas d'accord avec toi sur les moyens d'y arriver.
00:33:33 Nous ne sommes pas d'accord avec toi sur le fait d'employer la guerre
00:33:37 et d'employer les invasions militaires sur un pays voisin pour y parvenir.
00:33:41 C'est un mauvais moyen et par conséquent il ne faut pas continuer dans cette voie là.
00:33:46 Donc ça c'est intéressant parce qu'il y a un point commun, qui est commun d'ailleurs à tous les BRICS,
00:33:50 qui est celui de changer à long terme la gouvernance mondiale,
00:33:55 mais effectivement il y a une divergence sur les moyens à employer
00:33:58 parce que les BRICS sont un ensemble quand même assez hétérogène.
00:34:03 - Tigran Irgarviand, sur l'avènement de la Chine, est-ce que c'est la deuxième hyperpuissance ?
00:34:09 - Il faudrait préciser l'ambassadeur Blanche Maison,
00:34:12 les BRICS ne constituent pas un bloc géopolitique homogène.
00:34:15 Vous avez dans les BRICS l'Inde et la Chine qui ont certes une interdépendance économique
00:34:19 mais qui ont des intérêts divergents stratégiquement parlant,
00:34:22 la Russie et la Chine qui n'ont pas les mêmes moyens d'arriver à leur fin.
00:34:25 Et il faut retenir un mot-clé, les Chinois ont pour horreur le terme "alliance".
00:34:30 Ils détestent, ils parlent beaucoup d'amitié,
00:34:32 or en relation internationale l'amitié n'a aucune signification.
00:34:35 Il n'y a pas de terme "alliance" chez les Chinois
00:34:37 et les Chinois n'ont pas la même notion du temps que les Etats-Unis, que les Occidentaux,
00:34:42 parce qu'ils s'inscrivent dans une temporalité plurimillénaire.
00:34:45 Donc, ce que fait Xi Jinping,
00:34:47 qui est quand même le fils d'un compagnon de route de Mao Tse-tung,
00:34:50 qui a été tombé en disgrâce et puis après est à la fois marxiste...
00:34:54 - Beaucoup de gens sont tombés en disgrâce, notamment sous la révolution culturelle,
00:34:57 le grand bond en avance, en passant.
00:34:59 - Marxiste et nationaliste.
00:35:01 C'est la revanche de l'humiliation chinoise au XIXe siècle,
00:35:05 quand la Chine était à genoux,
00:35:06 qui était soumise à des traités inégaux par les Anglais lors des concessions internationales.
00:35:10 Donc, Xi Jinping, il veut que la Chine obtienne la première place du podium,
00:35:14 en tout cas en tant que puissance économique,
00:35:16 puisque le rattrapage chinois est abyssal.
00:35:18 En 1982, le PIB chinois, c'était 9% du PIB américain.
00:35:22 En 2022, c'était 73% du PIB américain.
00:35:25 Certainement, le budget militaire est encore bien en-dessous du budget militaire américain,
00:35:29 et la Chine n'a pas les moyens de déployer, de se projeter dans le monde entier.
00:35:34 Par contre, ce qu'elle fait, c'est que, via le bilatéralisme,
00:35:37 elle institue des traités inégaux, dans le sens inverse, avec les pays d'Afrique,
00:35:42 avec l'Amérique centrale.
00:35:44 Je crois que l'Honduras hier a rompu ses relations avec Taïwan,
00:35:47 parce qu'il y a encore 13 États qui reconnaissent Taïwan.
00:35:49 La Chine ne supporte pas qu'on reconnaisse Taïwan,
00:35:51 car c'est une affaire intérieure.
00:35:52 Donc, via un retour du balancier,
00:35:55 via l'établissement de traités bilatéraux inégaux sur la base de lignes de crédit
00:35:59 qui se traduisent par un endettement massif de pays vulnérables,
00:36:02 la Chine peut briguer une place de première puissance économique,
00:36:07 mais elle n'aura pas tous les leviers de cette puissance.
00:36:10 Il lui manque le levier militaire, il lui manque le soft power,
00:36:12 parce qu'encore aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont envie de vivre en Chine,
00:36:16 de faire leurs études en Chine.
00:36:17 La Chine n'a pas les outils du soft power américain,
00:36:19 elle n'a pas la technologie américaine,
00:36:21 elle n'a pas l'innovation, même si elle a l'équivalent des GAFAM.
00:36:24 Donc, elle a encore un chemin à prendre sur ce terrain.
00:36:27 - Je crois que Claude Lange-Fuizon veut réagir à vos propos.
00:36:29 - Moi, je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit,
00:36:31 et je prendrais un exemple concret à propos du soft power chinois.
00:36:35 Bien sûr, il y a des centres confucius partout,
00:36:38 on en a un très joli sur la Seine, à Paris,
00:36:41 mais tout simplement, il n'y a pas grand monde dedans,
00:36:43 sauf quelques personnes qui vont prendre des cours de chinois.
00:36:45 Et puis, pour illustrer encore la chose,
00:36:47 par exemple, dans les rapports dont on parle beaucoup aujourd'hui,
00:36:49 entre la Russie et la Chine,
00:36:51 je me souviens d'un ou deux oligarques que je connaissais bien à l'époque
00:36:55 où j'étais ambassadeur à Moscou,
00:36:57 ils me disaient tout simplement,
00:36:59 "Vous me voyez, moi, aller passer mes vacances en Chine ?
00:37:01 Vous me voyez, moi, mettre mes enfants à l'école en Chine ?
00:37:03 Non mais, vous plaisantez !
00:37:05 Nous sommes européens !
00:37:07 Et effectivement, on envoie nos enfants dans les écoles européennes.
