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Dans « le grand témoin » Télématin reçoit Camille Lamarche, ex juriste chez Orpéa, et Victor Castanet, journaliste indépendant.

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Transcription
00:00France 2, demain soir, adapté du livre-enquête Les Faussoyeurs de Victor Castaner sur les maltraitances en EHPAD.
00:05Il est avec nous, Victor Castaner, ce matin, avec l'une de ses témoins, et ce sont vos grands témoins du jour tous les deux.
00:11– Bonjour Victor Castaner, merci d'être avec nous, comme l'a dit Julien.
00:14C'est à vous que l'on doit cette enquête et ce livre Les Faussoyeurs, paru en 2022.
00:18À vos côtés, Camille. Camille Lamarche, bonjour.
00:21– Bonjour. – Merci d'être avec nous.
00:22Vous étiez alternante au service juridique chez Orpea et vous êtes ce que l'on appelle,
00:27même si vous révoquez le terme, une lanceuse d'alerte,
00:30car un jour, très vite, vous avez décidé d'enregistrer les conversations de vos supérieurs.
00:34Pour quelle raison et qu'est-ce que vous aviez détecté de si sidérant ?
00:38C'est le mot, sidérant, que vous employez dans le doc.
00:40– Moi, quand j'arrive au service des ressources humaines d'Orpea,
00:42je constate tout de suite que les dirigeants, ils ont mis en place à grande échelle
00:48de la discrimination syndicale et aussi des méthodes managériales extrêmement violentes vis-à-vis des salariés.
00:53Et ça me choque, mais ce qui me choque presque encore plus,
00:56c'est que non content de ne pas respecter la loi, ils le font en s'en vantant
01:00et en se vantant de l'impunité dans laquelle ils se trouvent.
01:04Et c'est à cause de ça que, assez rapidement, je décide de témoigner.
01:08– Mais vous avez pris votre téléphone et vous avez enregistré toutes ces conversations,
01:11vous n'aviez pas peur à un moment donné ?
01:12Parce qu'il y a quelque chose, si ça revient dans le documentaire,
01:14on va y revenir avec Victor, mais c'est les termes qui sont employés,
01:19on sent quand même que vous preniez tous des risques,
01:21voire des risques pour votre vie quand on en écoute certains.
01:24– Alors, moi, je n'ai jamais eu peur pour ma vie,
01:27parce que je pense que j'arrive assez rapidement à prendre du recul
01:29sur le fait que ces gens ne sont pas si importants.
01:32– D'accord, ils sont menaçants quand même.
01:34– Ils sont menaçants, mais moi, je ne vais pas faire carrière dans cette entreprise,
01:38je vais partir assez rapidement.
01:39Et je crois que, surtout, plus que peur pour moi,
01:43j'ai eu peur à un moment de m'habituer à cette situation
01:46et de plus me rendre compte que c'était anormal ce qui se passait dans cette société,
01:51d'arrêter d'être outré, c'était plus une crainte que les craintes au sein de l'entreprise.
01:58– Voilà, et effectivement, des méthodes managériales,
02:00des licenciements abusifs avec des mises en scène de licenciements,
02:02on découvre tout ça dans le documentaire en deux volets demain soir sur France 2.
02:06Alors, ça, c'est ce qui se passait au sein d'Orpéa.
02:08Vous, Victor Castaner, vous avez mené cette enquête
02:11pour voir aussi ce qui se passait au sein des établissements,
02:14ces fameux EHPAD dont on disait que c'était des EHPAD 5 étoiles.
02:17Racontez-nous un peu la vie des résidents.
02:19– Oui, le but de cette enquête, c'était à la fois d'avoir des éléments
02:23sur ce qui se passait sur le terrain, dans les établissements,
02:25et d'avoir, à l'intérieur du siège, grâce à Camille Lamarche,
02:29grâce à Patrick Mettet qui était membre du COMEX,
02:32et à des gens du siège, de raconter comment les pratiques financières
02:36avaient des incidences sur les établissements.
02:38Et en fait, c'était des pratiques d'optimisation des coûts sur absolument tout,
02:43on en a beaucoup parlé, mais sur les couches, sur la nourriture,
02:47sur tout un tas de produits santé, et surtout, ils avaient mis en place
02:52des pratiques de détournement d'argent public où, en fait,
02:55on enlevait des postes de soignants qui avaient été budgétés
02:59par les agences régionales de santé, les conseils départementaux,
03:03et on gardait l'argent.
03:04Et donc, il manquait en permanence dans les établissements hors PA,
03:082, 3, 4 aides soignantes, ce qui faisait une pression terrible
03:12sur le personnel soignant, et en même temps,
03:15qui, évidemment, baissait la qualité de la prise en charge.
03:18Mais cette prise en charge, quand on écoute, c'était presque de l'abandon,
03:21parfois, de certaines personnes âgées dans leurs chambres.
03:23Bien sûr.
03:23Si moi, j'avais placé, par exemple, ma grand-mère à ce moment-là
03:26dans cet établissement, qu'est-ce qu'elle craignait, ma grand-mère ?
03:29Elle craignait, notamment, si elle était dépendante.
03:32C'est-à-dire, il y avait un énorme gap entre les personnes
03:37qui étaient encore autonomes et celles qui étaient, ce qu'on appelle,
03:39en unité protégée, notamment les personnes Alzheimer ou Parkinson
03:43qui sont en perte d'autonomie et qui, là, peuvent se retrouver sur un étage
03:47à 15, 20, avec une seule personne pour s'occuper d'elle.
