Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT est l'invité du Grand Entretien de 8h20. Il quittera son mandat à la tête du syndicat le 21 juin. Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le secrétaire général de la CFDT, dans
00:04 le grand entretien de la matinale, questions réactions 01, 45, 24, 7000 et applications
00:10 France Inter.
00:11 Laurent Berger, bonjour.
00:12 Bonjour.
00:13 Et bienvenue à ce micro, on va bien sûr parler des suites du mouvement social contre
00:17 la réforme des retraites, mais d'abord cette annonce qui a surpris tout le monde
00:20 hier à la mi-journée.
00:22 Vous quitterez vos fonctions de secrétaire général de la CFDT le 21 juin prochain,
00:27 après 10 ans et demi à la tête du syndicat, vous l'avez confirmé, au quotidien Le Monde.
00:32 Pourquoi, Laurent Berger, alors que vous dites vous-même que le mouvement n'est pas fini,
00:37 alors que vous l'avez incarné comme personne, pourquoi cette annonce à ce moment précis ?
00:42 Pourquoi ?
00:43 D'abord parce que, juste sur un point, le mouvement contre la réforme des retraites,
00:46 il se poursuit, il n'est pas sur la tête ou les épaules d'une seule personne, c'est
00:51 d'abord des millions de travailleurs et de travailleuses qui se mobilisent, j'espère
00:53 qu'ils le feront le 1er mai.
00:54 L'autre raison, c'est qu'on a des principes, moi j'ai des principes personnels et la CFDT
00:59 a aussi des principes, c'est que lorsqu'on a fait à peu près 10 ans dans une responsabilité,
01:03 particulièrement celle de secrétaire général, il faut savoir passer la main parce qu'on
01:06 est de passage.
01:07 Et on l'a annoncé hier, tout simplement, parce que c'était le dernier bureau national,
01:12 c'est-à-dire notre instance dirigeante, avant le 21 juin, la date où on a décidé
01:16 de réunir des militants, des responsables des syndicats de la CFDT, pour passer le témoin
01:23 dans un moment un peu festif et convivial.
01:25 Oui, enfin qu'on venait que le timing interroge, Laurent Berger, et que beaucoup de gens ne
01:29 comprennent pas.
01:30 Vous avez été sur tous les fronts ces dernières semaines pour lutter contre la réforme des
01:33 retraites, vous vous êtes démultiplié dans les médias et voilà que 4 jours après la
01:37 promulgation de la loi, vous annoncez votre démission.
01:39 Quelle était l'urgence de le dire là maintenant, une semaine avant le 1er mai ?
01:42 D'abord, ce n'est pas une démission, je quitte naturellement une responsabilité
01:46 d'une organisation collective qui repose sur un collectif, qui s'incarne dans un
01:50 responsable ou une responsable, mais je sais que ça paraît totalement anachronique dans
01:54 cette période.
01:55 Là on va vous dire, élément de langage de la CFDT.
01:57 Non, c'est complètement un principe qu'on s'applique, c'est-à-dire qu'on a mené
02:02 ce combat, on devait faire cette annonce le 15 mars.
02:05 Le 15 mars, ce n'était clairement pas le moment, là c'était le dernier bureau
02:09 national avant le rassemblement qu'on veut organiser le 21 juin, et donc c'est ça
02:13 qui a dicté la décision et on va continuer avec la même, je peux vous dire que jusqu'au
02:18 21 juin, j'aurai la même détermination, la même franchise, la même implication
02:23 sur tous les sujets, y compris celui des retraites.
02:25 Mais que répondez-vous à ceux qui pourraient y voir, comment dire, une désertion qui
02:30 affaiblit l'intersyndicale dans ce moment crucial ?
02:33 Non, mais ça n'affaiblit pas l'intersyndicale.
02:35 J'ai prévenu d'ailleurs avant mes homologues des autres organisations syndicales, je les
02:39 ai eus au téléphone pour certains d'entre eux hier, évidemment que ça ne l'affaiblit
02:43 pas.
02:44 Vous savez, on est dans un pays qui crève de l'hyperpersonnalisation.
02:47 On est dans un pays qui pense qu'il suffit d'une personne à un endroit et que tout
02:51 se réglera.
02:52 Ce n'est pas comme ça que ça se passe.
02:53 Vous n'êtes pas devenu la première radio de France, la première matinale de France
02:56 s'il n'y a pas des gens derrière, s'il n'y a pas des gens qui travaillent avec
02:58 vous, qui préparent les choses, etc.
02:59 C'est pareil à la CFDT.
03:00 C'est certain, mais à un moment vous avez incarné les choses.