00:37:09 Alors, ça a un petit peu changé, peut-être, avec la guerre en Ukraine,
00:37:11 encore que, il y en a encore beaucoup en Suisse et dans d'autres pays
00:37:15 qui ne font pas partie de la coalition.
00:37:17 Et puis, effectivement,
00:37:19 les références culturelles,
00:37:21 pour un Russe, c'est l'Europe et c'est pas la Chine.
00:37:25 Et la Chine n'arrive pas à mordre,
00:37:27 en matière, en effet, de soft-diplomatie, sur ce gap.
00:37:31 Alors, elle y arrive un petit peu en Afrique,
00:37:33 et c'est pas nouveau, c'est ancien.
00:37:35 Moi, je me souviens, à l'époque où je m'occupais,
00:37:37 à Bruxelles, des relations avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique,
00:37:43 en Afrique, on voyait les coopérants chinois,
00:37:45 qui étaient les fameux coopérants aux pieds nus.
00:37:47 Alors, ils vivaient comme les locaux.
00:37:49 Ils vivaient dans des cabanes, dans la rizière,
00:37:51 et ils apprenaient à comment on améliore la productivité des cultures du riz.
00:37:57 Ça, ils savaient faire. Effectivement, ça plaisait aux locaux.
00:37:59 Par ailleurs, pour les dirigeants, ils construisaient des grands trucs en béton,
00:38:02 des grands stades, des grands palais, etc.
00:38:04 Ça, leur plaisait aussi.
00:38:06 Donc ça, ils savaient faire.
00:38:08 Mais c'était en Afrique.
00:38:10 Et puis, cette période-là est maintenant dépassée,
00:38:12 et ils ont d'autres concurrents,
00:38:14 qui fait qu'ils ont le plus grand mal, en effet,
00:38:16 à se projeter, et finalement,
00:38:18 c'est par le biais économique qu'ils arrivent
00:38:20 à circonvenir les différents États,
00:38:24 sur les différents continents, et à accroître leur influence.
00:38:27 - Tigran, Eric Gravenge, je vais résumer.
00:38:29 Vous me dites si je me méprise sur vos propos,
00:38:32 Claude Blanchemaison.
00:38:34 Pas de soft power, contrairement aux États-Unis,
00:38:36 qui sont très forts dans ce domaine, notamment via Hollywood.
00:38:38 En technologie, là, c'est Tigran et Gravian,
00:38:41 avantage aux États-Unis.
00:38:43 Par contre, démographiquement et économiquement,
00:38:46 avantage à la Chine ?
00:38:48 - Déjà, la Chine, elle paye le prix de l'enfant unique.
00:38:50 Parce que là, elle est en train de perdre la population.
00:38:52 - Alors, je rappelle, c'était la politique de Mao Tse-tung,
00:38:54 le vrai Mao Tse-tung, où il n'y avait qu'un enfant par famille,
00:38:57 sinon on avait de grosses pénalités financières.
00:38:59 - On est à peu près 40 ans après...
00:39:01 - C'est 3 ans après la mort de Mao.
00:39:02 - On est à peu près 40 ans après l'enfant unique,
00:39:04 et là, ça commence à se payer,
00:39:05 parce que la Chine commence à perdre la population,
00:39:07 elle commence aussi à perdre de l'attractivité
00:39:10 du fait de son industrialisation.
00:39:12 C'est le premier émetteur de gaz à effet de serre, la Chine.
00:39:15 Donc, c'est quand même le pays qui pollue le plus,
00:39:17 et ça, ça a aussi des conséquences sur l'écosystème,
00:39:19 sur l'environnement,
00:39:21 qui rend la Chine aussi moins attractive.
00:39:23 Et on voit bien aussi la gestion calamiteuse
00:39:25 de la politique du zéro Covid.
00:39:26 Donc, tout cela ne joue pas en faveur du soft power chinois.
00:39:28 Comme l'ambassadeur l'a rappelé,
00:39:30 on n'a pas envie d'envoyer nos enfants étudier en Chine.
00:39:32 On n'en consomme pas de films chinois,
00:39:33 on ne s'habille pas avec les marques chinoises.
00:39:35 Les Chinois ont essayé de développer une politique
00:39:39 ambitieuse de masques gratuits,
00:39:42 de vaccins gratuits.
00:39:44 Ça marche peut-être pour les pays du Sud, pour l'Afrique,
00:39:47 mais effectivement, la Chine n'a pas les atouts
00:39:51 qu'ont encore les États-Unis.
00:39:52 Donc, économiquement parlant,
00:39:54 on est dans une forme d'interdépendance avec les États-Unis,
00:39:57 parce que la Chine, quand même,
00:39:58 est le principal créancier aux États-Unis.
00:39:59 Elle détient encore des parts importantes
00:40:01 du bon de trésor américain,
00:40:02 mais elle commence à s'en défaire.
00:40:03 La Chine aussi, il faut le rappeler,
00:40:05 est un pays très endetté.
00:40:06 Elle est très endettée,
00:40:07 elle a une dette publique importante,
00:40:08 une dette privée importante,
00:40:09 et ça, ça constitue une forme de vulnérabilité.
00:40:11 - Mais certains disent que,
00:40:12 c'était Jean-Pierre Raffarin qui l'avait dit il y a quelques années,
00:40:15 que la Chine est le banquier du monde.
00:40:16 C'est vrai ou c'est pas vrai, Claude Blanchemaison ?
00:40:18 - Sur le plan du bon du trésor américain, bien sûr.
00:40:20 Encore qu'elle ait un peu réduit le volume,
00:40:23 parce qu'elle est amenée, comme tous ces pays,
00:40:26 à avoir un comportement plus prudent par rapport à ça.
00:40:29 Mais oui, elle est d'une certaine manière le banquier.
00:40:32 Vous posez la question en termes démographiques.
00:40:34 En termes de démographie, je dirais avantage à l'Inde.
