15 000 tonnes d’équivalent CO2, c’est la quantité d’émissions de gaz à effet de serre d’un festival de grande taille, situé en périphérie d’une ville, selon The Shift Project. Repenser le spectacle musical pour réduire son empreinte carbone devient un défi pour le secteur. Le Climax Festival et le chanteur Gael Faure tentent de le relever.
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00:00Comment décarboner les spectacles, les festivals, c'est le thème de notre débat.
00:10Je vous présente mes invités tout de suite.
00:11Philippe Barr, bonjour.
00:12Bonjour.
00:13Vous êtes le cofondateur du Climax Festival, fondateur de Darwin aussi,
00:18l'écosystème de l'ancienne casernière à Bordeaux.
00:21Et Gaël Fort, bonjour.
00:22Bonjour.
00:22Vous êtes auteur, compositeur, interprète.
00:25Allez, on présente pour démarrer.
00:26C'est quoi ce Climax ou Climax Festival ?
00:29C'est un festival qui existe depuis 2015 maintenant.
00:32On est parti il y a maintenant 10 ans pour essayer de réveiller un petit peu plus les consciences,
00:41faire en sorte que la joie, la convivialité soient au cœur de la transformation.
00:49On pense que l'art, l'art de vivre, la culture sont les ferments du changement.
00:54Même s'il est important d'être lucide et de parler de la réalité du monde,
01:00si on peut le faire en donnant aussi du plaisir et en enthousiasmant les gens, c'est important.
01:05Parce qu'on ne les emportera pas qu'en les stigmatisant, en les montrant du doigt.
01:09On est 100% d'accord.
01:10C'est un des enjeux majeurs dont on parle souvent ici, l'acceptabilité, la capacité à emporter les foules.
01:15D'une certaine façon, vous mêlez artistes et activistes, si je simplifie ?
01:19Il y a des artistes, activistes, scientifiques, même aussi politiques, des philosophes, des sociologues.
01:27Il y a vraiment des profils très différents qui se croisent.
01:31Il y a autant de conférences que de musiques, que d'expositions.
01:37Aussi du ride, parce qu'on est un lieu où on fait du skate, du BMX, du roller.
01:43Je l'ai visité plusieurs fois à Darwin, j'y suis allé.
01:45Il y a aussi des riders qui viennent pendant ce festival-là.
01:50C'est un joyeux mélange.
01:54Les Anglais parlent d'empowerment.
01:58C'est de donner vraiment le pouvoir de changer les choses aux gens par un sentiment aussi du collectif.
02:06Et la musique, l'art, avec toutes les conférences qu'il y a, cette alchimie fonctionne bien depuis 10 ans.
02:15Vous vous définissez, Gaël Fort, comme un chanteur artisan.
02:18Pourquoi ce terme ?
02:21Oui, parce qu'il fallait en donner un.
02:22Non, non, mais c'est parce que je suis fils de paysan, art des choix.
02:26Je viens de là, j'ai été vraiment pétri de terre, de tout ça.
02:29Donc, dans ce système qui, moi, m'a un peu épuisé, qui était beaucoup trop usinier, justement.
02:35Et c'est pour ça que j'ai fait ce...
02:36L'industrie musicale.
02:37L'industrie musicale, voilà.
02:38Déjà, ça ne me convenait pas, mais j'ai mis beaucoup de temps à me rendre compte de ça,
02:41parce que j'ai commencé assez jeune.
02:43Et je mets beaucoup de temps, finalement, à faire mes chansons, à réfléchir pourquoi je le fais.
02:47Je me questionne beaucoup sur pourquoi, en fait, je fais ce métier encore aujourd'hui.
02:50Alors, j'ai l'impression de me vivre un peu en artisan.
02:52C'est vrai, assez souvent.
02:53Et puis, je n'ai pas envie d'être juste, je crois, un énième chanteur, comme ça, qui prendrait la parole.
03:01J'aime bien préciser un peu les choses.
03:03Et c'est pour ça que j'ai fait ce pas de côté avec ce spectacle, notamment.