03:03 À un moment, ça fait dix ans que vous êtes à la tête de la CFDT, et puis il y a eu
03:07 un moment, le kairos, disent les grecs, il y a eu un moment ces trois derniers mois
03:11 où vous avez incarné quelque chose.
03:12 Vous n'aimez pas personnaliser, mais vous l'avez incarné.
03:14 Et partir là maintenant, tout de suite, vous auriez pu attendre le 21 juin pour l'annoncer
03:17 par exemple ?
03:18 Non, parce que le 21 juin, on n'allait pas demander à des militants de syndicats CFDT
03:22 de venir sans leur dire pourquoi ils allaient venir.
03:24 Et je pense que c'est le moment aussi.
03:25 Vous savez, je vais vous prendre aussi un exemple.
03:28 Les conditions sont réunies.
03:29 Il y a de la relève, la CFDT est en forme.
03:31 On va en parler de la relève.
03:32 Non mais vous savez, je vais vous dire un truc.
03:34 C'est que dans un relais de quatre fois cent mètres, le deuxième, le troisième ou
03:38 le quatrième relayeur ou relayeuse, il va plus vite que le premier.
03:41 Pourquoi ? Parce que c'est lancé.
03:42 Moi, j'estime que la CFDT allait lancer et que maintenant, les copains qui arriveront
03:46 derrière, ils feront leur boulot.
03:47 Mais Laurent Berger, est-ce tout simplement parce qu'après tout ce qui s'est passé
03:52 entre vous, vous n'aviez pas envie d'être celui qui va aller demain, dans un mois, dans
03:56 six mois, discuter de la future loi travail, de la pénibilité ou des carrières longues
04:00 avec le président de la République et avec ce gouvernement ?
04:03 Non, c'est déconnecté de l'actualité, déconnecté des interlocuteurs.
04:07 C'est une décision, un choix interne de la CFDT.
04:09 Après, est-ce que vous pourriez me le demander autrement ? Est-ce que ça me manquera ?
04:13 Est-ce que ça vous manque ?
04:16 Non, ça ne me manquera pas.
04:17 Je vais vous dire, moi je garde la face.
04:18 Est-ce que vous en avez ras le bol ?
04:19 Non, je n'en ai pas ras le bol.
04:20 Il y a des choses qui fatiguent parfois, mais c'est éprouvant.
04:26 Un peu plus de dix années à cette responsabilité.
04:28 Mais vous savez, j'ai toujours la passion militante.
04:30 J'adore les militants et les militantes.
04:33 J'adore le contact avec les travailleurs et les travailleuses.
04:35 Et ça, ça restera.
04:37 Je ne pars pas du tout lassé.
04:38 Est-ce que vous ne partez pas pour ne pas être…
04:39 Je ne pars pas lassé, je ne pars pas fâché, je ne pars pas parce que j'en ai marre,
04:42 je ne pars pas parce que j'en peux plus de certains interlocuteurs.
04:45 Je pars parce que ce sont les échéances internes d'une organisation collective.
04:49 Vous ne partez pas pour ne pas être…
04:50 Excusez-moi, mais ce serait pas mal que ce soit un peu pareil ailleurs.
04:54 Que ça ne s'installe pas.
04:56 Que les gens ne s'accrochent pas, c'est ça ?
04:57 Oui, je veux dire, moi voilà.
04:59 Vous savez, tous les matins, quand je me lève, les décisions de la CFDT, ce n'est pas
05:02 moi sous la douche qui les pense tout seul.
05:04 Je les pense collectif.
05:05 Et donc, il y a une équipe et au bout d'un moment, quand il y a des talents qui se développent
05:09 dans l'équipe, il faut aussi qu'ils prennent leur place.
05:11 Est-ce que vous ne partez pas pour ne pas être un obstacle pour la CFDT, vu vos relations
05:15 avec le président d'un public ?
05:16 En fait, depuis hier, on me dit "vous partez parce que vous partiriez, vous abandonnez
05:20 alors que vous êtes… je suis soi-disant en haut de l'affiche, maintenant parce que
05:25 non, je ne suis un obstacle de rien du tout".
05:27 Vous savez, la CFDT, si certains pensent qu'elle sera moins CFDT, c'est-à-dire moins combative,
05:33 moins en force de proposition, etc., ils se fourrent le doigt dans l'œil.
05:37 La CFDT, elle va rester la CFDT.
05:39 Vous savez, moi j'ai eu une chance énorme.
05:41 Et ce n'est pas facile pour moi de le dire là.
05:44 On m'a transmis le témoin François Chéderec, on m'a transmis dans d'excellentes conditions.
05:48 Je veux faire la même chose.