00:40:36 - L'Inde, oui.
00:40:37 - Parce que, alors l'Inde est très loin de la Chine,
00:40:39 sur le plan économique, bien sûr.
00:40:40 Sur le plan démographique,
00:40:41 quantitativement, c'est à peu près la même chose.
00:40:43 Mais si on regarde la pyramide des âges,
00:40:45 il y a un formidable dividende démographique
00:40:48 en faveur de l'Inde.
00:40:49 Parce que la population est beaucoup plus jeune, bien entendu.
00:40:52 Et donc, c'est un facteur du Dien Bien Miech.
00:40:55 C'est aussi un fardeau,
00:40:56 parce que chaque année, il faut trouver un job
00:40:59 à une quinzaine de millions de gens qui arrivent sur le marché.
00:41:03 Mais oui, comme 80% de l'économie reste informelle,
00:41:06 dans le fond, c'est peut-être faisable.
00:41:10 En tout cas, et par ailleurs, effectivement,
00:41:13 contre les difficultés politiques que suscite la Chine,
00:41:17 également des difficultés que certaines entreprises
00:41:19 ont éprouvées sur le marché chinois,
00:41:21 eh bien, il y a des investisseurs qui se replient
00:41:23 sur le second sujet, le second sujet, c'est l'Inde.
00:41:26 Qui se replient aussi sur d'autres plus petits pays d'Asie,
00:41:29 qui sont très dynamiques et qui sont extrêmement performants,
00:41:32 comme le Vietnam, comme l'Indonésie,
00:41:34 enfin un certain nombre de pays...
00:41:35 - La Thaïlande, etc.
00:41:36 - Des pays d'Asie du Sud-Est, absolument.
00:41:38 - Je vois le grand défi qui se pose à la Chine,
00:41:40 parce que depuis 2012, Xi Jinping est au pouvoir
00:41:42 et il a réussi ce que ses prédécesseurs n'ont pas fait,
00:41:44 c'est concentrer le maximum de pouvoir autour de sa personne.
00:41:47 Et notamment, il a réussi à faire un changement constitutionnel
00:41:49 pour obtenir des mandats illimités.
00:41:52 Je crois qu'à la base, c'était deux mandats,
00:41:54 là on est passé à des mandats à vie.
00:41:56 Donc ça, ça pose un vrai problème,
00:41:57 parce que même si c'est vrai que les droits de l'homme,
00:41:59 c'est plus la préoccupation majeure des Américains, des Chinois, etc.
00:42:02 Mais le fait qu'on ait un génocide blanc au Tibet,
00:42:06 dans le Turquie-Saint-Chinois, où il y a des Ouïghours,
00:42:10 tout cela constitue un vrai problème,
00:42:12 parce que la population chinoise est de plus en plus victime
00:42:15 de l'orwellisation, c'est-à-dire qu'il y a ce qu'on appelle
00:42:18 le crédit social, où il y a une vraie pression,
00:42:20 une vraie contrôle sur les citoyens.
00:42:22 Et ça, ça constitue une vulnérabilité pour la politique
00:42:25 qui sort de la Chine, parce qu'on ne peut pas se considérer
00:42:27 comme première puissance mondiale et être un régime totalitaire.
00:42:30 13h28 sur Sud Radio, on va parler des poids des BRICS
00:42:33 au niveau démographique.
00:42:34 On a commencé à en parler économique et surtout en matière première,
00:42:38 les matières premières qui sont vitales pour les économies
00:42:41 du monde entier.
00:42:42 Vous connaissez le numéro pour poser vos questions
00:42:44 à nos invités, le 0 826 300 300.
00:42:46 On se retrouve dans quelques instants.
00:42:48 Radio Bercov dans tous ses états.
00:42:50 Et on part de l'évolution du monde, en compagnie de Claude Blanchemaison,
00:42:54 ancien ambassadeur à Moscou et New Delhi,
00:42:56 auteur de "L'Inde contre vents et marées"
00:42:59 et de "Vivre avec Poutine", les deux publiés chez Temporis
00:43:01 et Tigran Nigravian, membre du comité de rédaction
00:43:04 de la revue géopolitique "Conflit" et enseignant
00:43:06 à l'université internationale Schiller.
00:43:09 On va revenir là sur l'ensemble des BRICS,
00:43:11 auxquels on peut rajouter, de manière parsimonieuse,
00:43:15 l'Arabie Saoudite et l'Iran depuis quelques jours.
00:43:17 Quand on regarde le poids de ces pays en termes de matières premières,
00:43:21 rien que pour le pétrole, l'Iran, l'Arabie Saoudite, la Russie,
00:43:25 est-ce que ça ne donne pas une puissance énorme à cet ensemble,
00:43:29 s'il se développait ?
00:43:31 Alors, vous dites qu'il y a des divergences
00:43:33 et que ce n'est pas un bloc monolithe,
00:43:35 quand on voit notamment leur poids sur les matières premières.
00:43:37 Alors, si on prend en plus l'alimentaire,
00:43:39 la Russie est un grand producteur de produits alimentaires,
00:43:42 le Brésil, n'en parlons pas,
00:43:43 est-ce que ce ne serait pas vraiment un géant mondial ?
00:43:46 - Oui, c'est un géant mondial,
00:43:48 mais encore une fois, qui a vu sa naissance apparaître
00:43:52 dans un phénomène médiatique,
00:43:54 c'est d'ailleurs intéressant,
00:43:55 caractéristique probablement de notre époque,
00:43:58 puisque c'est en 2001, je crois,
00:44:00 qu'une note d'un banquier avait utilisé ce sigle pour la première fois,
00:44:04 en disant "c'est là qu'il faut investir, parce que c'est là que ça va se passer".
