Dans ce nouvel épisode de "Chocs du monde", le magazine des crises et de la prospective internationale de TVL, Edouard Chanot reçoit Alexandre Cormier-Denis, essayiste nationaliste québécois, cofondateur de Nomos TV, et auteur de "Ecrits nationalistes".
Le Canada vient de se doter d’un nouveau premier ministre, après une décennie Trudeau. Il s’appelle Mark Carney, véritable incarnation de l'hyperclasse mondialisée et mondialiste. A l’avant-garde du multiculturalisme, le Canada est aujourd’hui en confrontation directe avec Donald Trump, qui menace Ottawa de droits de douanes. Que peuvent espérer les nationalistes québécois de Trump, entre exemple idéologique et confrontation politique ?
Le Canada vient de se doter d’un nouveau premier ministre, après une décennie Trudeau. Il s’appelle Mark Carney, véritable incarnation de l'hyperclasse mondialisée et mondialiste. A l’avant-garde du multiculturalisme, le Canada est aujourd’hui en confrontation directe avec Donald Trump, qui menace Ottawa de droits de douanes. Que peuvent espérer les nationalistes québécois de Trump, entre exemple idéologique et confrontation politique ?
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00:00Générique
00:22Bonsoir à tous et bienvenue dans Choc du Monde, le magazine des crises, de la prospective
00:26internationale de TVL. Alors le Canada vient de se doter d'un nouveau Premier ministre
00:30après une décennie trudeau. Ce nouveau Premier ministre s'appelle Marc Carnet. Alors hasard
00:36du calendrier, cela advient alors que je reçois l'essayiste nationaliste québécois Alexandre
00:41Cormier-Denis de passage à Paris pour l'édition d'un recueil d'essais écrit nationaliste
00:45préfacé par Renaud Camus. Alexandre Cormier-Denis, bonsoir.
00:49Bonsoir, même fois merci de me recevoir sur le plateau de TV Libertés, ça me fait vraiment
00:54plaisir d'être là parmi vous. Merci d'avoir donc répondu présent à l'appel
00:58des Chocs du Monde et puis évidemment bienvenue à Paris, bienvenue en France. Alors je disais
01:02qu'après une décennie trudeau, commençons par là si vous le voulez bien, après une
01:07décennie trudeau, une longue décennie trudeau, est-ce pour autant la fin de ce que lui représentait
01:12et exprimait ? On a eu en effet le sentiment qu'il était avec lui le Canada à l'avant-garde
01:18du wauquisme. Oui tout à fait, ça c'est tout à fait
01:21clair. Est-ce qu'on est à la fin de cela ? Difficile à dire, on s'en va vers une campagne
01:27électorale assez resserrée, notamment en raison de l'élection de Trump, de façon
01:32un peu pavlovienne. Le Canada a toujours tendance à prendre le contre-pied des États-Unis.
01:38Pour les Français, c'est pas toujours clair quelle est la différence entre les Canadiens
01:42anglais et les Américains, on comprend pas trop, même nous en tant que finalement Québécois,
01:48catholiques, francophones, c'est pas toujours clair entre ces deux types d'anglo-saxons,
01:51mais il faut comprendre que l'identité canadienne-anglaise est construite en opposition
01:56à la république américaine. Ce sont des gens qui, finalement, essaient de continuer
02:00l'Empire britannique en Amérique du Nord et qui refusent la république américaine.
02:04Donc, en général, quand les Canadiens anglais se construisent une identité nationale, c'est
02:10soit en réaction face à leur grosse minorité francophone que nous sommes, nous, les Canadiens
02:15ou face aux Américains. Donc, si les Américains virent à droite, il y a une tendance au Canada
02:21à faire l'inverse. Donc, ça veut pas dire que l'élection de Trump va amener une droitisation
02:27du Canada anglais, bien au contraire, il pourrait y avoir une sorte de fuite en avant vers le
02:31gauchisme de la part des Canadiens anglais. On voit un peu ce mouvement-là dans les sondages.
