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  • il y a 3 jours
Vendredi 18 avril 2025, retrouvez Emmanuelle Peyrottes (Avocate, August Debouzy), Sylvie GALLAGE-ALWIS (Associée, Signature Litigation) et Fadi Sfeir (Of counsel, Capstan) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00Musique
00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lexi Inside,
00:27l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique, du droit, du droit et rien que du droit.
00:33Au programme de ce numéro, on va parler de la réforme de l'arbitrage avec mon invité Emmanuel Perrot, avocate chez Auguste Debouzy.
00:42On parlera ensuite de la responsabilité du fait des produits défectueux avec Sylvie Galajalvis, associée au sein du cabinet Signature Litigation.
00:51Et enfin, on parlera de dénigrement de sa direction par mail ou par téléphone avec Fadisphère, off console au sein du cabinet Capstan.
01:01Voilà pour les titres Lexi Inside, c'est parti !
01:05Musique
01:06On commence tout de suite cette émission, on va parler réforme de l'arbitrage avec mon invité Emmanuel Perrot, avocate au sein d'Auguste Debouzy.
01:24Emmanuel, bonjour.
01:25Bonjour Arnaud.
01:25Le groupe de travail sur la réforme de l'arbitrage a rendu son rapport en mars dernier.
01:33Quel est le contexte de cette remise du rapport au garde des Sceaux ?
01:37Eh bien, si on remonte à l'origine du projet, l'impulsion se trouve dans une initiative conjointe du ministère de l'Europe et des avertes étrangères et du ministère de la Justice.
01:46En 2023, ces ministères ont lancé une mission de stratégie d'influence par le droit, notamment pour renforcer l'attractivité juridique française et diffuser des conceptions juridiques françaises.
02:00Eh bien, Paris étant la capitale mondiale de l'arbitrage et contribuant au rayonnement du droit français à l'international, c'était évidemment une branche du droit dont il fallait saisir.
02:09Donc, au printemps 2023, Éric Dupond-Moretti sollicite des réformes dans le domaine de l'arbitrage.
02:16En novembre 2024, le nouveau garde des Sceaux, Didier Migaud, désigne un groupe de travail qui est donc coprésidé par François Ancel, conseiller à la Cour de cassation et le professeur Thomas Clé.
02:28Et le groupe était également composé de 15 autres membres qui étaient des praticiens de l'arbitrage, des universitaires, des magistrats et des représentants des institutions françaises d'arbitrage.
02:38Et donc, comme vous l'avez dit, quatre mois plus tard, le 20 mars 2025, le groupe de travail a remis son rapport au ministre au poste, Gérald Darmanin.
02:49Et donc, le groupe de travail a remis un rapport, mais également un code de l'arbitrage.
02:54Quelle est la structure générale de ce rapport ?
02:56C'est 80 pages, 4 angles et 40 propositions.
03:0140 propositions au cours desquelles on sent que le groupe de travail s'est saisi de toute la richesse de notre droit de l'arbitrage pour proposer de le structurer, le modifier, l'ajuster et promouvoir certaines des règles déjà en place.
03:16Et au-delà de la structure formelle du rapport, on décèle la volonté du groupe de travail de s'interroger sur les enjeux actuels,
03:26puisque à la lecture du rapport, on trouve des mots comme intelligence artificielle, comme compliance et comme enjeux environnementaux.
03:34Parmi les 40 propositions, le groupe de travail recommande de créer un code de l'arbitrage.
03:41Pourquoi ce code de l'arbitrage ?
03:42La remise déjà d'un code de l'arbitrage clé en main de 146 articles, on doit le dire, a été une surprise, je pense, pour la communauté de l'arbitrage.
03:52Et au-delà d'une surprise, ça a été une réelle innovation, puisque c'est très éloigné de l'architecture actuelle de notre branche du droit.
04:01C'est simple, aujourd'hui, on retrouve des règles d'arbitrage dans près de 20 codes différents et dans plusieurs lois.
04:07Donc, c'est très éparpillé et qui dit éparpillé, dit parfois incohérence de certaines règles.
04:14Le corollaire de ça, c'est trois problèmes, puisqu'on a un manque de lisibilité, de prévisibilité et d'accessibilité.
04:22Déjà, c'est un problème pour les praticiens français de l'arbitrage, dont acte, mais plus encore, l'arbitrage et la force d'un régime d'arbitrage,
04:31et bien, elle passe notamment par sa capacité à rayonner à l'international.