00:44:08 Mais effectivement, à l'époque, ça paraissait tout à fait farfelu,
00:44:11 puisque ces pays n'avaient pas grand-chose à voir les uns avec les autres.
00:44:13 Quel rapport entre le Brésil et l'Inde ?
00:44:15 Le Brésil fonctionne comme une démocratie imparfaite,
00:44:18 mais une démocratie quand même,
00:44:19 alors que la Chine était un pays totalement verrouillé, totalement communiste.
00:44:23 Mais effectivement, comme vous le dites, sur le plan des matières premières,
00:44:26 certains d'entre eux ont de grosses ressources en matières premières, évidemment,
00:44:30 d'autres ont de gros besoins en matières premières.
00:44:32 Et c'est ce que tout avait fait dire à Lula, déjà,
00:44:35 à Lula, ancien modèle,
00:44:37 il y a une complémentarité, il faut développer,
00:44:41 les rapports sud-sud, donc à l'intérieur des BRICS,
00:44:44 puisqu'en effet, la Chine et l'Inde ont de très gros besoins en matières premières,
00:44:48 et par conséquent, il y a des complémentarités.
00:44:50 Mais bien sûr, pour le pétrole, le marché est mondial,
00:44:53 il y a une fluidité mondiale,
00:44:54 et ces deux pays sont d'importants importateurs de pétrole.
00:44:58 Actuellement, ils bénéficient des prix cassés de la Russie,
00:45:02 puisqu'ils n'appliquent pas, évidemment, de sanctions.
00:45:05 D'ailleurs, pour eux, les sanctions, ça n'existe pas,
00:45:08 ça n'est pas un moyen normal de politique étrangère,
00:45:11 on n'applique pas les sanctions.
00:45:13 Donc, ils bénéficient du fait qu'ils n'appliquent pas les sanctions,
00:45:16 même s'ils désapprouvent la guerre,
00:45:19 ils désapprouvent la guerre en Ukraine, mais ne condamnent pas la Russie,
00:45:22 pour garder, en effet, une position, à leurs yeux, équilibrée,
00:45:27 et puis parce que ce sont des héritiers des non-alignés, tout simplement.
00:45:30 - Oui, alors, effectivement, mais on n'est plus dans la même conjoncture de la guerre froide,
00:45:34 parce que le monde n'est plus unipolaire,
00:45:36 il a été unipolaire entre 1991 et 2001,
00:45:40 avec la victoire des États-Unis sur le bloc communiste, jusqu'au 11 septembre.
00:45:45 Maintenant, il est apolaire, ce monde.
00:45:47 Il n'est pas tout à fait multipolaire, parce qu'on cherche un nouvel équilibre
00:45:50 dans le système international, et je crois que les BRICS, leur puissance,
00:45:53 c'est la faiblesse de l'Occident.
00:45:55 La faiblesse de l'Occident, déjà, parce que l'Occident n'a plus de narratif audible,
00:45:58 auprès de ses anciens précarés africains, notamment.
00:46:01 Comment expliquer le fait que la France, par exemple,
00:46:05 condamne les coups d'État au Mali, au Burkina Faso,
00:46:08 et soutient des régimes autoritaires au Gabon et au Tchad ?
00:46:10 Ça, c'est un truc que les Africains n'aiment pas.
00:46:12 Ces deux points de mesure, ça les rend pas très audibles, les Français.
00:46:15 - On l'a vu lors du voyage d'Emmanuel Macron en Afrique, il y a quelques jours.
00:46:18 - Absolument. Alors, les Chinois, ils arrivent, ils disent
00:46:20 "Nous, on allonge nos lignes de crédit, on vous construit des aéroports, des routes,
00:46:24 on veut des points d'appui pour notre stratégie commerciale de colis de perles,
00:46:28 c'est-à-dire des points d'appui maritimes,
00:46:30 mais on ne s'encombre pas d'ingérence dans les affaires intérieures de vos pays."
00:46:33 Donc, c'est la diplomatie du chéquier, mais après, il y a le piège de la dette.
00:46:36 Ça, c'est aussi un problème.
00:46:37 Et les Russes, ce qu'ils proposent, c'est des kalachnikovs,
00:46:39 pour être un petit peu, on va dire, coiffés du commerce,
00:46:41 c'est-à-dire sécurisation des régimes en place,
00:46:44 avec en contrepartie une participation aux ressources naturelles,
00:46:48 mais ce n'est pas de l'ingérence à l'occidental,
00:46:50 parce que leur narrative se base justement sur l'absence de passif colonial.
00:46:55 La Chine, d'une puissance impérielle, dans son étranger proche,
00:46:58 dans son environnement régional, elle veut constituer un glacis
00:47:00 parce qu'elle a été traumatisée par les humiliations du 19ème siècle.
00:47:03 - Les guerres de l'Opium.
00:47:04 - Elle veut un bloc homogène dans son environnement.
00:47:07 La Russie, c'est à peu près la même chose.
00:47:08 C'est reconstituer le glacis qu'elle a perdu après 1991,
00:47:11 qui est considéré par Poutine et par l'ensemble du pouvoir russe
00:47:15 comme la pire catastrophe géopolitique du 20ème siècle,
00:47:17 c'est-à-dire perdre sans combattre, perdre la guerre froide sans combattre.
00:47:20 - Que le Blanche-Maison voulait réagir ?
00:47:21 - Ce qui veut dire que l'enceinte pertinente pour éviter la guerre,
00:47:24 on parle quelques fois de la 3ème guerre mondiale, etc.,
00:47:27 l'enceinte pertinente, c'est le G20.
00:47:30 Parce qu'au G20, on a à la fois le G7 et les pays dont on vient de parler,
00:47:36 tous les pays des BRICS, qui d'ailleurs se concertent avant le G20
00:47:39 pour y adopter des attitudes qui soient cohérentes.
