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Le réalisateur, Costa-Gavras, l'acteur Kad Merad et le Dr Claude Grange étaient les invités de France Inter ce vendredi, à l'occasion de la sortie du film "Le dernier souffle" mercredi prochain. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-vendredi-07-fevrier-2025-8616263

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00:00Et un film ce matin, un film important dans le grand entretien, le titre, le dernier souffle,
00:06il est signé Costa-Gavras et il sort en salle mercredi prochain.
00:10Un film sur lequel nous avons voulu nous arrêter, qui met en scène la rencontre entre un philosophe
00:15et un médecin, un film qui raconte une aventure des aventures humaines, qui pose également
00:21des questions, des questions comme celles de la fin de vie ou de la vie tout court avec
00:26à l'affiche un casting en or, Kadmerad, Denis Podalides, de la comédie française,
00:32Karine Viard, un film qui interroge chacun d'entre nous, chers auditeurs, n'hésitez
00:38pas à nous appeler au 01 45 24 7000 ou à nous écrire sur l'appli Radio France.
00:44Trois invités avec nous en studio ce matin, Costa-Gavras, Kadmerad et Claude Grange.
00:50Bonjour messieurs.
00:51Bonjour.
00:52Et bienvenue Costa-Gavras, monstre sacré, président surtout, on vous a attribué une
00:58palme d'or, un César, un oscar, vous allez encore recevoir deux oscars, c'est vrai, l'un
01:03pour un scénario et l'autre pour... c'est infini, vous allez recevoir un César d'honneur
01:08d'ailleurs, très bientôt à la prochaine cérémonie des Césars, Kadmerad, docteur
01:14Kadmerad.
01:15Oui, j'ai mon permis de chasse, voilà, si ça...
01:17C'est déjà pas mal !
01:18Non, c'est pas vrai, même pas en plus ! Bonjour, bonjour Ali, bonjour madame.
01:22Et bienvenue docteur Claude Grange, bienvenue, vous avez créé l'une des premières unités
01:27de soins palliatifs en France, c'est à partir notamment de votre histoire et d'un dialogue
01:32absolument passionnant que vous aviez mené et qui a été publié avec le philosophe
01:36Régis Debré, qui est né ce film, le dernier souffle, Costa-Gavras, il sort le jour de
01:43votre anniversaire ?
01:44Il sort, oui, oui.
01:45Mercredi prochain vous aurez ?
01:46Bah, je sais pas si c'est un cadeau, mais il sort.
01:50Non, mais vous aurez 82 ans, ce qui fait de vous un jeune homme par rapport à votre
01:57ami Edgar Morin avec qui vous échangez régulièrement.
02:01Edgar, il passe tout le monde, il dépasse tout le monde.
02:04C'est assez frappant parce que c'est un film qu'on présente très rapidement comme un film
02:09sur la fin de vie, mais il y a ce mot, la fin de vie, c'est encore la vie qui est un
02:15fil rouge dans ce film.
02:17Costa-Gavras, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous emparer d'un sujet pareil ?
02:21D'abord le sujet lui-même et aussi la qualité de ce que racontent les écrivains du livre.
02:28Et j'ai découvert aussi un monde que je ne connaissais pas du tout, un univers absolument
02:32extraordinaire, les soins palliatifs qui, je pense que c'est vraiment une solution pour,
02:40pas seulement pour la fin de vie, mais aussi pour ceux qui survivent, pour les proches.
02:43C'est un moment extraordinaire, alors j'ai vécu ça grâce au livre et puis grâce
02:47pour avoir visité aussi les lieux et ça m'a donné envie de faire un livre.
02:51Puis il y a une autre raison aussi, j'arrive à un âge où il faut y penser, il faut penser
02:55à cette fin qui est inévitable et pour tout le monde.
02:58Et pourtant, quand on vous voit ce matin, on se dit qu'elle est encore loin.