02:36Il y a un parti conservateur, il y a deux grands partis au Canada anglais, le parti
02:40conservateur et le parti libéral, le parti libéral qui est le parti de M. Trudeau, qui
02:45pourrait reprendre le pays, en quelque sorte, qui pourrait être réélu. Donc, point d'interrogation
02:52sur la suite des choses. Toujours garder en tête que le Canada a une constitution qui
03:00a inscrit le multiculturalisme en toutes lettres. Donc, on n'est pas à la fin de ce côté
03:06post-national, même si les conservateurs reprenaient le pouvoir.
03:10Incertitude, donc, pour le Canada. Alors, pour en éclaircir certaines, surtout sur l'actualité,
03:14je vous propose de revenir sur cette victoire de Marc Carnet avec ce petit résumé.
03:2185,9% des suffrages contre 8% pour Christia Freeland. Marc Carnet a pris le 9 novembre
03:28la place de Justine Trudeau à la tête du parti libéral du Canada. Il deviendra, dans
03:33les jours qui viennent, Premier ministre, après avoir dirigé la Banque centrale du
03:37Canada de 2008 à 2013 et celle de Grande-Bretagne de 2013 à 2020. Mais cet économiste est
03:44dépourvu d'expérience politique. Carnet se devra de défendre le Canada face à Trump,
03:50qui a estimé que le Canada devrait devenir le 51e État américain et qui fait peser
03:56une menace de droit de douane de 25% sur tous les produits canadiens, excepté les hydrocarbures.
04:03Carnet craint des jours sombres provoqués par un pays auquel nous ne pouvons plus faire confiance.
04:13Alors, Alexandre Cormier-Denis, est-ce un problème important pour un nationaliste québécois
04:18comme vous, cette victoire de Marc Carnet ? Ou Marc Carnet est-il à condamner d'emblée ?
04:23Ou faut-il le soutenir d'une manière ou d'une autre, par exemple, face à Donald Trump ?
04:27Ah oui, c'est une très bonne question. Ce qu'on voit actuellement, c'est qu'il y a un mouvement
04:31de solidarité, en fait, des Québécois envers le Canada anglais. Pourquoi ? En raison des
04:36droits de douane, des menaces de droits de douane de Donald Trump et, évidemment, la
04:41rhétorique sur l'annexion, l'annexion du Canada. Ça a tendance à solidariser plutôt
04:47les Québécois avec le reste du Canada, pour plein de raisons. Parce que, d'une part,
04:51si on ne peut plus faire de libre commerce, finalement, avec les États-Unis, ça solidarise
04:57économiquement le Québec avec le reste du Canada. Il faut comprendre que les souverainistes
05:01québécois ont toujours été en faveur du libre-échange avec les États-Unis, parce
05:05que ça a décanadianisé, en quelque sorte, l'économie québécoise, en l'ouvrant
05:09au marché américain. À partir du moment où les Américains ne veulent plus faire
05:12de libre commerce, ou en tout cas, sont dans une phase un peu plus protectionniste, ce
05:16qu'il faut dire d'ailleurs, ce qui a été poursuivi par Joe Biden, ce n'est pas Donald
05:21Trump qui a initié tout cela, il y a beaucoup plus de continuité, comme on a tendance à
05:24croire, entre les politiques économiques de Trump et Biden. Ce protectionnisme, donc,
05:31américain a tendance à solidariser les Québécois avec le Canada. Évidemment, d'un point
05:36de vue québécois, nationaliste canadien-français, l'annexion aux États-Unis, la rhétorique
05:43trumpiste sur l'annexion aux États-Unis, ont tendance à être un peu inquiétantes.
05:48Parce qu'on s'est toujours demandé, nous, en tant que Québécois, quel serait notre
05:53sort au sein d'une grande république fédérale américaine, c'est la raison pour laquelle,
05:56historiquement, on a toujours plutôt rejeté l'annexionnisme aux États-Unis, c'est quelque
06:00chose qui s'est présenté à quelques fois dans notre histoire, quand les Américains
06:03nous ont envahis, en 1775 et en 1812, les Canadiens-Français ont toujours rejeté cette
06:10espèce de proposition de rejoindre les États-Unis. Donc, oui au libre commerce avec les Américains,
06:16non au fait de rejoindre la république fédérale. Carney, malheureusement, a des tendances très
06:21centralisatrices, donc ça c'est pas très bon d'un point de vue patriote québécois,
06:25on s'inquiète finalement de la volonté de Carney d'unifier l'économie canadienne.