03:50Et donc, même dans l'établissement vitrine,
03:53dont on a beaucoup parlé, celui de Neuilly, des Bordescennes,
03:56il y avait effectivement des personnes qui étaient totalement laissées à l'abandon.
04:00Et même, du coup, comme le personnel était dépassé et se retrouvait seul,
04:05certaines étaient enfermées.
04:07J'ai un exemple comme ça d'une personne qui se retrouve enfermée
04:10dans sa chambre toute la journée.
04:11Bonne image.
04:12Parce qu'en fait, le personnel n'arrive plus à suivre
04:14parce qu'ils ne sont pas assez nombreux.
04:16Donc, il y avait ça et il y avait, vous le disiez,
04:19qu'est-ce qu'on peut subir quand une personne âgée ?
04:21On n'est pas à changer assez régulièrement.
04:23On n'a pas assez de nourriture.
04:26Donc, il y a les taux des nutritions anormalement élevés
04:29qui, évidemment, entraînent des décès.
04:30C'était ça.
04:31Et un déclin, un véritable déclin physique.
04:33Est-ce que vous saviez, Camille Lamarche, qu'il y avait cette forme de parallélisme,
04:36si j'ose dire, entre ce que vous donniez, vous, côté managériel
04:38et ce qui se passait dans les établissements ou pas ?
04:41Il y avait un moyen assez facile de s'en rendre compte.
04:44C'était le nombre de licenciements pour faute qui arrivaient dans notre service.
04:49Et si vous voulez, les premiers licenciements pour faute, pour maltraitance,
04:52vous vous dites, ça arrive de tomber sur un salarié qui travaille mal.
04:56Ce n'est pas plus surprenant.
04:58Mais quand c'est de manière systémique et que c'est des dizaines par semaine,
05:02le problème, il ne peut pas venir de tous les gens.
05:04Le problème, il vient forcément de l'organisation.
05:06Est-ce que vous saviez ce que vous alliez faire de ces enregistrements ?
05:09Initialement, non.
05:10J'ai commencé à enregistrer juste pour avoir la certitude,
05:14déjà, que je n'étais pas complètement folle et que ça m'arrivait bien.
05:17Ensuite, en me disant que je trouverais un moyen de dénoncer ce que je voyais,
05:23parce que c'était très important pour moi de ne jamais devenir ces gens,
05:28mais aussi de ne pas faire partie des gens qui tournent la tête et qui ne font rien.
05:32Qui détournent leur regard sans rien faire.
05:33Les licenciements pour faute, justement, c'était quoi ?
05:35C'était des gens qui commençaient, des aides-soignantes,
05:37qui commençaient à dire que ce n'était pas normal
05:38et qui essayaient d'ouvrir leur bouche et on les licençait pour faute ?
05:42Oui, de manière systématique.
05:45Un salarié qui commençait à contester les méthodes de l'entreprise
05:49rentrait dans la ligne de mire de l'ARH et était licencié.
05:53Mais c'était même plus large que ça et plus violent que ça
05:56puisque quand ils acquéraient une nouvelle clinique,
05:59l'idée, c'était vraiment de défaire le tissu
06:02pour pouvoir mettre en place les méthodes qu'ils voulaient.
06:06De trouver des moyens de faire partir les salariés les plus anciens
06:09et de détruire le collectif de travail
06:12pour pouvoir amener leurs nouvelles méthodes
06:14et les imposer sans qu'il y ait de contestation en interne.
06:17Ces méthodes implacables, on les découvre dans ce documentaire qui est assez efférent.
06:20Et puis alors, on se dit que, Victor Castaner,
06:23vous pourriez ne pas être là ce matin.
06:25Vous pourriez être tranquillement en train de siroter un cocktail
06:28sur une plage, une des plus belles plages du monde,
06:30comme un gagnant du loto.
06:31Parce que c'est un montant du loto qu'on vous a proposé
06:34pour abandonner votre enquête.
06:35Et ne pas la sortir.
06:37Oui, parce qu'il y avait effectivement proposé une très grosse somme,
06:4015 millions d'euros, je le raconte dans le documentaire.
06:42Mais parce qu'en fait, c'était colossal
06:44quand vous êtes journaliste précaire, indépendant,
06:46et qu'on vous propose cette somme, c'est presque surréaliste.
06:48Et quand vous voyez les enjeux financiers en jeu,
06:51en fait, c'est pas grand-chose.
06:53Hors PA, c'était un milliard de chiffre d'affaires par trimestre,
06:56une valorisation qui a atteint 7 milliards d'euros,
06:59qui s'est d'ailleurs totalement évaporée depuis la publication du livre.
07:04Donc, il y avait des enjeux énormes.
07:06Et le fondateur, Jean-Claude Marian,
07:11il a un milliard de patrimoine personnel.
07:14Mais vous dites que 15 millions, c'est un tableau, quoi.
07:16On parle souvent du fait que c'est difficile,
07:20qu'il manque souvent d'argent dans ce secteur.
07:21Bon, c'est aussi possible de se faire, pas un peu,
07:24mais énormément d'argent.
07:26Et depuis, Hors PA est donc devenu éméis.
07:29Merci à vous deux de nous avoir accordé du temps.
07:31Je conseille vraiment les faux soyeurs
07:33au cœur du scandale des EHPAD.
07:34C'est demain soir à 21h10, et c'est sur France 2.
07:37Merci à vous. Merci.

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