03:07Effectivement, dont on va voir un extrait.
03:09Et surtout, le témoignage d'un spectateur.
03:12On verra ça tout à l'heure.
03:14Le bruit du blé, c'est le titre de ce spectacle.
03:17Vous êtes passé, effectivement, par La Nouvelle-Sarce, il y a une vingtaine d'années.
03:21Et vous dites, bon, OK, je sors de la machine de l'industrie.
03:25C'est-à-dire, il y a une vingtaine d'années.
03:26Oui, c'est ça.
03:28Ça pique.
03:29Et encore, c'est un gamin.
03:30Et moi, je dis, ça pique.
03:31Bon, bref.
03:32Et donc, vous dites, je sors de l'industrie musicale.
03:36OK ?
03:37Sauf que comment on fait un spectacle qui est quand même rentable ?
03:39Comment on gagne sa vie en sortant de cette mécanique-là ?
03:43C'est un défi compliqué.
03:43Parce que nous, déjà, ça fait 20 ans, dans cette émission, et c'est vrai que c'est vraiment derrière moi.
03:48J'étais un enfant.
03:49Et puis, je suis juste simplement revenu à des choses que je...
03:53C'est ce que je disais un peu tout à l'heure.
03:54Je me suis réquestionné sur pourquoi je faisais ce métier encore.
03:57Et surtout, mon utilité dans ce métier.
04:00Parce que moi, du haut de mes 37 ans, je vois aussi beaucoup d'artistes qui veulent juste simplement être un peu connus,
04:05être des artistes et remplir des salles.
04:06Et c'est très bien.
04:08Chacun a son parcours.
04:09Mais c'est vrai que moi, je commençais à être triste.
04:11En fait, j'avais plus trop de joie.
04:14J'étais plus assez nourri, finalement, par ce que je faisais.
04:16J'ai habité à Paris à l'époque.
04:17Je reviens aujourd'hui.
04:18Mais je veux dire, j'étais un peu dans une petite belle dépression, je crois,
04:22au bout d'un moment, à me rendre compte que les grosses maisons de disques et tout ça, c'était pas moi.
04:26Et c'est pour ça que j'aime le côté un peu artisan.
04:28Parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup plus de...
04:30On est plus proche des gens.
04:31Moi, j'avais surtout vraiment ce besoin-là.
04:33Besoin de sortir aussi des salles de spectacle pour voir les gens,
04:36pour connecter avec eux.
04:38Et surtout, le spectacle vivant dans le vivant, quoi.
04:42C'est tout simplement ça.
04:44La boîte noire me fatigue.
04:46Je me nourris plus.
04:49Donc, c'est un peu un pari aussi.
04:51Mais oui, j'en vis mieux à tout niveau, quoi.
04:54C'est vraiment ça.
04:55Mais après, ça veut dire qu'il y a beaucoup de choses à mettre en place.
04:58Parce qu'il faut aller chercher, évidemment, les financements.
04:59Parce que c'est vraiment un truc un peu de travers.
05:01Donc, c'est moi qui appelle les agriculteurs, les maraîchers, les vignerons.
05:05Parce que vos spectacles, vous les faites sur leurs exploitations.
05:09Exactement.
05:09Et mon père étant agriculteur, je l'ai vu devoir arrêter la ferme
05:13parce que crise du lait en 2003.
05:15Grosse sécheresse en 2003.
05:16Il faisait 15 tonnes de framboises.
05:17On n'avait plus de...
05:19Enfin, les framboises avaient été grillées sur plan à l'époque.
05:22Je connais la difficulté agricole.
05:24Et j'ai envie de donner ma voix dans un endroit où ça a du sens, en fait.
05:28Parce que, finalement, chanter, on a un impact.
05:31On doit avoir un impact.
05:32On devrait, selon moi, avoir un message à faire passer.
05:36Et j'ai l'impression qu'aujourd'hui, c'est assez creux, ce qui se passe.
05:39Je voudrais qu'on...
