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Cours de cinéma par Mary Noelle Dana, journaliste. Enregistré le 14 mars 2025, dans le cadre de la thématique Elles sont là pour rester, 10 réalisatrices aujourd’hui en France.

Chaque vendredi à 18h30, les cours de cinéma du Forum des images, entrée libre.

Elles sont là pour rester :
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Transcription
00:00Bonsoir, bienvenue. Vendredi soir, 18h30, vous devez vraiment aimer le cinéma, et celui
00:16de Valérie Dombéli en particulier. Il a fallu faire des choix, parce qu'il faut toujours
00:26faire des choix. Aujourd'hui, on va parler de Valérie Dombéli sous et de son cinéma
00:36sous l'angle, avec le prisme de l'équilibre, voire même de l'équilibrisme. Ça existe.
00:45Valérie Dombéli, l'équilibriste. On va parler des différents ingrédients qui contribuent
00:52à sa quête de l'équilibre. On va parler d'amour. On va parler de conflits, parce
00:58que cinéma, il faut toujours des conflits. On va parler de tabou. On va parler style
01:03et esthétique, réalisme et fantaisie. Si jamais vous avez vraiment un truc à faire
01:09après, on va parler du mélange audacieux des genres, de la musique. On va parler de
01:14l'anachronisme, du décalage de Valérie Dombéli. Et si on a le temps, on parlera rapidement
01:21des collaborations et des influences qui font qu'elle parvient à maintenir ou pas.
01:26C'est peut-être la question. Cet équilibre. On commence avec une remise en contexte pour
01:34ceux qui sont arrivés là par hasard et ne savent pas qui est Valérie Dombéli. Valérie
01:40Dombéli est née en 1973. C'est une cinéaste, une scénariste. Elle a commencé en tant
01:46que comédienne, actrice, et elle voulait être architecte. Et puis, elle a changé d'avis. Après
01:56ses études d'architecture, elle s'est tournée vers le théâtre, le cinéma. Et puis, elle a
02:01développé rapidement un univers très personnel, un goût pour les récits intime. Elle a fait
02:07quelques courts métrages et elle s'est beaucoup inspirée de sa propre vie. Chez Valérie Dombéli,
02:17il y a une dimension d'autofiction extrêmement présente. Sa filmographie s'articule autour
02:23de figures du déséquilibre, des amoureuses éplorées, des couples en crise, des héroïnes
02:29qui sont débordées. Et Valérie Dombéli, je ne la connais pas personnellement, je ne vais pas
02:35l'appeler Valérie. Si, peut-être, d'ici la fin du cours. Valérie filme tout ça avec une grâce
02:41funambule entre le burlesque et la tragédie. Ce cours vise donc à analyser comment Dombéli, en
02:49véritable équilibriste, compose un cinéma singulier traversé par des contrastes et des
02:57ruptures de ton tout en abordant des thématiques profondes avec une approche décomplexée.
03:01Un gros secours va être profond et décomplexé. Nous allons explorer la manière dont Dombéli
03:07conjugue l'équilibre et le vertige, la poésie, la fantaisie pour bâtir une oeuvre inclassable.
03:13Et histoire de se jeter dans le bain tous ensemble, tous et toutes ensemble, je vous
03:18propose de commencer avec une bande-annonce qui est la bande-annonce de Notre-Dame.
03:31Maud Crayon est née dans les Vosges mais vit à Paris. Maman, papa a dormi là cette nuit ? Non pas
03:36du tout. Allez, allez, dépêchez-vous. Elle est architecte, mère de deux enfants. Crayon ! C'est à ce
03:44temps-là que t'arrives ? C'est la dernière fois, à 9h, c'est pas 9h15. Et puis pour ton contrat,
03:47on verra ça le mois prochain. Quel con. Il y a la mère qui veut te voir. La mère de qui ? Bah la
03:53mère de Paris. La mère de Paris ? Maud Crayon remporte sur un malentendu. J'adore. On adore.
04:00Le grand concours pour réaménager le parvis de Notre-Dame. Moi j'ai tout de suite vu son
04:04potentiel, tout de suite, direct. Oh quel gros con. C'est le début d'une nouvelle vie pour Maud.
04:10T'es enceinte de 4 mois. C'est une blague ? Et d'une nouvelle histoire. Alors le budget dont
04:14vous disposez est de 121 millions. 121 millions ? Laissez-moi faire, j'ai mon brevet de secourisme.
04:20T'as pas changé. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'à partir de maintenant, on va plus se quitter.
04:36T'as jamais repensé à moi ? Bien sûr que si. C'est qui exactement, Martial ? Le père de mes enfants.
04:44Pourquoi il était dans ton lit ? Parce qu'il a mal dans le canapé. Quand on dit à quelqu'un
04:50ce soir et qu'on ne vient pas, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on a la trôle.
04:55C'était pas prévu que je gagne ce concours, c'était pas prévu que je tombe enceinte et c'était pas prévu
04:59que tu te déboules dans ma vie comme ça. Alors maintenant on fait quoi ? Je sais pas.
05:09J'ai toujours su que t'étais hyper cul.
05:11Dans Notre-Dame, dont je ne vais en fait pas vraiment parler pendant ce cours, parce qu'il faut faire des choix,
05:23on a une comédie burlesque. Est-ce que vous arrivez à repérer, ceux qui connaissent le cinéma de Donzelli
05:32ou ceux qui ne le connaissent pas, tous les thèmes, tous les ingrédients récurrents qu'on trouve dans le cinéma donzellien ?
05:39J'adore dire le cinéma donzellien.
05:44Vous êtes chauds.
05:49Je vous parlais d'autofiction. Valérie Donzelli, ici, incarne Maud, une architecte en crise.
05:55Premier ingrédient, architecte.
05:58On a un espace de mise en scène déréglé, Paris, scène gigantesque, plateau gigantesque.
06:06On a du comique qui vire au burlesque.
06:09On a l'évanouissement. On s'évanouit beaucoup dans le cinéma de Valérie Donzelli.
06:14On s'évanouit d'ailleurs, je crois, systématiquement dans le cinéma de Valérie Donzelli.
06:20Et on a le couple, voire le triangle amoureux, compliqué.
06:24On a la musique et on a la poésie grandiose et absurde.
06:28Dans le cas de Notre-Dame, ce sera la déclaration de l'amour absolument virvoltante, déchirante.
06:35De la fin du film. Spoiler.
06:38Mais donc, parce qu'il faut faire des choix et que nous n'avons pas prévu de passer la nuit ici,
06:42nous allons nous concentrer sur d'autres films.
