Le documentaire "Sur la paille", diffusé ce mercredi sur France 2, raconte la vie et les difficultés d'Olivier Tanguy, éleveur de porcs bio dans les Côtes-d'Armor. Il était l'invité du 6h20 de France Inter. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-26-fevrier-2025-5292589
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00:00C'est toute l'agriculture française qui est réunie cette semaine à Paris pour son
00:03salon et qui espère sortir de la crise mais elle touche tout particulièrement la filière
00:09bio.
00:10Les consommateurs s'en sont détournés depuis le début de la guerre en Ukraine, l'inflation
00:14a poussé les français à se tourner vers une alimentation moins coûteuse.
00:18Voilà ce que raconte le documentaire « Sur la paille » diffusé ce soir sur France 2
00:24et qui raconte la vie de notre invité ce matin.
00:26Bonjour Olivier Tanguy.
00:27Oui bonjour.
00:28Cet éleveur de porc bio a plouhisi dans les côtes d'Armor sur la paille parce que c'est
00:33ainsi que vous élevez vos cochons bien sûr et parce que c'est ce qui vous menace financièrement.
00:39La moitié de la production de porc bio a disparu en France depuis 2021.
00:44Votre histoire Olivier Tanguy qu'on voit dans ce documentaire, c'est en fait celle
00:48de beaucoup d'éleveurs ces dernières années.
00:50Oui c'est ça, la consommation a chuté d'un coup et puis comme la production porcine coûte
00:58extrêmement cher en aliment et en investissement en bâtiment, le couperet est tombé et puis
01:05ça, il y en a beaucoup qui ont arrêté.
01:07C'est ce qu'on voit dans ce film, toutes vos difficultés, plus de 1350 porcs élevés
01:14si je ne dis pas de bêtises, moins de 1000 achetés par la filière, c'est ça qu'on
01:18voit dans le documentaire, la trésorerie plus que dans le rouge, les négociations
01:23avec la banque, avec vos fournisseurs aussi, évidemment tout ça, ça vous épuise ?
01:30Oui, toujours chercher à régler les factures d'une part et puis nourrir les cochons parce
01:36que les cochons, il faut les nourrir, autrement ils se mangent entre eux.
01:42Mais vous passez quasiment plus de temps, voire autant de temps, en tout cas trop de
01:47temps à vous occuper de tout ça.
01:49C'est les nuits qui sont courtes et qui fatiguent aussi et puis toujours chercher
01:54les solutions au jour le jour, c'est la survie au jour le jour.
01:58Quand je passais une semaine, j'étais content, à la fin de la semaine, mais après
02:03ça recommençait.
02:04Alors que cet élevage, c'était votre rêve en fait ?
02:08Oui, et puis l'élevage ou les cultures, ça marche en bio, ça pourrait nourrir l'Europe
02:16en restant en bio malgré ce qu'on en dit.
02:19Alors que vous avez durant des années travaillé en élevage conventionnel, c'est d'ailleurs
02:24un élevage conventionnel que vous avez repris pour en faire un bio, c'était-il il y a
02:304 ans parce que les agriculteurs étaient à ce moment-là encouragés à le faire ?
02:34Oui, c'est ça, les politiques liées à la loi Egalim, ils nous ont demandé de produire
02:40du bio et puis après...
02:41Parce que dans cette loi Egalim, je le rappelle, il y avait notamment le 20% de bio en théorie
02:45dans la restauration collective.
02:47Et puis on est à 6% aujourd'hui parce que ça n'a pas été respecté et si ça avait
02:51été respecté, il n'y aurait pas de crise aujourd'hui, je ne serais pas à votre micro.
02:54Oui, parce qu'en fait, ce que vous dites, c'est qu'on nous a demandé de produire, mais
02:59aujourd'hui, on nous achète plus qu'on produit.
03:01Oui, c'est ça.
03:02Dans le documentaire, on vous voit souvent discuter avec vos collègues, vos confrères
03:07et comme ici avec Didier qui est salarié sur votre exploitation.
03:11Même si tu es sous le seuil de pauvreté, tu fais vivre plein de personnes.
03:16Oui, c'est ça.
03:17C'est ça.
03:18En faites compte.
