Laurent Le Boterve, président de l’association SOS amitié d’Ile-de-France, était l'invité du 6h20 de France Inter mardi 23 janvier, journée mondiale des solitudes.
Retrouvez les invités de 6h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter
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00:00 Il y a énormément de personnes seules en France.
00:04 Je vous donne simplement deux chiffres.
00:05 Un Français sur cinq se sent seul quasiment tous les jours et un sur deux dit souffrir
00:10 de cette solitude.
00:11 C'est le résultat d'une étude IFOP publiée à l'occasion de la Journée mondiale des
00:15 solitudes.
00:16 Je reçois ce matin un homme qui fait tout son possible pour rompre cet isolement.
00:19 Bonjour Laurent Lebotterre.
00:20 Bonjour.
00:21 Vous êtes le président de l'association SOS Amitié d'Île-de-France.
00:24 SOS Amitié c'est un service d'écoute gratuit, anonyme, ouvert 7 jours sur 7, 24
00:29 heures sur 24.
00:30 Vous croulez sous les appels ? Oui, on a toujours croulé sous les appels.
00:34 Mais c'est d'autant plus vrai depuis le Covid.
00:36 Le nombre d'appels qu'on reçoit a augmenté 30% depuis cette période-là.
00:40 Et ça continue puisque même en 2023, ce chiffre a encore augmenté de 10%.
00:45 Et ce sont surtout les jeunes qui vous appellent le plus.
00:49 En tout cas, leur nombre augmente vraiment.
00:51 Oui, parce que pendant très longtemps, on ne les avait pas les jeunes au téléphone.
00:54 Ils n'ont pas d'appétence à la voix.
00:55 Et c'est pour ça qu'il y a une quinzaine d'années, on avait ouvert une ligne de tchat
00:58 parce qu'on doutait bien que certains n'allaient pas bien.
01:00 Et ça avait très bien marché d'ailleurs.
01:02 On les avait sur cette ligne de tchat où ils exprimaient leur mal-être.
01:05 Et la nouveauté avec le Covid, c'est qu'on les a aussi au téléphone.
01:08 C'est 17% maintenant de nos appels.
01:09 Et quand on dit des jeunes, pour nous, c'est les moins de 25 ans, mais ça va jusqu'à
01:13 12 ans.
01:14 Et ça, ça nous a inquiétés.
01:15 12 ans, il y a des enfants qui vous appellent, qui prennent le téléphone spontanément
01:18 pour vous dire "je vais parler".
01:19 Et pour parler.
01:20 Qu'est-ce qu'ils vous disent ? Alors souvent, ce sont des appels très cash.
01:23 C'est aussi la différence par rapport aux adultes.
01:25 C'est qu'autant les adultes, il y a une mise en route.
01:27 Il faut du temps parfois pour que les mots sortent.
01:30 Ils sont gênés de vous appeler ? Oui.
01:33 Et puis surtout, ils ont été habitués à ne pas être entendus.
01:36 Donc ils vont prendre des précautions de démineurs pour dire ce qu'ils ont à dire.
01:39 En gros, je vais encore revivre ce que j'ai vécu.
01:41 Ou on va me renvoyer dans mes 6 mètres, mais tu ne vas pas si mal que ça.
01:45 Tu devrais aller mieux.
01:46 Donc on voit bien qu'ils prennent des précautions, certains.
01:48 Les jeunes, quand ils décrochent, ça peut être directement "bonjour, je vais me foutre
01:51 en l'air".
01:52 Ça peut commencer comme ça.
01:53 Et qu'est-ce que vous répondez ?
01:54 Alors on les écoute.
01:55 On essaye de mettre des mots parce que ce qu'on sent aussi, ce que disent les écoutants,
01:59 c'est qu'ils sentent que les mots que vont dire l'écoutant, ils vont les prendre avec
02:04 beaucoup d'importance.
02:05 Et notamment, par exemple, ils sont nombreux à évoquer le phénomène d'harcèlement
02:10 et le fait que pour beaucoup, ils ont essayé d'en parler et qu'ils n'ont pas été entendus.
02:13 Ils n'ont pas été crus.
02:15 En fait, il faudrait déjà dire aussi ce qu'on entend par solitude.
02:19 Il y a les personnes vraiment seules, physiquement seules, chez elles, qui n'ont pas d'amis,
02:22 pas de proches, pas d'entourage.
02:23 Il y a beaucoup de personnes âgées qui sont dans ce cas-là.
02:26 Et ça, c'est plutôt les personnes âgées.
02:27 Mais il y a des jeunes qui se sentent seules malgré des personnes autour d'elles.
02:32 Oui, et le principe de solitude, c'est ça.
02:34 C'est que vous vivez quelque chose qui vous travaille, qui est important pour vous.
02:38 Vous avez essayé d'en parler.
02:39 Vous vous êtes fait renvoyer dans vos six mètres.
02:41 Et donc, vous vous sentez seul puisque ce que vous vivez, vous ne pouvez pas l'exprimer.
02:45 Et alors, ça touche aussi un sentiment d'aide puisque vous ne pouvez pas être comme vous
02:49 êtes.
02:50 On vous renvoie à ce que vous devriez être.
02:51 Vous devriez aller mieux.
02:52 Vous devriez faire ceci, cela.
02:54 Alors que ce n'est pas ce que vous vivez.