06:44Mais je voulais que vous regardiez cette... Voilà, c'est une bonne intro.
06:47Très bien.
06:49L'exploration de l'amour, de la rupture et de la résilience.
06:52C'est beau.
06:54On regarde un court extrait du premier film de Valérie Donzelli.
06:59Le premier long métrage en 2009.
07:02C'est La Reine des Pommes.
07:06Pourquoi vous dites ça ?
07:09Non ! Non, faites pas ça !
07:13Pourquoi pour moi c'est fini ? C'est complètement...
07:17Allô ?
07:19Allô ?
07:21Allô ?
07:23Merde !
07:26Qu'est-ce qu'il y a ?
07:28Qu'est-ce que vous allez me regarder comme ça ?
07:30Qu'est-ce que c'est que cette carte de...
07:31Oh là !
07:33Vous avez jamais vu quelqu'un qui est triste ? Quelqu'un qui est en colère ?
07:35Ça n'existe pas dans votre monde, là !
07:37Imbécile !
07:40Ils m'enlaçont.
07:42Ça sert à rien.
07:50Quelle femme.
07:59Je peux vous poser une question ?
08:02Vous êtes malade ?
08:03Oui, je crois.
08:06Ça se guérit ?
08:08Non, je ne crois pas.
08:10Vous êtes sûre ?
08:12Oui, je suis sûre.
08:14Puis de toute façon, je ne veux pas guérir.
08:16Je veux me laisser mourir.
08:18Ah mais c'est très différent, ça.
08:20Pourquoi vous ne vous suicidez pas ?
08:22Parce que j'ai déjà essayé une fois et je me suis ratée.
08:25C'est pas de chance.
08:27Mais si, heureusement, parce que sinon je serais plus en vie.
08:29Mais vous venez de dire le contraire, que vous vouliez vous laisser mourir.
08:33Non, c'est-à-dire que...
08:35Je suis malheureuse, que je souffre et que je veux continuer de souffrir parce que je veux continuer de l'aimer.
08:40Qui ?
08:41Mathieu.
08:45Pourquoi, il est mort ?
08:48Non, il m'a quittée.
08:51C'est dur.
08:53Mais vous allez vous en remettre, vous savez.
08:54Ma cousine dit qu'il faut que je rencontre d'autres hommes.
08:57Elle a raison.
09:00Aucun ne me plaît.
09:02Vous en avez rencontré beaucoup ?
09:04Non, il n'y a que vous et vous ne me plaisez pas du tout.
09:06Mais je ne vous ai rien demandé, moi.
09:08Je m'en fous de pas vous plaire.
09:10Vous non plus, vous ne me plaisez pas avec votre malheur pourri.
09:12Vous êtes vraiment très méchant.
09:14Ah, je suis méchant ?
09:16Je pourrais ne pas m'occuper de vous ?
09:18Je ne vous connais pas.
09:19En plus, il fait froid.
09:21Si j'ai été méchant, c'est parce que j'ai des amis.
09:22Il fait froid ?
09:24Si j'ai été méchant, c'est uniquement parce que vous m'avez blessée.
09:26Mais vous aussi, vous m'avez blessée.
09:28D'accord.
09:29En fait, vous ne reconnaissez jamais vos torts.
09:31Si.
09:32Non.
09:33Mais si.
09:34Mais non.
09:35Mais si, vous m'énervez à la fin.
09:36Là, on avait un exemple parfait du dialogue d'Onzélien.
09:42Et de ce fil permanent sur lequel elle glisse
09:46et qui passe du tragique au comique,
09:49du drame au burlesque
09:51et qui fait que même quand rien ne va,
09:55chez Valérie Donzelli, tout va bien.
09:58La Reine des Pommes, c'est en 2009.
10:01C'est une comédie qui est très inspirée par La Nouvelle Vague.
10:05Et on a déjà les bases de son style,
10:08la fantaisie, le burlesque et la musique qui est omniprésente.
10:13Juste après, il y a Main dans la main.
10:15Et puis...
10:18Pardon.
10:19Juste après, il y a Main dans la main
10:21qui arrive un an après La guerre est déclarée.
10:24On y reviendra plus tard.
10:26Main dans la main, c'est un film
10:27où le burlesque et la fantaisie de Donzelli explosent.
10:31Est-ce que tout le monde l'a vu ici ?
10:36Vous êtes cinq à avoir vu le film et les autres...
10:41D'accord, très bien.
10:42C'est super.
10:43Alors, je vais vous le décrire.
10:46Main dans la main ouvre sur une bande d'asphalte.
10:50Il y a très souvent des chemins, des routes, des bandes d'asphalte,
10:55des rubans qui se déroulent
10:58avec des trajectoires et des perspectives fuyantes absolument magnifiques
11:02chez Valéry Donzelli.
11:05Cette fois-ci, on a Jérémy Alkaïm,
11:07que vous avez vu tout à l'heure, un peu plus vieux,
11:10et il est sur son skate, il fait du skateboard.
11:13Juste après, on découvre Hélène.
11:16Hélène est jouée par Valéry Lemercier.
11:19Hélène est la directrice de l'école de l'Opéra de Paris
11:23et elle dirige surtout les lignes, encore,
11:26et les mouvements parfaitement synchronisés des petits rats.
11:30Par un mystère très mystérieux,
11:32tous les deux vont se retrouver intimement liés l'un à l'autre,
11:36alors que tout les sépare.
11:38Joachim et Hélène, Joachim c'est Jérémy Alkaïm,
11:40se retrouvent mystérieusement connectés.
11:43Chaque geste de l'un est automatiquement répété par l'autre.
11:47Évidemment, on croit d'abord à une comédie fantasque,
11:51ubuesque, théâtrale,
11:53mais du corps et de l'assujettissement
11:58subis par chacun des personnages
12:01au corps de l'autre,
12:03la poésie naît.
12:05Le couple fusionnel, c'est une thématique extrêmement prégnante
12:08dans le cinéma donzélien, on s'en lasse pas.
12:14Dans Mains dans la main,
12:16on a le couple fusionnel triplement représenté
12:19avec le duo frère-sœur.
12:22Donzélie et Alkaïm se sont séparés à ce moment-là dans la vie
12:28et donc ils deviennent frères et sœurs dans le film.
12:32Le duo frère-sœur qui ne parvient pas à s'émanciper de la cellule familiale.
12:35Le couple d'amis inséparables qui se séparent.
12:40Et l'amour fusionnel qui est mis ici en scène au sens propre.
12:45Un couple où chacun est le miroir de l'autre, prisonnier de l'autre.
