Mardi 15 avril 2025, retrouvez Arnaud Dubois (Cofondateur, Matis) dans ART & MARCHÉ, une émission présentée par Sibylle Aoudjhane.
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art et Marché, votre émission hebdomadaire consacrée au marché de l'art.
00:13Et cette semaine, nous décryptons le tout nouveau rapport UBS Art Basel, une étude annuelle qui analyse les grandes tendances du marché mondial de l'art et des antiquités.
00:21Pour en parler, nous accueillons Arnaud Dubois, cofondateur de Matisse, une plateforme d'investissement dans l'art.
00:26Ensemble, nous verrons comment ce rapport peut éclairer sur les stratégies d'investissement dans un contexte marqué par l'arrivée progressive de nouvelles générations de collectionneurs avec de nouveaux goûts, de nouvelles manières de collectionner.
00:37Merci à toutes et tous. Qui nous rejoignez tout de suite, c'est Art et Marché.
00:44Le rapport Art Basel UBS a été dévoilé, publiant une baisse des ventes, mais aussi plusieurs axes d'évolution de marché qui permettent d'établir des stratégies d'investissement intéressantes.
00:55Et pour en parler, je suis ravie d'être avec Arnaud Dubois, cofondateur de Matisse, une plateforme d'investissement dans l'art.
01:01Alors tout d'abord, Arnaud, merci beaucoup d'être avec nous.
01:04Bonjour Sibyla Oudjan.
01:05Est-ce qu'un tel rapport comme ça, c'est fondamental pour votre métier ?
01:09C'est fondamental parce qu'on est une société d'investissement.
01:12On doit savoir dans quelle classe d'actifs on investit.
01:15On parle d'une baisse d'un marché de l'art de 12% par rapport à l'année précédente.
01:20Mais dire que le marché de l'art a baissé de 12%, ça revient exactement à dire que le marché de l'immobilier mondial a monté ou baissé.
01:27Et vous pensez bien que le marché de l'immobilier n'est pas le même à Paris, à Londres, à Tokyo, à New York, que à nos gens le retrouvent.
01:34Avec toutes mes amitiés les plus sincères pour les habitants de nos gens le retrouvent, bien sûr.
01:38Mais avec un marché à plusieurs vitesses, étudier la granulométrie du marché nous permet de préciser notre classe d'actifs.
01:44Et donc, est-ce que là vous avez parlé de 12% ? De ce rapport, qu'est-ce qu'il en ressort ?
01:51Quels sont les chiffres clés qui vous intéressent particulièrement ?
01:54Alors moi ce qui m'intéresse lorsque je regarde un rapport comme ça, c'est plusieurs chiffres.
01:57Le premier, c'est la segmentation du marché.
02:00Par exemple, lorsqu'on regarde les œuvres qui sont échangées dans le monde,
02:04on se rend compte que l'immense majorité des transactions se font sur des œuvres réalisées au XXe siècle.
02:11Je ne cesse de le dire, mais le marché de l'art cesse de nous surprendre.
02:15Il est extrêmement contre-intuitif.
02:17Un marché de l'art ancien représente moins de 8% du marché de l'art mondial.
02:23Donc depuis les impressionnistes en 1870 jusqu'à nos jours,
02:28nous avons plus de 90% du marché de l'art mondial en valeur et en volume.
02:34Ne vous dirigez pas ou peu sur des artistes lorsque vous investissez
02:39avec une profondeur de marché faible, ça s'explique tout naturellement.
02:44Ces artistes sont dans les musées pour en grande partie d'entre eux
02:47et donc il est normal que l'on ne trouve pas ces œuvres.
02:50S'il n'y a pas d'œuvres, il n'y a pas ou peu de marché.
02:54Lorsqu'on regarde plus précisément, on se rend compte qu'une œuvre sur deux
02:57vendue dans le monde a été réalisée par un artiste américain.