03:02Il y a quelque chose d'assez extraordinaire, Docteur Drange, donc c'est à partir de votre
03:06unité de soins palliatifs et de votre travail que vous menez auprès des patients que ce
03:11film a été écrit et qu'admira dès là lui qui est totalement hypochondriaque.
03:17C'est vrai, Kad ?
03:18Non, c'est pas vrai du tout.
03:19C'est fou, à chaque fois on commence en me disant que je suis hypochondriaque, comment
03:23j'ai pu me retrouver dans un milieu pareil ? Non, non, je ne suis plus, voilà.
03:26Vous n'êtes plus hypochondriaque ? Depuis, je ne suis plus.
03:29Le film vous a guéri ?
03:30Ah oui, complètement.
03:31C'est une excellente nouvelle.
03:32Non, vous avez plongé, c'est vrai, dans l'univers des soins palliatifs et au plus
03:37près du travail du Docteur Drange.
03:39Comment est-ce que, sans rire, on s'empare d'un rôle pareil, puisque c'est un rôle
03:44difficile, celui d'un médecin qui doit aller s'adresser aux patients, qui doit
03:49avoir les attitudes, les gestes d'humanité, parce que c'est aussi un hommage à tous
03:55ceux qui font ce travail dans les unités de soins palliatifs, ce film ?
03:59Alors, comment ? J'en sais toujours rien.
04:01C'est vrai ?
04:02Non, c'est assez instinctif, c'est d'abord avec Costa Gavras, je l'appelle Costa moi,
04:09ça vous dérange pas ?
04:10Allez-y, nous on l'appelle Président.
04:12On a beaucoup parlé du personnage, justement, de cette attitude à avoir face aux patients,
04:19face aux familles.
04:20Vous jouez le Docteur Cloturon ?
04:22Je joue, évidemment, le...
04:24Une version adaptée puisque c'est une fiction.
04:26Oui, oui.
04:27Et surtout, Costa m'a dit une chose très importante dès le début du tournage, il
04:30m'a dit « je veux que tu joues le contraire de ce que tu es ».
04:33C'est à dire ?
04:35C'est très réussi.
04:36Après, je suis plutôt assez léger en général, enfin pas léger, vous voyez ce que je veux
04:43dire.
04:44J'ai tendance à prendre les choses avec beaucoup de dérision.
04:47Là, il fallait que ça soit beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus sérieux, tout
04:52en ayant une grande humanité, une grande humanité avec les patients, car comme le
04:59rappelle souvent Costa, quand on parle du film, c'est que dans une unité de soins
05:03palliatifs, le médecin s'assoit près du patient, prend la main du patient, a une
05:09discussion amicale avec le patient, il ne parle pas de maladie, il parle de tout, de
05:13la vie, de ça.
05:14Et ça, c'était aussi très important.
05:16Et puis comme je l'ai dit tout à l'heure, ça reste un film, un spectacle aussi.
05:20Moi, je suis un acteur, évidemment que je ne suis pas devenu médecin, mais j'ai été
05:26passionné par ce travail, surtout le travail avec Costa, et j'étais content d'être
05:32un peu le Claude Grange.
05:33J'ai essayé aussi de m'inspirer de ce que me racontait Claude sur ce qu'il a vécu lui,
05:38qui dirigeait l'unité de soins palliatifs de Oudan, qui malheureusement a fermé.
05:43Mais on va vous entendre dans un instant, en Costa Gavras, comment est-ce qu'on filme
05:46justement des moments aussi intimes, des moments aussi difficiles ? Ceux à la fois où un
05:52patient est en train de partir, mais aussi la souffrance, et puis il y a les proches,
05:55et puis il y a tous les personnels soignants qui sont là.
05:58On filme la vie.
05:59On filme la vie.
06:00Essentiellement.
06:01Parce que le mort, c'est le mort, c'est la mort, c'est la mort, mais on filme la vie.
06:05Surtout, c'est un film sur la vie et sur ce qu'il y a autour d'eux, et sur le patient
06:09pendant qu'il est vivant.