05:49 Je suis de passage, je passe le témoin et ça va continuer.
05:52 Vous avez quand même dit dans Le Parisien, il y a trois jours, qu'Emmanuel Macron avait
05:55 un problème d'ordre psychanalytique avec vous.
05:58 Je sais bien que vous n'aimez pas personnaliser les choses, mais tout de même, peut-on voir
06:01 dans ces différents, avec le président de la République, l'accélération de votre
06:05 décision de quitter la CFDT ?
06:07 Non, Madame Salamé s'est décidée il y a un an et demi.
06:11 Je devais partir en juin 2022.
06:13 Je suis resté parce qu'il y avait un risque politique, on savait, dans les six premiers
06:18 mois de 2022, parce qu'il y a eu le Covid qui ne nous avait pas permis de faire toutes
06:21 les choses et parce que je suis le président de la Confédération Européenne des syndicats
06:24 et que les collègues en Europe m'avaient demandé de rester jusqu'au Congrès qui
06:27 a lieu en mai prochain.
06:28 Aucun rapport avec ce qui vient de se passer.
06:31 Juste la vie normale, démocratique d'une organisation syndicale.
06:33 Pas une forme de colère ?
06:35 Non, non plus.
06:36 Parce que quand vous dites dans le monde que le président de la République s'est
06:39 essuyé les pieds sur les travailleurs et les travailleuses, là on entend un Laurent
06:43 Berger qu'on a souvent entendu à ce micro, très calme, etc.
06:46 Ces derniers mois, on l'a entendu nettement plus en colère.
06:49 Non, ce n'est pas en colère.
06:50 Si, on vous a vu en colère, devant le micro, derrière le micro, si.
06:54 Je vais répondre à la question.
06:56 Est-ce que c'est parce que je suis en colère de ce qui vient de se passer que je parle ?
06:59 La réponse est non.
07:00 Est-ce que je suis en colère qu'on s'essuie sur le monde du travail, qu'on s'essuie
07:03 sur les travailleurs et les travailleuses à travers cette réforme des retraites, qu'on
07:06 crée une crise démocratique à cause de cette réforme des retraites, qu'on donne
07:09 le sentiment à tous ceux qui se sont mobilisés pendant le Covid que leur seule reconnaissance
07:13 est de travailler deux ans de plus ?
07:14 Oui, je suis en colère.
07:15 Vous savez, le seul truc qui me met en colère, vous l'avez vu depuis toutes ces années,
07:18 c'est quand on méprise les gens.
07:19 C'est quand on méprise ceux et celles qui font tourner le pays et dont on ne parle jamais.
07:24 Et ça, oui, je suis en colère.
07:25 Mais vous savez, cette colère-là, que je pense une colère saine, ça serait plutôt
07:29 une volonté de continuer.
07:30 Parce que ce combat-là, pour moi, il continuera de m'habiter.
07:33 Et il n'y a pas un problème dès l'origine de logiciels entre vous, pardon, entre le
07:38 logiciel macroniste et les corps intermédiaires ?
07:40 Ceux qui ont écrit le programme d'Emmanuel Macron en 2017, Ismaël Emelien et David
07:44 Amiel, disaient déjà, on a retrouvé les phrases, "les syndicats s'acharnent à
07:47 défendre l'ordre existant, l'existence de corps intermédiaires est remise en question
07:50 par les réseaux sociaux, qui permettent de réunir des millions de citoyens partageant
07:54 le même avis en quelques jours".
07:55 Emmanuel Macron lui-même, en 2017, disait "les syndicats ne représentent pas l'intérêt
07:59 général, ils sont trop politisés en gros".
08:01 Au fond, est-ce qu'il n'y a pas un défaut d'origine ?
08:02 Ah mais je suis certain.
08:03 Depuis le début, il y a une conception de la démocratie politique qui est "le peuple
08:08 et nous".
08:09 Parce que les réseaux sociaux, c'est ça.
08:10 Et ce n'est pas le peuple, souvent, le plus vertueux, si je peux me permettre.
08:14 Si bien sûr, mais moi, s'il faut théoriser, avant le 21 juin, je peux venir en expliquer
08:20 longuement.
08:21 Oui, il y a un problème, c'est que la démocratie, ça ne se résume pas à être élu une fois
08:25 et de faire ce qu'on veut.
08:26 Je crois que d'autres le disent mieux que moi, Pierre-Rosan Vallon et d'autres le
08:30 disent mieux que moi.
08:31 Et que la conception, en fait, il y a une tentation d'abaisser, d'amoindrir le rôle
08:36 des syndicats.