00:47:43 - Avoir au moins un plus petit dénominateur commun.
00:47:45 - Voilà. Et d'ailleurs, ils ont repris l'idée initiale du G7
00:47:48 parce que lorsqu'on a créé le G7, l'idée c'était de mettre ensemble
00:47:51 les économies du monde les plus puissantes.
00:47:54 Or, lorsque la Chine est devenue très puissante,
00:47:57 on ne lui a pas proposé de venir au G7.
00:47:59 Et puis, lorsque la Russie...
00:48:01 - Alors qu'on a accepté la Russie dans le G8,
00:48:03 qui était moins puissante que la Chine.
00:48:04 - Mais dès que la Russie est sortie des clous en annexant du territoire,
00:48:07 par exemple à Crémet, on l'a virée du G8, qui est redevenue G7.
00:48:12 Donc le G7 maintenant, c'est le core-groupe des pays occidentaux,
00:48:15 c'est-à-dire le fan-group des Américains.
00:48:18 C'est utile d'ailleurs, c'est utile de se coordonner
00:48:20 entre pays occidentaux puissants sur le plan économique et politique.
00:48:24 Mais effectivement, ensuite, le vrai sujet pour débattre des affaires du monde,
00:48:29 c'est le G20.
00:48:30 Et le G20, et évidemment, l'échange de présidence,
00:48:32 c'est comme le G7, ça tourne chaque année.
00:48:34 Et cette année, c'est précisément l'Inde qui a la présidence.
00:48:37 Et donc il y a plein de groupes ministériels qui se réunissent tous les mois.
00:48:40 Et il y aura, à la fin du mois d'octobre, un sommet qui se tiendra à Delhi.
00:48:46 Et je pense qu'à ce moment-là, effectivement, ça sera peut-être une heure de vérité.
00:48:50 Notamment pour ce qui risquerait de nous entraîner vers une guerre mondiale,
00:48:55 elle est déjà un petit peu mondialisée,
00:48:57 qui est le conflit en Ukraine.
00:49:00 - Tigran Yégano.
00:49:01 - Justement, les pays du sud considèrent que ce conflit est une guerre d'occidentaux.
00:49:04 On trouve que la Russie est tombée dans un piège tendu par les Américains,
00:49:07 c'est comme ça que c'est perçu en Afrique notamment.
00:49:09 Et c'est pour ça, l'abstention des Africains,
00:49:13 l'abstention des Indiens du Brésil face à l'invasion russe de l'Ukraine,
00:49:19 ça traduit cette gêne que ça ne les concerne pas.
00:49:22 Parce qu'il y a une dépendance accrue vis-à-vis, bien sûr, des céréales.
00:49:25 L'Afrique est extrêmement impactée par cette guerre en termes d'approvisionnement en céréales.
00:49:31 Personne n'a à gagner.
00:49:32 Donc on s'oriente vers un nouvel, je ne dis pas un nouveau Yalta,
00:49:36 mais en tout cas un nouvel équilibre sur la base d'intérêts beaucoup plus commerciaux,
00:49:40 beaucoup plus pragmatiques et pas d'alliance géopolitique pérenne sur le modèle de l'OTAN.
00:49:44 Mais pour revenir sur les aspects géoéconomiques, les matières premières, etc.
00:49:47 Est-ce que ça ne risque pas de jouer, si ces pays décidaient par exemple
00:49:51 d'échanger non plus en dollars sur les matières premières,
00:49:54 mais dans d'autres monnaies, le yuan par exemple, ou d'autres monnaies,
00:49:58 est-ce que ça ne pourrait pas créer un conflit avec les Américains
00:50:02 pour qu'ils "dollar" comme ils disent, c'est notre monnaie, c'est votre problème ?
00:50:05 Ils essaient depuis un certain temps, mais avec des succès très très limités.
00:50:09 Parce qu'il faut bien voir que le commerce international est en spilet,
00:50:13 les traders jouent un très grand rôle.
00:50:15 Ce ne sont pas les États qui vendent à d'autres États.
00:50:17 Les traders sont au milieu du jeu, et leur terrain de jeu, c'est le monde entier.
00:50:22 Et eux ont intérêt, encore aujourd'hui, à faire le trading en dollars.
00:50:27 Donc tant que ce sera la situation, les échanges en yuan ou en rouble ou en autre chose
00:50:32 resteront marginaux, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'échanges bilatéraux
00:50:36 où les États jouent un rôle clé.
00:50:37 Mais ça sera tout à fait marginal par rapport aux échanges internationaux.
00:50:40 Mais vous avez raison, avec le temps, cette tendance va se développer.
00:50:45 - Vous êtes d'accord avec ça ?
00:50:47 - Oui absolument, c'est une multipolarisation des monnaies,
00:50:50 mais qui ne va pas remettre en question, pour l'instant, l'hégémonie du dollar.
00:50:53 Étant donné que, même si les Russes se font payer en rouble,
00:50:57 leur pétrole, ils le vendent à prix cassé.
00:51:00 Donc là, ils n'ont pas les moyens de reconstituer leurs arsenaux,
00:51:04 en tout cas, ils ont des capacités relativement limitées.
00:51:07 La Russie, c'est le PIB de l'Espagne, ce n'est pas le PIB de la Chine.
00:51:10 Donc la Russie ne va pas prendre une position dominante.
00:51:13 Et les Chinois, pareil, avec le Airbnb,
00:51:15 ils ne sont pas en mesure aussi de concurrencer le dollar
00:51:18 parce qu'il n'y a pas cette confiance, en tout cas, des traders.
00:51:21 - Donc la fin du rôle du dollar, ce n'est pas pour tout de suite,
00:51:24 de monnaie mondiale ?
00:51:26 - Exactement.