04:36Et pour que ça rayonne à l'international, il faut que le corpus de texte soit compris et compréhensible par les confrères étrangers.
04:45Donc, pour garantir une vision globale du régime, donc sa lisibilité, sa prévisibilité,
04:51et pour faciliter la traduction de notre corpus juridique, donc son accessibilité pour nos confrères étrangères,
04:57créer un code est présenté comme plus efficace que le système actuel.
05:03Et c'est une proposition qui a été faite par le groupe de travail.
05:07Alors, une autre proposition qui a fait couler beaucoup d'encre,
05:11c'est celle de l'absorption des règles de l'arbitrage interne par les règles de l'arbitrage international.
05:18Pouvez-vous nous expliquer ?
05:20Alors, peut-être répondre en deux temps.
05:22D'abord, rappeler en quelques mots la distinction entre arbitrage interne et international,
05:26puis ensuite adresser la proposition du groupe de travail.
05:30Donc, en ce qui concerne la distinction entre arbitrage interne et international,
05:34je ne sais pas si vous vous en rappelez ou si les auditeurs qui ne sont pas familiers avec l'arbitrage s'en rappelleront,
05:39mais à l'époque de l'affaire Tapie, c'est une question qui avait fait couler beaucoup d'encre.
05:44Je ne reviendrai pas sur cette affaire, mais jusqu'ici, le critère des partiteurs entre arbitrage interne et arbitrage international,
05:51c'est, d'après les termes du Code de procédure civile, la mise en cause ou non des intérêts du commerce international.
05:58C'est quelque chose qui n'est plus réellement appliqué.
06:00Donc, ce que propose le groupe de travail, c'est de substituer ce critère par celui de la notion d'intérêts économiques internationaux,
06:08qui est donc plus large, plus neutre et plus adaptée aux enjeux actuels.
06:11Une fois qu'on a dit ça, donc une fois qu'on a eu déterminé si le litige était interne ou international,
06:19alors le régime adapté s'applique.
06:22On a deux régimes différents avec, en l'état, un droit de l'arbitrage international,
06:27qui est beaucoup plus souple et beaucoup plus flexible que le régime de l'arbitrage interne.
06:30Et le groupe de travail ne propose pas de fusionner les deux régimes,
06:36mais plutôt de faire, d'absorber, pardon, le régime de l'arbitrage interne par l'arbitrage international.
06:46Donc, cette proposition consisterait à créer, pardon, un régime commun,
06:52et l'arbitrage interne serait pour l'essentiel calqué sur le modèle international,
06:57donc plus souple et plus libéral, mais quand même assorti de quelques exceptions.
07:02Alors, un autre apport de ce rapport du groupe de travail,
07:07c'est la consécration des principes directeurs du droit de l'arbitrage. Pourquoi ?
07:13Alors oui, effectivement, la proposition propose de consacrer 19 principes directeurs.
07:21Les principes directeurs, peut-être on va le rappeler,
07:23ce sont un ensemble de règles qui concourent au respect des garanties fondamentales d'une bonne justice.
07:29Aujourd'hui, ça existe dans plusieurs branches du droit.
07:32Et si on voit que la pratique a fait émerger un certain nombre de principes directeurs en arbitrage,
07:36ils ne sont consacrés formellement nulle part.
07:40Et le professeur Jérémy Jourdan-Marques, qui est un membre du groupe de travail,
07:43disait qualifier à cette proposition de pilier d'une future réforme.
07:48Pourquoi est-ce que c'est important ?
07:51Parce que ces principes servent de boussole à la procédure d'arbitrage à la française.
07:56Et cette boussole, elle invite à respecter quoi ?
07:58Eh bien, l'indépendance et l'impartialité des tribunaux arbitraux,
08:02le respect du contradictoire, l'égalité des partis, la confidentialité, par exemple.
08:07Et j'aimerais me focaliser sur un sujet qui a attiré mon attention à la lecture du rapport,
08:13parce qu'il en dit beaucoup de la philosophie du travail, du groupe de travail.
08:19C'est celui de la consécration, sous le projet d'article 19 de ce code de l'arbitrage,
08:25d'une règle qui fait la singularité de l'arbitrage à la française.
08:29Donc c'est une règle qui, ensuite, a été reprise par plusieurs ordres juridiques internationaux.