12:48Cet amour fusionnel qui met en exergue la perte de l'identité.
12:52Quand on aime chez Donzélie, on se perd, on s'oublie,
12:56on se coule dans la vie, dans le moule qu'est l'être aimé.
12:59On se voit dans l'autre et,
13:01parce que Donzélie a toujours de l'humour,
13:03il y a un détail qui est absolument représentatif de son cinéma.
13:08Le personnage de Joachim, interprété par Jérémie et Alkaïm, est miroitier.
13:14Ça ne s'invente pas.
13:16Main dans la main, en mouvement avec de la danse, de la grâce, de la musique,
13:20un écran spectaculaire qu'est l'opère agarnie.
13:23Toujours cet espace qui va devenir un espace complètement décalé de mise en scène.
13:27L'amour, être amoureux, chez Donzélie, c'est un conte de fées.
13:31Chez Donzélie, c'est un conte de fées, scénographiées, chorégraphiées,
13:35toujours loin du réel.
13:37Et puis, dans Main dans la main, Donzélie bifurque.
13:40Quand il faut se séparer, la fantaisie laisse place à la solitude au quotidien.
13:44Le film devient follement naturaliste, le réel sans amour est mélancolique,
13:48la vie est vide et il y a une phrase magique, je trouve,
13:51qui résume sans doute tout le travail de la réalisatrice
13:55et puis son approche, tout ce qu'elle explore au fil de ses films.
14:01C'est l'image de Valérie Donzélie qui la prononce et qui dit
14:04« Tu vois, JF, je crois qu'il y a une différence entre la vie qu'on fantasme
14:08et la vie qui nous correspond. »
14:11Je ne suis pas du tout finie.
14:14Un autre thème, une autre thématique propre au cinéma de Valérie Donzélie,
14:20c'est la maladie, la lutte.
14:23Je vous disais tout à l'heure qu'au cinéma, il faut toujours qu'il y ait du conflit.
14:27Un scénario sans conflit, ça n'est pas un scénario.
14:28S'il n'y a pas de conflit, intérieur ou extérieur, il n'y a pas de scénario.
14:34La maladie et la lutte contre les autres, contre soi-même,
14:39chez Donzélie sont très présents.
14:42Dans La guerre est déclarée, en 2011, qui a été son premier succès
14:49et qui est le film qui l'a révélé au grand public,
14:52en plus d'être un succès critique,
14:55on a un mélodrame qui est autobiographique et qui est éperdument vivant.
15:00Alors que le pari du film repose sur une énergie improbable,
15:05un couple découvre que leur enfant de 18 mois a une tumeur au cerveau
15:11et va s'en suivre une bataille contre la montre,
15:16contre soi-même, contre le monde entier, pour sauver cet enfant.
15:22C'est autobiographique.
15:24Au lieu de traiter ce drame avec du pathos,
15:29Valérie Donzélie va explorer ce drame avec une stylisation formelle très assumée.
15:35Alors là, on a eu des petits cafouillages avec les extraits,
15:38mais on a un extrait de La guerre est déclarée,
15:42donc c'est le second que je voudrais.
15:54Vous allez dans votre chambre.
15:56Vous me dites maintenant s'il y a quelque chose.
16:02Monsieur, dites-moi s'il y a quelque chose.
16:04Mademoiselle, vous n'avez rien à faire ici, je vous demande de sortir.
16:06Non, je ne bougerai pas d'ici tant que vous ne m'aurez pas dit ce qu'à mon fils.
16:09S'il vous plaît.
16:14Il a une tumeur au cerveau.
16:25La seule préoccupation de Juliette et Roméo à ce moment-là
16:29était de lui faire comprendre que ça ne durerait pas,
16:32que cela serait bientôt fini.
16:35Ils savaient maintenant que le chemin de la guérison d'Adam serait un marathon,
16:39mais ils n'avaient pas encore conscience de l'ampleur de la course.
17:24C'est ce que j'ai fait.
17:26C'est ce que j'ai fait.
17:29C'est ce que j'ai fait.
17:31C'est ce que j'ai fait.
17:33C'est ce que j'ai fait.
17:35C'est ce que j'ai fait.
17:37C'est ce que j'ai fait.
17:39C'est ce que j'ai fait.
17:41C'est ce que j'ai fait.
17:43C'est ce que j'ai fait.
17:45C'est ce que j'ai fait.
17:47C'est ce que j'ai fait.
17:49C'est ce que j'ai fait.
17:51C'est ce que j'ai fait.
17:53C'est ce que j'ai fait.
18:04Là où, normalement, ce genre de diagnostic
18:10serait une scène dramatique et qui nous tire les larmes,
18:16Valérie Donzelli crée une espèce de montage de « fooling »,
18:20de footing, ce couple, encore une fois, qui court de manière improbable, habillé pareil et qui fait
18:30du jogging, qui fait du footing pendant que leur enfant lutte contre la mort. Je ne sais plus où
18:38j'en suis, voilà. Dans l'annonce, ce qu'on voit c'est que dans la scène de l'annonce, c'est très
18:44impressionnant de vous regarder, je vais arrêter de vous regarder, voilà, je le dis, je vais rester
18:47sur Metroid parce que dès que je lave la tête, en fait, je vous vois tous, vous êtes beaucoup trop
18:50nombreux, beaucoup trop nombreux. Dans la scène de l'annonce du diagnostic, la caméra capture les
18:55visages tendus mais le montage haché et la musique viennent contraster l'abattement. Quand on
19:00montage des footing, il transforme cette lutte oppressante en entraînement physique. Il faut
19:04tenir sur la longueur et ça va donner au couple la force qu'il lui faut pour lutter
19:28ensemble contre la maladie. Ici, Donzelli touche à son sommet d'équilibre et moi aussi. Une poignée
19:39de tragique, une pincée de burlesque et une foi inaltérable dans l'amour et dans la vie, c'est ce
19:44qu'il nous faudra ce soir. L'amour et les forêts en 2023. L'amour et les forêts, c'est une bascule
19:51pour Valérie Donzelli. Et si j'en parle là, c'est parce que justement, là où dans la guerre est
19:59déclarée, elle crée quelque chose qui empêche de basculer dans le pathos, dans l'amour et les
20:07forêts, pour la première fois dans son cinéma, elle va pousser le curseur de quelque chose de
20:12très sombre, de très tendu. Et c'est la première fois qu'elle ne vient pas rééquilibrer le
20:23tragique ou le drame avec de la légèreté, avec de la fantaisie. Qui a vu l'amour et les forêts ?