00:51:27 - Ce n'est pas pour tout de suite.
00:51:28 Parce que pour les Américains, c'est quand même un aspect essentiel de leur politique, non ?
00:51:32 - Bien sûr, et puis c'est ce qui leur permet d'avoir des budgets
00:51:35 avec un déséquilibre abyssal, bien entendu.
00:51:39 Mais je pense que ça va évoluer très lentement
00:51:42 et que la fin de l'hégémonie du dollar n'est pas pour demain.
00:51:45 - Sud Radio, je vais y arriver.
00:51:49 Bercov dans tous ses états, 13h41.
00:51:52 On continue notre débat dans quelques instants sur l'avenir du monde
00:51:55 en compagnie de Claude Blanchemaison et de Tigran Nye-Gravian.
00:51:59 Vous voulez poser vos questions, on les attend au 0826 300 300.
00:52:03 On se retrouve dans quelques instants.
00:52:05 - Les Français parlent au français.
00:52:10 Je n'aime pas la blanquette de veau.
00:52:13 Je n'aime pas la blanquette de veau.
00:52:16 - Sud Radio, Bercov dans tous ses états.
00:52:19 - Vous êtes bien sur Sud Radio, il est 13h45
00:52:22 et vous avez la parole au 0826 300 300.
00:52:26 Je crois qu'avant de vous accueillir, Philippe David voulait poser une question à nos invités.
00:52:30 - Oui, puisque lundi on avait parlé de la place de la France dans la zone indo-pacifique
00:52:33 en compagnie de Philippe Folliot pour son livre "France sur mer, le grand gâchis".
00:52:37 Quelle est la place de la France dans cette zone qui est une zone cruciale
00:52:40 aujourd'hui dans la géopolitique mondiale ?
00:52:42 Claude Blanchemaison.
00:52:43 - Oui, c'est vrai que c'est devenu crucial, ne serait-ce que par l'importance économique
00:52:47 qu'ont pris tous les pays d'Asie et du Pacifique.
00:52:49 Mais la France est peut-être la puissance parmi les pays européens
00:52:54 qui est la plus indo-pacifique, pour la bonne raison qu'on a des territoires tout au long
00:52:58 effectivement, à la fois dans l'océan Indien et dans l'océan Pacifique.
00:53:04 Et par conséquent on a des intérêts majeurs dans cette région.
00:53:08 Nos départements territoires d'outre-mer qui sont dans cette région
00:53:12 ont d'ailleurs des relations de coopération avec les pays de leur environnement
00:53:16 quand c'est possible.
00:53:18 Les relations entre la Nouvelle-Calédonie et l'Australie
00:53:21 et la Nouvelle-Zélande sont bonnes.
00:53:24 Il y a eu un moment où elles ne les étaient pas bonnes,
00:53:27 au moment où on faisait des essais nucléaires, mais les essais nucléaires c'est fini depuis longtemps.
00:53:31 Et donc maintenant il y a de bonnes relations de coopération.
00:53:34 Mais effectivement, la marine française n'est peut-être pas dimensionnée
00:53:39 pour faire face à toutes ses obligations sur l'ensemble de cette zone.
00:53:45 Puisque ça va du Pacifique Sud jusqu'à Toulon, au bout du compte.
00:53:49 Ce qui fait quand même beaucoup.
00:53:52 Donc il y a effectivement un problème.
00:53:54 Et effectivement on partage nos conceptions Indo-Pacifique
00:53:57 avec un certain nombre de pays, notamment l'Inde,
00:54:00 mais aussi les pays d'Asie du Sud-Est, y compris le Vietnam, la Malaisie, l'Indonésie et d'autres pays.
00:54:08 Mais on n'a probablement pas exactement la même conception de l'Indo-Pacifique
00:54:12 que celle des États-Unis d'Amérique, pour qui c'est essentiellement
00:54:15 une ceinture de containment de la Chine.
00:54:18 - Tigrani Aghrabian sur l'Indo-Pacifique pour la France.
00:54:21 - Il y a un décalage abyssal entre le discours et les faits.
00:54:24 Parce qu'effectivement, ça faudrait faire partie de notre doctrine de défense stratégique.
00:54:28 - C'est ce que disait Philippe Folliol, sénateur lundi.
00:54:30 - Parce que nous avons le deuxième domaine maritime au monde.
00:54:33 - Le premier même maintenant, il disait.
00:54:35 - Pour les Américains, c'est pas le premier.
00:54:37 - On est devant, a priori, d'après son livre.
00:54:39 - Alors il y a une menace, une menace systémique, c'est la Chine.
00:54:42 Parce que la Chine soutient les indépendantistes Kanak en Nouvelle-Calédonie.
00:54:45 Il y a beaucoup de nickel en Nouvelle-Calédonie.
00:54:48 La Chine est très présente en Polynésie.
00:54:50 Et nous, nous n'avons pas les moyens de notre puissance.
00:54:52 Parce que nous n'avons pas déployé suffisamment d'outils militaires sur le terrain.
00:54:55 Donc la grande menace, c'est que ça devienne des colonies économiques chinoises.
00:54:59 Si rien n'est fait pour proposer un modèle de développement durable
00:55:03 et d'intégration renforcée avec la métropole.
00:55:05 - On part au 0826 300 300, Lucien.
00:55:07 - Allons au 0826 300 300, vous continuez de nous appeler.
00:55:10 On accueille Sophie Damière sur scène.
00:55:12 Bonjour Sophie.
00:55:13 - Bonjour Sophie.
00:55:14 - Bonjour, merci pour vos émissions passionnantes.
00:55:16 Je voulais juste poser une petite question à votre invité.
00:55:19 Je ne comprends pas très bien, je ne suis pas très douée en économie,
00:55:22 mais je ne comprends pas très bien la relation entre le PIB espagnol et le PIB russe.