08:37Mais c'est la possibilité de donner effet en France à une sentence qui aurait été annulée à l'international.
08:46Et intégrer cette règle au sein d'un code et l'ériger au rang de principe directeur,
08:52eh bien, c'est réitérer la singularité de l'arbitrage français et sa vision délocalisée.
08:57Alors, on vient de voir les différentes propositions du rapport.
09:03Quelles pourraient être les suites de ce rapport ?
09:06Eh bien, en juriste pragmatique que je suis, je ne m'essaierai à aucune prévision.
09:12Mais ceci étant dit, on peut s'accorder sur un point, c'est que le groupe de travail a proposé une réforme ambitieuse.
09:19Il a effectué un travail qu'à titre personnel, je souhaiterais saluer.
09:23Pour autant, on relève qu'à la lecture du rapport, déjà, le groupe de travail n'adhère pas de façon unanime à l'ensemble des propositions.
09:34Et plus encore, ça fait quatre jours qu'il a été publié.
09:37Et on voit déjà qu'il suscite des réactions diverses, variées, parfois passionnées.
09:43Le président du groupe, le président, pardon, du tribunal des activités économiques, donc Patrick Sayer, a indiqué par un tweet ou un poste LinkedIn, je ne sais plus,
09:54que l'une des préconisations le surprenait.
09:57La CCI France, donc la Chambre de commerce internationale, a publié également un poste LinkedIn, au sein duquel elle a également exprimé sa réticence à l'idée même d'une réforme de l'arbitrage.
10:11Et elle a annoncé d'ailleurs quatre réunions spéciales de sa commission d'arbitrage.
10:14J'ai aussi vu passer un article qui évoque un projet de réforme qui, je cite l'article, déchire la place de Paris et qui critique un travail mené trop rapidement.
10:25On voit que ce rapport suscite de la controverse. On va conclure là-dessus. Merci Emmanuel Perrot. Je rappelle que vous êtes avocate au sein du cabinet Auguste Debouzy.
10:35Tout de suite, l'émission continue. On va parler de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux.
10:44On poursuit l'émission. On va parler de la directive sur la responsabilité des produits défectueux avec mon invité Sylvie Galage-Alvis, associée au sein du cabinet Signature Litigation.
11:04Sylvie, bonjour. Bonjour Arnaud.
11:06Nous allons faire le point sur la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui date du 23 octobre 2024, publiée en 18 novembre au journal officiel de l'Union Européenne.
11:21Mais tout d'abord, pourquoi il était nécessaire d'adapter la directive de 85 sur la responsabilité du fait des produits défectueux ?
11:30Vous le rappelez vous-même Arnaud, 1985. Donc ça fait 40 ans. Alors j'ai un petit peu plus de 40 ans, donc je ne vais pas dire que c'est une directive qui est vieille.
11:40Mais il fallait quand même un certain nombre d'évolutions. Surtout que vous avez pu le remarquer, les produits ont changé en 40 ans.
11:48Si on regarde des exemples très basiques, on est passé pour écouter de la musique, de la cassette, au CD, aujourd'hui à la musique en ligne.
11:56Quand on parle de téléphone, on avait tous un téléphone fixe chez soi. Aujourd'hui, on a tous, tous les membres de la famille ont leur propre petit ordinateur portable à l'oreille.
12:07Donc il y a eu un changement radical de la connectivité, de la technologie associée à ces produits, mais aussi du type de vente.
12:16Vous avez avant, classiquement, la vente en magasin. Aujourd'hui, la vente en ligne, depuis même quelques années, explose.
12:24Donc vous avez des modes de vente différents. Et vous avez aussi des interactions entre produits désormais.
12:30La connectivité n'est pas que dans un produit, elle l'est aussi dans sa façon dont il s'associe à d'autres produits.
12:36Et donc il y a des termes qui se sont démocratisés. Termes logiciels, termes service annexe.
12:42Par exemple, le service annexe, c'est la possibilité d'être géolocalisé via son produit, d'avoir le trafic en direct, d'avoir sa santé monitorée.
12:52Tous ces termes-là nécessitaient une définition claire. Il fallait savoir si c'était inclus ou pas dans la définition de produit.
12:59La nouvelle directive vient clarifier tout ça et étend donc la définition de ce qu'est un produit et comment l'appréhender.