08:37 Et on nous l'a même théorisé, à un moment donné, il y avait les gilets jaunes, on avait
08:39 disparu.
08:40 Le syndicalisme est de retour, monsieur le Président.
08:41 On est là.
08:42 Quand il dit en 2017, reconnaissez que le syndicat était moribond.
08:45 Reconnaissez que vous représentiez de moins, alors là, ça va mieux avec la réforme des
08:48 retraites, mais enfin, vous représentiez de moins en moins de salariés.
08:51 Vous aviez perdu des adhérents, vous n'étiez pas, quand il dit...
08:55 D'abord, la CFDT, c'est plus de 600 000 adhérents.
08:57 Plus que tous les partis politiques confondus de ce pays.
09:00 Renaissance comprise.
09:01 Ça, c'est un truc qu'il faut quand même dire.
09:02 Le taux de participation aux élections professionnelles, il est autour, il est en train de remonter d'ailleurs
09:06 ces derniers temps, mais il était autour de 55 à 60%.
09:09 Plus que beaucoup d'élections politiques qui se déroulent.
09:11 Donc, la défiance dans les institutions dans notre pays, elle est forte à l'égard
09:16 de beaucoup, beaucoup d'institutions.
09:19 C'était le cas du syndicalisme.
09:21 On a fait la démonstration.
09:22 Vous savez, on n'est pas là pour regarder les choses.
09:24 On a fait le boulot.
09:25 Et le boulot, c'est que le syndicalisme, il est là aujourd'hui.
09:27 Il est là et il a exprimé sa centralité sur le monde du travail.
09:30 Et dans ce syndicalisme, la CFDT, elle a assumé un leadership.
09:33 Et quand c'était...
09:34 Franchement, je le dis, quand je suis arrivé en 2012, c'était pas gagné.
09:37 Eh bien, c'est là où on est aujourd'hui.
09:39 On est la première organisation syndicale de ce pays.
09:41 On est reconnu.
09:42 Et bien maintenant, il va falloir faire avec.
09:44 On vous a déjà posé la question, Laurent Berger.
09:46 On va le refaire.
09:47 Vous ne quittez pas le syndicalisme pour entrer en politique, ni en 2027, ni en 2032,
09:52 ni en 2037, ni en 2042.
09:55 J'aime bien comme vous le faites, parce que vous le faites avec humour.
09:58 Non, évidemment non.
09:59 Et en 2047, je crois pas non plus.
10:01 Non plus.
10:02 Non.
10:03 Il n'y a pas que les présidentielles.
10:04 Il y a les européennes, les sénatoriales, les municipales.
10:06 C'est non à tout ?
10:07 Oui, c'est non à tout, oui.
10:09 Tout entrer en politique, au sens où on l'entend.
10:11 Si c'est pour continuer à faire de la politique, je crois que je le dis dans le monde,
10:14 oui, je continuerai à faire de la politique.
10:16 Parce que je crois que chaque citoyen est amené à faire de la politique.
10:18 Et je continuerai à être militant.
10:19 Comment ? Sous quelle forme ?
10:20 Eh bien, vous savez, il y a tout un tas d'associations qui existent.
10:23 Il y a tout un tas d'organisations.
10:24 On a créé un collectif, le PAC du pouvoir de vivre, qui fonctionne très bien.
10:27 Et je souhaite continuer, sans gêner, à lui donner un coup de main.
10:31 Je pense qu'on peut faire, par différentes manières, tout un tas d'implications dans la vie de la cité.
10:37 Moi, je continuerai à être un militant.
10:38 Un militant de la justice sociale, de la transition juste, des droits humains.
10:42 Et puis, un militant européen aussi.
10:44 Mais je ne ferai pas de politique.
10:45 Point final.
10:46 Un mot sur Marylise Léon, qui devrait vous succéder.
10:49 Pour ceux qui ne la connaissent pas, qui est-elle ?
10:51 Pouvez-vous nous faire son portrait rapide ?
10:53 On dit que c'est une redoutable négociatrice.
10:56 Dites-nous.
10:57 C'est d'abord une militante hors pair.
10:59 Avec beaucoup de belles valeurs, qui vient de la chimie, parce qu'elle était responsable sécurité dans un petit cabinet de conseil.
11:07 Elle a beaucoup d'expérience.
11:09 Elle est humainement remarquable, dans la relation aux autres.
11:13 Moi, c'est très important pour moi, cet aspect-là.
11:16 Elle est aguerrie, aujourd'hui.
11:18 Ça fait cinq ans qu'on travaille ensemble.
11:20 Et c'est une femme.
11:22 Oui, c'est une femme.