06:10Après, ça ne nous intéresse plus, enfin, on passe à un autre monde.
06:13Par contre, la vie, il reste.
06:15Les parents, les proches, les amis, et tout ça, c'est quelque chose qui m'a profondément
06:20touché quand j'ai lu le livre et quand j'ai vu de près comment ça se passait, et j'ai
06:26pensé tout de suite à Cade, parce que Cade, il a tendance, quand il joue dans un film,
06:31d'improviser beaucoup, et même très très bien.
06:33Mais là, il ne fallait plus qu'il improvise, il faut qu'il soit, simplement.
06:37Et il a réussi à ça, et c'est une réussite, je pense, assez étonnante.
06:40– Docteur Grange, c'est vrai qu'on disait que c'était un film et que c'est une fiction,
06:47c'est quand même inspiré d'une histoire vraie, qui est la vôtre, que vous avez partagée
06:50avec Régis Debray pour votre livre.
06:52Les scènes qui apparaissent dans le film, elles sont largement inspirées de la réalité.
06:56Vous nous dites que ça a fermé votre unité de soins palliatifs ?
06:59– Oui, il y a deux ans, oui.
07:00– Qu'est-ce qui s'est passé ? – Faute de médecins.
07:02– Parce que les médecins ne veulent pas, alors c'est un peu ce qu'on voit avec le
07:05personnage de Kadmerad, d'ailleurs, parce que les médecins ne veulent pas aller dans
07:08cette médecine-là.
07:09– Non, mais on manque de médecins, donc on manque de soignants.
07:12– Parce que ce n'est pas glorieux, on ne soigne pas, on accompagne juste.
07:15– Oui, il y a la médecine triomphante qui guérit, et c'est vrai que la médecine a
07:18fait beaucoup de progrès, on guérit de plus en plus de maladies.
07:20– La médecine curative.
07:21– Oui, mais je pense aussi que la médecine doit être là pour accompagner aussi ces
07:25personnes gravement malades qu'on ne peut plus guérir.
07:27Il y a trop de personnes qui sont décédées dans des conditions inacceptables, et je pense
07:34que les soins palliatifs, ce film, met en lumière ce merveilleux travail de toute une
07:39équipe, parce qu'il n'y a pas que le médecin, il y a toute l'équipe soignante, infirmière,
07:43aide-soignante, psychologue.
07:44Je trouve que ce film rend un merveilleux hommage aux soignants qui prennent soin jusqu'au
07:51dernier souffle.
07:52– Et quand vous voyez qu'aujourd'hui encore, il y a une vingtaine de départements
07:56où il n'y a pas d'accès aux soins palliatifs, qu'un tiers des gens qui auraient besoin
08:01d'accéder aux soins palliatifs n'y ont pas accès, qu'est-ce que ça vous inspire ?
08:04– C'est triste, mais je voudrais dire quand même que toutes les personnes n'ont pas
08:09forcément besoin d'aller en unité de soins palliatifs, c'est les situations les plus
08:13complexes, mais globalement la démarche palliative, et la démarche palliative, Jean Leniti le
08:18dit, c'est « je t'empêche de souffrir, et je ne t'abandonne pas, et je ne fais
08:23des choses qui n'ont du sens que pour toi ». Et donc ça, ça peut se faire partout,
08:27mais c'est vrai qu'il y a un grand manque, même à domicile, parce qu'il y a beaucoup
08:32de personnes qui veulent mourir chez eux, entourées de leurs proches.
08:35Vraiment, la formation est essentielle.
08:39– On va y venir justement, vous avez cité le nom de Léniti qui a donné évidemment
08:42son nom avec Clès, son collègue député, à une loi qui va normalement être révisée,
08:49mais Costa-Gavras, un mot quand même sur ce travail, racontez-nous d'abord la première
08:53scène, ce qui arrive avant même qu'on ne voit la première image dans le générique,
08:57on a l'impression d'abord que c'est votre fils Romain Gavras qui a fait la musique
09:02et la mise en scène, qu'est-ce qu'on voit ?