05:40Sans vouloir...
05:40Non, mais j'entends l'argument.
05:43Je voudrais qu'on parle de l'impact carbone de ce métier, des festivals.
05:47On a trouvé, c'est le Shift Project qui donne ce chiffre.
05:50L'impact carbone d'un festival de grande taille sur 4 jours.
05:53Ils ont pris l'exemple des vieilles charrues.
05:55C'est plus de 15 000 tonnes d'équivalent CO2.
05:57Comment on crée un...
05:58Alors, là, on peut parler de Climax, mais on peut parler de Darwin aussi, du lieu, quoi.
06:03Comment on crée, finalement, une économie différente ?
06:06Alors, déjà, c'est partir du principe qu'on doit...
06:10On doit, même s'il y a des...
06:12On sait que dans le festival, l'élément carbone le plus important...
06:16C'est les déplacements des spectateurs.
06:17C'est les déplacements des spectateurs, des festivaliers, des gens qui viennent.
06:22Pour autant, ce n'est pas pour cette raison-là qu'on ne doit rien faire sur les petites choses.
06:27C'est l'accumulation de tous les curseurs qui fait qu'on va être à la fois performant,
06:32mais surtout qu'on va être cohérent vis-à-vis des festivaliers.
06:36Donc, l'alimentation, la gestion des déchets, le sourcing de l'énergie, etc.
06:40On recycle jusqu'au... Nous, aux toilettes, on est VG, 100% bio pendant le festival.
06:46On est 100% bio toute l'année à Darwin, mais on est 100% VG pendant le festival.
06:50On essaye aussi de démontrer des choses à ce niveau-là.
06:53Et puis, le fait de le faire en ville, eh bien, on a beaucoup moins de déplacements
06:57que si on le faisait loin des gens.
07:00Parce que Darwin, c'est dans Bordeaux, c'est une ancienne caserne.
07:04On est au cœur de Bordeaux, dans une vieille caserne.
07:05Les gens viennent majoritairement en transport doux, à vélo, à pied, en transport en commun.
07:11Donc, déjà, ça, ça réduit considérablement.
07:14C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on est ravi que Gaël vienne aussi en ville,
07:20même si, principalement, il est à la campagne.
07:24Mais c'est important aussi de venir parler à la masse, à cette masse qui sonde dans les villes.
07:31Il sera aussi au consulat Voltaire en mai, dans le 11e à Paris.
07:35On est ravis de l'accueillir à Darwin pour Climax.
07:39Parce qu'on a besoin de piqûres de rappel régulières,
07:44où, collectivement, on va communier, même si ça fait un peu religieux,
07:49mais au sens de la spiritualité de la transformation.
07:54C'est Hubert Reeves, qui a été le parrain du premier Climax,
07:58qui disait, il faut célébrer la vie.
08:02Et on a besoin de se retrouver en communion pour ça.
08:06Avec ce spectacle qui s'appelle, donc, Le bruit du blé,
08:09que vous proposez depuis 2019, inspiré de l'oeuvre de Jean Gionneau,
08:13vous partagez la scène avec le comédien et danseur Nicolas Martel.
08:17On va voir, alors, quelques secondes où on vous voit chanter.
08:22Et puis surtout, et c'est vous qui nous avez dit,
08:24tiens, regardez ça, parce qu'il y a un témoignage de spectacteurs
08:27qui est assez marquant.
08:28Regardez.
08:28A la fois, le texte et sa voix et son accompagnement musical m'ont beaucoup touché.
08:49Et en plus, ce qui a été magique, c'est que je crois qu'il m'a reconnecté,
08:52j'en ai vraiment conscience, a des racines profondes,
08:57dans le sens où mon père est agriculteur, mon grand-père est agriculteur.
09:01Moi, c'est un milieu que je ne connais pas.
09:03Et ça m'a vraiment pris au trip.
09:07Voilà. Alors, ce qu'on ne voit pas là, mais il faut aller retrouver le film,
09:11mais vous êtes effectivement en pleine exploitation.