06:31Ça représente de gros défis pour le Québec en termes de politique identitaire, mais également
06:36en termes de politique économique, donc il va falloir être extrêmement vigilant face à cette
06:42caricature un peu des élites mondialistes qu'est Carney. C'est un type qui est passé par Goldman
06:46Sachs, c'est un type qui a été finalement banquier de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre,
06:51qui est dans les groupes Bilderberg, il a une triple nationalité, nationalité irlandaise,
06:57britannique et canadienne, donc c'est vraiment un type déraciné qui promeut l'écologisme dans
07:05sa version financiarisée, un homme des lobbies économiques et quelqu'un qui a un agenda un peu,
07:12comment je dirais, très idéologique, marqué sur l'éco-socialisme, sur, si on veut,
07:21en quelque sorte, la société ouverte. Il est très sorosien en quelque sorte, ce Mark Carney.
07:26Donc évidemment, d'un point de vue patriote québécois, c'est quelqu'un que je considère
07:29particulièrement dangereux. Comme un danger. Alors revenons sur vos écrits que vous venez
07:35donc de publier. Ils commencent en 2016. Alors vous dites que 2016 c'était une année d'effervescence
07:41idéologique et j'ai l'impression, à vous écouter, que nous n'en sommes pas tout à fait sortis de
07:46cette année, de cette ère d'effervescence idéologique. C'était évidemment l'année
07:50de l'ère Trump, la première année de l'ère Trump, 2016. Et puis au Québec, chez vous donc,
07:552018, quelques mois plus tard, on a vu la victoire de la coalition Avenir Québec qui a rompu le
08:01bipartisme du parti québécois et du parti libéral de Québec avec près de 40% des voix et près de 80
08:07sièges. Donc il y a une double dynamique à la fois en Amérique du Nord, à la fois chez vous,
08:12à Québec. J'en reviens à Trump. Pour préciser votre pensée, est-il un danger, une solution pour
08:19Québec et son nationalisme dans cette double dynamique ? C'est une question. Trump peut
08:25avoir des effets paradoxaux. C'est-à-dire que d'un côté, on peut analyser la victoire de Trump
08:31comme une défaite du marxisme culturel, ce qu'on appelle généralement plutôt le wokisme. C'est un
08:35peu comme ça que même la gauche américaine l'a analysé. D'un autre côté, nos démocraties
08:41occidentales, et même en Europe, peuvent prendre le contre-pied du trumpisme. Je rappelle que,
08:45par exemple, ce qui s'est produit suite au renversement de Roe vs. Wade aux États-Unis sur
08:51la décision de la Cour suprême sur l'avortement, quelle a été la réaction des Français d'inscrire
08:56l'avortement dans la Constitution française ? C'est comme si, parce que les Américains se
09:01droitisaient, les social-démocraties occidentales plutôt à gauche, par exemple au Québec, le Canada
09:07ou même la France, pourraient vouloir prendre le contre-pied de ça. Un peu comme ce que j'expliquais
09:11avec le Canada anglais. Donc, les effets du trumpisme peuvent être un peu pervers pour les
09:17peuples qui ne sont pas américains. Également, Trump a une tendance, comme on l'a vu dans les
09:22derniers mois, les dernières semaines, à braquer aussi les alliés traditionnels occidentaux. Donc,
09:29il faut faire attention de voir si Trump n'a pas un effet repoussoir pour les peuples occidentaux
09:36en général, par sa volonté finalement de brasser un peu sur les questions de défense, le fait de
09:43plus dépenser le PIB sur le temps, sur la défense en fait. Ça peut avoir des effets pervers sur nos
09:49démocraties, même si évidemment, la plupart des nationalistes, je pense, des patriotes partout en
09:56Occident se sont réjouis de sa victoire. Il faut toujours calculer quels sont les effets dans nos
10:02sociétés à nous et pas juste, comment je dirais, de façon un peu naïve, de façon un peu simpliste,
10:10agiter le drapeau MAGA sans réfléchir aux conséquences que ça a pour nos sociétés.