20:32Ah ouais ? Ok, grosse pression, très bien. Vous avez bien travaillé. Pour ceux qui ne l'ont pas
20:40vu, dans ce thriller psychologique, Valérie Donzelli explore l'emprise toxique dans un couple et
20:47contraste avec son style habituel, beaucoup plus fantaisiste. L'amour et les forêts, c'est en
20:532023, a reçu le César de la meilleure adaptation en 2024 et le film fait preuve d'une mise en scène
21:01plus sobre et d'un travail sonore très marquant pour accentuer la tension dramatique. Le film
21:06marque une plongée plus sombre et réaliste où la poésie se teinte de noirceur. La scène du
21:11dîner au restaurant illustre ce basculement progressif. Extrait.
21:36Je suis affectée ailleurs. Soit je demande un poste fixe là-bas, mais pas sans chère, ça va être dur.
21:43C'est surtout très loin et on n'a qu'une bagnole. Je vais regarder, je peux y aller en car.
21:49Et comment on va faire avec celle-là ? Elle va rentrer à la crèche. La seule chose, je sais pas si tu te rends compte, mais ça va être très fatigant.
21:58C'est bon, je me suis déjà assez reposée. Tiens, bonsoir Grégoire. Ah, bonsoir. Je savais pas que tu connaissais ici.
22:04Bonsoir. C'est ta femme ? Je suis Jérôme Vierzon. Le directeur de l'agence. Ah, d'accord.
22:13Bah oui, je te présente Blanche, ma femme. Blanche. Oui. C'est joli Blanche. Très joli. Y'a pas beaucoup dans le coin.
22:20T'es la seule que je connaisse. Alors vous êtes contente d'être de retour dans la région ? J'ai poussé le dossier, vous savez.
22:27Ah non, moi je suis née à Caen en fait, en Normandie. Je suis pas du tout d'ici. Ah bon ? Oui.
22:32Bah je croyais que c'était pour ça que t'avais postulé. Ah non, non, non, pas du tout, t'as mal compris.
22:36En fait, on voulait juste changer de décor. Marre de la mer, marre de la Normandie. D'accord.
22:44Bien, bah je vous laisse manger tranquille. Eh bah merci beaucoup. Enchanté en tout cas. Enchantée.
22:57Merci.
23:02T'es vraiment la reine de la gaffe. Excuse-moi mais j'étais un peu surprise, si tu vois ce que je veux dire.
23:10Greg, je comprends pas. Pas maintenant. Mangeons.
23:19Je sais pas vous, mais moi ce film il m'a glacée. J'ai failli faire une crise carrément d'angoisse au milieu.
23:24Le tour de force de Valérie Donzelli dans ce film, c'est de juxtaposer des scènes extrêmement banales dans un couple
23:40et de laisser le contrôle et la violence apparaître très lentement.
23:48Et là où la poésie de Valérie Donzelli apparaît, c'est dans le choix de son actrice.
23:56Prendre Virginie Effira, qui est une espèce de bonbon de rayon de soleil, qui est la joie et l'innocence incarnée,
24:03permet à Valérie Donzelli de maintenir tout le film dans cette espèce de douceur, d'innocence, de naïveté,
24:13alors que le piège est en train de se refermer petit à petit de manière complètement inévitable autour d'elle.
24:26Le moment clé du film, c'est ce dîner où le travail de la mise en scène nous permet de ressentir la menace latente
24:36et de révéler à quel point la réalisatrice s'est dosée l'attention et l'intimité pour immerger le spectateur, nous,
24:43dans la psyché d'un personnage sous emprise.
24:47En parlant de sujets sociétaux, de tabous, de limites sociétales, on va parler de Marguerite et Julien.
25:01Marguerite et Julien est moins connu dans le cinéma de Valérie Donzelli.
25:07Il a beaucoup dérangé quand il est sorti.
25:11C'est un conte décalé qui abolit les frontières temporelles et narratives,
25:16et qui est adapté d'un vrai film.
25:21Enfin d'un vrai film, n'importe quoi, c'est parce qu'il ne faut pas que je regarde.
25:24Il est adapté d'une histoire vraie, qui est le couple incestueux formé par un garçon et une fille au XVIIe siècle.
25:42Avec ce film, Donzelli va pousser son art de l'hybridation à l'extrême,
25:49et va mettre du faux partout, avec une fuite nocturne baignée d'une lumière onirique,
25:55qui semble sortir d'une légende, des anachronismes volontaires,
25:58tels qu'une voiture moderne ou un hélicoptère,
26:01qui ancrent le film hors du temps dans une poésie pure.
26:05Ce choix radical d'anachronisme et d'artificialité va faire écho à une volonté de détachement,
26:10pour mieux explorer la force de l'interdit et la subjectivité des sentiments.
26:15Là où le film et son sujet pourraient être extrêmement sombres et nous mettre très mal à l'aise,
26:23on est dans une espèce de conte de fées, avec tous les codes du conte de fées,
26:27et on parvient à rester très léger, très amoureux.
26:35C'est une histoire d'amour, alors que le sujet et les images sont particulièrement déconcertants.
26:44Je voudrais revenir dans ce contexte sur Mains dans la main,
26:50que je vous ai tout à l'heure un peu décrit et que maintenant je voudrais vous montrer.
26:56Je vais vite, mais c'est parce qu'on n'a pas beaucoup de temps.
26:59Donc si on peut avoir l'extrait de Mains dans la main, qui je le rappelle a été sorti en 2012.
27:14Je ne sais pas, je ne comprends pas.
27:19Laissez-moi.
27:20Mais c'est plus fort que moi, ce n'est pas moi, je vous jure.
27:22On ne jure pas.
27:27Oh, il est là.
27:29Oh, elle est là.
27:31Mlle Marchal est indisposée, patati, patata.
27:33Elle vient de me lire en face, après tout ce que j'ai fait pour elle.
27:35Quelle honte, quelle petite effrontée.
27:39Qu'est-ce que vous faites?
27:40Vous ne me chaperons pas.
28:00Encore une fois.
28:02Par là.
28:04Eh, mais faites attention à celle-là.
28:06Mais pourquoi vous me suivez comme ça?
28:07Mais je ne sais pas, je suis désolé.
28:09Qu'est-ce que vous me voulez à la fin?
28:10Mais rien, je vous assure.
28:12Oh, le ministre.
28:13Mlle Marchal, je plaisante vous.
28:15Vous ne pouvez plus me fuir maintenant.
28:17Stop, arrêtez maintenant.
28:18Calmez-vous.
28:19Je sais.
