Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Le Carrefour de l'info, sur Arabelle.
00:07Voilà, je vous le disais dans les titres tout à l'heure, dans ce Carrefour de l'information,
00:11une mobilisation importante se déroule chez nous à Bruxelles.
00:14La semaine d'action pour dénoncer la précarité liée au logement et pour nous en parler.
00:19Nous avons le plaisir d'avoir avec nous Henriette Essamy, qui porte parole du comité des femmes sans papier.
00:24Bonjour.
00:25Bonjour.
00:26Merci d'être avec nous sur Arabelle.
00:27Une première question si vous le voulez bien.
00:29Henriette Essamy, est-ce que vous pouvez nous expliquer tout d'abord en quoi consiste cette semaine d'action
00:34et pourquoi finalement elle est organisée ?
00:36Cette semaine d'action est organisée afin d'attirer l'attention du grand public
00:42sur les questions du sans-abrisme et, j'ai envie de dire, le logement précaire
00:53et, entre autres, le non-accès au logement pour certaines catégories de personnes,
00:59notamment les personnes sans papier, qui, en raison de la précarité de leur statut administratif,
01:07ne sont pas en mesure d'accéder au marché locatif du logement.
01:11Et donc c'est un moment pour faire la lumière sur certains angles morts de la question du logement
01:18qui n'est pas visible de tout le monde.
01:20Alors justement, pourquoi avoir choisi ce moment précis pour organiser cette semaine d'action ?
01:25Ce n'est pas une coïncidence avec la grève qui vient de se dérouler ?
01:27J'ai envie de dire, oui, une belle coïncidence.
01:32Disons aussi que le contexte sociopolitique actuel mène un peu tout le monde à se retrouver dans la rue
01:42et à aller porter, ou plutôt revendiquer, des droits et un peu grogner, taper sur la table
01:49là où, à certains endroits, les personnes ne sont pas entendues.
01:53Alors justement, concrètement, quels sont les principaux messages que vous souhaitez véhiculer
01:58et quels liens vous faites aussi entre la question des sans-papiers et la crise du logement à Bruxelles ?
02:03Sur la question du logement, en fait, ce que j'ai envie de dire en premier ou de véhiculer,
02:09c'est de faciliter déjà l'ouverture ou l'accès aux bâtiments inoccupés
02:15vu que les occupations de personnes sans-papiers sont devenues la solution qui soulage justement ce problème de logement
02:25à défaut donc d'aller louer des espaces de façon légale.
02:29Et l'accès à ces logements, à ces bâtiments, est assez difficile.
02:34Mais surtout, arriver à conclure des conventions d'occupation précaires
02:38qui permettent aux personnes de s'installer et de bénéficier d'un minimum de stabilité,
02:42ce n'est pas toujours évident d'y arriver,
02:44bien qu'il existe une loi qui facilite aux bourgmestres de différentes communes
02:49de réquisitionner des bâtiments inoccupés.
02:52Et donc la première revendication, c'est celle-là.
02:55Mais ensuite, j'ai envie de dire que la revendication bannière,
02:59c'est de faciliter la régularisation des personnes sans-papiers.
03:03La loi qui permet aux personnes sans titre de séjour présentes sur le territoire
03:09de demander un titre de séjour, justement, ne contient pas de critères,
03:13ne comprend pas de critères, ce qui rend difficile pour les personnes
03:17la constitution de leur dossier de régularisation.
03:20Et par ricochet, comme je le disais dans mon introduction,
03:26le fait de ne pas avoir de titre de séjour ferme l'accès à tous les autres droits,
03:32j'ai envie de dire, fondamentaux.
03:35Et voilà un petit peu les deux revendications phares.
03:39– Oui, alors il y a une semaine d'action.
03:41Justement, comment va se dérouler cette semaine ?
03:44Disons des questions pratico-pratiques, qu'est-ce qui va se passer ?
03:46Qu'est-ce qui va se dérouler ?
