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Patrice Duhamel était l’invité de Léa Salamé lundi 21 avril. Il publie « La photo » (éditions de l’Observatoire), un livre dans lequel il revient sur l'incroyable histoire de la photographie de François Mitterrand aux côtés du maréchal Pétain, le 15 octobre 1942, à Vichy.

Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20

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Transcription
00:00Léa, ce matin vous recevez un grand éditorialiste politique spécialiste de la Vème République.
00:06Il vient de publier un livre sur le silence de François Mitterrand.
00:09Bonjour Patrice Duhamel.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue sur Inter, on est ravi de vous recevoir ce matin.
00:13Je commence par mes questions rituelles.
00:15Si vous étiez un président de la Vème République, un Premier ministre de la Vème République et un défaut,
00:20vous seriez qui, vous seriez quoi ?
00:21Alors, président, les 100 premiers jours de Giscard.
00:25D'accord.
00:26La libéralisation de l'avortement, droit de vote à 18 ans,
00:28le Conseil Européen, le G5, tous les jours il se passait quelque chose.
00:34Tout le monde le saluait, y compris la gauche qui était un peu au fond du trou.
00:38Donc les 100 premiers jours de Giscard, ça c'est pour le président de la Vème, un Premier ministre ?
00:42Michel Rocard sans aucune hésitation.
00:45Et c'est dommage qu'on ne l'ait pas eu à l'Elysée.
00:47Et un défaut ?
00:49Alors là, c'est compliqué.
00:52Il y en a beaucoup ?
00:53Je dirais l'intranquillité.
00:56Sous toutes ses formes.
00:59Parfois de l'inquiétude, parfois de l'angoisse.
01:02L'intranquille.
01:04Savez-vous tenir un secret, Patrice Duhamel ?
01:08Oui, ça m'est arrivé.
01:09De tenir le secret ?
01:10Oui.
01:11Longtemps ?
01:1210 mois.
01:13C'est votre max ?
01:14J'ai su que Pompidou allait mourir en juin 73 et il a disparu en avril 74.
01:23Et vous ne l'avez pas dit ?
01:25Je l'ai dit à mon frère Alain, parce qu'on se partage des secrets, mais c'est tout.
01:30Mais vous auriez pu le sortir comme journaliste politique.
01:32Oui, mais c'était une période, c'est peut-être un peu...
01:38C'était une période, c'est intéressant ce que vous dites.
01:40Le secret est en tout cas au cœur de votre nouveau livre, passionnant.
01:43La photo, l'histoire secrète du document qui aurait pu bouleverser la Vème République aux éditions de l'Observatoire.
01:48C'est l'histoire incroyable d'une photo qui a été prise en octobre 1942 à l'hôtel du parc à Vichy,
01:54où l'on voit un jeune fonctionnaire, un jeune contractuel, comme on dit, de 26 ans, François Mitterrand,
02:00aux côtés d'un vieil homme de 86 ans, le maréchal Pétain.
02:03Cette photo a été prise en 1942, c'est-à-dire trois mois après la rafle du Bel-Dive et après la promulgation des lois anti-juives.
02:10On y voit un François Mitterrand qui regarde avec respect et presque de l'émotion le maréchal Pétain.
02:16L'histoire de cette photo qui resta secrète pendant 52 ans,
02:20avant d'être révélée en 1994 par le bouquin de Pierre Péan, une jeunesse française.
02:25L'histoire de cette photo vous a littéralement fasciné, Patrice Duhamel, pourquoi ?
02:30J'étais totalement éberlevé quand je l'ai vue.
02:34D'abord parce qu'elle signifiait, parce qu'elle représentait.
02:38Donc je l'ai vue en quelques semaines avant la sortie du livre de Pierre Péan que je connaissais.
02:43On avait fait beaucoup de choses ensemble sur l'information économique, etc.
02:48Il vous montre la photo ?
02:50Non, non, il ne m'a pas montré la photo, j'ai reçu son livre avec la photo en couverture.
02:56Et puis tout de suite je me suis dit, mais comment est-il possible qu'une photo comme celle-là,
03:01avec la carrière et le parcours de François Mitterrand,
03:04dès le lendemain de la guerre jusqu'au moment où il est président à ce moment-là, Mitterrand,
03:10donc au 1er septembre 1994, comment se fait-il que cette photo...
03:15Soit restée secrète comme ça pendant 52 ans ?