02:56 Et notamment, quand vous êtes dans une impasse, vous avez l'impression qu'il n'y a pas de
02:58 solution, que vous êtes au bout d'un mur.
03:00 Ça peut vous renvoyer vraiment à une solitude tout en étant très, très, très entouré.
03:05 Et ça peut avoir des répercussions sur la santé ?
03:07 Alors, sur la santé et puis même sur des raisons de vivre.
03:09 Puisque personne ne me comprend, personne ne m'entend.
03:13 Je ne suis pas comme je suis avec les autres.
03:15 Et donc, quelle est mon utilité ? Quel est le sens de ma vie ? Bien sûr.
03:19 Et c'est pour ça que notre but premier, c'est de la prévention du suicide.
03:21 Mais qu'on l'ouvre de façon plus largement pour entendre tous ceux qui ont quelque chose
03:25 à dire.
03:26 Et est-ce que vous leur conseillez des choses à ces personnes ? Je vous pose la question
03:30 parce que toujours dans cette étude de l'IFOP que je citais tout à l'heure, dit qu'il
03:34 y a deux remèdes à la solitude.
03:36 Les personnes qui ressentent de la solitude prennent souvent un animal domestique.
03:40 Ça les aide, ça va mieux après.
03:41 Ou se tournent vers les réseaux sociaux, les sites de rencontres, Internet, comme palliatif
03:46 à leur solitude.
03:47 Est-ce que c'est ce genre de choses que vous conseillez ?
03:48 Je ne sais pas, mais en tout cas nous ce qu'on reçoit c'est que c'est bien une demande
03:53 d'être avec quelqu'un.
03:54 Il y a beaucoup d'appels par exemple qui commencent par une demande précise de conseils.
03:58 Alors on ouvre la discussion, on prend le prétexte d'en savoir plus pour donner le
04:01 bon numéro.
04:02 Et quand on laisse la conversation, on installe, on aide la personne à mettre des mots sur
04:06 ce qu'elle vit, on se rend compte qu'à la fin, elle n'a plus besoin des conseils.
04:09 Ce qu'elle voulait, c'est parler, c'est dire ce qu'elle vit, ce qu'elle ressent.
04:13 Et chez les jeunes, c'est particulièrement criant.
04:15 Et les gens vous rappellent régulièrement ou c'est juste une fois comme ça ?
04:18 Certains c'est une fois comme ça, d'autres vont nous appeler pendant toute une période,
04:23 la période où ils vont aller mal.
04:24 Et puis d'autres, c'est presque une addiction, ils nous appellent plus de 200 fois par mois.
04:28 Donc on essaye de faire la place pour tout le monde.
04:32 Et jamais de rencontre, ça reste des échanges téléphoniques ?
04:35 Oui, parce qu'on essaye de faire en sorte que ce qu'on va avoir avec eux, ça soit
04:38 une page la plus blanche possible, pour qu'il y ait le moins de freins à ce qu'ils ont
04:43 envie de dire.
04:44 Alors déjà la voix peut dire beaucoup de choses.
04:45 Je suis un homme, on peut imaginer que j'ai tel âge, tel âge et ça peut freiner certaines
04:50 personnes.
04:51 Donc on essaye de donner le moins possible de freins.
04:54 Et vous avez suffisamment d'écoutants à SOS Amitié ?
04:56 Non, parce qu'on estime en moyenne qu'on répond à un appel sur cinq, on devrait être
05:01 500 de plus, on est 1900.
05:03 On a fait de gros efforts de recrutement ces dernières années.
05:06 Un peu avant le Covid, on était 1800, quelque chose comme ça.
05:08 Là, on approche des 2000, mais on devrait être 500 de plus pour répondre à tous les
05:12 appels.
05:13 Vous en recevez combien des appels ?
05:14 Plus de 600 000 par an.
05:15 600 000 par an.
05:16 Je sais que vous avez rendez-vous bientôt avec le ministère de la Santé, le mois prochain
05:20 pour la journée nationale de prévention des suicides.
05:22 Qu'attendez-vous du gouvernement ? Comment les pouvoirs publics peuvent vous aider ou
05:25 peuvent ces pouvoirs publics eux-mêmes prendre en charge ce problème de la solitude ?
05:29 Nous ce qu'on s'est dit, et notamment avec ces appels de jeunes qui sont assez dramatiques,
05:34 on s'est dit qu'on ne pouvait pas rester uniquement à entendre ces appels et à donner
05:37 des chiffres.
05:38 Et c'est pour ça que juste avant l'été, on a fait une tribune avec d'autres intervenants
05:42 qui constatent la même chose, chacun dans leur métier, autour du manque de liens sociaux.
05:46 Et on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose autour du lien social pour restaurer
05:50 la santé mentale.
05:52 Donc on a écrit une tribune juste avant l'été et on essaie maintenant de rencontrer des
05:59 personnalités politiques pour porter ce projet de faire du lien social une grande cause nationale.
06:04 Merci Laurent Lebauterf, président de l'association SOS Amitié d'Ile-de-France.
06:08 Je redonne le numéro 09 72 39 40 50.
06:13 Service qui fonctionne 24h/24, 7j/7.
06:17 Les appels sont anonymes et gratuits.
06:19 Je le redonne vite fait, 09 72 39 40 50.
06:22 Et il y a aussi votre site internet pour ceux qui préfèrent utiliser la ligne de tchat.
06:26 sos-amitié.com