03:01Une œuvre sur deux vendue dans le monde a été vendue aux États-Unis.
03:05Maintenant, lorsqu'on regarde les prix, on se rend compte qu'on a un marché à trois vitesses.
03:12D'abord les œuvres à moins de 50 000 dollars et ces œuvres à moins de 50 000 dollars
03:16représentent 95% du marché de l'art mondial en volume.
03:22Mais attention, 95% du marché de l'art mondial en volume ne représente seulement
03:26que 17% du marché de l'art mondial en valeur.
03:29Lorsqu'on regarde l'extrémum en face, les œuvres à plus de 10 millions, certes c'est 0,2% du marché de l'art mondial en volume
03:38mais c'est 18% du marché de l'art mondial en valeur.
03:42En somme, les œuvres à moins de 50 000 et à plus de 10 millions pèsent le même poids en valeur.
03:47Et donc ça, comment est-ce qu'on peut l'appliquer dans nos stratégies d'investissement ?
03:52Dans la stratégie d'investissement, c'est que surtout il ne faut pas aller sur ces classes d'actifs.
03:55Au moins d'une opportunité exceptionnelle, les œuvres pas chères évoluent sur un marché qui est beaucoup plus régional.
04:02Les œuvres qui sont très chères ont un segment de marché beaucoup plus faible.
04:05Il y a beaucoup moins d'acheteurs qui peuvent dépenser 30, 40, 50 millions de dollars,
04:10il y en a de plus en plus chaque année, mais qui peuvent dépenser autant d'argent pour des œuvres aussi importantes.
04:14On a affaire à un marché qui est très resserré.
04:16Par contre, par opposition, des œuvres à moins de 50 000 dollars sont extrêmement démocratiques.
04:22Maurice Rince, en son temps, disait que nous vivions dans un enfer d'objets.
04:26Il a bien raison.
04:27Elles sont toutes autour de nous, elles nous envahissent,
04:30mais malheureusement, elles sont relativement peu rentables.
04:33La conclusion qui est la nôtre, elle va être se diriger sur ce que Mathis vise.
04:37Ce sont des œuvres entre 250 000 et 5 millions de dollars, 4,5% du marché,
04:43mais qui représentent plus de 65% du marché de l'art mondial en valeur.
04:48Voilà, donc se diriger vers les zones de masse, les grands pourcentages en tout cas.
04:53Oui, on a affaire à un marché qui accentue sa forme de toupie.
04:57Ces grands pourcentages sont pour nous extrêmement importants.
05:01Lorsqu'on voit l'évolution du marché année après année,
05:05depuis 3 ans, on observe une baisse du nombre du produit de vente sur des œuvres à plus de 10 millions.
05:13Et en même temps, on voit, et ça c'est très intéressant, une augmentation massive de 12 à 16%.
05:21Vous voyez, c'est quand même important, des œuvres à moins de 50 000 dollars.
05:25Donc on a affaire à de plus en plus d'objets qui ne sont pas chers,
05:28mais ça aussi s'explique par la sociologie des collectionneurs qui veulent se faire plaisir,
05:32qui n'achètent pas que pour des raisons d'investissement,
05:35qui se posent la question de l'œuvre d'art comme un objet social, un objet décoratif,
05:39un objet contemplatif avec lequel ils vivent.
05:42Et c'est tant mieux, et c'est tant mieux.
05:44D'ailleurs, lorsqu'on regarde les nouveaux acheteurs en ligne,
05:47et on parlera peut-être de ça tout à l'heure,
05:49mais ça c'est un des changements fantastiques dans ce marché,
05:53on se retrouve qu'on se rend compte qu'un acheteur sur deux en ligne est un nouvel acheteur.
05:58Donc on a affaire à des acheteurs qui sont plus jeunes,
06:00on a affaire à des acheteurs qui sont aussi moins fidèles, moins captés,
06:05ces sociétés de vente aux enchères ne les connaissaient pas.