03:17On m'avait dit à la fin des années 70, à la fois chez les Chirakiens, chez les Giscardiens et chez les socialistes,
03:26qu'il y avait une bombe politique qui existait sur Mitterrand.
03:29Et 3-4 personnes de toute confiance m'avaient dit ça.
03:32Et comme je ne connaissais pas l'existence de cette photo, je pensais que c'était l'existence de sa fille cachée,
03:37Bazarine, qui était née fin 1974, ben non, ce n'était pas ça.
03:41C'était cette photo.
03:42C'était cette photo.
03:43C'était cette photo, vous avez enquêté, et c'est là où c'est vraiment très intéressant,
03:46c'est-à-dire que ça se lit vraiment comme un polar.
03:49Et ce qui est fou, c'est que De Gaulle, Pompidou, Giscard et même peut-être Chirac,
03:54savaient pour cette photo...
03:56Ah Chirac, c'est sûr. Chirac, avant qu'il soit président en 86-88.
03:59Il savait qu'elle existait.
04:01Il l'avait sous les yeux.
04:01Il l'avait sous les yeux.
04:02Ils auraient pu l'utiliser comme bombe politique contre Mitterrand pour l'empêcher d'arriver au pouvoir
04:07et qu'aucun d'eux ne va le faire.
04:09On va y venir.
04:11Mais d'abord, je voudrais savoir la jeunesse de cette photo.
04:13Qui est le Mitterrand de 26 ans qui va ce jour-là à Vichy, à l'hôtel du Parc ?
04:19Alors, il est à Vichy depuis mi-janvier 1942.
04:22D'abord, vous l'avez dit, contractuel.
04:24Et puis, progressivement, il rentre dans des organisations qui s'occupent du reclassement,
04:30du soutien de l'aide aux prisonniers.
04:32À cette période, il commence déjà à fabriquer des faux papiers,
04:36mais il n'est pas vraiment résistant.
04:37Il n'entrera réellement dans la résistance que début 1943.
04:42À cette période, le 15 octobre 1942, il est sincèrement pétainiste.
04:48Il n'est pas le seul, mais il est sincèrement pétainiste.
04:51Et il sera sincèrement résistant.
04:53C'est notamment pour ça que les historiens ont créé cette expression,
04:58ont inventé cette expression de vichysto-résistant.
05:01Oui, et c'est ça que dit ce livre, que raconte votre livre,
05:04et que raconte la personne de Mitterrand.
05:06C'est toute l'ambiguïté d'un homme qui fut, selon vous, sincèrement pétainiste,
05:11et sincèrement résistant.
05:12On pourrait dire qu'il était sincèrement profondément français, d'une certaine manière.
05:16Oui, oui, on peut dire ça.
05:17Oui, mais enfin, tous les Français n'ont pas été, beaucoup, une grande majorité en 40 était maréchaliste,
05:23c'est-à-dire un attachement au maréchal pétain, souvenir notamment de la Première Guerre mondiale, etc.
05:29Des pétainistes, il n'y en avait pas autant que ça, des vrais pétainistes attachés à la personne
05:33et à ce que faisait pétain, c'est-à-dire la Révolution nationale, les lois anti-juives, etc.
05:38La poignée de main, Hitler, un montoir, enfin bon, il faudrait une heure pour expliquer tout ce qu'il a fait.
05:43Toutes les horreurs qu'il a faites, quand même, il faut quand même le dire.
05:47Et moi, ce qui me stupéfait encore aujourd'hui,
05:51parce que j'ai beaucoup de témoignages depuis que le livre est sorti, il y a une quinzaine de jours,
05:56ce qui me stupéfait, c'est que, comment un homme aussi intelligent, brillant, cultivé, ambitieux,
06:04déjà charismatique à Vichy, et les gens qui l'ont croisé,
06:06disaient, quand il arrivait quelque part, tout s'arrêtait, je veux dire,
06:09c'était vraiment déjà une forte personnalité,
06:12a pu penser, imaginer que ça ne se serait jamais.
06:17En 69, il a raté 68, il n'a pas compris 68, il a raté 68, tout le monde le sait.
06:24Et donc, en 69, il fait un livre, un peu de démarrage, d'une forme de réhabilitation,
06:30de redémarrage de son vie politique.
06:32Ma part de vérité, c'était ça le livre.
06:34Et il dit, rentrer en France, alors après son évasion, puisqu'il avait été fait prisonnier en 40,
06:40et donc il s'éva de courageusement d'ailleurs,
06:44donc il dit, entre guillemets, rentrer en France, je devins résistant,
06:48sans problème...