13:06Alors justement, on va s'intéresser à cette nouvelle directive. Quels sont les apports de cette directive, les principaux changements ?
13:14Alors, outre le fait qu'elle étend et clarifie surtout ce qu'est un produit, cette directive vient essayer d'apporter un peu plus de sécurité aux produits qui sont mis sur le marché dans l'Union européenne.
13:28On est déjà avec un arsenal législatif très complexe, avec énormément de directives en amont, comment doivent être fabriqués les produits.
13:37Cette directive-là vient essayer de s'assurer que la sécurité, elle est aussi reconnue en aval une fois que potentiellement il y a un problème.
13:46Et par exemple, on est passé d'une poignée de critères de ce qu'est un produit défectueux à plus de neuf critères de qu'est-ce qu'est un produit défectueux.
13:54Et on va regarder des choses comme par exemple la présentation du produit. Son étiquetage, s'il n'est pas conforme, va pouvoir demain équivaloir à un produit défectueux.
14:06Est-ce qu'on va regarder pour savoir si l'utilisation est raisonnablement prévisible du produit ?
14:13Alors, les juristes vont s'amuser, qu'est-ce qu'une utilisation raisonnablement prévisible d'un produit ? On va voir ça.
14:18Et il y a aussi, on va regarder d'autres exigences en matière de sécurité du produit, comme par exemple la cybersécurité associée au produit.
14:25Donc on est déjà dans un changement de paradigme avec une volonté de rendre tout ça plus sécuritaire.
14:31Un autre changement majeur, c'est qu'il y a une recherche pour avoir toujours quelqu'un de responsable.
14:37Un fabricant qui est situé à l'extérieur de l'Union Européenne, il va y avoir tout un mécanisme pour désigner, phase après phase,
14:46qui doit être responsable au sein de l'Union Européenne pour le consommateur, afin qu'il ne se retrouve pas sans recours possible, en particulier s'il vendait en ligne.
14:55On va s'intéresser peut-être aux risques pour les fabricants face à ce nouveau cadre juridique.
15:03Quels sont les risques pour les fabricants européens face à ces nouvelles règles ?
15:07Alors le risque, c'est que leur responsabilité va être reconnue de manière très probable.
15:14Tout simplement parce que la directive introduit des nouveaux concepts de procédure, inconnus jusqu'ici, qui vont nous donner beaucoup de travail.
15:21On va voir ce que ça va donner.
15:23Mais il y a notamment l'obligation de divulgation.
15:26On se retrouve avec un système quasiment de discovery à l'américaine,
15:31où à partir du moment où un demandeur va avoir un recours contre un fabricant,
15:36il va pouvoir démontrer qu'il y a un côté raisonnable à ce recours,
15:39il va y avoir une obligation de divulgation de documents de la part du fabricant.
15:45D'accord.
15:45Et donc c'est une discovery, je dirais même c'est pire,
15:48parce qu'en plus il y a deux critères,
15:50c'est-à-dire que la divulgation doit se faire de manière accessible, facilement accessible et compréhensible.
15:57Donc on ne va pas pouvoir juste envoyer des cartons de documents si on va dans le cliché,
16:02il va falloir les expliquer, avoir des mémos, avoir quelque chose qui rend l'information accessible et compréhensible.
16:09D'accord.
16:09L'autre gros danger, c'est le fait que le juge pourra décider si le dossier est excessivement complexe, je cite,
16:18et bien qu'il y aura une présomption de défaut, de lien de causalité et de préjudice.
16:22Alors c'est quoi un dossier excessivement complexe ?
16:24Je vous le demande, et surtout excessivement complexe pour qui ?
16:27Pour le juge ? Pour un expert désigné par le juge ?
16:30Pour les demandeurs ?
16:31Pour le commun des mortels qui n'est pas ingénieur par exemple,
16:35ou médecin pour comprendre un produit par exemple pharmaceutique ?
16:39Je ne sais pas.
16:41Et donc là aussi, la crainte qui existe pour les fabricants,
16:46c'est d'être condamné quoi qu'il arrive,
16:48parce qu'un dossier produit est par nature complexe.
16:51D'accord.
16:51Alors avec ce nouvel arsenal juridique,
16:55est-ce que l'Europe peut devenir une juridiction privilégiée pour les demandes dans le cadre de litiges internationaux ?
17:02Je pense que oui.