06:08Mais lorsqu'on regarde le marché de l'art, je parlais de toupie tout à l'heure,
06:12ce gros de la toupie entre 250 000 et 5 millions,
06:15et bien c'est un marché qui année et après année ne bouge pas.
06:19Et ça c'est extrêmement rassurant,
06:21car Mignac a fait sa fortune non pas en apportant des plus-values à ses clients,
06:25mais en période de crise, lorsque tout le monde faisait moins 40, il a fait zéro.
06:29Ce marché de l'art en ce moment ne bouge pas et c'est plutôt rassurant.
06:33D'accord, donc les moins 12% à 57 milliards de dollars,
06:38finalement c'est pas sur ça qu'il faut s'arrêter,
06:40mais il y a plein de réajustements à avoir, de stratégies intéressantes
06:45et donc tous les acteurs professionnels ne sont pas forcément touchés par ces...
06:50Non, ils ne sont pas tous impactés,
06:51alors c'est moins 12%, même quand on les prend de manière très globale,
06:55ils ne sont pas très graves.
06:57Pourquoi ? Parce que le marché de l'art depuis à peu près une vingtaine d'années
06:59fait entre 55 et 75 milliards.
07:03Alors c'est très curieux parce qu'entre 55 et 75 milliards depuis 20 ans,
07:07dans un monde qui s'est considérablement enrichi,
07:10pourquoi ? Et c'est une vraie question qu'on peut se poser,
07:12pourquoi est-ce que le volume transactionnel,
07:15pourquoi est-ce que la valeur des échanges depuis 20 ans
07:17n'a absolument pas bougé ? Il est extrêmement stable
07:21et c'est tout à fait étonnant.
07:24Pourtant lorsqu'on regarde les valorisations des actifs chez les particuliers,
07:29en somme la totalité des œuvres d'art qui sont détenues chez les particuliers,
07:33nous avions l'année dernière 2150 milliards de dollars détenus chez les particuliers,
07:40on entend en 2026 cumuler plus de 2850 milliards de dollars chez les particuliers,
07:49cette augmentation de 700 milliards de dollars en moins de 5 ans,
07:56c'est stratosphérique,
07:58et bien ça s'explique de la façon suivante,
08:01c'est la concentration des valeurs,
08:03les chefs-d'œuvre valent de plus en plus cher,
08:06et donc il, et c'est toujours dans ce rapport qu'il le met en évidence,
08:10et nous ça nous dirige,
08:12ça nous dit que la ligne à conduit de nos investissements
08:15continuait à se diriger vers des artistes blue-chip,
08:19vers des valeurs refuge.
08:21Et ce qui est intéressant c'est qu'on voit à travers ce rapport
08:23que le marché, en tout cas la cible des acheteurs,
08:28va progresser et s'enrichir,
08:31parce qu'on parle aussi de transfert de richesses,
08:33de toute cette population qui va arriver sur le marché,
08:36qui hérite en fait des richesses de leurs parents,
08:40de leur collection, etc.
08:42Donc ça c'est des pistes intéressantes pour les professionnels,
08:46pour s'adapter aussi à cette nouvelle population qui va arriver.
08:50Oui Sybille, vous avez raison,
08:52on parle d'un transfert de à peu près 80 et 90 milliards de dollars sur...
08:5784 000 milliards, non ?
09:0084 000 milliards de dollars.
09:0184 000 milliards, pardon, entre 80 et 90 000 milliards de dollars,
09:07ce qui est une somme qui est considérable sur une vingtaine d'années à peu près.
09:10Alors ça implique plusieurs choses,
09:13ça implique qu'il va y avoir d'abord une masse financière
09:17qui va complètement bouger,
09:18avec des goûts qui vont aussi complètement changer.
09:21Lorsqu'on prend l'exemple des artistes impressionnistes,
09:24on a obtenu une maturité de marché après une centaine d'années,
09:29entre leur création en 1870-1880
09:32et leur maturité de marché en 1990 où les records sont établis.