28:20Vous allez m'aider.
28:21Quoi?
28:22Faites semblant de me violer.
28:23Mais ça ne va pas, vous êtes paré.
28:24Non.
28:25Giflez-moi.
28:26Je n'en ai pas question.
28:27Giflez-moi.
28:28Non.
28:29Encore.
28:30Mais enfin.
28:32Monsieur, ça suffit.
28:33Monsieur, arrêtez de me frapper.
28:34Ça suffit.
28:35Enculez-moi.
28:38Mais vous ne comprenez pas?
28:39Arrachez vos corsages.
28:40Non.
28:41Vite.
28:42Attrapez-moi.
28:43Monsieur le ministre,
28:44vous pénétrez dans l'espace de danse.
28:46Arrêtez, enfin.
28:47Mais qu'est-ce que vous faites?
28:58Mouline.
29:01Mon amour.
29:02Tout va bien?
29:03Je demande pardon.
29:04J'ai eu tellement peur, mademoiselle Marchal.
29:06Je me suis emporté.
29:07J'ai perdu la tête.
29:10Il faut porter plainte immédiatement.
29:11Oui, bien sûr.
29:13Attrapez-le.
29:16Est-ce qu'on n'adore pas
29:17le fait que le ministre crie
29:21« Attrapez-le »
29:22avant que Jérémie El Khaim
29:24se mette à courir?
29:25J'adore.
29:27Il y a plein de petits moments
29:28complètement décalés
29:29chez Valérie Donzelli
29:30et franchement,
29:31quand on découvre son cinéma,
29:33il y a vraiment des moments
29:34où on se dit
29:35mais qu'est-ce que c'est que ce bordel?
29:39Et en fait,
29:40il y a un vocabulaire,
29:42il y a un rythme,
29:43il y a un langage,
29:44il y a des repères
29:45qui, petit à petit,
29:47vraiment comme dans l'œuvre
29:49de tout grand cinéaste,
29:51se mettent à s'imbriquer comme ça
29:53et à créer quelque chose
29:54de tout à fait personnel
29:56et unique.
29:59C'est très attachant,
30:01c'est un cinéma très attachant.
30:03Je reviens à « Main dans la main ».
30:05Dans « Main dans la main »,
30:06Valérie Donzelli,
30:07je vous redonne le contexte,
30:09on a la rencontre improbable
30:10entre Joachim Miroitier
30:13de son état
30:14et Hélène,
30:16directrice de l'école
30:18de l'Opéra de Paris.
30:22On a une rencontre improbable
30:25entre deux univers sociaux
30:26que tout oppose.
30:28La première synchronisation
30:30involontaire dans la salle de danse
30:31introduit cette contrainte burlesque,
30:33mais aussi une nouvelle façon
30:34de filmer l'amour naissant.
30:36La chorégraphie commune
30:37dans le hall
30:38pousse ce principe
30:39à son paroxysme.
30:40Les corps ne s'appartiennent plus,
30:41l'abandon devient l'ultime équilibre,
30:43leur connexion inexplicable
30:45où chacun répète
30:46les gestes de l'autre
30:47devient une métaphore
30:48des barrières sociales
30:49et de leur dépassement.
30:50À travers ce lien involontaire,
30:51Donzelli illustre
30:52les écarts de classe
30:53et la manière dont
30:54l'élitisme culturel
30:55et le monde ouvrier
30:56peuvent se confronter
30:57et se dénoncer mutuellement.
30:58On ne croit pas comme ça
31:00quand on les voit
31:01en train de se courir après
31:03qu'il y a autant de profondeur derrière.
31:05Mais si !
31:06La mise en scène
31:07appuie ce contraste
31:08par le choix des lieux,
31:09toujours,
31:10on en parlait tout à l'heure,
31:11enfin je vous en parlais tout à l'heure,
31:12l'opéra garnier,
31:13face à la province,
31:14les attitudes corporelles,
31:15le contrôle rigide d'Hélène
31:17contre la spontanéité de Joachim,
31:18et puis le regard des autres
31:20qui soulignent
31:21leur inadéquation sociale respective.
31:23Mais au fil du récit,
31:24le film renverse cette hiérarchie.
31:26Alors que Hélène domine Joachim
31:28par son statut au départ,
31:29elle devient progressivement dépendante de lui,
31:31ce qui brouille les rapports de force.
31:33Est-ce que c'est la bonne page ?
31:35Oui !
31:36Ce basculement rappelle
31:37que les différences de classes
31:39sont une construction sociale
31:40et que le langage du corps et du mouvement
31:42peut transcender ces clivages.
31:44Donzelli propose un compte social
31:47qui ressemble à un ballet
31:49où le fantastique et le burlesque
31:50permettent de repenser les frontières
31:52entre les classes
31:53et sans aucun discours didactique,
31:55elle suggère qu'en s'ouvrant à l'autre,
31:57en acceptant une perte de contrôle,
31:59il est possible d'effacer
32:00les distinctions rigides qui nous séparent.
32:02« Main dans la main »
32:03est une métaphore subtile
32:04de l'équilibre entre les classes
32:06où le mouvement physique
32:07reflète une réconciliation sociale et humaine.
32:12Deuxième partie.
32:14Style et esthétique,
32:16l'équilibre entre réalisme et fantaisie.
32:18Où vais-je chercher des trucs pareils ?
32:21Le mélange audacieux des genres.
32:23Donzelli refuse les classifications rigides.
32:26Ces films oscillent toujours
32:27entre comédie romantique,
32:28drame intime et burlesque,
32:29sauf, comme je l'ai dit,
32:31pour « Merci, l'amour et les forêts »,
32:36il y en a un qui suit, il est là,
32:40qui est un drame du début jusqu'à la fin.
32:44Sa mise en scène dépasse les conventions
32:48comme en témoigne « Main dans la main »
32:49où elle mêle littéralement la danse et l'amour.
32:51Mais ce jeu sur l'équilibre
32:52entre le drame et la fantaisie
32:53est une caractéristique essentielle de son cinéma.
32:56Dans « La guerre est déclarée », par exemple,
32:57le récit profondément tragique
32:59du combat d'un couple
33:00contre la maladie de leur enfant
33:01est traité avec une vitalité
33:03et une mise en scène rythmée
33:05qui évite le pathos.
33:06Le montage dynamique,
33:07l'usage de la musique
33:08contribue à insuffler une énergie
33:10qui rend l'histoire universelle et lumineuse.
33:13Il y a un deuxième très court extrait
33:16de Marguerite et Julien
33:17que je voudrais qu'on regarde.