09:04– Non, la première scène c'est un tout petit peu un hommage à mon frère qui dirige
09:09un grand hôpital à Boston, donc je l'ai placé là-bas.
09:13– Avant même la première scène, quand on voit cette sorte de tableau de Klimt ?
09:17– On voit Klimt, un tableau de Klimt qui est un tableau formidable parce qu'on voit
09:22la vie d'un côté et de l'autre côté les personnages de la mort qui attendent.
09:27– Un squelette ?
09:28– C'est pas un squelette, non, c'est comme on représente la mort, enfin c'est pas gay,
09:32mais avec une sorte d'âge, c'est une sorte d'âge qu'il a prête à me faire mourir.
09:39– Et une musique électronique ?
09:41– Une musique électronique très forte qui vient de sons qu'on entend quand on rentre
09:45dans un IRM et qu'on n'a pas pu malheureusement enregistrer ces sons parce que le microphone,
09:52une fois entré dans l'IRM, éclate.
09:54– Il y a de très nombreuses questions en sondage et on va y venir, j'aimerais juste
09:59savoir, Cade, est-ce que ce film vous a fait réfléchir ou est-ce que vous l'avez abordé
10:05comme un rôle, comme un autre ?
10:07– Alors, d'abord, quand Costa est venu me proposer au théâtre, je me souviens…
10:12– Il jouait Ruy Blas, alors c'était tout à fait différent.
10:15– Quand on m'a dit tiens, il y a Costa ce soir qui vient te voir, bon déjà, évidemment
10:20ça m'a un peu perturbé parce qu'évidemment je rêvais de jouer sous la direction de Costa
10:27Grasse mais la question c'est pas ça, aborder un sujet pareil, moi j'essaye pas trop
10:33de le sacraliser, j'aborde un peu comme je fais un peu dans la vie, c'est-à-dire
10:38assez instinctivement et puis petit à petit, alors ça a été dur au début, Costa m'a
10:46recadré souvent parce que…
10:47– Mais ça vous a renvoyé à des questions que vous ne vous posiez pas forcément ?
10:50– Non, enfin c'est-à-dire que pour moi le mot « soin palliatif » faisait penser
10:56à quelque chose comme un mouroir, comme de la tristesse, comme quelque chose de pas du
10:59tout agréable.
11:00– Et c'est pas ce qu'on voit là.
11:01– C'est pas du tout ce que c'est surtout, alors sans idéaliser évidemment la fin de
11:06vie, c'est vrai que c'est… je vais vous dire une phrase peut-être que je dis souvent
11:11mais ce film vous donne envie de bien mourir en fait, c'est comme ça que j'ai lu et
11:16ensuite quand je suis sorti de la première fois que j'ai vu le film, voilà, si je
11:20peux résumer un peu ce que ça a transformé en moi.
11:22– Costa Gavras, pardon, applaudons-le.
11:23– On voit que les soins palliatifs sont quand même méconnus parce qu'à la fois Régis
11:27Debray quand il est venu passer une journée, parce que ça existait où je l'ai invité
11:31à passer une journée, il a découvert les soins palliatifs et il était un petit peu
11:34stupéfait de la façon dont on abordait ce langage de vérité avec les malades, avec
11:40les familles.
11:41Et puis aussi Costa, en lisant le livre, il a découvert, comme il dit, un monde qu'il
11:46ne connaissait pas.
11:47Donc le monde des soins palliatifs est encore méconnu.
11:49On a des représentations alors que c'est des grands lieux de vie où on fait des choses
11:54extraordinaires.
11:55– Costa Gavras, c'est vrai que la mort c'est un sujet qui est délicat.
11:58D'ailleurs à un moment du film il y a une équipe de télévision qui vient voir les
12:01deux personnages, qui veut faire une émission, puis ils parlent d'un sujet brutal, ils
12:04disent que ce n'est pas forcément vendeur, avant d'arriver finalement quand même à
12:07un angle qui nous concerne tous encore une fois.