09:36Depuis, on a peu de tableaux impressionnistes
09:38qui dépassent les 100 millions de dollars.
09:40On a affaire à des offres qui sont très chères
09:42et sur une courbe qui est, j'allais dire, très asymptotique,
09:46on est monté très très haut,
09:48mais ensuite on s'est énormément stabilisé.
09:50La question que ça pose, c'est la maturité de marché.
09:52Alors on envisage peu nos investissements sur une vingtaine d'années,
09:56mais on se pose raisonnablement la question
09:57de quels sont les artistes,
09:59quelles sont les oeuvres qui seront encore collectionnées dans 20 ans.
10:03Celles sur lesquelles on va encore connaître de la croissance.
10:05Je crois que des artistes comme Basquiat,
10:07alors Basquiat, c'est plus un artiste qui est jeune,
10:10c'est un artiste des années 80,
10:12mais des artistes comme Kiss Haring,
10:13des artistes comme Basquiat,
10:15sont des artistes qui ont aujourd'hui 40 ans de track record.
10:18Dans une vingtaine d'années, ils auront 60 ans de résultats de vente aux enchères.
10:23On aura accès à un marché qui sera mûr.
10:27Est-ce que Basquiat, son marché,
10:30tiendra encore plus de 40, 50, 60 ans ?
10:34Est-ce que ce sera un marché qui continuera à croître ?
10:37On le pense sur certains artistes,
10:38mais on pense aussi que beaucoup d'artistes des années 50
10:41voient leur cote au maximum à ce jour.
10:44Et puis, c'est des manières aussi de collectionner qui sont différentes.
10:48Vous avez parlé tout à l'heure d'achats en ligne,
10:51d'achats aussi beaucoup plus spontanés.
10:53Ça, c'est des manières.
10:55Enfin, je veux dire, tous les professionnels de l'art
10:56doivent quand même se poser la question,
10:58réagir, se réajuster par rapport à...
11:01Beaucoup d'achats qui sont spontanés.
11:03Ça, c'est incontestable.
11:04Et aussi, il y a une façon de se dire
11:09qu'on va diversifier son cash.
11:10C'est-à-dire que, quand on discute avec des marchands
11:14plus expérimentés que nous,
11:17ils avaient affaire à une clientèle
11:19qui parlait peut-être davantage d'oeuvres.
11:21Aujourd'hui, on a affaire à des collectionneurs
11:24qui sont peut-être un petit peu mieux informés,
11:27c'est incontestable,
11:28mais qui ont peut-être moins de connaissances en histoire de l'art,
11:32qui savent très bien que tel artiste va faire la couverture de flash art
11:35et que c'est le moment d'acheter.
11:36Voyez, ce type de...
11:37Ils comprennent très très bien les rouages et les mécanismes.
11:39Ils le comprennent extrêmement bien.
11:42Ils en jouent.
11:42Ils sont proches des galeries,
11:44des sociétés de vente aux enchères.
11:46Et puis, ces gens-là veulent donner aussi du sens à leur patrimoine.
11:50Ils n'ont pas de problème à acheter,
11:51mais ils n'auront pas de problème non plus à vendre.
11:54D'accord.
11:54En tout cas, on peut...
11:55Ce qui est rassurant,
11:56c'est qu'avec ce transfert de goût, de richesse, etc.,
11:59c'est un marché en expansion.
12:01Et ça, c'est quand même rassurant.
12:02Et qui nous laisse encore du grain à moultre pour quelques années.
12:04C'est ça.
12:04Merci beaucoup, Anneau Dubois.
12:06Je rappelle que vous êtes cofondateur de Matisse.
12:07Merci beaucoup, Sibyla Oujan.
12:09Merci à vous toutes et toutes de nous avoir suivis.
12:11C'était Arrêt Marché.
12:12Sous-titrage Société Radio-Canada