06:49Déchirant.
06:50Déchirant.
06:51Il ne cite pas Vichy, c'est ça qui est extraordinaire.
06:55Comment il peut imaginer qu'on ne saura pas qu'il était là-bas ?
06:59On savait pour la Francisque, la fameuse décoration pétainiste...
07:02Qui il recevra plus tard d'ailleurs, qui il recevra en 43, par le maréchal pétain.
07:06Pas personnellement par le maréchal pétain, mais il sera décoré, oui, forcément, avec l'accord de pétain.
07:13Mais qu'est-ce que ça dit ?
07:14Vous dites, ce qui vous fascine, c'est comment il imaginait qu'on ne saurait pas plus tard qu'il avait été là,
07:22que ce jour-là, il avait pris cette photo-là, que cette photo existait,
07:25mais aussi, comment expliquer que Mitterrand va à Vichy ainsi en 42 ?
07:31Je veux dire, on n'est pas en 1940, on est deux ans après, les lois anti-juives ont été promulguées,
07:36les juifs ne peuvent plus avoir accès à certaines professions...
07:40Il y a l'étoile jaune.
07:40Il y a l'étoile jaune, il y a la rèfle du Veldiv, puis les Américains sont entrés en guerre.
07:44Bien sûr, depuis décembre 41.
07:46Et lui, il va.
07:47C'est-à-dire, au bas mot, à manque de flair.
07:51Il est recommandé par des amis de sa famille,
07:55et les historiens s'interrogent là-dessus, les politiques, etc.
08:00Moi, j'ai une réponse un peu basique, il y va par ambition et par opportunisme.
08:05Il pense que c'est là que ça se passe.
08:07Alors, d'autres sont allés à Londres, d'autres sont allés à Alger,
08:10lui, il va à Vichy.
08:11Il n'est pas le seul, il y en a d'autres qui sont allés à Vichy.
08:12Mais surtout, quand on lui demandera plus tard,
08:14quand Elkabach, dans les grands entretiens qu'il fera de Mitterrand avant sa mort,
08:17sa mort lui demandera, est-ce que vous saviez ce qui se passait,
08:21ce qui s'était passé, les lois de Vichy ?
08:23Voilà ce que sera sa réponse.
08:25On écoute Elkabach qui lui pose la question et la réponse de Mitterrand.
08:29Vous allez après à Vichy ?
08:31Oui.
08:32Et pourquoi, alors qu'il y a le gouvernement de capitulation,
08:34qu'il y a eu les lois anti-juits, vous allez à Vichy ?
08:38Pourquoi vous n'allez pas à Londres ?
08:39Je vous pose la question.
08:40Dans tout ce que je vois, dans tous les commentaires qui sont faits,
08:44on oublie toujours que pendant toute cette période-là,
08:47j'étais prisonnier en Allemagne.
08:49Et que m'étant évalué deux fois en vain,
08:52j'avais fait pas mal de stages en prison.
08:54Pas simplement prisonnier de guerre, mais en prison tout court.
08:57J'étais à 100 lieux de connaître ces choses-là.
09:01Quand il dit « j'étais prisonnier en Allemagne », je ne savais pas, c'est crédible.
09:04Alors ça, c'est plausible qu'étant prisonnier, il ne sache pas.
09:07Ce qui l'est moins, c'est qu'en la suite,
09:10parce que vous avez pris l'extrait, mais vous ne pouviez pas passer plus loin,
09:13bien évidemment, il dit « vous parlez des lois anti-juives »
09:16et il dit « ce qui n'explique que ne pardonne rien »,
09:19ça concernait les juifs étrangers.
09:20Ça, c'est totalement faux.
09:21Ça concernait tous les juifs.
09:23Il y avait la définition du juif par le régime de Vichy.
09:27Il y avait les métiers interdits par le régime de Vichy.
09:29Il y avait la patte de Pétain.
09:31Il y a eu des révélations de Klarsfeld il y a encore quelques mois.
09:34Des documents de la main de Pétain,
09:36prouvant que Pétain, il en rajoutait par rapport à ce que lui demandaient les nazis.
09:41Voilà, ça, franchement, étant à Vichy depuis janvier 1942,
09:45dix mois plus tard, c'est quand même extrêmement peu plausible
09:48d'imaginer qu'ils ne connaissent pas ces lois
09:51et qu'ils ne sachent pas ce que Pétain a fait depuis 1940.