12:09Quel accueil vous ont réservé les financeurs quand vous avez dit je veux faire un film
12:12sur la mort ?
12:13– Très mauvais.
12:14– Très mauvais, pire que d'habitude ?
12:16– On est arrivé avec le scénario, avec tous les acteurs, la liste des acteurs, et
12:21ils disaient non, non, non, ne touche pas à ça, et ça a été très difficile jusqu'au
12:24bout.
12:25– Malgré le nom de Cadmérade, malgré le nom de Denis Paudalides ?
12:26– Malgré tout, malgré tout, ça n'écoute pas.
12:27– Charlotte Rampling, Yama Bache…
12:28– Charlotte Rampling est du monde, du beau monde.
12:32– Justement, j'allais y venir, avant de donner la parole aux auditeurs qui pour certains
12:36ont vu le film, ils l'ont vu lors de projections à Orléans ou au HAL à Paris hier soir,
12:42mais Charlotte Rampling elle joue un rôle de grande bourgeoise, et on n'oublie pas
12:48que vous êtes un grand cinéaste politique, et qu'en l'occurrence, c'est vrai que
12:51la question de la fin de vie, du confort, de la manière dont on aborde la mort, dont
12:56on peut l'aborder, c'est aussi une question sociale, c'est aussi une question de revenus,
13:01c'est surtout…
13:02– La bonne mort c'est un problème social énorme, et je pense qu'il faut trouver
13:08des solutions, il n'y a pas de solutions pour le moment, ça part de tous les sens,
13:12d'ailleurs ils n'arrivent pas à faire une loi, qui ne suffirait pas du tout à mon
13:14avis, il faudrait en faire plusieurs, enfin, je ne vais pas donner de conseils au Parlement…
13:18– Au gouvernement ?
13:19– Non.
13:20– Ecoutez ce que vous dit Nathalie Grenon, elle a vu le film, « Bonjour, j'ai pu voir
13:24ce film en avant-première à Orléans, il a une vertu rarement portée au cinéma, pas
13:29de pathos, pas d'opposition entre soins palliatifs et le choix de mourir en dignité,
13:33l'humain et son choix, tels qu'ils soient, sont admirablement retracés et portés par
13:37la magie d'un grand cinéaste ». Et puis il y a Patricia qui vous dit « Mon père
13:42a fini sa vie aux soins palliatifs du Docteur Grange, à Oudan, l'unité que vous aviez
13:46créée Docteur, des gens merveilleux aussi bien pour le patient que pour la famille,
13:51une écoute, une attention constante ». Qu'est-ce que ça vous renvoie quand vous étiez hier
13:56au HAL, dans le plus grand cinéma de France, quelles sont les questions que vous posez
14:01ceux qui ont eu la chance de voir le film en avant-première ? Qui veut répondre, puisque
14:05vous y étiez tous les trois ?
14:06– Non, on attend leur réaction.
14:08– Vous attendez leur réaction et ils ont posé des questions ?
14:10– Les questions sont des questions de gens qui ont souvent été plus ou moins confrontés
14:20aux soins palliatifs ou à la fin de vie et la plupart du temps, alors ils ont plutôt
14:24tendance à dire du bien du film déjà et de dire que c'est exactement comme ça que
14:30ça se passe, que voilà, on est dans le vrai, après il y a eu deux, trois petites…
14:36– Oui, on voit les deux tendances, parce qu'il y a des personnes, les soignants globalement,
14:42prendre soin jusqu'au bout et puis il y a des personnes où ils parlent du suicide
14:46assisté et l'euthanasie, ce film ne porte pas ça, mais ça laisse entrevoir aussi,
14:53notamment pour la dernière séquence, chacun peut y trouver son compte, en sachant que
14:59là il y a une seringue pour la morphine, pour soulager la douleur et puis une seringue
15:02donc du midiazolam pour la sédation et ça c'est totalement compatible avec la loi
15:08de 2016, la sédation jusqu'à la sédation profonde et continue jusqu'au décès.