09:15Il y a des grandes tables, c'est-à-dire qu'il y a le spectacle,
09:16ensuite on dîne ensemble.
09:18C'est ça, le bruit du blé, quoi.
09:20Oui, c'est ça. Merci de le dire, parce que c'est ça, la démarche.
09:22De ne pas faire juste un spectacle.
09:24Mais en fait, toute la journée, la dimension de la journée, c'est déjà le spectacle.
09:28C'est le côté immersif pour les gens aussi.
09:30Moi, ce qui me fatigue souvent, en tout cas en ville, dans les grandes villes,
09:33c'est ça sort du métro et puis ça arrive dans le spectacle.
09:36On ne s'est pas préparé et puis on rentre chez soi.
09:38Mais là, on va chercher des mots.
09:41En plus, Jean Giono est vraiment, pour moi, un des plus grands auteurs.
09:45Bref, peu importe, j'aime tellement, je suis amoureux de cet homme,
09:47de ce qu'il a écrit.
09:48Et je pense qu'il est important, en effet, de traverser dans la sensation, en fait,
09:52les choses et d'être sur une, j'aime pas le mot exploitation, mais sur une ferme.
09:57Voilà, vraiment au cœur de ça, en écoutant aussi le fermier parler,
10:00parce qu'on lui donne la place.
10:02Moi, c'est vraiment rendre l'honneur aussi à ces gens qui travaillent,
10:06qui œuvrent à la force de leur bras et de leur cœur tous les jours,
10:09qui se battent contre une industrie qui est absolument violente.
10:12Et célébrer.
10:14C'est vraiment ça, l'important.
10:16Je me suis dit, moi, j'ai jamais fait encore mon spectacle chez mes parents,
10:19mais je me suis dit, j'ai besoin d'aller vers les gens,
10:21et non pas que ce soit les gens qui vont vers nous pour une fois,
10:24on va chez eux.
10:25C'est pour ça que la jauge, on a 150, 200 personnes.
10:28Et c'est déjà bien suffisant.
10:30Parce que c'est un spectacle de l'ordre de l'écoute active.
10:32On n'a pas besoin de...
10:34Si on est trop, en fait, ça fonctionnera presque pas.
10:36Parce que, voilà, on est forcément gêné par quelque chose ou quoi.
10:40Et là, c'est la réunification de quelque chose, une communion, justement,
10:43pour retrouver du sens, en fait, et du calme.
10:47Avec des mots qui portent, qui ont un vrai message, une émotion.
10:51C'est pour ça que j'aime bien aussi, je l'appelle le spectacle permaculturel,
10:53puisqu'il lit la musique, les textes et aussi le corps.
10:57Parce qu'on ne peut pas parler du monde paysan sans parler du corps physique.
11:00Et il y a une réunification à la fin, une célébration avec un dîner.
11:03Et là, on est carrément... Là, c'était en Bretagne.
11:06On était chez les producteurs, des maraîchers.
11:08Il y avait une grande table et un banquet.
11:09Oui, ça donne envie d'aller s'asseoir et de partager le dîner après le spectacle.
11:12C'est simple, mais c'est très important.
11:14Parce que je pense que les gens qui sont venus voir ce spectacle
11:17ne l'oublieront pas forcément, parce que ce n'est pas que le spectacle.
11:21C'est ça qui est...
11:22Merci beaucoup. Elles ont filé vite les 12 minutes.
11:24Les dates du prochain climax, c'est quand ?
11:26C'est du 11 au 14 septembre.
11:30Et un message, on en parlait juste avant de rentrer sur le plateau.
11:33« Lisez Jean Gionneau, l'homme qui plantait des arbres. »
11:36Bien sûr, évidemment.
11:38Merci à tous les deux et à bientôt.
11:40Merci à vous.
11:40On passe à notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables.
11:43Merci à tous les deux et à bientôt.
11:44Merci à tous les deux et à bientôt.
11:46Merci à tous les deux et à bientôt.