00:55:27 Dans la mesure où ce sont quand même deux pays qui n'ont pas les mêmes ressources,
00:55:30 les mêmes richesses.
00:55:32 Est-ce que vous pouvez juste me donner une petite explication supplémentaire ?
00:55:36 Ça me plairait beaucoup.
00:55:37 - Alors comme c'est Tigran Yégravian qui en a parlé, c'est lui qui va vous répondre.
00:55:41 - Oui, bonjour madame.
00:55:42 Effectivement, on a un gros décalage entre ces deux économies réelles.
00:55:48 Mais il faut savoir que la Russie est un pays rentier.
00:55:52 Alors un pays rentier, c'est un pays qui, forcément,
00:55:54 qui exporte énormément de pétrole, de gaz, de minerais,
00:55:57 qui est leader aussi dans les diamants,
00:55:59 mais qui est super tributaire, qui est extrêmement tributaire,
00:56:02 au fil de la variation aussi des cours.
00:56:04 Donc la Russie a une vulnérabilité en tant que pays rentier
00:56:07 qui produit somme toute moins de richesses,
00:56:10 ou autant de richesses que des pays de taille moyenne ou importante,
00:56:13 comme l'Espagne ou l'Italie.
00:56:15 Donc c'est un peu le grand paradoxe de la Russie,
00:56:17 qui est un géant pétrolier, gazier,
00:56:20 mais qui est en somme un grand pays rentier.
00:56:23 Et les pays rentiers, ils souffrent de ce qu'on appelle la maladie hollandaise.
00:56:26 C'est un syndrome quand il vous est plus intéressant d'importer
00:56:30 que de produire vous-même les produits que vous n'avez pas.
00:56:33 Et le risque, c'est de tomber en faillite, comme le Venezuela par exemple.
00:56:36 - Et la richesse moyenne par habitant est comparative ?
00:56:40 - Ah non, parce que c'est le PIB global de la Russie qui équivaut au PIB global de l'Espagne,
00:56:44 mais vous divisez par 40 millions d'habitants en Espagne, 39 millions je crois,
00:56:47 et par 140 millions en Russie.
00:56:49 Donc en richesse par habitant, c'est beaucoup plus bas, c'est 3 fois et demi plus bas.
00:56:53 - Bon, très bien. Vous voyez, mes lacunes sont immenses.
00:56:56 - Merci beaucoup Sophie. - Bonne journée, au revoir.
00:57:00 - Merci beaucoup Sophie, n'hésitez pas à nous rappeler.
00:57:02 Et on accueille Mohamed de Perpignan. Bonjour Mohamed.
00:57:05 - Bonjour à tous, bonjour aux auditeurs, à vous invités.
00:57:08 J'ai une question à poser.
00:57:10 En Afrique, est-ce qu'on ne se comporte pas encore comme c'était nos anciennes colonies,
00:57:16 et qu'on a un petit peu cette façon de faire qu'on a l'impression d'être au-dessus du lot,
00:57:22 au lieu d'avoir une vraie coopération, avant de se faire peut-être un peu manger par la Chine,
00:57:29 la Turquie, la Russie, je vois ce qui se passe au Mali, au Burkina Faso,
00:57:35 où on n'est pas du tout les bienvenus.
00:57:38 Quand même, je crois que c'est Ramayad qui a dit "l'Afrique, papa, c'est fini",
00:57:43 est-ce qu'on a les vrais diplomates pour un petit peu discuter avec ces pays,
00:57:49 et les laisser gagner leur propre démocratie,
00:57:54 et commercer avec eux au niveau technologique, industriel et autre,
00:57:59 je crois que notre erreur c'est un petit peu le vouloir encore les dominer,
00:58:02 alors que c'est une jeunesse toute fraîche qui arrive, qui est éduquée, qui sait ce qu'elle fait.
00:58:07 - Claude Blanchemaison, merci beaucoup Mohamed de Perpignan.
00:58:10 Est-ce qu'il y a encore une politique africaine de la France ?
00:58:13 - Moi je partage les opinions émises par votre auditeur.
00:58:18 Je crois qu'il faut faire encore des progrès pour rendre la coopération beaucoup plus égalitaire.
00:58:25 Alors il y a eu plusieurs tentatives de fait.
00:58:27 Il y a eu la conférence de Labo, où on a dit "il faut établir un nouveau mode de coopération".
00:58:33 La France-Afrique c'est fini.
00:58:35 Et puis c'était pas vraiment fini, ça a continué,
00:58:38 parce qu'un certain nombre d'acteurs, notamment économiques,
00:58:41 finalement, continuaient les pratiques d'avant.
00:58:44 Je crois qu'en ce moment c'est en train d'évoluer à très grande vitesse.
00:58:47 Je voudrais aussi assister sur le fait que, depuis pas mal d'années,
00:58:51 on a transféré une partie de la coopération avec les pays d'Afrique au niveau de l'Union Européenne.
00:58:56 Et que par conséquent, là, les effets néocoloniaux disparaissent.
00:59:02 Parce que l'Union Européenne, évidemment, comporte des pays comme le Danemark,
00:59:07 comme l'Estonie ou la Finlande, qui n'ont aucun passé colonial,
00:59:12 et qui font très attention, justement, à ce que les projets qui sont conçus à Bruxelles
00:59:17 soient des projets qui soient vraiment élaborés et gérés de façon bilatérale
00:59:23 avec les pays dans lesquels ces projets sont développés.
00:59:27 Donc ça, je crois que c'est la voie.
00:59:29 Et puis en effet, il faut qu'on fasse extrêmement attention à la volonté de ces pays
00:59:34 qui n'est pas toujours, toujours extrêmement bien reflétée par les dirigeants de ces pays.
