• il y a 3 jours
"Ici, c'est une tradition de venir tracter et on est directement confrontés aux yeux des gens, et des gens qui ont pas forcément envie de nous voir."

Loïc est une drag-queen. Et ça a changé sa vie. Brut l'a rencontré au Festival d'Avignon.

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Transcription
00:00Et vous êtes ridicule Bertha, tout le monde est au courant, tout le monde le sait, mais ça se voit, c'est flagrant, Bertha, vous n'êtes qu'un homme.
00:12Hey, salut Brut, c'est l'ami Bertha.
00:23Bertha est arrivée dans ma vie tout simplement en soirée.
00:27C'est le style de soirée où tu es entre amis et tu vas te dire, allez, je vais te mettre une perruque.
00:32Et tu commences par une perruque, tu continues avec des faux cils, tu continues à regarder des tutos, à regarder des conseils, des choses comme ça.
00:41Et plus ça va, plus tu fais des maquillages, plus tu construis des tenues, plus ton personnage en voit le jour.
00:47Ça me permet d'explorer et d'exploiter des univers dans lesquels, loïquement, on ne pourrait pas aller.
00:54Par exemple, quand j'ai commencé le burlesque, dans le burlesque, l'effeuillage, se mettre à nu.
00:59Pour Loïc, c'était impossible d'enlever son t-shirt, par exemple.
01:04C'est quelque chose où j'étais très, très pudique.
01:06Mais en Bertha, ça me permettait d'aller au-delà de ces frontières de la pudeur.
01:13Donc, ça m'a permis maintenant d'aller à la piscine avec des amis ou enlever mon t-shirt de plus en plus.
01:19Donc voilà, c'est vraiment une extension de moi qui me permet de faire des choses qui, pour moi, étaient interdites avant.
01:28Bertha, c'est un personnage qui est très ubuesque, donc très grotesque, dans l'exagération.
01:34Parce que je pense, à mon nom de la vie, que faire passer des messages avec le sourire, c'est bien plus facile.
01:39Dans tous mes numéros, il y a tout le temps une double lecture.
01:42Il y a beaucoup de choses qui me touchent, beaucoup de choses qui m'interpellent,
01:45beaucoup de choses qui me donnent envie d'en parler sur scène.
01:47Comme je te disais, la grossophobie, la cause LGBT, la cause des femmes, toutes ces choses-là.
01:52Je ne suis pas rattaché à une seule et même cause, je suis juste touché par plein d'autres causes.
01:57Voilà pourquoi je suis une dracoïne à messages et pas une dracoïne pour l'utiliser.
02:06Je suis sur le Festival d'Avignon pour défendre un spectacle qui s'appelle le 32 cabaret de curiosité.
02:10Et c'est un cabaret où on parle de nos différences, de l'acceptation de l'autre
02:15et de tout ce qui fait de nous des créatures un petit peu étranges.
02:20Pourquoi étranges ? Parce qu'on sort de la norme.
02:22Et on est tellement content de sortir de la norme.
02:24On va à la rencontre du public.
02:26Et comment ça se passe ?
02:28Généralement, ça se passe bien.
02:31Sauf certaines fois où on choque, on dérange.
02:38On interroge et on a des mots quelquefois déplacés.
02:42Comme « pute », « tapette », « bébé », des choses comme ça.
02:46Mais ça blesse, forcément.
02:48Et ça donne encore plus envie de défendre le spectacle.
02:55Il y a des gens qui sont adorables.
02:56Il y a aussi des gens qui, je ne sais pas si je te l'ai déjà dit,
02:58des gens qui s'arrêtent et qui me disent « Ah, il est beau ! »
03:01« Ah mais non, je suis désolé, je dis il ou elle. »
03:05Ils sont trop mignons.
03:06Je leur dis juste que tant que je vous plais, c'est l'essentiel.
03:08Est-ce que c'est différent quand tu es à Paris ?
03:13Déjà, à Paris, on ne parade pas.
03:15À Paris, c'est des gens qui viennent directement au spectacle.
03:17On ne va pas vendre notre spectacle directement dans les rues.
03:20Et ici, c'est une tradition de venir tracter.
03:23On est directement confrontés au visage des gens, aux yeux des gens.
03:28Et des gens qui n'ont pas forcément envie de nous voir.
03:30C'est tellement le rollercoaster de l'émotion quand je tracte.
03:34Des fois, il y a des gens qui te regardent hyper chelou.
03:36Et après, il y a des gens qui te disent juste « Merci d'être toi. »
03:39« Merci de faire tout ça. »
03:42Et là, tu essaies de ne pas chialer, sinon ton make-up est foutu.
03:46Pour distribuer les tracts dans la rue,
03:48on nous parle souvent de spectacles transgenres,
03:50de spectacles travestis ou de transformistes.
03:53Nous, notre spectacle, moi, je suis une draqueen.
03:55Ce qui veut dire que j'ai créé un personnage
03:57qui utilise tous les codes féminins.
04:00Mais une draqueen n'est pas forcément une femme.
04:03Très clairement, c'est une créature.
04:05On va dire qu'une draqueen est une créature.
04:08Tout l'univers du transgenre, la transidentité,
04:10c'est naître dans un corps avec un sexe qui n'est pas forcément le sien.
04:15Quand je dis ça, ça veut dire qu'on peut naître dans un corps d'homme, de femme,
04:20mais ne pas se sentir femme ou pas.
04:22Je suis un mec.
04:23Gay.
04:24Bonjour.
04:25Et totalement fier de l'être.
04:28Et je n'ai pas de problématiques avec ça ou de questionnements.
04:32Je suis un garçon, je rêve d'être un garçon.
04:34Je suis bien content.
04:35Mais sur scène, j'incarne une créature.
04:41Je suis le deuxième grand philosophe du XXIe siècle.
04:44Je t'aime break like a dragon.
04:47À quel moment, quand tu es en train de te préparer,
04:52tu te sens plus Bertha Cloïc ?
04:54Alors là, je suis le cul entre deux gènes.
04:57Là, c'est quand même elle.
04:59Je pense que le process de maquillage est aussi un process hyper important
05:02parce que c'est ce process de transformation.
05:04Ça met deux heures.
05:06Donc, au fur et à mesure que Bertha apparaît de plus en plus large,
05:08je vois encore quand les yeux seront faits,
05:11quand les paillettes seront posées,
05:12quand les fossiles seront posés,
05:13et surtout quand la perruque sera posée.
05:16Là, il y aura un maintien.
05:17Le corps break sera différent.
05:21Il y aura plein de choses qui seront différentes.
05:22Et je pense que c'est à ce moment-là, quand je me regarde à la fin,
05:25quand tout est prêt, tout est fait, tout est posé.
05:28Là, Bertha est là.
05:30Ce que je ressens sur scène, c'est un peu complexe.
05:32C'est entre la joie, le plaisir et le stress.
05:35La joie, parce qu'en fait, c'est ce partage.
05:37Ce partage avec le public.
05:38Parce que si t'es sur scène, c'est pas non plus que pour ta gueule.
05:40C'est pour partager, pour avoir un échange avec ce public.

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