03:48– Eh bien le 6, donc dimanche prochain, il y a un grand moment de prévue
03:55autour, je n'ai pas en tête l'adresse bien spécifique,
04:00mais c'est autour, sur la place du jeu de balles,
04:03qu'il y aura un grand rassemblement de prévues,
04:07avec diverses petites actions, des prises de parole,
04:12de groupes assez distincts, qui viennent à leur façon
04:16porter des revendications en lien avec la question du logement,
04:20ou la précarité plutôt du logement.
04:22– Les sorts papiers, la précarité, la problématique du logement
04:25qui touche essentiellement les femmes.
04:28Alors justement, quelles sont les principales revendications
04:31des femmes sans papier, et quelles sont les principales difficultés
04:34que ces femmes rencontrent justement en matière de logement ?
04:37– Pour résumer, la principale revendication des femmes sans papier,
04:42j'ai envie de dire qu'elle pourrait se résumer de cette façon,
04:45la place d'aucune femme n'est dans la rue.
04:48En tant que femme, mais aussi ayant pour plusieurs d'entre nous des enfants,
04:56les femmes et les enfants justement sont plus sensibles
05:01ou plus vulnérables face à certaines conditions,
05:04et notamment devant vivre dans la rue,
05:07certaines violences qui soient liées au genre,
05:11ou justement au fait d'être un enfant ou d'être une femme,
05:14sont vécues assez durement par les femmes.
05:20Et donc voilà, la revendication principale,
05:23c'est de faciliter l'accès au logement,
05:25mais surtout, j'ai envie de dire,
05:28permettre aux personnes sans papier, aux femmes et aux enfants surtout,
05:34d'avoir un toit au-dessus de leur tête,
05:37mais pas juste un toit, avoir des espaces qui soient salubres,
05:40qui soient vivables, si je peux le dire ainsi,
05:44parce que bien souvent, les bâtiments qui sont occupés
05:48par les personnes sans papier ne répondent pas toujours
05:52aux critères, j'ai envie de dire, d'un logement officiel.
05:56Et très souvent, les personnes doivent composer
05:59avec des espaces qui sont soit réduits,
06:03ou des sanitaires qui soient en nombre insuffisant,
06:08ou parfois pas d'eau ou des problèmes d'électricité
06:12qu'il faille constamment surveiller.
06:15Et donc voilà, permettre l'accès à des logements stables,
06:19et j'ai envie de dire dignes des personnes humaines
06:24que sont censées être les personnes sans papier aux yeux de tous.
06:28Henriette Essamie, est-ce qu'il est important de souligner
06:32qu'il y a une spécificité dans la précarité des hommes
06:35et des femmes sans papier par rapport aux hommes, justement ?
06:38La précarité des femmes par rapport aux hommes,
06:42oui, bien sûr. J'ai envie de dire que, j'évoquais le fait,
06:51par exemple, pour une femme de devoir porter une famille,
06:54avoir à sa charge des enfants, cela représente aussi
07:01un certain coût de la vie qui peut être assez élevé.
07:05Et comme je le disais à un moment donné,
07:08le fait de ne pas avoir de titre de séjour vous ferme l'accès
07:11à tous les droits, j'ai envie de dire, légaux.
07:15Vous ne pouvez pas travailler, accéder au marché légal du travail,
07:21ce qui fait que vous devez vous rabattre sur le travail en noir
07:25qui implique toute une série de violences
07:28qui ne sont pas toujours suffisamment mises en lumière.
07:32Et très souvent, les employeurs, j'ai envie de dire,
07:35et j'ai toujours un peu de mal à utiliser ce terme,
07:39sachant que ce n'est pas dans le cadre officiel, si je peux le dire.
07:46Et très souvent, les personnes qui emploient les femmes sans papier
07:50et qui sont au fait de leur situation administrative
07:53arrivent malheureusement à jouer justement de cette précarité
07:57en faisant subir toute une série de violences
08:01qui vont de la violence financière à travers le fait, par exemple,
08:06de saisir la paie de la personne ou encore faire travailler
08:10un nombre d'heures juste inconcevable
08:14et parfois même des violences de genre assez rudes.