10:15Alors, vous vous décrivez comme un militant nationaliste et occidentaliste, si je vous ai bien
10:20compris. Alors, vous voulez, Alexandre Cormier, un État français en Amérique du Nord. Ce discours
10:26est né au Québec dans les années 50-60, vous nous l'expliquez dans votre essai, en même temps que
10:31les peuples colonisaient, s'émancipaient des puissances occidentales. Mais alors par contre,
10:35Alexandre Cormier-Denis, vous n'aimez pas cette convergence des luttes.
10:38Non, c'est-à-dire qu'il y a tout un courant nationaliste au Québec qui émerge dans les années 60,
10:46qui finalement fait des Québécois des dominés de la terre, des damnés de la terre. Nous sommes des
10:51dominés. Notre lutte, c'est un peu comme la lutte des afro-américains aux États-Unis, ou comme la
10:57lutte des Algériens. Il faut voir que le mouvement néo-nationaliste des années 60 va avoir une
11:03sympathie très très grande, par exemple, pour le FLN et l'Algérie algérienne, à contrario de
11:08l'Algérie française. Ce qui peut sembler contre-intuitif, là, pour des Français, mais ça s'explique par
11:14justement une sorte d'analyse marxiste. Nous, peuple canadien-français, dominés par une bourgeoisie
11:20anglophone, en fait, on est un peuple de prolétaires et on a pu superposer une grille de lectures
11:25marxistes sur, finalement, notre condition nationale. Il y avait l'oppression nationale qui
11:31venait du Canada anglais et ce à quoi s'est rajouté une oppression, finalement, de classe. Évidemment,
11:37c'est une lecture très particulière de l'histoire qui, à mon avis, n'embrasse pas la totalité de
11:45notre histoire parce qu'on n'est pas seulement des dominés, on n'a pas seulement été conquis par
11:49l'Empire britannique, nous sommes aussi un peuple d'origine européenne qui avons pris possession
11:54de l'Amérique du Nord au nom du roi de France et du Christ, en quelque sorte. Je rappelle que le
11:59drapeau du Québec, qu'est-ce que c'est? C'est une croix blanche sur fond azur surmontée de quatre
12:05fleurs de lys. C'est pratiquement un drapeau monarchiste français. Ça serait peut-être même
12:10le drapeau de la France à peu de choses près si la France n'avait pas connu la Révolution. Donc,
12:14notre histoire n'est pas seulement une histoire de domination par l'Empire britannique, c'est aussi
12:20l'histoire de l'expansion européenne en Amérique, le fait d'amener le christianisme, le fait de
12:27civiliser ce territoire, le fait de l'humaniser et je pense qu'il faut embrasser l'entièreté de
12:33notre condition nationale en tant que Québécois et pas juste se focaliser sur les aspects plus
12:40doloristes, disons, de notre histoire. Mais remarquez que c'est pas exceptionnel en Europe, vous savez,
12:46les mouvements séparatistes catalans sont plutôt marqués à gauche, les mouvements séparatistes
12:52notamment en Irlande sont aussi dans cette lecture tiers-monde. Donc, il y a une tendance même au sein
12:57d'autres mouvements en Occident de se considérer comme solidaires du tiers-monde. Moi, je pense
13:03qu'il faut opérer une rupture avec tout ça et embrasser finalement notre européanité et notre
13:08occidentalité. Parce que ce que vous nous dites, c'est que le Québec, en fait, en raison de son
13:13histoire que vous venez de décrire, est une cible de choix pour les déconstructeurs, en fait, si je
13:17comprends bien. Oui, en grande partie. Et parce qu'on ajoute, c'est ce que vivent toutes les sociétés
13:22occidentales, en fait, une espèce de culpabilisation généralisée. Quand on parle de la France, c'est
13:27évidemment le passé colonial. Nous, c'est la même chose, mais comment je dirais, on remet même en
13:32question la légitimité de l'État en nous parlant de terres autochtones volées alors que finalement,
13:37quand on étudie réellement l'histoire du Québec, on se rend compte que ce n'est pas vraiment le cas.