03:19Entre tous ceux qui gravitent autour de toi, les chambres d'agriculture, les banques,
03:24tous les produits phyto, les machins, l'aliment, tu fais vivre plein de personnes et toi, tu
03:31ne vis pas.
03:32Tu survis.
03:33Il y a un sentiment d'injustice en fait, quelque part.
03:36Oui, d'injustice, d'abandon et puis, oui, parce qu'on se demande pourquoi on nous a
03:41lâché comme ça.
03:42J'ai ma petite idée, c'est que la bio en général ne génère pas assez par rapport
03:51aux finances.
03:52Les financiers, ça ne les intéresse pas forcément parce qu'on ne rentre pas d'un
03:56tranc des pesticides, des engrais chimiques.
03:58Donc là, vous parlez des industriels.
04:00Il n'y a pas assez de business autour de la bio pour intéresser et puis on se demande
04:04si on n'a pas été freiné à cause de ça.
04:08Au niveau des solutions, il y a un de vos collègues dans le documentaire qui dit si
04:11on n'a pas un tout petit soutien quotidien des consommateurs, on n'y arrivera pas.
04:16Est-ce que c'est aussi votre message ? Est-ce que vous comptez en fait sur nous tous ?
04:20Oui, c'est ça.
04:21Parce que les consommateurs, ils voient le prix, c'est un peu plus cher et c'est normal.
04:26Mais il n'y a pas les coûts cachés derrière, c'est du net, net d'impôts.
04:30Parce qu'après, quand on prend du conventionnel, il y a les traitements de l'eau, l'air qui
04:36est de mauvaise qualité, les pesticides, même en ville, il y a arrivé des pesticides
04:40en ville.
04:41Et c'est des coûts cachés, on appelle ça des coûts cachés, mais en bio, il n'y en
04:45n'a pas.
04:46Alors qu'on pourrait, même si ce n'est pas tous les jours, de temps en temps, acheter
04:50du bio.
04:51C'est ça que vous dites aussi avec les agriculteurs bio.
04:53Oui, si chaque personne prend un petit produit par-ci, par-là, ça réglerait.
04:58Ce n'est pas grand chose pour le consommateur, mais pour nous, ça serait énorme parce que
05:02les volumes sont vraiment petits.
05:04Dans le film, votre femme parle d'un moment très difficile où la galère financière
05:11est telle qu'elle a eu peur pour vous et votre fils dit j'ai peur que papa se suicide.
05:17Est-ce qu'à ce moment-là, vous vous dites pour mon bien et celui de ma famille, je vais
05:22arrêter ce métier ?
05:23Non, je ne voulais pas arrêter parce que j'étais trop engagé au niveau financier,
05:30au niveau de la banque et je ne voulais pas tout perdre.
05:33C'est vrai que ça m'a fait mal au cœur d'entendre ça.
05:37Et puis, il fallait que je m'accroche, je ne voulais pas tout perdre, la maison et tout
05:46le reste.
05:47Aujourd'hui, quelle est la situation ? Le documentaire, il s'arrête en septembre dernier.
05:52La situation financière est toujours compliquée.
05:57Après, ça commence à revenir un petit peu mais ça reste fragile.
06:03La consommation, elle progresse mais doucement.
06:06Le documentaire se termine en un mot sur des images de vous avec votre femme, vos enfants,
06:12vos beaux-parents dans un de vos champs et vous parlez de biodiversité, vous parlez
06:16des bourdons.
06:17Votre belle-mère, elle dit j'ai vu des salamandres et je n'en voyais plus depuis des années.
06:20C'est ça qui vous fait tenir aussi, la conviction de faire bien ?
06:22Oui, oui, tout à fait.
06:25Il n'y a pas photo, on voit la vie qui revient au fil des années, la terre dans les verres
06:32de terre, j'en parle aussi.
06:33C'est vrai qu'on voit tout ça, il y a plus d'oiseaux et c'est global, c'est la chaîne
06:42alimentaire tout simplement.
06:43Le documentaire s'appelle « Sur la paille », c'est signé Éric Guéret, c'est diffusé
06:47ce soir à 23h sur France 2 et c'est aussi en ligne bien sûr sur France.tv.
06:51Merci beaucoup Olivier Tanguy d'avoir été notre invité ce matin sur France Inter.