08:18Alors en ces temps compliqués et difficiles,
08:20est-ce que vous pensez que les autorités bruxelloises font assez
08:23face à cette précarité ? Est-ce qu'il existe des dispositifs d'aide spécifiques ?
08:27J'ai envie de dire que les autorités compétentes en matière de...
08:35que ce soit en matière de logement ou d'accès au séjour tout simplement
08:39font malheureusement preuve d'un certain manque de courage politique
08:46sachant que je suis membre d'un collectif qui s'appelle
08:51La Voix des Sans-Papiers et qui est axée sur la question du logement
08:54et depuis bientôt plus de 10 ans, nous occupons des espaces
08:58et nous avons pu mettre en place des stratégies
09:02pour faire fonctionner les lieux que nous occupons
09:06et nous avons pu établir aussi une relation, j'ai envie de dire,
09:09de confiance avec les autorités qui ont été impliquées
09:12dans l'une ou l'autre convention que nous avons conclue
09:15et donc il y a quelque part cette possibilité,
09:19comme je le disais, de permettre un accès facile au logement
09:24et donc par ricochet, on a établi ou démontré une certaine bonne foi
09:31qui ne devrait pas, j'ai envie de dire, empêcher l'ouverture à ces espaces.
09:38Et après, j'évoquais cette loi, la loi Onkelings
09:45qui date de 1998 ou 1999 si je ne dis pas de bêtises
09:48et qui donc facilite ou permet la réquisition de bâtiments
09:53par des bourgmestres de différentes communes
09:56et de les mettre à disposition d'un public,
09:59que ce soit un public de personnes sans papier ou encore de personnes sans abri.
10:04Et malheureusement, cette loi n'est pas toujours mise en application
10:10et voilà le fait aussi, et je dis toujours que gérer une occupation,
10:17c'est effectuer le travail d'un travailleur communautaire
10:24ou un travailleur social sans le titre officiel, sans le salaire et sans la formation.
10:32Et tout ce que nous faisons pour gérer ces espaces
10:36et permettre un minimum de stabilité aux personnes est fait avec des fonds propres.
10:41Et donc il n'existe pas, j'ai envie de dire que les dispositifs d'aide
10:46ne sont pas ouverts au public sans papier
10:49et donc c'est avec très peu de moyens que nous devons faire fonctionner ces espaces.
10:54Et oui, on ne refuserait pas d'ouvrir des discussions
11:05et pourquoi pas de conclure des accords
11:08et peut-être obtenir aussi plus d'aide matérielle ou financière justement.
11:13Alors justement, votre réponse m'amène à la question suivante.
11:16Est-ce que vous estimez que les associations et les collectifs de soutien
11:20ne sont pas suffisamment écoutés justement par les décideurs politiques ?
11:24En fait, je pense qu'on se retrouve un peu tous dans le même bateau,
11:33surtout à l'heure actuelle, quand on doit se référer aux dernières élections
11:40qui ont eu lieu l'année dernière.
11:44Oui, je dirais tout simplement que tout ce qui a trait à la question des personnes sans papier
11:50ne trouve pas spécialement de public qui soit ouvert à mener des discussions,
11:56à apporter des questions structurelles.
11:59Nous sommes soutenus par un certain nombre d'organisations
12:05et depuis 2021-2022, nous avons mis en place une plateforme nationale
12:12qui s'intitule In My Name
12:14et qui réunit en son sein des collectifs de personnes sans papier
12:18et différentes organisations de part et d'autre du pays.
12:21Et c'est une première d'avoir pu justement avoir autour d'une table
12:26des associations qui viennent surtout de la partie flamande du pays,
12:30qu'on a toujours eu du mal à accrocher.
12:34Et toutes les actions, les mobilisations qui ont pu être mises en place
12:40ne sont toujours pas entendues à l'heure actuelle.
12:43D'où cette mobilisation, justement.
12:45Quels changements concrets vous espérez obtenir de cette semaine ?