09:54Mais ce qui est ahurissant, et moi, qui m'a stupéfait à la lecture de votre livre,
09:58c'est comment ce secret va tenir 52 ans.
10:01Évidemment, aujourd'hui, à l'heure des réseaux sociaux,
10:03ce serait absolument impossible.
10:04Mais comment expliquer qu'en 65, on est à quelques semaines de l'élection présidentielle ?
10:09On est à dix jours du premier tour.
10:11À dix jours.
10:11À dix jours du premier tour, une présidentielle qui ne s'annonce pas bien pour le général de Gaulle.
10:16Vous avez son ministre de l'Intérieur, Roger Fray,
10:18qui rentre le voir dans son bureau et qui lui dit
10:21« Mon général, on a cette photo.
10:23On a cette photo que vous pouvez utiliser en bon politique contre Mitterrand. »
10:27Réponse du général de Gaulle,
10:30« Non, n'insistez pas, c'est non. »
10:33Alors, il dit trois choses.
10:34Il dit « Oui, je sais, Mitterrand est une arsouille. »
10:37Ça, c'est de l'argot et ça veut dire un voyou.
10:41Deuxièmement, « Je ne ferai pas la politique des boules puantes. »
10:44« Je suis sous-entendu, je suis le général de Gaulle. »
10:47« Je ne ferai pas ça. »
10:48Et troisièmement, phrase extraordinaire, extraordinaire,
10:52historiquement, politiquement, personnellement, psychologiquement.
10:56En 1965, imaginez qu'un jour Mitterrand soit président de la République.
11:00Mitterrand qui va le mettre en ballottage des jours plus tard.
11:02« Je ne veux pas affaiblir la fonction présidentielle. »
11:05Ça, c'est le de Gaulle gaullien, gaullissime, etc.
11:07Ça, c'est incroyable.
11:08Oui, mais là aussi, ça paraît assez décalé par rapport à la politique d'aujourd'hui
11:13et aux politiques d'aujourd'hui.
11:14Là, je crois que la réalité qui s'est ensuite imposée à ses successeurs,
11:20c'est qu'on ne rouvre pas les plaies de la période des années 40.
11:26Voilà.
11:26Et il ne fallait pas rouvrir les fractures,
11:29il ne fallait pas ressortir des choses qui ont fracturé tout le pays,
11:34toutes les familles, quasiment, etc.
11:37Oui, cette jurisprudence de Gaulle.
11:39Cette jurisprudence.
11:39Stratégie de Gaulle qui revient au pouvoir en disant, en 1945,
11:43« Je rassemble, je rassemble tout le monde, j'essaie de rassembler le maximum. »
11:47Et la jurisprudence de Gaulle, en effet, qui est « Bon, on ne sort pas ça. »
11:52Et qui va s'appliquer à Pompidou plus tard,
11:55qui aura la photo et qui dira « Non, pas de boule puante, on ne l'utilise pas. »
11:58Qui fait venir Jacques Chirac à côté de lui pour y avoir un témoin
12:02et qui a eu la photo, qui a dit « Voyez, Chirac, cette photo. »
12:06Chirac, ministre de l'Agriculture à ce moment-là.
12:08Et Pompidou est son mentor.
12:09Et il dit à Chirac « Vous voyez, ce genre de document, voilà ce qu'il faut en faire
12:13avant d'avoir trop envie de s'en servir. »
12:15Et il le jette dans le feu de bois parce que c'est l'hiver 72.
12:19Oui, sauf que le négatif est toujours là.
12:21La photo existe toujours, même s'il est allé la brûler.
12:23Et Giscard, entre les mains, à partir de 73.
12:27Et dit également, avant la présidentielle de 74,
12:30« Je ne l'utiliserai pas, pas de boule puante. »
12:32Même chose en 81, finalement, il ne l'utilisera pas, alors que même...
12:36Et aux législatives 78, où tout le monde pense que la gauche va gagner,
12:40là je révèle dans le livre parce que je suis tombé là-dessus par hasard,
12:43parce que je cherchais les archives de l'ancien ministre de l'Intérieur de Giscard,
12:47Michel Pernetovski, je cherchais les archives sur la photo,
12:50et je suis tombé sur ces documents qui prouvent qu'il y a eu un pacte secret en 78,
12:54aux législatives, entre Mitterrand et Giscard,
12:56avec des rencontres secrètes, organisées de manière clandestine.
13:00Enfin, c'est un climat de résistance, quasiment.