11:23 Mais vous avez vu que j'ai commencé par dire toutes ses compétences.
11:25 Et il se trouve que c'est une femme.
11:27 Et bien, c'est une bonne nouvelle.
11:28 Revenons aux retraites.
11:30 Laurent Berger et Emmanuel Macron ont dit lors de son allocution que cette réforme était nécessaire,
11:34 qu'elle entrerait en vigueur à partir de septembre, même s'il a entendu la colère des Français
11:38 et regretté qu'un consensus n'ait pu être trouvé.
11:42 Est-ce à dire que la page des retraites est aujourd'hui tournée ?
11:45 Non, parce que quand on entend, il faut écouter.
11:48 Et encore, je crois qu'hier, le président de la République a eu l'occasion d'entendre.
11:52 Mais il n'a pas écouté.
11:53 Il a dit que ce n'est pas les casseroles qui gouvernent.
11:55 C'est arrêter la provocation.
11:57 Donc non, ce n'est pas fini.
11:58 Il y a un 1er mai qu'on veut massif, qu'on veut international.
12:01 Pourquoi c'est une provocation cette phrase ?
12:03 Ce n'est pas les casseroles qui gouvernent ?
12:04 Non, ce n'est pas avec des bruits de casseroles.
12:05 Parce que ce qui s'exprime derrière le bruit de casseroles, c'est la réalité du monde du travail.
12:08 C'est comme derrière une manifestation.
12:09 Ce n'est pas un chiffre, la manifestation.
12:11 C'est de l'incarnation de la réalité du monde du travail.
12:13 Des gens qui, aujourd'hui, ont des conditions de travail qui ne permettent pas d'aller jusqu'à 64 ans,
12:17 ont des salaires trop faibles, etc.
12:20 Donc le 1er mai, c'est une date importante pour nous.
12:22 On va faire pour la première fois depuis de longues années un 1er mai où toutes les organisations syndicales seront là.
12:27 On a invité nos collègues internationaux, notamment de la Confédération européenne des syndicats
12:31 et de la Confédération syndicale internationale.
12:33 Les deux secrétaires généraux seront là.
12:34 On va faire la démonstration.
12:36 Et moi, j'invite tous les citoyens, tous les travailleurs et travailleuses qui ont manifesté une fois
12:40 ou qui ne l'ont pas encore fait, d'aller le 1er mai à côté de chez eux, dans une manifestation.
12:43 Mais ça changera quoi ? Même s'il y a 3 millions de personnes, le 1er mai, ça changera quoi ?
12:46 Mais vous savez, d'abord...
12:47 La loi, elle va s'appliquer ?
12:49 On peut toujours espérer que pour l'instant, c'est plutôt ce sur quoi c'est parti.
12:53 Mais de toute façon, d'abord, ça sert à relever la tête.
12:55 Vous nous avez parlé tout à l'heure du syndicalisme.
12:57 Le syndicalisme, c'est d'abord l'expression...
12:59 Edmond Maire avait une expression qui était un peu datée, mais qui fait un peu dater aujourd'hui.
13:02 Le syndicalisme, c'est le cri du peuple.
13:04 Et quelque part, c'est ça, c'est le cri du monde du travail pour dire "on ne veut pas cette réforme".
13:08 Et on veut une autre considération, parce qu'il y aura d'autres sujets aussi,
13:12 en termes de salaire, en termes de conditions de travail.
13:14 Et donc, je crois que c'est utile de faire encore cette démonstration de force.
13:18 Et puis ensuite, on se retrouve en intersyndical.
13:21 Et évidemment que la CFDT va aller proposer qu'on négocie l'organisation du travail,
13:27 qu'on développe du dialogue professionnel.
13:29 Donc après le 1er mai, vous allez accepter l'invitation d'Emmanuel Macron ?
13:32 Je ne vais pas aller accepter, je vais faire mon travail de syndicaliste.
13:35 Donc vous allez le voir ? Vous allez aller à l'Elysée discuter avec lui ?
13:38 Je ne sais pas si c'est à l'Elysée que ça devrait se passer.
13:40 Normalement, il y a dans un pays, il y a un gouvernement qui gouverne.
13:42 Ce n'est pas au président de gouverner.
13:44 Donc on verra comment ce sera passé.
13:46 Si c'est la logique des 100 jours, etc.
13:48 Ce qu'on a pu voir dans la discussion qu'il y a eu avec le patronat.
13:50 Nous, on va être plus exigeants, beaucoup plus exigeants sur la méthode.
13:53 Il sera hors de question.
13:54 Ça veut dire quoi ça ?
13:55 Ça veut dire que clairement...