33:19C'est très rapide.
33:22« Marguerite a été obligée de se marier
33:24avec le sieur Lefèvre,
33:26un simple receveur de taille,
33:28très riche,
33:30le seul qui voulait encore bien d'elle. »
33:52« Je suis là. Je te vois. »
34:23« La Marguerite a été obligée de se marier
34:26avec le sieur Lefèvre,
34:28un simple receveur de taille,
34:30très riche,
34:32le seul qui voulait encore bien d'elle. »
34:44Je vous rappelle qu'on est au XVIIe siècle.
34:46Donc, au XVIIe siècle,
34:48on a des déesses.
34:50C'est bien.
34:54Dans Marguerite et Julien,
34:56l'équilibre d'Onzélien prend une autre forme.
34:58Avec ce récit d'inceste fraternel
35:01qui est d'une intensité dramatique force,
35:03Donzélie insuffle une poésie intemporelle
35:05par le biais d'un anachronisme volontaire
35:07et d'un travail visuel onirique.
35:09Les choix de mise en scène,
35:10les courses effrénées des protagonistes,
35:12la lumière douce et irréelle
35:13donnent au film un ton de légende
35:14qui atténue son poids tragique.
35:17Sachez que,
35:19dans cette adaptation
35:21d'un drame
35:23qui a vraiment eu lieu
35:25et qui a fini par une double décapitation,
35:27spoiler,
35:30on a un hélicoptère,
35:32plusieurs voitures,
35:34des flics
35:36en képis
35:38et pulls marins.
35:41Il y a, comme ça,
35:42toute une série d'anachronismes
35:44complètement déliants,
35:46volontairement assumés.
35:48C'est un des ingrédients
35:50qui fait que ce film
35:52qui est très étrange
35:54et très malaisant
35:56reste
35:58toujours en suspension.
36:00Il y a quelque chose d'extrêmement aérien
36:02dans le film
36:04alors qu'il est particulièrement dur.
36:08Et puis,
36:10dans l'amour et les forêts,
36:12pareil,
36:14on a les codes du cinéma
36:16qui sont manipulés pour passer
36:18du registre romantique
36:20à un thriller psychologique
36:22extrêmement tendu
36:24et qui met lui aussi très mal à l'aise.
36:28Vous avez entendu la musique
36:30dans l'extrait de...
36:34Je ne sais plus...
36:36Vous êtes trop, trop, trop
36:38intimidants.
36:40On regardait Marguerite et Julien, merci.
36:46Vous avez aussi entendu
36:48des musiques dans à peu près
36:50tous les extraits que je vous ai montrés.
36:52J'aurais aimé parler de la musique
36:54comme élément narratif.
36:56La musique occupe une place centrale
36:58dans le cinéma de Valérie Donzelli,
37:00non seulement comme accompagnement sonore
37:02mais aussi comme élément structurant de la narration.
37:04Elle joue sur différents registres musicaux
37:06pour accentuer les émotions,
37:08la structure de ton,
37:10insuffler une dimension sensorielle à ses récits
37:12et donc toujours garder un équilibre.
37:14La musique y contribue énormément.
37:16Dans La reine des pommes,
37:18qui est un film
37:20qui s'inspire de la comédie musicale
37:22avec des interventions chantées
37:24qui viennent briser le récit,
37:26Donzelli emprunte à Jacques Demy
37:28l'idée d'une narration rythmée par la musique
37:30où les dialogues se mêlent parfois aux mélodies
37:32pour exprimer les états d'âme des personnages.
37:34Dans La guerre est déclarée,
37:36en 2011,
37:38la musique est particulièrement marquante.
37:40Donzelli juxtapose
37:42des morceaux classiques et contemporains
37:44pour dynamiser le récit
37:46et alléger la tension dramatique.
37:48Vous l'avez vu tout à l'heure,
37:50on a vu la scène de footing du couple
37:52où la musique transforme un moment de détresse
37:54en une séquence presque chorégraphique.
37:56Mais juste avant,
37:58il y a une scène courte, très marquante
38:00où la musique puis le silence
38:02racontent toute la détresse intérieure
38:04du personnage.
38:06On va regarder juste cet extrait,
38:08on s'arrête si c'est possible
38:10au moment où l'infirmier récupère Donzelli
38:12et la porte dans le couloir.
38:14C'est le spoiler de la scène,
38:16mais c'est pas ça qui est intéressant dans la scène.
38:34...
38:36...
38:38...
38:40...
38:42...
38:44...
38:46...
38:48...
38:50...
38:52...
38:54...
38:56...
38:58...
39:00...
39:02...
39:04...
39:06...
39:08...
39:10...
39:12...
39:14...
39:28Dans Main dans la Main,
39:30plus tard, la musique accompagne littéralement
39:32le mouvement des corps. Le travail de Pierre Bastien
39:34sur la bande originale permet d'accentuer
39:36la fusion physique entre les protagonistes
39:38rendant chaque synchronisation
39:40plus fluide et naturelle.
39:42La musique devient alors un élément narratif
39:44à part entière, symbolisant leurs liens
39:46involontaires. Dans Marguerite et Julien
39:48en 2015, la bande originale
39:50composée par Camille renforce
39:52l'aspect intemporel et onirique du film.
39:54L'assemblage de sons organiques
39:56et de voix aériennes accentue le caractère mythologique
39:58du récit et appuie l'idée d'un conte
40:00hors du temps. Et, je reviens
40:02à L'Amour et les Forêts, 2023,
40:04dans le thriller psychologique de Donzelli,
40:06on adopte une approche plus minimaliste
40:08avec la musique signée Gabriel Yared
40:10qui joue un rôle de tension dramatique.
40:12Au lieu d'adoucir les émotions, elle va venir
40:14souligner la montée progressive de l'angoisse
40:16et de l'oppression. La bande sonore
40:18devient un élément clé pour rendre
40:20tangible l'évolution du personnage principal
40:22sous l'emprise de son bourreau.
40:24Cette diversité d'utilisation musicale
40:26montre à quel point Donzelli s'est joué avec les sonorités
40:28pour modeler l'expérience émotionnelle
40:30du spectateur, que ce soit pour
40:32alléger un drame, renforcer un effet chorégraphique
40:34ou accentuer une tension psychologique.
40:36La musique est
40:38un outil narratif fondamental dans son oeuvre.
40:40Avec La Reine des Pommes et la Guerre est déclarée,
40:42on a la musique qui est utilisée
40:44de façon immersive, parfois chantée
40:46comme un moteur du récit.