13:42Ça a été une question d'alliance avec les Autochtones et que certains Autochtones qui sont
13:46aujourd'hui chez nous, en fait, leurs terres d'origine viennent des États-Unis. Ils en ont été
13:51chassés. Donc, vous savez, quand on se met à avoir une lecture un peu plus fine de l'histoire, on se
13:56rend compte que tout ça repose sur pas grand-chose. Et je pense qu'il ne faut pas céder aux sirènes de
14:01la culpabilisation en général, peu importe notre histoire. La France et la colonisation française,
14:07on fait de grandes choses. D'ailleurs, moi, je trouve que la colonisation française est quelque
14:11chose de merveilleux puisque ça a donné naissance à mon pays, le Québec. Donc,
14:14difficile pour nous de ne pas considérer de façon positive, finalement, cette expansion de la France
14:21sur le Nouveau Monde et son rayonnement international.
14:25Puisqu'il peut avoir été positif en Amérique du Nord,
14:27peut l'être être négatif ailleurs. Peut-être que...
14:30C'est vrai. C'est vrai, mais en même temps, quand on regarde le niveau de vie qui a été amené par la
14:38colonisation française, par exemple, en Afrique, elle est quand même là. C'est-à-dire le développement...
14:41Vous savez, ça m'est arrivé, j'ai fait des études au Proche-Orient et les Maghrébins ont tendance
14:46à plus se confier à un Québécois qu'à un Français parce qu'ils n'ont justement pas de rapport
14:52colonial un peu tendu. Et moi, c'est quelque chose qui m'a été toujours dit par les Maghrébins.
14:56Ils m'ont dit « En fait, tous les bâtiments que vous voyez ici, ça a été fabriqué par la France. »
15:02Donc, il y a quand même une reconnaissance, même chez des peuples qui sont historiquement,
15:06en tout cas géopolitiquement, un peu hostiles à la France, la reconnaissance que le capital en termes...
15:13Comment je pourrais dire... Le capital bâti, le capital institutionnel qu'a laissé la France
15:19est quand même très, très grand. Donc, la civilisation française a rayonné et je pense qu'on a trop
15:25tendance à noircir le tableau en général, même...
15:29C'est ce que vous appelez l'ethno-masochisme.
15:30Oui, tout à fait. Un terme de Guillaume Fay que je reprends à mon compte, que je trouve extrêmement bien ciblé.
15:38Parce que je pense que l'Occident, à mon avis, l'Occident pour moi est la plus grande civilisation
15:43qui ait jamais existé parce que c'est la continuité finalement du droit romain, du christianisme en termes
15:50finalement spirituels et évidemment, comment je dirais, de la philosophie grecque.
15:57Pour moi, on est certainement dans une des civilisations qui a le plus de profondeur, le plus de rayonnement,
16:03le plus, je dirais, d'atouts et on n'a pas à en rougir. Je pense qu'il faut assumer pleinement cet héritage,
16:12ce triple héritage du droit romain, de la philosophie grecque et du christianisme.
16:16Alors, évidemment, la situation semble assez sombre, si on vous lie. D'ici 2035, dans 10 ans, les Québécois
16:23seront minoritaires ethniquement parlant. Les souverainistes québécois sont, selon vous, naïfs.
16:28Je vous cite un naïf sur la question migratoire. Contexte général du Québec, le Québec est adepte du multiculturalisme,
16:36vous l'avez déjà dit.
16:37Oui, alors il y a, comment je dirais, parce qu'il y a aussi une influence française un peu républicaine de gauche
16:43sur le Québec. Il y a une espèce de lutte actuellement entre, finalement, le modèle d'assimilation québécois
16:49qui reprend un peu plus la laïcité à la française et le modèle multiculturaliste à l'anglo-saxonne
16:55qui est défendu par Ottawa. Donc, on a, par exemple, une loi qui est devant les tribunaux, la loi 21,
17:01qui, finalement, est une espèce de laïcité réduite où on empêche, finalement, les fonctionnaires en poste d'autorité
17:12de porter des signes religieux ostentatoires.