13:03Et ça, il faut lire le livre pour effectivement découvrir cette révélation
13:06où Giscard pensait en 78 que la gauche l'emporterait aux législatives.
13:09Organise la cohabitation.
13:10Et organise la cohabitation à venir, qui serait la première cohabitation de la Vème République.
13:14Ça ne s'est pas passé comme ça.
13:14Et Mitterrand qui fait savoir qu'il attendrait de Giscard
13:17de l'aider à contenir les partis communistes.
13:19Les communistes, c'est ça qui est incroyable.
13:22Franchement, à travers cette photo, on retraverse la Vème République.
13:27On en arrive à Chirac.
13:29On est en 88, Chirac face à Mitterrand.
13:32Et là non plus.
13:33Pasqua Végoire en lui disant « il y a la photo », c'est non.
13:35C'est pas convenable.
13:36Lui, c'est jurisprudence de Gaulle et jurisprudence Pompidou.
13:40La scène à laquelle il avait assisté et que je rappelais tout à l'heure.
13:45Là, autant, ce qui est d'ailleurs incroyablement romanesque,
13:49autant Mitterrand ne savait pas que de Gaulle, Pompidou et Giscard avaient ce document.
13:55Il ne le savait pas.
13:56En revanche, ça je pense qu'il savait, ou il a su après,
14:00que Chirac l'avait eu et qu'il ne l'avait pas utilisé.
14:04Et je pense, moi, là c'est pas un travail d'historien,
14:07c'est une analyse politique,
14:09que c'est une des choses qui ont fait qu'il a aidé Chirac à devenir...
14:12Et à Jospin, c'est intéressant de vous parler de Jospin,
14:18parce qu'il faudra donc attendre 1994 pour que la photo sorte.
14:21Et là, c'est un séisme en 1994.
14:23Le bouquin de Péan, c'est un véritable séisme, vous racontez,
14:26c'est un choc pour les Français.
14:28Mitterrand savait que le livre allait sortir, que la photo allait sortir.
14:31Il a contribué au livre.
14:32Il a contribué, il a répondu à Péan.
14:33Il a témoigné dans le livre.
14:34Vous dites qu'il a été quand même surpris par l'ampleur et par la surprise des Français.
14:40Oui, et notamment par les réactions des socialistes.
14:43Et par le choc que la photo elle-même, d'ailleurs, a provoqué.
14:46Parce qu'il y avait le contenu du livre, un livre absolument remarquable.
14:49Le Péan qui a fait une enquête incroyable.
14:52Et qui a eu la photo par hasard, en plus.
14:55Il cherchait quelque chose, quelqu'un.
14:59Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails.
15:00Et puis il a reçu cette photo comme ça.
15:02Mais le choc va le surprendre.
15:04Le choc des Français et des socialistes.
15:06Jospin dira, aura des mots durs sur Mitterrand à ce moment-là.
15:10Jospin, Moscovici, Manuel Valls.
15:13Il y en a d'autres qui disent
15:14« Non, je ne veux pas entendre parler de ça, je ne lirai pas ce livre, etc. »
15:18Mais oui, l'ampleur du choc est spectaculaire.
15:21Et ce qui l'incite, le pousse à répondre à l'interview d'Alkabach.
15:27À l'interview d'Alkabach, on va en entendre un deuxième morceau.
15:30Franchement, ces interviews d'Alkabach sont hallucinantes.
15:34Il faut les revoir aujourd'hui.
15:35C'est des moments extrêmement forts, à la fois de télévision et de puissance politique.
15:40À ce moment-là, il refusera encore, face à Alkabach,
15:43de reconnaître la responsabilité de l'État français dans ce qui s'est passé à Vichy.
15:47On va l'écouter.
15:47Puis on va écouter Chirac, qui sera le premier président
15:50à reconnaître la responsabilité de l'État français.
15:52On réécoute.
15:53Encore une fois, pourquoi la République ?
15:55Pourquoi la France ne demanderait-elle pas pardon des crimes et des horreurs
15:58qui ont été commises à cette époque-là, parfois en son nom ?
16:02Non, la République n'a rien à voir à ça.
16:05Et j'estime, moi, madame et conscience, que la France non plus, n'en est pas responsable.
16:10Que ce sont des minorités activistes qui ont saisi l'occasion de la défaite
16:15pour s'emparer du pouvoir et qui sont comptables de ces crimes-là.
16:19Pas la République, pas la France.
16:21Est-ce que vous encouragez tous les histoires ?