15:13– Cadmérade, vous vous incarnez donc ce médecin de soins palliatifs, Claude Grange,
15:18vous devez accompagner les patients de la meilleure façon possible et à un moment
15:21le personnage, votre personnage, Augustin, dit « si Jacques Lacan, il dit je dis toute
15:25la vérité, pas toute parce que tout dire c'est impossible », comment vous avez
15:29fait pour trouver ce ton juste ? On va demander à Claude Grange ensuite si justement il est
15:33juste ce ton.
15:34– Comment j'ai fait ? Je ne sais pas, comment j'ai fait ? Merci d'abord de trouver que
15:41le ton était juste, mais encore une fois je suis avec Costa Gabrasco, un des plus grands
15:47cinéastes du monde, qui vous regarde, qui vous guide, mais qui ne vous pilote pas, il
15:58vous guide, il vous aide, il vous trace un chemin et puis il vous empêche peut-être
16:02de sortir, il vous empêche votre nature, je dirais, d'aller ailleurs, il vous retient
16:09et puis surtout on est dans… d'abord on travaille avec des vrais infirmières et des
16:12vrais infirmiers.
16:13– Oui.
16:14– Les acteurs en face…
16:15– Ceux qui sont dans le film.
16:16– Donc par exemple il y a une réunion dans le film où on parle de différents patients,
16:20qu'est-ce qu'il faut faire, comment ils se sentent, moi j'étais dans une salle
16:23de réunion, j'étais un médecin, je mettais ma blouse chaque matin avec mon badge, mon
16:27masque, je croisais des vrais médecins dans l'hôpital, ils me saluaient comme si j'étais
16:30leur collègue.
16:31– Bonjour docteur.
16:32– Et j'étais très à l'aise et petit à petit, ça a mis du temps, je le redis,
16:36mais petit à petit je me suis senti très proche du personnage et j'étais très bien,
16:41très fatigué le soir en rentrant, mais très heureux d'y retourner.
16:43– Docteur Grange, il y a un ton de vérité à trouver, mais pas trop de vérité.
16:48– Il y a l'art et la manière de dire, il ne s'agit pas d'asséner une vérité
16:51à une personne qui ne veut pas entendre, il faut aussi respecter ce qu'on appelle les
16:54mécanismes de défense, le déni, il ne faut pas casser ces mécanismes, mais c'est sûr
17:00que quand on travaille en soins palliatifs, on passe à côté si effectivement il y a
17:06un mécanisme qu'il ne faut pas utiliser, c'est le mensonge de dire que tout va bien,
17:09il va guérir, non, la possibilité de dire écoutez, là vous avez une maladie grave
17:15et on va tout faire pour vous accompagner le mieux possible pour le temps qui vous reste
17:18à vivre.
17:19– La question effectivement de la vérité elle est présente dans ce film, un auditeur
17:22Maxime, bonjour, je suis un jeune médecin qui embrasse jusque la carrière de palliatologue
17:27donc de spécialiste des soins intensifs et nous avons besoin de beaux films palliatifs
17:32pardon, nous avons besoin de beaux films comme ceux-là pour nous permettre d'accompagner
17:37les patients et les familles, la tête haute et on le remercie pour ce témoignage et on
17:42file au standard, bonjour Liliane.
17:43– Oui bonjour, on m'a demandé de le faire très vite, donc voilà, les soins palliatifs
17:49sont probablement très bien mais vous savez pertinemment certainement mieux que moi qu'il
17:54y en a très peu, j'ai un jardinier, il n'y a pratiquement pas de lit et quand t'as
18:00par exemple un hôpital du Val-de-Marne où ma mère était, une seule personne dédiée
18:05aux soins palliatifs pour tous les services quels qu'ils soient, cela m'a été bien
18:10confirmé par le médecin du service, donc voilà, moi je dis que les soins palliatifs
18:16ça peut être bien mais que pour que tout le monde puisse en bénéficier et bien c'est
18:21pas demain matin, la veille, voilà, c'est tout.