17:14Or, c'est contesté par la Cour suprême canadienne et là, il y a une sorte d'affrontement, si on veut, au niveau institutionnel
17:21entre le Québec et le Canada sur la gestion du multiculturalisme.
17:24Mais, encore une fois, sur la question de la laïcité, moi, je pense qu'il y a de grandes naïvetés dans la gauche laïcade québécoise
17:31parce que, finalement, on va se retrouver dans une situation, par exemple, la situation française ou la situation belge même
17:38où, oui, il y a des lois qui encadrent la question du religieux, mais, au fond, le moteur de l'histoire, c'est plutôt la démographie.
17:45Et, selon moi, il faut mettre en place des critères de compatibilité civilisationnelle pour, finalement, mettre en place des politiques d'immigration responsables.
17:56— C'est votre expression. Politiques d'immigration responsables. D'ailleurs, en fait, vous n'êtes pas un sarcosiste québécois.
18:01Vous ne demandez pas d'immigration choisie.
18:03— Ben, en fait, l'immigration, il faut, selon moi, mieux la sélectionner parce qu'actuellement, ce qu'on fait au Québec, qu'est-ce que c'est?
18:13C'est simplement prendre le critère linguistique. Mais le critère linguistique, ce n'est pas le seul critère.
18:20C'est-à-dire qu'on peut facilement se retrouver avec des gens qui veulent l'instauration de la charia au Québec et qui sont francophones,
18:26des imams intégristes algériens, marocains, etc.
18:30D'ailleurs, on en a chez nous aussi qui, finalement, appellent à la destruction de l'Occident au nom de la liberté d'expression.
18:38Donc, selon moi, il y a la question de la francophonie parce qu'elle est très importante, évidemment, pour le Québec, historiquement,
18:45parce que juste le fait de parler français a été, finalement, un acte de résistance en Amérique du Nord
18:51à l'intérieur de ce qui est le reliquat de l'Empire britannique en Amérique du Nord, le Canada.
18:57Mais ça ne peut pas se limiter qu'à la question, finalement, linguistique.
19:01Il faut aussi embrasser la question culturelle au sens large et donc civilisationnelle.
19:06Et moi, ce que je reproche aux patriotes québécois civiques, aux mouvements souverainistes québécois actuels,
19:14c'est une forme de naïveté sur cette question-là.
19:17On voit très bien que les politiques d'immigration francophone en France, en Belgique, même en Suisse,
19:22ça donne quand même lieu à des tensions sociales très, très fortes.
19:25Et on pouvait, à la limite, excuser la France de, comment je dirais, de ne pas avoir anticipé ce genre de choses-là.
19:34Mais voyons ce que ça donne dans les sociétés européennes.
19:37Nous, en tant que Québécois, on peut très bien regarder les exemples belges, français, suisses,
19:41et se dire qu'il ne faut pas le reproduire, en quelque sorte.
19:45Alors, vous évoquez des critères plus larges, civilisationnels.
19:48J'imagine que cela implique aussi la démographie.
19:51Je rappelle que la natalité, on est à 1,38 enfants par femme au Québec.
19:56N'est-ce pas là le cœur du problème, en fait ?
19:58C'est évident. C'est évident et c'est ce que connaissent...
20:021,38 à Québec. En France, pour mémoire, pour les téléspectateurs, nous sommes à 1,79, ce qui est déjà relativement faible.
20:08Oui, ce qui est déjà relativement faible. Et puis, en plus...
20:11Avec l'apport, évidemment, de l'immigration de masse.
20:13Oui, oui, c'est ça, avec l'apport de l'immigration de masse.
20:15Et puis, si on regardait dans le détail les gens d'origine africaine,
20:19probablement que ce serait un peu plus élevé que les Français d'origine européenne.
20:22Enfin, bref.
20:23Oui, oui, évidemment, c'est un grand problème.
20:26Et il faut constater que c'est un problème mondial.