17:04L'Europe ne l'était pas jusqu'ici parce que le montant des dommages intérêts n'a jamais été aussi élevé
17:10que ce qui peut exister par exemple Outre-Atlantique.
17:13Donc c'est vrai qu'il y avait toujours cette tendance à commencer Outre-Atlantique pour ensuite venir en Europe.
17:17Ce que je vous expliquais sur la divulgation des documents,
17:21qui si la sanction, si jamais on ne divulgue pas les documents,
17:25qu'on est de façon accessible et compréhensible,
17:28c'est qu'il y a une présomption de défaut du produit.
17:31Donc entre cette présomption qui peut exister,
17:33donc vous avez donné tous vos documents, vous êtes quand même condamné.
17:35Vous avez donné tous vos documents, mais le dossier est jugé excessivement complexe,
17:41vous êtes quand même condamné.
17:42Vous aurez à mon avis plus de facilité à avoir une condamnation de l'entreprise en Europe,
17:49avec en plus je pense un forum shopping entre les différentes juridictions européennes.
17:53On va débattre qu'est-ce que c'est excessivement complexe.
17:56J'imagine que chaque juridiction risque d'avoir quelque chose d'un peu différent.
18:00Du coup, avoir des juridictions européennes qui reconnaissent la responsabilité d'un fabricant,
18:06alors même qu'on a divulgué des informations, alors même qu'on a essayé de se défendre,
18:11va être beaucoup plus simple en Europe,
18:13que ça ne lèche qu'on part toujours à l'outre-Atlantique,
18:15parce que ça commence très souvent aux Etats-Unis, au Canada,
18:19que ça ne va l'être là-bas.
18:20Et ils vont avoir un précédent européen,
18:23qui va leur permettre de l'autre côté,
18:24d'avoir moins d'efforts, entre guillemets,
18:27pour avoir une condamnation similaire là-bas.
18:30Alors, peut-être pour terminer,
18:32vous avez souligné les contraintes juridiques qui vont peser sur les fabricants.
18:37Comment ces fabricants doivent-ils se préparer, justement,
18:42à l'application de la directive pour répondre à ces obligations ?
18:46Alors, la bonne nouvelle, c'est qu'il y a quand même quelques défenses qui existent
18:50et qui continueront à exister.
18:52Par exemple, la défense du risque de développement.
18:55Quand j'ai mis mon produit sur le marché,
18:56est-ce que je pouvais avoir une connaissance scientifique et technique
19:00d'un potentiel défaut à l'avenir ?
19:02Donc, il faut extrêmement bien documenter toutes les recherches,
19:06tout ce sur quoi le produit est conçu,
19:09à l'époque de sa conception et de sa mise sur le marché,
19:12pour garder cette défense-là.
19:14Il y a aussi une autre défense qui a été introduite,
19:18qui est le fait que ce n'est pas parce que vous avez mis à jour des logiciels,
19:21parce que vous améliorez votre produit,
19:23qu'il y a forcément un défaut de votre produit antérieurement.
19:26Donc, ça, c'est une bonne chose.
19:28Comment se préparer ?
19:29C'est surtout pour les entreprises qui n'ont pas l'habitude
19:31d'un processus de discovery ou de disclosure en Angleterre.
19:37C'est vraiment de garder absolument tous ces documents,
19:40d'avoir une politique interne de ce fait,
19:43pas de disparition d'email tous les trois mois
19:46pour alléger les serveurs, etc.
19:48C'est vraiment une mise en place d'un process interne
19:50pour se préparer à ce type de nouveaux litiges.
19:53On va conclure là-dessus.
19:54Merci Sylvie Gala-Jalvis.
19:56Je rappelle que vous êtes associée au sein du cabinet Signature Litigation.
20:00Merci à vous.
20:01Tout de suite, l'émission se poursuit.
20:03On va parler de dénigrement de la direction par mail ou par téléphone.
20:07On poursuit ce Lex Insight.
20:20On va parler d'énigrement de la direction par mail ou par téléphone
20:24avec mon invité Fadi Sphère, off-console au sein du cabinet Capstan.
20:29Fadi Sphère, bonjour.
20:30Bonjour.
20:32Alors, on va rentrer tout de suite dans le vif du sujet.
20:34Est-ce que le salarié peut-il être licencié pour un échange privé de messages
20:40depuis son téléphone portable professionnel
20:43lorsqu'il dénigre son employeur dans les dits messages ?