16:24Donc, je ne ferai pas d'excuses au nom de la France.
16:26Ces heures noires souillent à jamais notre histoire
16:31et sont une injure à notre passé et à nos traditions.
16:38Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait,
16:46secondée par des Français, secondée par l'État français.
16:51Par l'État français.
16:54Qu'est-ce qu'à la fin des fins, cette photo nous apprend de la Vème République,
16:59de la Mitterrandie, de la personnalité de François Mitterrand ?
17:04Je pense la prise en compte par toutes ces personnalités de Gaulle, Pompidou,
17:10Fiscard, Chirac, du côté tragique de l'histoire, de la vie publique et de la vie politique.
17:19Je pense qu'il y a une bascule après.
17:21Des gens qui n'ont pas connu cette période-là,
17:23même si Chirac était très jeune pendant la guerre,
17:26mais en tout cas, tous les autres l'ont connu, l'ont vécu.
17:32La raison d'État.
17:33La raison d'État et le secret d'État sont deux choses qui sont liées.
17:37Un niveau du débat public, moi je ne suis pas du tout genre nostalgique,
17:43mais qui a quand même été incroyable à cette période-là.
17:49Et puis, je dirais, là c'est peut-être être démenti, y compris par vous,
17:57des règles du jeu général, à la fois politique, médiatique, etc.
18:01Parce que peut-être, moi je n'en ai pas trouvé ni connu,
18:05mais peut-être des journalistes avaient-ils lu aussi cette photo, je l'ignore.
18:08Mais en tout cas, je n'en ai pas vu et personne n'en a parlé ou ne m'en a parlé dans cette enquête.
18:15Oui, on ne sait pas si...
18:17Je veux dire, où est la raison d'État ?
18:19Est-ce que la raison d'État, c'était de cacher cette photo
18:21pour protéger la fonction présidentielle, comme a dit de Gaulle,
18:24ou est-ce que c'était de la montrer et empêcher quelqu'un qui avait été manifestement avisé ?
18:28Mais c'est une question au sens étymologique du terme, vertigineuse.
18:31Et à laquelle le livre donne une certaine réponse.
18:34Les Impromptus, très rapidement, vous répondez en un mot ou deux.
18:37Vous avez été patron de médias, patron de France Télé, patron de Radio France.
18:41Vous êtes journaliste, éditorialiste.
18:43Journaliste ou patron de médias, vous préférez quoi ?
18:46Patron de médias, surtout quand c'est le service public.
18:49J'adorais cette maison ici et j'adorais France Télévisions.
18:52Twitter ou Instagram, Patrice Duhamel ?
18:54Ni l'un ni l'autre, je suis désolé.
18:55Est-ce que vous mentez beaucoup ?
18:58Non, peut-être par omission de temps en temps.
19:02Oui, mais sinon dans la vie courante, non.
19:05Drogue, alcool, cigarette, vous avez des vices ?
19:08J'aime bien le vin blanc.
19:11La vieillesse est un naufrage, disait le général de Gaulle.
19:13Est-ce qu'il avait raison ?
19:16Le concernant, oui, parce que par exemple 68,
19:20il n'a pas du tout compris ce qui se passait dans le pays.
19:24Si ça concerne ma famille, mon frère et moi, je n'ai pas le sentiment.
19:29Oh non, dis donc, vous prenez personnellement.
19:31D'ailleurs, le livre est dédié à vos parents en souvenir de débats familiaux passionnés et passionnants.
19:36C'est extraordinaire.
19:37Sur cette période tragique, c'était quoi chez les Duhamel ?
19:39C'était gauche contre droite, les débats ?
19:42Non, non, mais c'était beaucoup sur la guerre.
19:44C'était beaucoup sur la guerre.
19:45Un grand-père résistant, un oncle étudiant en médecine qui avait créé un petit cercle de résistants
19:51et qui a été dénoncé par le concierge de l'immeuble.
19:54Enfin, il y avait beaucoup de choses à la fois familiales et politiques.
19:58Et Dieu dans tout ça ?
19:59La question Jacques Chancel, pour terminer ?
20:02Pas.
20:02Le livre s'appelle La photo, Pétain Mitterrand, l'histoire secrète du document qui aurait pu bouleverser la Vème République.
20:10C'est aux éditions de l'Observatoire, sorti à 15 jours, ça marche déjà très fort.
20:13Merci d'avoir été avec nous.
20:14Merci à vous.
20:14Très belle journée.

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