20:29La Corée du Sud a un taux de natalité encore inférieur à 1 enfant par femme.
20:35C'est un peuple qui pourrait disparaître d'ici un siècle, un siècle et demi.
20:39Donc, on voit qu'on est face à des défis majeurs.
20:42Moi, je prône, évidemment, pour des politiques natalistes.
20:45C'est compliqué à mettre en place.
20:47On voit que, par exemple, la Pologne nationaliste, la Hongrie nationaliste
20:50ont essayé de mettre en place des politiques natalistes.
20:53Les résultats sont très mitigés.
20:56On se rend compte qu'en fait, les pays qui réussissent à avoir une bonne natalité,
20:59ça fonctionne pas simplement par la question de, je dirais,
21:03les questions de faveur économique, de politique économique,
21:08c'est par la pression sociale.
21:10C'est comme ça que ça fonctionne en général dans les pays
21:13où on réussit à avoir une bonne natalité.
21:15C'est parce que l'ambiance sociale met de la pression
21:19sur les gens qui sont trentenaires et qui n'ont pas d'enfants.
21:21Donc, ça demande une révolution des mentalités.
21:24L'autre aspect sur lequel on peut travailler
21:26pour ne pas dépendre de l'immigration de remplacement,
21:28l'immigration de travail qui devient une immigration de remplacement,
21:30c'est la question de la robotisation et de l'automatisation.
21:32Et ça, ça demande des investissements.
21:34Et ça, pour moi, il y a deux volets en politique publique
21:38que nos pays qui sont face à un défi de vieillissement de population,
21:42finalement, les deux défis qu'ils doivent relever,
21:45c'est la question du vieillissement
21:47et c'est la question de l'automatisation et de la robotisation.
21:49C'est les deux axes sur lesquels il faut travailler.
21:52Relance de la natalité et l'automatisation de nos économies.
21:56Alors, après l'automisation,
21:59Alexandre Cormier-Denis,
22:01vous êtes contre le référendum d'indépendance.
22:03J'aimerais qu'on évoque les modalités de cet indépendantisme.
22:07Vous êtes contre ce référendum.
22:09Vous écrivez, je vais vous citer,
22:10« Si un jour le Québec parvient à la souveraineté,
22:13ce sera paradoxalement probablement sur le modèle du Canada
22:16face à l'Empire britannique,
22:17c'est-à-dire par un long processus de grignotage des champs de compétences
22:21qui émènera de facto à l'établissement d'un État indépendant. »
22:24Je rappelle que Québec,
22:26que deux référendums ont été perdus en 1980 et en 1995.
22:31Pour vous, il faut écarter cette hypothèse-là.
22:33Oui, je pense, honnêtement,
22:35ce serait un développement très très long pour le public français,
22:38mais il faut comprendre qu'en fait,
22:39il n'y a pas de reconnaissance statutaire de ce référendum.
22:42C'est-à-dire qu'en gros,
22:44Ottawa, après le référendum de 1995,
22:46a voté des lois pour nous dire qu'en fait,
22:48c'est le Parlement canadien qui décide si le résultat est valide
22:52et si la question elle-même est claire.
22:55Donc en fait, on est un peu dans un jeu de dupe
22:57parce que le mouvement souverainiste québécois
22:59nous parle de faire un troisième référendum.
23:01Le problème, c'est qu'Ottawa a finalement
23:04verrouillé le processus en disant
23:06« c'est nous qui sommes les maîtres du jeu,
23:07on peut décider que le seuil minimal d'acceptation
23:11c'est 55-60% et que votre question n'est pas claire,
23:15donc on ne reconnaîtra pas finalement
23:17les résultats d'un référendum gagnant. »
23:19Donc c'est pour ça que, selon moi,
23:21non seulement le taux d'appui au référendum
23:25pour le Oui pour l'indépendance du Québec
23:27tourne aux alentours de 30%,
23:29donc ça serait fou de tenir un référendum
23:32dans ces circonstances-là.
23:33Premièrement, il serait perdu.