12:49Quelles sont peut-être aussi les prochaines étapes après cette semaine d'action ?
12:52Ce qu'on voudrait obtenir, c'est plus de bâtiments accessibles, déjà,
12:58pour permettre à moins de personnes,
13:04enfin d'égorger plutôt les rues des personnes sans papier qui se retrouvent
13:08et j'ai envie de dire qu'une des étapes suivantes,
13:12c'est d'arriver à obtenir des changements plus structurels.
13:18Je ne sais pas établir, enfin je dis un peu comme ça,
13:23que soit établi officiellement un modèle de convention
13:31qui facilite les négociations quand on se retrouve à une table,
13:36car dépendamment du bourgmestre ou de l'autorité que l'on va rencontrer
13:41et dépendamment du fait que ces personnes soient informées ou pas
13:46sur l'existence des occupations, cela rend toujours les choses difficiles.
13:50Et après, voilà, après tout, la revendication bannière, comme je le disais,
13:57c'est ouvrir ou ajouter des critères à la loi qui permet aux personnes d'obtenir leur papier
14:05parce qu'à partir du moment où vous avez un titre de séjour,
14:08tout se débloque, vous avez travaillé et donc par ricochet,
14:12vous n'avez plus besoin d'être à la rue, vous savez facilement vous soigner
14:16parce qu'être à la rue, eh bien forcément votre santé,
14:20que ce soit la santé physique, mentale, votre portefeuille aussi quelque part,
14:26c'est un cercle vicieux duquel on ne sait pas sortir sans cette solution structurelle.
14:34– Alors, peut-être avant de nous quitter, Auréliade Samy,
14:37si vous avez un message à faire passer justement pour sensibiliser
14:41à cette problématique, cette semaine d'action,
14:44pour dénoncer la précarité liée au logement.
14:47– J'en suis à un stade où…
14:50– Vous êtes fatiguée de ne pas faire passer des messages ?
14:52– Oui, étrangement, je ne sais véritablement plus ce qu'il convient de dire
14:57tellement on a mené d'action, porté ce genre de message afin d'attirer l'attention,
15:03mais je vais rappeler une phrase que j'ai mentionnée,
15:07la place d'aucune femme, d'aucun enfant, d'aucun homme sans papier n'est dans la rue.
15:12Il y a depuis maintenant deux ans, deux, trois ans,
15:18il y a eu un regain de la criminalisation des personnes sans papier
15:23avec le fait que les médias ou encore certains acteurs politiques
15:28lient insécurité et sans-abrisme et personnes sans papier.
15:33Et quelque part, déjà c'est un mythe de s'imaginer
15:39que tout ce qui est d'ordre criminel soit commis par les personnes sans papier
15:45parce qu'aucune personne sans papier, j'ai envie de dire saine d'esprit,
15:51ne penserait à mettre en danger la sécurité et la quiétude de qui que ce soit
15:56parce qu'en étant sans papier, on est au fait de tous les dangers qui nous entourent
16:02et donc forcément prendre soin de soi, faire attention à soi, faire attention à l'autre,
16:07éviter d'entrer en contact ou en confrontation avec la police,
16:11c'est partie des méthodes de survie que l'on met en place.
16:14Et donc ces amalgames détournent l'attention des points essentiels.
16:22On peut se poser la question sur qu'est-ce qui fait que les personnes se retrouvent à vivre dans la rue,
16:30qu'est-ce qui peut être amené officiellement, structurellement,
16:35afin de faciliter l'accès, comme je le disais, à ces logements,
16:39mais peut-être aussi ouvrir l'accès des dispositifs existants en matière de logement aux personnes sans papier.
16:47Et à côté de ça, régularisation pour les personnes sans papier.
16:51Voilà, c'était donc la conclusion d'Henriette Essamy.
16:54Je rappelle que vous êtes porte-parole du Comité des femmes sans papier.
16:58Merci d'avoir été avec nous.
16:59Merci.
17:00On se retrouve dans quelques instants pour la dernière ligne droite de votre Carrefour de l'Info.
17:03A tout de suite.