13:56 Vous parlez beaucoup de la méthode, la méthode, la méthode ces derniers jours.
13:59 On ne veut pas arriver dans une salle, dans une réunion,
14:01 on nous dit voilà, c'est ça le projet.
14:03 Et puis on fait nos commentaires, nos propositions, etc.
14:07 Et elles ne sont pas expertisées.
14:08 C'est un peu ce qui s'est passé ces derniers mois.
14:10 Enfin, c'est plus que ce qui s'est passé ces derniers mois.
14:12 Après, il y a eu une grande phase où on ne nous a pas écoutés.
14:14 Donc nous, on n'y va pas non plus quand on nous siffle.
14:16 On continue la démocratie sociale.
14:18 Et donc votre méthode c'est quoi là ?
14:19 La méthode c'est que quand il y aura des propositions qui seront mises sur la table par des organisations,
14:25 on le veut qu'il y ait débat sur ces propositions
14:27 et qu'il y ait argumentation pourquoi elles ne seraient pas retenues.
14:30 Je vous prends un exemple.
14:31 Les aides publiques aux entreprises, c'est aujourd'hui des centaines de milliards.
14:34 Il n'y a aucune conditionnalité à ces aides publiques.
14:36 Nous, on propose qu'il y ait un contrôle social de ces aides publiques
14:39 à travers notamment un avis conforme du CSE.
14:41 Discutons de ce sujet là.
14:43 Ça paraît technique, c'est fondamental aujourd'hui pour que les entreprises partagent la richesse,
14:47 s'inscrivent dans la traduction écologique, fassent des bonnes conditions de travail.
14:50 Dominique Seux dit qu'au fond, c'est maintenant que vous allez en gros gagner la partie,
14:56 même si vous l'avez perdu sur la réforme des retraites,
14:59 puisque c'est à partir de maintenant, avec les mots du Président de la République
15:02 qui invite donc maintenant les syndicats et les patronats à négocier sur la nouvelle loi travail,
15:07 sur les salaires, sur les carrières longues,
15:09 que la CFDT va présenter la facture en gros.
15:12 Et que dit-il, c'est les entreprises qui vont payer, les chefs d'entreprise.
15:17 Craint-il peut-être, mais la réalité c'est que oui, il y a des choses à obtenir.
15:24 Je ne sais pas si ce n'est pas une contrepartie,
15:26 mais clairement, aujourd'hui, ça ne sera pas comme hier.
15:29 On veut nous parler des seniors, mais bazar !
15:31 On fallait en parler avant les seniors, on veut nous parler de l'usure professionnelle,
15:35 il fallait en parler avant. Donc clairement, oui, tout va coûter un peu plus cher.
15:39 C'est une évidence, parce qu'il y a une forme de mépris des organisations syndicales,
15:42 du mépris du monde du travail, et ça ne se passera pas si facilement que ça.
15:46 Mais on peut faire plusieurs choses quand on est syndicaliste.
15:49 On peut contester dans la rue, on l'a démontré, et on peut porter des propositions.
15:53 Moi, quand j'étais délégué du personnel dans ma boîte, je suis désolé,
15:56 les collègues, ce qu'ils me demandaient, c'est que j'apporte des propositions
15:59 et je revienne avec des résultats. Ce truc-là, on le fera jusqu'au bout.
16:02 On passe au sondage d'Inter, on nous attend Bruno, bonjour Bruno !
16:06 Bonjour, bonjour à tous !
16:08 On vous écoute !
16:09 Oui, bonjour, vous m'entendez ?
16:10 Parfaitement bien !
16:12 Bonjour, Monsieur Berger, je me doutais que Monsieur Nicolas et Léa allaient vous poser la question
16:18 concernant la présidentielle, alors mon appel datait d'avant la question.
16:24 Mais moi j'insiste, voilà, on a vu que Monsieur Macron attire sur lui une forme de rejet,
16:32 mais pas que lui, les politiques en général.
16:34 On a besoin d'un homme politique aujourd'hui, ou d'une femme politique aujourd'hui
16:38 qui ait du charisme, comme vous en avez, qui ne soit pas que dans le discours,
16:42 mais dans l'action, comme vous le faites.
16:44 Et je voulais vous dire de réfléchir bien à deux fois avant de dire non.
16:47 Alors on en a vu d'autres qui disaient non des années avant et qui se présentaient finalement.
16:51 Mais vous attirez vers vous bien au-delà du monde syndical.
16:56 Je ne suis pas un militant CFDT, autour de moi non plus, et j'entends des jeunes, des moins jeunes,
17:01 dire "Ah il est pas mal ce type, ah il parle vrai, il ne fait pas que parler celui-là".