23:34Et deuxièmement, même s'il était gagné,
23:37s'il était gagné à 50% plus une voix,
23:40il serait contesté, il serait probablement
23:41pas reconnu par le Canada
23:43parce qu'il faut quand même se rappeler,
23:44le Canada, qu'est-ce que c'est ?
23:45C'est un pays du G7, c'est un pays de l'OTAN,
23:48c'est un pays du NORAD,
23:49c'est un pays qui, malgré tout,
23:51malgré les années Trudeau
23:52et ses chaussettes multicolores et ses frasques,
23:55conserve une sorte, quand même,
23:57de belle aura à l'international
24:00et vue comme une démocratie libérale,
24:01il n'y a pas de guerre civile,
24:03c'est un pays biculturel,
24:05donc je dirais une réputation internationale
24:08assez bonne.
24:09Et nous, ce qu'on veut faire
24:10en tant que sépatistes québécois,
24:11c'est briser ce pays.
24:14Il faut dire les choses ouvertement.
24:15C'est lui arracher le sixième de son territoire,
24:18le quart de sa population,
24:20son axe fluvial principal qui est le Saint-Laurent.
24:22Il s'agit de regarder une carte du Québec
24:24au sein du Canada
24:25pour voir que nous menaçons l'existence même du Canada.
24:29On veut lui arracher son cœur historique,
24:31donc le Canada ne se laissera pas faire.
24:33Et c'est tout à fait normal.
24:35Le boulot du premier ministre canadien,
24:38c'est de défendre l'intégrité territoriale de son pays.
24:40Donc, en fait, il y a une grande naïveté
24:43chez les souverainistes,
24:44chez le mouvement souverainiste
24:45depuis, je dirais, une cinquantaine d'années,
24:47en pensant qu'il s'agit de cumuler
24:48les petits bouts de papier
24:49et que le Canada se laissera démembrer comme ça
24:52en étant totalement sympathique, finalement,
24:57à des gens qui menacent dans le cœur même
25:01de ce qui est, finalement, l'intégrité territoriale
25:03et l'existence de ce pays.
25:05Donc, je pense qu'il faut sortir de ça.
25:06Moi, je prône pour une espèce de,
25:09comment je dirais, d'étapisme, si on veut,
25:12c'est-à-dire aller arracher...
25:13— Étape après étape.
25:15— Oui, voilà.
25:16Une par une, les compétences d'Ottawa,
25:18signer des accords,
25:19agir comme un État souverain.
25:21Vous savez, la souveraineté,
25:22c'est pas un souhait.
25:24C'est souvent ça, là,
25:24avec les souverainistes québécois.
25:26Ils pensent qu'après un référendum magique,
25:28voilà, toutes les planètes vont s'aligner
25:29et l'entièreté de la planète
25:31va reconnaître, finalement,
25:32le nouveau pays qu'est le Québec.
25:34Non, c'est pas un souhait, la souveraineté.
25:36C'est une somme.
25:37C'est un changement de statut d'État.
25:39Et il faut penser, en ces termes-là,
25:41il faut penser au fait de construire,
25:44petit à petit, l'État québécois
25:46pour rendre éventuellement la rupture inévitable.
25:49Évidemment, ça demande du travail.
25:52C'est moins romantique qu'un référendum
25:55qui est gagné à 50 % plus 1,
25:56mais c'est beaucoup plus efficace.
25:58Et c'est beaucoup plus...
26:00C'est peut-être beaucoup plus difficile à faire,
26:02mais je pense que c'est la seule façon
26:05qu'un jour, éventuellement,
26:08le Québec pourrait parvenir à l'État,
26:10finalement, d'être un pays souverain.
26:12Petit à petit, le Québec pourrait redevenir
26:15un État souverain.
26:17Eh bien, Alexandre Cormier-Denis
26:18merci beaucoup pour cet attentat,
26:20pour cet échange.
26:20Je rappelle que vous êtes l'auteur
26:22d'écrit nationaliste et que vous êtes,
26:24justement, à Paris pour le dédicacer.
26:26Merci à tous d'avoir suivi cet épisode.
26:28Surtout, n'oubliez pas de le partager
26:30et évidemment de le commenter.
26:32Merci à tous et bonne soirée.