00:59:40 Parce que les dirigeants de ces pays, parfois, trouvent commode
00:59:43 de trouver des arrangements avec le gouvernement français du moment,
00:59:46 sans tenir compte nécessairement des besoins de leur population.
00:59:50 - Tigran Edric-Hervion.
00:59:52 - Je pense qu'on est très loin de la période de Jacques Fouca,
00:59:54 du secrétariat aux affaires africaines et malgaches de l'époque lycéenne.
00:59:58 C'est fini l'époque où, avec quelques centaines d'hommes,
01:00:00 on arrivait à changer le cours d'un régime.
01:00:03 Donc la France n'a plus de précaré.
01:00:05 Elle a encore des positions confortables au Tchad, au Gabon...
01:00:08 - Ah, les précarés africains, c'est fini ?
01:00:09 - C'est fini, pourquoi ?
01:00:10 Parce que vous avez la concurrence indienne aussi.
01:00:12 L'Inde importe beaucoup d'exports de médicaments, notamment.
01:00:14 Vous avez les Turcs.
01:00:15 Les Turcs ont ouvert des ambassades et des lignes aériennes turkish-irlandaises
01:00:18 dans pratiquement tous les États, même la Somalie,
01:00:20 même en liaison aérienne Istanbul-Mongolia.
01:00:22 Et vous avez la Chine.
01:00:24 Donc la Turquie, c'est le BTP aussi. Elle est très forte dans le BTP.
01:00:27 Donc nous avons quand même une position à maintenir au niveau commercial,
01:00:30 parce que c'est plusieurs dizaines de milliards d'euros
01:00:32 de commerce bilat franco-africain.
01:00:35 Et là où Emmanuel Macron innove, c'est qu'il sort du précaré
01:00:38 pour s'intéresser aux pays anglophones.
01:00:40 Je crois qu'il a passé six mois de sa vie au Nigeria,
01:00:42 quand il était stagiaire à l'ENA.
01:00:44 Il a une connaissance de l'Afrique anglophone.
01:00:46 Le Nigeria, c'est 220 millions d'habitants.
01:00:48 C'est le plus grand producteur pétrolier d'Afrique.
01:00:51 Donc là où il y a intérêt à se réinventer,
01:00:54 c'est de sortir de la logique du précaré post-colonial
01:00:57 et intégrer le multilatéralisme dans notre façon d'entrevoir les échanges
01:01:01 et bien sûr renforcer la société civile africaine,
01:01:03 la jeunesse africaine, qui est demandeuse aussi de France,
01:01:06 mais autrement. Voilà.
01:01:08 - Merci beaucoup Mohamed De Perpignan.
01:01:10 Il nous reste une minute trente et je voudrais vous poser une question
01:01:12 qui était la question de base du débat.
01:01:14 Est-ce qu'on est en train d'assister aux prémices
01:01:16 de la fin de cinq siècles de domination du monde par l'Occident ?
01:01:18 Claude Blanchemaison.
01:01:20 - Non, je crois pas. Je crois qu'on est passé depuis plusieurs années
01:01:23 sans véritablement s'en apercevoir,
01:01:25 d'un monde en effet plus ou moins bipolaire.
01:01:30 Après l'effondrement de l'Union soviétique,
01:01:32 les Américains voulaient faire croire qu'il était unipolaire.
01:01:35 Mais il ne l'était pas.
01:01:37 Et on a en effet un monde qui va vers quelque chose de multipolaire,
01:01:41 même si en effet, on a parfois du mal à identifier tous les pôles,
01:01:45 parce qu'il y en a beaucoup.
01:01:47 Et l'expression est en effet venue d'un monde apolaire.
01:01:51 Mais je crois quand même qu'il y a quelques pôles qui émergent,
01:01:54 comme ceux qu'on a évoqués, bien sûr les BRICS,
01:01:57 l'ensemble des pays qui participent au G20,
01:02:00 et qu'il faut en tenir compte.
01:02:03 Et probablement que la bonne méthode est en effet
01:02:06 de sortir des alliances bétonnées
01:02:10 dans lesquelles on s'interdit de parler avec les autres,
01:02:14 avec ceux qui n'en sont pas,
01:02:16 et puis surtout ne pas voir le monde comme coupé en deux,
01:02:19 le camp du bien et le camp du mal.
01:02:21 Ça n'existe pas.
01:02:23 - Je suis parfaitement d'accord avec monsieur l'ambassadeur.
01:02:25 L'Occident doit se réinventer.
01:02:27 Certes, il a perdu démographiquement, c'est une évidence.
01:02:30 Démographiquement, on ne pèse plus grand-chose,
01:02:31 mais économiquement, on pèse encore.
01:02:33 Donc, intégrer ça, ça veut dire aussi avoir un discours audit
01:02:36 vis-à-vis des pays du Sud,
01:02:38 et trouver un juste milieu entre la mémoire et la repentance.
01:02:41 Il faut un équilibre, parce qu'on a fait trop de repentance,
01:02:43 pas assez de mémoire, et réciproquement.
01:02:45 Et aussi, se rendre plus attractif, c'est aussi être cohérent entre nous-mêmes.
01:02:48 Parce que le coupe franco-allemand ne marche pas.
01:02:50 Donc si déjà, on n'allait pas s'entendre avec nos principaux partenaires,
01:02:53 on est très mal placé pour donner des leçons avec les autres pays.
01:02:57 - Merci beaucoup à tous les deux.
01:02:58 - Merci à tous les deux. - Merci à vous.
01:03:00 - Prédaction de la revue géopolitique "Conflit", enseignant à l'université internationale Schiller.
01:03:04 Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur à Moscou et New Delhi,
01:03:06 auteur de "L'Inde contre vents et marées"
01:03:08 et "Vivre avec Poutine", publié chez Temporis.
01:03:10 Merci à vous.