20:47Je vais vous répondre tout de suite, Arnaud.
20:49La réponse est oui.
20:50Alors, peut-être que vous m'objecterez qu'il y a quand même un principe de respect de la vie privée.
20:55Bien sûr.
20:55Que le salarié a le droit de dire ce qu'il veut.
20:57Après tout, c'est sa vie privée, c'est ses messages, c'est personnel.
21:00Et la réponse, elle a été donnée par le juge.
21:02En réalité, lorsque vous utilisez un appareil qui est professionnel,
21:08un système informatique qui est professionnel,
21:10ça signifie que tout ce qui s'y trouve est présumé être de nature professionnelle.
21:16Et donc, du coup, l'employeur peut librement y avoir accès.
21:19Alors, on a d'ailleurs une illustration là-dessus sur un arrêt qui est assez récent
21:24où on avait un salarié qui avait écrit un petit courrier de dénigrement de son employeur
21:28qu'il s'apprêtait à envoyer aux organismes sociaux.
21:30Et il a été licencié.
21:32Et le juge nous a dit, non, non, c'est un élément qui est de nature professionnelle.
21:35Donc, du coup, je peux y avoir accès, je peux le regarder.
21:38D'accord.
21:39Et malgré tout, il n'y a pas une certaine liberté d'expression ?
21:42Comment c'est encadré ?
21:44Alors, oui, il y a aussi une liberté d'expression.
21:46Et comme partout, il faut mettre en balance la liberté d'expression,
21:50le droit au respect de la vie privée,
21:52le droit légitime pour l'employeur aussi d'avoir accès à des données
21:54qui sont normalement professionnelles.
21:56Il faut mettre en balance tout ça.
21:58Et donc, la liberté d'expression, ça signifie également qu'il ne peut pas y avoir d'abus.
22:03La liberté d'expression ne peut pas dégénérer en abus.
22:06Et donc, du coup, le juge va s'attacher à regarder, lorsqu'on a un propos dénigrant,
22:11est-ce que ce dénigrement justifie ou non un licenciement ?
22:15Ça va dépendre évidemment de ce qu'on dit.
22:17Si on a une critique qui est mesurée, on dit,
22:20ben voilà, je pense que le patron ou la patronne, il aurait pu faire plus comme ci, plus comme ça.
22:25Ça ne justifie pas un licenciement.
22:27D'accord.
22:27Et on va aussi regarder le public.
22:30Alors, ça ne veut pas dire pour autant que si on écrit à une personne,
22:33ça ne justifie pas de licenciement parce que c'est qu'une personne.
22:35On a un arrêt très récent sur un propos homophobe.
22:37Et là, pour le coup, c'était un échange qui était assez fermé.
22:41Et le juge a quand même considéré que ça justifie un licenciement.
22:44D'accord.
22:44Mais plus le public est large, plus la tolérance sur la libération de l'expression va être faible.
22:50Ce qui est assez logique.
22:51Après tout, c'est du bon sens.
22:52Alors, il y a la question de l'accès de l'employeur à ces messages.
22:57Comment fait-il pour accéder au téléphone portable du salarié ?
23:01Alors, pour le téléphone portable, évidemment, on a une difficulté, c'est le salarié qui l'a.
23:06En général, en pratique, ce qui se passe, c'est que lorsque le salarié rend le téléphone portable
23:10au terme du contrat de travail, certains de nos clients ont le réflexe de regarder un peu les échanges,
23:17le contenu, etc.
23:18Et on découvre parfois des choses.
23:20Ça, c'est pour le téléphone.
23:21Pour ce qui est de l'outil informatique, l'administrateur réseau, il a accès à tout, en réalité.
23:26Y compris ce qui est marqué comme étant personnel, d'ailleurs,
23:29même si on ne peut pas l'utiliser dans le cadre d'un contentieux.
23:32Alors, justement, vous évoquez le dossier personnel ou l'échange dit privé.
23:38Concrètement, c'est quoi les critères pour définir ce qui est privé du professionnel ?
23:43Alors, c'est très simple.
23:45Lorsque vous utilisez l'outil informatique de votre employeur,
23:48vous pouvez créer un dossier qui est marqué comme étant personnel.
23:51Vous pouvez créer un email où vous marquez personnel dans l'objet.
23:55Et là, l'employeur ne peut pas y avoir accès,
23:57ou en tout cas ne peut pas l'utiliser au soutien d'une procédure de licenciement, par exemple.