17:05 Vous plaisez, Monsieur Berger, et réfléchissez bien, parce que vous cochez beaucoup des bonnes cases
17:12 qui font qu'aujourd'hui les Français ont envie de se reconnaître avec quelqu'un de votre valeur,
17:17 de votre envergure et de votre qualité de travail.
17:20 En question subsidiaire, je voudrais quand même dire aussi, est-ce que le fait que M. Macron a dit
17:25 qu'il vous avait pour vous de l'amitié, vous considérez ça comme le baiser de Judas ?
17:29 Merci Bruno, alors ça c'est hier effectivement que le Président de la République a dit de vous, Laurent Berger,
17:37 qu'en dépit du désaccord sur les retraites, il avait pour vous du respect, et oserais-je dire de l'amitié ?
17:46 Merci Bruno, mais j'ai bien réfléchi.
17:51 Bruno trouve tout de même des mots qui, j'imagine, doivent vous faire plaisir, non ?
17:56 Mais ça fait plaisir quand on dit que vous êtes, comme moi, d'où je viens, qu'on dit que vous êtes quelqu'un de respecté, etc.
18:06 Ça fait plaisir après dix ans, parce qu'on pourrait aussi après dix ans dire "mais qui se tire, on en a marre", etc.
18:11 Mais il y en a sûrement qui le pensent d'ailleurs.
18:15 Oui j'ai réfléchi, moi je suis un syndicaliste, je suis un produit de l'éducation populaire.
18:19 C'est quoi l'éducation populaire ? C'est qu'on apprend les uns avec les autres, on fait avec les uns avec les autres.
18:22 J'ai envie de continuer à militer, je vais continuer à militer, je vais continuer à dire des choses,
18:26 mais je ne suis pas fait pour le politique, je ne suis pas fait pour cette espèce d'aventure qui, à un moment donné,
18:31 se transforme en aventure personnelle, encore plus dans une présidentielle.
18:34 Donc mon choix est ferme et définitif.
18:36 Quand il vous dit "il y a le rejet de la personne d'Emmanuel Macron", mais de tous les politiques ?
18:40 J'espère pas de tous les politiques, je le dis dans mon interview au Monde, il faut qu'il se remette au boulot,
18:44 il faut qu'il lise, il faut qu'il travaille, qu'il comprenne la complexité de la société,
18:48 qu'il sorte des slogans, qu'il sorte de Twitter, qu'il reconstruise des idées.
18:54 Et ça moi je le ferai toujours, j'essaierai toujours de tenter ce truc-là.
19:00 Mais non, voilà, je suis désolé.
19:02 Et vous allez faire quoi ? Vous allez chercher du travail maintenant ?
19:04 Oui, je vais chercher du travail, je n'ai pas de piste d'atterrissage pour l'instant.
19:06 Vous n'avez pas de piste, vous n'avez pas préparé votre sortie.
19:08 Vous savez, les trois derniers mois, ils ont été un peu intenses.
19:12 Et quant au discours, parce que je n'ai pas envie de l'exquiver, l'amitié a un sens très fort pour moi.
19:18 J'ai beaucoup d'amis qui m'ont écrit hier.
19:20 Mais pas le président de la République.
19:24 Angélique, au Standard Inter.
19:26 Quand même, pardon, j'y reviens, parce que c'est vrai que ça fait trois mois qu'on vit avec vous,
19:31 avec le président de la République, avec cette mobilisation, cette séquence politique.
19:35 Vous parlez de crise démocratique, on va parler de crise, en tout cas, politique.
19:39 Il n'y a pas un problème d'orgueil entre vous deux ?
19:41 Non, pas du tout. Vous me demandez si c'est un ami, je vous réponds non.
19:45 C'est lui qui dit de l'amitié pour vous ?
19:47 Oui, mais vous me le demandez à moi.
19:49 Mais qu'est-ce qui a bugué ?
19:51 Rien. La conception de la démocratie sociale, rien d'autre.
19:54 La conception de la démocratie sociale et un certain nombre de choix qui ont été faits.
19:57 Vous savez, moi, je sais d'où je viens.
19:59 Et le fait qu'on considère dans cette société que les plus fragiles, s'ils sont là où ils sont,
20:03 même quand ils sont dans le monde du travail, c'est un peu de leur faute et qu'on ne les a pas suffisamment accompagnés,
20:07 c'est une différence de conception de la justice sociale qui est différente.
20:13 Il y a une différence de conception sur la démocratie sociale et la place des organisations syndicales, on en a déjà parlé.
20:18 Il y a un certain nombre d'actions qui sont menées, de paroles qui sont...