40:48Dans Marguerite et Julien,
40:50on a une amplification de l'ambiance
40:52hors du temps alors qu'on a
40:54un environnement extrêmement oppressant.
40:56Dans L'Amour et les Forêts, on a une approche
40:58beaucoup plus minimaliste avec une bande sonore
41:00qui renforce la tension psychologique.
41:04Je voudrais revenir sur l'utilisation
41:06de l'anachronisme et du
41:08décalage de manière générale.
41:10S'il y a bien un mot
41:12qui qualifie le cinéma
41:14de Valérie Donzelli, c'est
41:16le décalage.
41:18La réalisatrice joue avec les
41:20anachronismes et le décalage pour créer un univers
41:22cinématographique singulier
41:24où le temps et l'espace deviennent des concepts
41:26très malléables. Cette approche lui permet
41:28de s'affranchir des codes traditionnels du réalisme
41:30et d'explorer les thématiques profondes
41:32qu'elles soient abordées à travers
41:34un prisme plus poétique et ludique.
41:36Dans son premier film,
41:38La Reine des Pommes,
41:40Donzelli joue avec les conventions du cinéma romantique
41:42et intègre des ruptures de ton
41:44et des dialogues qui flirtent avec l'absurde.
41:46Elle détourne les codes narratifs classiques
41:48en utilisant des effets volontairement
41:50artificiels, comme des monologues
41:52face caméra, des transitions abruptes
41:54inspirées des comédies musicales de Jacques Demy
41:56et des montages
41:58comme ça très
42:00séquencés.
42:02La guerre est déclarée en 2011
42:04qui est un drame
42:06autobiographique, nous montre des moments
42:08de décalage qui viennent briser l'attente du spectateur.
42:10Là où
42:12on pourrait être dans des scènes
42:14extrêmement pesantes, on se retrouve avec
42:16un montage dynamique, une mise en scène très très
42:18stylisée, qui confère à l'ensemble
42:20une énergie inattendue et qui, encore une fois,
42:22nous évite le pathos.
42:24Éviter le pathos, autre
42:26miracle
42:28Donzelli.
42:30Dans Madame la Main,
42:32on a un anachronisme qui est
42:34plus conceptuel
42:36mais qui permet d'explorer la question
42:38de l'amour et de la perte de l'individualité sous
42:40un angle nouveau. Et dans Marguerite et
42:42Julien, on a un parfait exemple
42:44de l'usage des anachronismes.
42:46Ah oui, là je désigne.
42:48Le film
42:50est inspiré d'une histoire vraie du XVIIe
42:52siècle
42:54et
42:56le
42:58le
43:00c'est pas facile
43:02le film là là là
43:04et pourtant, on se retrouve
43:06avec une temporalité qui est
43:08complètement flottante du début jusqu'à la fin.
43:10Mais l'anachronisme
43:12et le décalage dans le cinéma de Donzelli ne sont
43:14jamais gratuits. Ils servent une vision
43:16du monde où les émotions transcendent les époques et où
43:18la réalité est souvent perçue à travers
43:20un prisme subjectif oscillant entre légèreté
43:22et gravité. Et puis il y a la
43:24voix off. L'usage de la voix
43:26off chez Valérie Donzelli, c'est
43:28un élément récurrent
43:30qui sert à la fois
43:32de commentaires distanciés et d'outils
43:34immersifs. Valérie Donzelli
43:36l'utilise de manière inventive pour accentuer
43:38les ruptures de ton et guider le spectateur
43:40et puis pour encore une fois
43:42nous amener toujours sur le fil
43:44entre le réalisme et la fantaisie.
43:46Dans La guerre est déclarée, la voix off
43:48est omniprésente. Elle vient rythmer le récit
43:50comme un écho narratif. Elle instaure une proximité
43:52immédiate avec les personnages et leurs drames.
43:54Dans Marguerite et Julien,
43:56la narration en voix off adopte
43:58une approche quasi légendaire pour
44:00renforcer le caractère mythologique du récit.
44:02Elle inscrit l'histoire des amants
44:04maudits dans cette temporalité flottante
44:06et contribue à l'effet de
44:08contes modernes dont je vous parlais plus tôt.
44:10Et puis dans Main dans la main,
44:12la voix off ajoute une touche burlesque
44:14et poétique et amplifie l'impression
44:16d'une histoire où les lois de la physique
44:18et du destin sont déroutées
44:20par la magie du cinéma.
44:22Loin d'être un simple procédé
44:24explicatif, on dit
44:26toujours que s'il y a trop de voix off
44:28ou si on utilise la voix off dans un scénario
44:30c'est qu'on n'a pas réussi à raconter l'histoire.
44:32Chez Valérie Donzelli,
44:34ce n'est pas le cas. Le narrateur
44:36est un personnage à part entière.
44:38Il est souvent omniscient.
44:40Il a souvent de l'humour
44:42ou une forme
44:44de blasé
44:46qui fait
44:48qu'on reste à l'extérieur
44:50et qu'on ne bascule pas dans ce fameux
44:52pathos que Donzelli cherche toujours
44:54à éviter.
44:56Je ne sais pas à quelle heure il est.
44:58Je regarde.
45:00Tout va bien.
45:04L'une des raisons pour lesquelles
45:06Valérie Donzelli parvient
45:08à créer cette grammaire
45:10qui lui est propre,
45:12ce vocabulaire qui lui est
45:14si personnel, c'est parce qu'elle
45:16travaille depuis le début
45:18avec des
45:20personnes
45:22qui sont récurrentes dans son équipe.
45:24Elle a une famille de cinéma
45:26à l'image de sa famille
45:28à la ville.
45:30J'aurais bien aimé
45:32terminer notre cours
45:34de cinéma au Forum des images
45:36avec un
45:38petit état
45:40des lieux de ses collaborations
45:42et de ses influences parce que Valérie
45:44Donzelli est une cinéaste
45:46vraiment accompagnée. Elle sait s'entourer
45:48et le fait de garder
45:50cette même famille lui permet de
45:52construire quelque chose
45:54qui vient parler à la fois
45:56à ses comédiens
45:58mais aussi à son public.
46:00Il y a plein de ce qu'on
46:02dit, on appelle ça les œufs de Pâques.
46:04Il y a des petits œufs de Pâques
46:06qui sont laissés dans ses films
46:08et pour les cinéphiles
46:10avertis, les gens qui aiment
46:12le cinéma de Valérie Donzelli,
46:14chaque nouveau film a son
46:16petit panier d'œufs de Pâques
46:18avec des
46:20clins d'œil, avec des comédiens qu'on
46:22retrouve, avec des situations qu'on retrouve.