18:23– Merci pour votre intervention Liliane Costa-Gavras.
18:26– Et là il y en a pour 3000 lits de soins palliatifs, il faudrait en avoir pour 200 000,
18:33voilà la différence, vous voyez, c'est ce rapport-là Claude Grange ?
18:37– Oui, c'est-à-dire qu'en fait il y a 180 unités de soins palliatifs de lits,
18:42on dit qu'il y a 2000 lits en unités de soins palliatifs mais on ne fait pas des soins
18:46palliatifs que dans les unités de soins palliatifs mais c'est vrai aussi qu'il y a 600 000
18:49décès en France, il y en a 200 000 qui sont prévisibles donc il y en a 200 000 qui seraient
18:55susceptibles d'avoir des soins palliatifs, pas forcément en unités de soins palliatifs
18:59et c'est là où il y a toute la démarche et vraiment il faut former les médecins et
19:02les équipes soignantes parce que le médecin il a quand même tendance à être dans le
19:06guérir et il vit la mort comme un échec.
19:08– Pourquoi est-ce que dans le livre il est question des soins palliatifs comme un anti-pouvoir
19:12ou un contre-pouvoir au sein de la médecine Claude Grange ?
19:16– Parce que c'est une médecine d'humilité où on sait qu'on ne va pas pouvoir guérir
19:19et on construit un projet de soins en fonction de ce que souhaite le patient.
19:23– Et il y a quelque chose aussi d'extraordinaire, c'est que vous montrez, et ça c'est toujours
19:27votre cinéma Costa Gavras, la différence entre les cultures, les différences dans
19:32notre manière de nous rapporter à la mort, en France par exemple, société occidentale
19:37et puis il y a un médecin sénégalais et là pour le coup la vision de la fin de vie
19:42est totalement différente, expliquez-nous ça Costa Gavras.
19:44– Tout à fait différente parce que là c'est presque une célébration qu'on fait
19:48en Afrique, c'est-à-dire on considère le partant et on l'entoure, on reste avec
19:55lui, on discute etc.
19:56Et chez nous on ne le fait plus.
19:59– C'est presque ce qu'on voit dans le film quand même, il y a des moments où
20:02les malades…
20:03– Je voudrais montrer ça parce qu'un film c'est un film, c'est un spectacle,
20:07nous avons fait un spectacle et un grand homme de spectacle c'est ce monsieur-là, voilà.
20:11– C'est pour ça que je choisis, que vous touchez du doigt et c'est vrai qu'il y
20:15a un côté spectaculaire et que vous mettez en scène par exemple des fanfares, il y a
20:19la fiction, il y a un travail sur l'image, ce n'est pas un documentaire.
20:23Mais ça fait que le spectateur s'interroge malgré tout en sortant du film de la salle.
20:29On va aller au Standard pour retrouver Anne, bonjour Anne.
20:34– Bonjour.
20:35– Et bienvenue sur France Inter.
20:37– Merci beaucoup.
20:38– Vous aviez un témoignage à nous livrer ce matin.
20:42– Tout à fait, mon papa est décédé en soins palliatifs il y a 5 ans et en fait
20:48grâce à cette équipe, papa a pu partir en sérénité et nous en tant qu'aidants
20:55on a pu verbaliser des choses auprès de notre papa, notamment l'autoriser à partir.
21:01Parce que l'équipe du soins palliatifs a été très claire à ce sujet, il y a des
21:06gens qui s'accrochent à la vie et si on leur donne l'autorisation de partir alors
21:13ils partent en toute sérénité.
21:14– L'autoriser à partir ?
21:15– Oui, c'est la formulation exacte qu'ils ont employée, où l'on dit vous devez autoriser
21:24votre papa à partir parce qu'il s'accroche.