20:22 Moi, je crois aussi que tout le monde doit avoir la mesure de sa parole, y compris dans le débat public,
20:26 et des paroles qui s'adressaient à des personnes plus fragilisées.
20:29 C'est ça qui nous sépare.
20:31 C'est pas grave, on est dans une démocratie, mais j'ai le droit de ne pas être d'accord et de le dire.
20:34 Il n'y a pas de problème de relation interpersonnelle de mon côté, je le dis, mais un problème de fond.
20:39 Angélique Austandard, bonjour, bienvenue.
20:42 Bonjour, bonjour France Inter, bonjour Laurent Berger.
20:45 Bonjour.
20:46 Pouvez-vous nous expliquer comment et sur quel point votre expérience syndicale vous a fait échanger d'avis,
20:52 évoluer, modifier vos prises en compte, vos considérations ?
20:55 Merci Angélique pour cette question personnelle aussi.
20:59 Merci.
21:01 Vous savez, j'aime pas beaucoup les gens qui disent, après avoir vécu une expérience forte,
21:04 "je n'ai pas changé".
21:06 Moi, j'ai évolué, parce que j'ai connu de nouvelles réalités professionnelles,
21:11 j'y ai passé toutes les semaines, au moins une demi-journée ou une journée,
21:15 en contact avec des salariés, avec des équipes syndicales.
21:18 Je crois que ça m'a fait appréhender un peu mieux la complexité des solutions à trouver,
21:23 et sortir un peu des slogans faciles.
21:26 Moi, je crois qu'on a besoin de conjuguer le fait de partir de la réalité concrète,
21:32 ce que vivent les gens, et essayer de construire du commun,
21:36 donc de construire des pensées collectives aussi.
21:38 Est-ce que vous vous êtes pas radicalisé, comme on entend parfois certains dire ?
21:40 Non, pas du tout, je ne me suis pas radicalisé.
21:42 Je reste un syndicaliste réformiste, même si le terme mériterait d'être développé beaucoup plus.
21:47 Non, je ne me suis pas du tout radicalisé.
21:49 Je reste persuadé qu'il faut, quand on est syndicaliste,
21:52 signer des accords, passer des compromis,
21:54 et être capable de s'engager, même quand c'est compliqué,
21:57 parce qu'on n'est pas habitué dans ce pays.
21:58 Quelle est votre plus grande fierté, votre plus grand regret de ces dix ans ?
22:01 Mon plus grand regret, c'est qu'on a, même si ça a changé,
22:04 parce qu'on a plus de 32 000 adhésions depuis le début de l'année,
22:07 c'est qu'on n'a pas suffisamment développé l'adhésion syndicale.
22:10 J'ai aussi le regret qu'on n'ait pas réussi à faire qu'il y ait moins d'organisations syndicales dans ce pays,
22:14 en travaillant mieux ensemble.
22:16 Ma plus grande fierté, on est devenu la première organisation syndicale.
22:19 Vous avez battu la CGT ?
22:21 Non, mais c'est important quand même d'être représenté,
22:23 et tout ça c'est grâce au travail des militants et des militantes.
22:26 Comme vous êtes content d'être la première radio,
22:28 la CGT est contente d'être la première organisation syndicale.
22:31 Et qu'est-ce qui va vous manquer après le 21 juin ?
22:33 Vous ? Non.
22:35 Si, un peu quand même.
22:36 Le contact avec les militantes et les militants,
22:41 ce travail de terrain que j'adore.
22:43 En tout cas, il y a plein de réactions.
22:44 Oui, énormément de réactions sur l'application de France Inter.
22:47 Bravo Laurent, merci Monsieur Berger,
22:49 merci pour votre inspiration dit Julien.
22:52 Monsieur Berger, vous ne voulez pas être politicien,
22:55 vous aimez poser vos conditions,
22:58 jamais vous ne parlez...
23:00 Enfin, j'en ai trop là, sous les yeux.
23:03 Je suis chef d'entreprise d'une société de 100 personnes,
23:05 et vous allez me manquer, merci pour votre inspiration.
23:07 Voilà, voilà.
23:08 J'ai 60 ans, je suis au chômage,
23:10 et pour la première fois de ma vie, j'ai eu envie d'adhérer à un syndicat
23:12 grâce au discours que vous avez porté à la CFDT.
23:14 Que la CFDT continue sur la voie qui fait sa singularité,
23:17 on en a besoin, etc.
23:20 Merci.
23:22 Merci à toutes et à tous.
23:23 Merci à vous aussi.
23:24 Et merci à vous Laurent Berger d'avoir été à notre micro ce matin.
23:28 Il est 8h45.