46:24L'évanouissement, je vous l'ai dit, c'est totalement
46:26donzellien. On ne peut pas voir un film de Donzelli
46:28et ne pas s'évanouir.
46:30Il y a des collaborateurs clés dans le film de Valérie
46:32Donzelli, sa famille
46:34cinématographique.
46:38On y trouve Jérémy Elkaïm
46:40qui est acteur-scénariste, c'est l'un des piliers
46:42du cinéma de Valérie Donzelli.
46:46Elle a longtemps été en couple avec lui
46:48dans la vie, puis elle a formé avec lui un duo
46:50artistique. Ils sont
46:52co-scénaristes et partenaires de jeu,
46:54leur complicité transparaît dans plusieurs
46:56films, notamment La Guerre est déclarée qui est inspirée de leur
46:58histoire, et leur duo
47:00apporte une spontanéité, une authenticité
47:02au dialogue et renforce l'impact
47:04émotionnel des récits. Ce travail
47:06en tandem reflète un rare
47:08équilibre entre fiction et réalité où l'intime
47:10devient universel.
47:12Jérémy Elkaïm,
47:14on le trouve, il a de multiples rôles dans
47:16La Reine des Pommes.
47:18Alors oui, un autre truc, c'est que dans le
47:20cinéma de Valérie Donzelli, les hommes s'appellent
47:22très souvent Pierre, Paul ou Jacques.
47:24Ou Pierre, Paul et Jacques.
47:28Dans La Guerre est déclarée, il est le co-scénariste
47:30et l'acteur principal.
47:32Dans Main dans la main, il a le rôle principal
47:34masculin. Dans Marguerite et Julien,
47:36il a le rôle
47:38principal masculin.
47:40Tous deux ont fondé
47:42une société de production en 2012.
47:44Il y a Pauline Gaillard,
47:46la monteuse de
47:48Valérie Donzelli,
47:50qui a fait La Reine des Pommes,
47:52La Guerre est déclarée, Main dans la main, Marguerite
47:54et Julien et L'amour et les forêts.
47:56Vous sentez la thématique de la
47:58monteuse derrière ma sélection
48:00de films.
48:02Sa collaboration constante
48:04a vraiment contribué
48:06à créer le rythme
48:08Valérie Donzelli, qui est
48:10très chantante, très musicale, très
48:12vivante, très dynamique.
48:14Et sans Pauline Gaillard,
48:16je pense que
48:18même sa manière d'écrire
48:20en fait est
48:22influencée maintenant par
48:24le travail de montage et
48:26c'est ça aussi qui est génial dans le montage.
48:28C'est
48:30cette fameuse phase de réécriture
48:32d'un film.
48:36Valérie Donzelli a
48:38les mêmes producteurs derrière
48:40elle, Édouard Veil
48:42de Rectangle Productions et
48:44Alice Girard par la suite pour La Guerre est
48:46déclarée, Main dans la main, Notre Dame, L'amour et les forêts.
48:50Le scénariste
48:52marchand a fait Main dans la main,
48:54Marguerite et Julien. Bastien
48:56Bouillon, qui a
48:58explosé récemment dans la nuit
49:00du 12 de Dominique Molle, d'ailleurs
49:02Dominique Molle joue dans certains des films de Valérie
49:04Donzelli. Mais Bastien
49:06Bouillon, qui est un merveilleux acteur français
49:08est dans La Guerre est déclarée,
49:10dans Main dans la main, dans Marguerite et
49:12Julien et
49:14il est dans le prochain film
49:16de Valérie Donzelli qu'elle est en train de tourner
49:18en ce moment même.
49:20Et puis je voulais
49:22vous parler, ah puis
49:24il y a cette actrice que j'adore
49:28et j'ai perdu son nom
49:30qui joue La meilleure amie
49:32de Valérie Lemercier
49:34Non
49:36Celle qui joue La meilleure amie de Valérie
49:38Lemercier dans Main dans la main
49:40qui est une espèce de dame
49:42toute rigolote
49:44Merci, c'est merveilleux
49:46Euh
49:48Voilà
49:50Pendant qu'on cherche cette actrice
49:52qui est récuente, qu'on trouve dans
49:54quasiment tous les films, elle a des rôles différents
49:56petits, plus ou moins présents
49:58Qui ça ?
50:00C'est ça, merci
50:04Béatrice
50:06Parlez
50:08Voilà
50:10Et puis il y a les inspirations cinématographiques
50:12de Valérie Donzelli
50:14Jacques Demy, on l'a vu
50:16on vous l'a dit
50:18c'est un rond royal
50:20Jacques Demy, évidemment pour le lien
50:22entre la musique et la narration
50:24François Truffaut pour le réalisme affectif
50:26et la liberté de ton
50:28Agnès Varda pour l'approche ludique
50:30du montage
50:32Le burlesque avec Chaplin et Tati
50:34avec ce décalage comique, ce regard tendre
50:36sur la condition humaine
50:38et enfin Chantal Ackermann, influence sur la gestion
50:40du temps et observation
50:42des dynamiques de couple
50:46On adore Chantal Ackermann
50:48J'ai une conclusion
50:50avant
50:52de discuter avec vous
50:54éventuellement
50:56Je regarde si je suis dans les temps
50:58Je n'aurais jamais été
51:00aussi à l'heure de ma vie
51:02Le cinéma
51:04de Valérie Donzelli, c'est un cinéma qui est
51:06en mouvement, qui prend toujours de la hauteur
51:08qui nous maintient sur le fil
51:10C'est une réalisatrice
51:12qui défie les étiquettes, jonglant
51:14entre tragique et comique
51:16avec une légèreté unique
51:18Son cinéma en perpétuel mouvement
51:20reflète une vision du monde pleine de contradictions
51:22où l'équilibre réside dans l'art
51:24de l'oscillation
51:32Valérie Donzelli a su s'entourer
51:34d'une équipe fidèle de collaborateurs
51:36qu'ils soient acteurs, scénaristes, monteurs ou compositeurs
51:38cette famille cinématographique contribue
51:40à la cohérence et à la richesse de son œuvre
51:42chaque membre apportant une touche distinctive
51:44qui façonne son style singulier
51:46Grâce à ces collaborations récurrentes
51:48son cinéma conserve une tonalité intime
51:50et reconnaissable
51:52où les liens artistiques renforcent l'authenticité
51:54de ses récits et parviennent à maintenir
51:56sur le fil
51:58et de manière souvent inattendue
52:00l'équilibre Donzellien
52:02en toutes circonstances

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