21:27– Merci pour votre témoignage Costa Gavaz.
21:29– Dans le livre il y a une phrase, exactement cette phrase-là que le docteur dit à l'épouse
21:35d'un malade et le docteur l'approche et lui dit mais laissez-le partir et je lui
21:40ai demandé à Claude, j'ai dit c'est pas possible un écrivain n'a jamais, un scénariste
21:44n'a jamais une phrase comme ça, il m'a dit absolument il faut le dire pour libérer
21:48les parents, parce qu'on lui donne une anxiété de plus.
21:51– Oui, il y a des épouses qui ne lâchent pas et je me souviens d'un monsieur, il
21:58ne mangeait que pour faire plaisir à sa femme, dès que sa femme était partie il recrachait
22:03et puis je lui ai dit à cette femme il faudra à un moment donné lui donner l'autorisation
22:08de partir et c'est là où il dit mais comment vous pouvez dire ça ? Donc elle m'a vraiment
22:13dit des paroles très violentes et puis après elle est revenue et elle a dit.
22:18– Non mais pardon, la plupart du temps quand on donne l'autorisation de partir, ils partent
22:23la nuit qui suit, c'est-à-dire que le patient n'attend que ça en vérité, l'autorisation
22:29de ses proches pour partir tranquille et de laisser derrière lui des gens qui sont
22:34apaisés aussi, c'est important ça quand même je trouve, c'est bien décrit dans
22:38le film.
22:39– Ça a permis de faire des scènes de grande sérénité par la suite, une grande humanité.
22:43– Docteur Grange on parle évidemment encore une fois d'une fiction mais on ne peut pas
22:46ne pas vous poser la question, vous avez pris déjà position pour ne pas changer la loi
22:51actuelle sur l'aide à mourir et sur le suicide assisté sur l'euthanasie, qu'est-ce que
22:57ça vous inspire l'idée de couper en deux une loi sur la fin de vie, d'avoir d'un
23:00côté les soins palliatifs et de l'autre côté une aide à mourir, une forme d'aide
23:05à mourir ?
23:06– Moi j'ai l'impression que dans une seule loi, les soins pâtifs étaient pris
23:10en otage, donc je pense qu'il y a un consensus tous bords politiques confondus pour les soins
23:16palliatifs, même les gens de la DMD ils disent oui il faut développer les soins pâtifs
23:21mais ils veulent aller au-delà, ok, donc je pense qu'aller au-delà c'est une question
23:28sociétale, c'est-à-dire que c'est les personnes qui disent moi j'ai le droit de
23:31décider du moment de ma propre mort, ok, mais dans ce cas-là je pense que c'est davantage
23:38juridique mais pas médicale.
23:40– C'est pas aux soignants de le faire ?
23:41– Voilà, vraiment, le faire entrer à l'hôpital pour moi ça va être une catastrophe donc
23:47au niveau de l'hôpital parce que fondamentalement les médecins et les soignants ne sont pas
23:49là pour donner la mort.
23:51– Il y a énormément d'appels et de témoignages au standard d'Inter et on remercie justement
23:56tous ceux qui voulaient à la fois vous interroger, vous remercier et puis faire part également
24:01de leurs histoires ou d'histoires de leurs proches, il y a une phrase de La Rochefoucauld
24:06qu'on entend dans le film « le soleil et la mort ne peuvent se regarder fixement »
24:10et pourtant c'est ce que vous avez fait Kostas Gavras, c'est-à-dire filmer justement
24:14et c'est peut-être le pouvoir du cinéma, merci infiniment à tous les trois d'avoir
24:18été des invités d'Inter, le film sort donc le 12 mercredi prochain, votre anniversaire
24:25Kostas Gavras, le titre c'est comme celui du livre de votre dialogue Claude Grange avec
24:30Régis Debré, « Le dernier souffle » qui est disponible chez Folio, chez Gallimard.
24:36Merci infiniment à tous les trois, bonne journée, à suivre la represse.

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