24:02Encore une fois, l'administrateur réseau, lui, il y aura accès,
24:05mais pour des raisons de sécurité réseau,
24:06pas pour des raisons de gestion de la relation de travail, vous voyez.
24:10Là, lorsque c'est marqué comme étant personnel,
24:13il faut vraiment être dans des circonstances très particulières
24:15pour qu'on puisse y avoir accès.
24:18En règle générale, on n'y aura pas accès.
24:20Il y a cette hypothèse-là et l'autre hypothèse
24:23où on a un échange qui est évidemment de nature personnelle.
24:27On a l'exemple d'une correspondance intime
24:30où là, c'est évident quand on lit l'échange que c'est personnel.
24:33Ça ne veut pas dire pour autant que le salarié peut se dire
24:36« Ah, ben, chat perché, je mets tout comme étant personnel,
24:39et puis hop, c'est bon, je suis protégé. »
24:41Non. Là, pour le coup, l'employeur pourra demander au juge
24:45d'avoir accès au dossier comme étant personnel
24:47s'il démontre que c'est assez évident qu'en fait, ce n'est pas personnel.
24:51C'est plutôt rare, on ne va pas se cacher,
24:52mais c'est une possibilité.
24:54Donc, n'abusons pas non plus de la mention personnelle.
24:56Alors, on va s'intéresser au pouvoir de contrôle,
24:58de surveillance de l'employeur.
25:01Concrètement, quel degré de surveillance peut avoir l'employeur
25:04sur les échanges, que ce soit par mail ou par téléphone ?
25:08Alors, c'est une très bonne question.
25:10Ça ne veut pas dire...
25:11Le droit de l'employeur d'accéder à des dossiers
25:14qui sont notés personnels ne veut pas dire pour autant que...
25:17Enfin, pardon, professionnels plutôt,
25:18ne veut pas dire pour autant qu'on a un droit absolu,
25:21à tout regarder tout le temps, à tout monitorer.
25:24Non, non, ça ne marche pas comme ça.
25:25On doit d'abord, premièrement, informer le salarié au préalable
25:29du moyen de contrôle que l'on exerce.
25:32Et ça, en général, c'est fait par le biais de la charte informatique
25:34ou du règlement intérieur.
25:36C'est prévu quand même assez fréquemment.
25:38D'accord.
25:39Une fois qu'on a fait ça,
25:40ce contrôle doit être proportionné.
25:43Ça signifie donc pas de surveillance systématique.
25:45Mais pour autant, on peut très bien,
25:47par échantillonnage,
25:48aller regarder dans la boîte mail,
25:50y compris lorsque le collaborateur a quitté l'entreprise, d'ailleurs.
25:52D'accord. Et c'est souvent quand il quitte l'entreprise
25:55qu'on découvre les messages ?
25:57Exactement. C'est quand il quitte l'entreprise
25:58qu'on va s'intéresser à la question.
26:00Alors, dans le cadre, dans un cadre contentieux,
26:03ça va souvent être ça.
26:05Après, il peut arriver, par exemple,
26:06qu'un salarié soit en arrêt maladie,
26:08qu'on ait besoin d'accéder à sa boîte email
26:10pour des raisons purement professionnelles
26:12et qu'à cette occasion-là,
26:13on découvre des messages
26:15qui peuvent justifier éventuellement
26:17une procédure de licenciement.
26:18Alors, il y a un autre point aussi
26:20qui est assez fréquent,
26:21c'est l'utilisation des réseaux sociaux
26:24où certains salariés
26:26peuvent être amenés à déraper.
26:29Comment ça se passe concrètement ?
26:31Comment l'employeur peut contrôler
26:32les réseaux sociaux ?
26:33Et quel type de messages
26:35peuvent aboutir à une sanction ?
26:37Alors, là, c'est plus délicat
26:38parce que ce n'est plus un outil
26:40de nature professionnelle.
26:42Donc, du coup,
26:42comme ce n'est plus un outil
26:43de nature professionnelle,
26:44moi, employeur,
26:45je peux aller sur LinkedIn
26:46et je regarde et je vois,
26:47quand c'est public,
26:48je vois un dénigrement,
26:50un propos qui ne va pas, etc.
26:52Et là, pour le coup,
26:54on va se poser la question
26:55de savoir si ça relève ou pas
26:56de la vie privée du salarié.
26:57Mais même si ça relève
26:59de la vie privée du salarié
26:59et qu'on peut démontrer
27:00un trouble objectif
27:02dans le comportement du salarié,
27:05là, on peut envisager une sanction.
27:07Ça va dépendre
27:08si on est sur un dénigrement
27:09pur et simple,
27:10là, ça paraît assez évident,
27:11ou si on est sur un propos,
27:12par exemple, sur LinkedIn,
27:14qui peut nuire à l'entreprise,
27:15mais qui, pour autant,
27:16ne fait pas lien avec l'entreprise.
27:18Mais le salarié est identifié
27:19comme appartenant à l'entreprise.
27:21Là, on peut avoir une difficulté.
27:22Donc ça peut quand même atteindre
27:23la réputation de l'entreprise
27:24par le biais du salarié.
27:26Voilà, parce qu'il y a marqué
27:27qu'il travaille pour telle ou telle entreprise
27:28et il prend position
27:29dans le débat public
27:30sur un sujet
27:31qui n'est pas forcément lié
27:32à l'entreprise
27:33mais qui ne correspond pas
27:34à l'image qu'elle veut renvoyer.
27:35Là, ça va être quand même
27:36assez délicat comme licenciement,
27:37mais ça peut s'envisager.
27:39Et il y a une deuxième hypothèse
27:40qui est un échange qui est privé.
27:42J'ai fait un post sur Facebook
27:43sur mon mur qui est privé.
27:46Il y a 200 personnes
27:47qui ont accès, par exemple.
27:48Il y a un arrêt assez célèbre là-dessus.
27:50200 personnes y ont accès
27:51et j'ai fait un post
27:52sur le mur privé.
27:53Alors, la première question
27:53qu'on va se poser, c'est
27:54comment est-ce que l'employeur
27:55a l'information ?
27:57Bien sûr.
27:57Alors là, l'arrêt auquel je pense,
27:59ce qui s'est passé,
27:59c'est que un des collaborateurs
28:01d'entreprise était ami sur Facebook
28:02avec le salarié en question
28:03et a transféré l'information
28:05à l'employeur.
28:05D'accord.
28:06Elle est venue à lui.
28:07Il n'y a pas eu de procédé
28:08déloyale de preuves.
28:09Je ne me suis pas introduit
28:10dans le Facebook.
28:10Non, non.
28:11L'information est venue à moi.
28:12Donc là, la preuve est recevable.
28:14Il n'y a pas de difficulté.
28:15Et après, on va se poser
28:16la question de savoir
28:17si on a un dénigrement
28:18qui est encore une fois
28:19sur un public assez limité.
28:21Si on parle,
28:22on peut faire l'équivalence
28:23avec un dîner en ville.
28:24D'accord.
28:24Si vous parlez avec 3-4 amis
28:26un soir et vous dites
28:27mon patron, il est comme s'il,
28:28il est comme ça,
28:29on va vous dire
28:29c'est la vie privée,
28:30c'est la liberté d'expression.
28:31Quand on est à 200 amis,
28:33enfin amis entre guillemets
28:34sur Facebook,
28:35c'est plus pareil.
28:35C'est plus pareil.
28:36Voilà, exactement.
28:37C'est ça la règle
28:38qui a été dégagée par le juge.
28:40D'accord.
28:40Donc il faut avoir
28:41un peu conscience
28:42justement de cet environnement
28:44quand on se laisse aller
28:46à certaines phrases
28:46sur son employeur.
28:47Exactement.
28:48Il faut être conscient
28:49de son propos,
28:50y compris sur Twitter,
28:53sur Facebook.
28:53Vous savez, on dit souvent
28:54il faut tourner cette fois
28:55sa langue dans sa bouche
28:55avant de parler.
28:56C'est pareil pour son piano de téléphone,
28:58pour son clavier de téléphone.
28:59On va conclure là-dessus.
29:00Merci Fadis Faire
29:02d'être venu sur notre plateau.
29:03Je rappelle que vous êtes
29:04off-console
29:05au sein du cabinet Capstan.
29:06Merci beaucoup.
29:08C'est la fin de cette émission.
29:09Merci de votre fidélité.
29:11Restez curieux et informés.
29:13À très bientôt
29:13sur Bsmart4Change.
29:14Sous-titrage Société Radio-Canada