Loi immigration, guerre Israël-Gaza... À deux jours de Noël, Ali Baddou et Marion L'Hour reçoivent dans le Grand entretien l'évêque d'Arras, Monseigneur Olivier Leborgne. Il est, entre autres, l'auteur de "Prière pour les temps présents" (Seuil, 2022).
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00 Et dans le Grand Entretien ce matin avec Marion Lourdes, notre invité est évêque d'Arras,
00:04 auteur de « Prières pour le temps présent ».
00:06 Posez vos questions, chers intervenants, chers auditeurs,
00:10 et intervenez au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter
00:14 pour dialoguer avec Monseigneur Olivier Leborn qui est avec nous en studio et que je salue.
00:19 Bonjour. - Bonjour à vous.
00:20 - Et bienvenue. Merci d'être à notre micro en plein conflit entre Israël et le Hamas,
00:26 en extension dans un lieu symbolique à Bethléem, le lieu de la nativité privée de fêtes de Noël.
00:31 Les célébrations religieuses des chrétiens de Palestine ont été annulées en raison de la guerre à Gaza
00:36 et on l'entendait dans le journal de 8h dans l'église luthérienne de Bethléem en Cisjordanie.
00:40 Le révérend a créé une crèche très particulière.
00:44 Vous en avez une photo sous les yeux. Cette photo, on la trouve dans le journal Le Figaro ce matin.
00:49 On y voit l'enfant Jésus enveloppé dans un keffieh palestinien.
00:53 Il agit seul dans les décombres d'une maison effondrée sur du béton brisé.
00:59 La Vierge, Joseph, l'âne et le boeuf regardent au loin le désastre.
01:04 Que vous inspire cette photo, la photo de cette crèche-là ?
01:09 Olivier Leborn. - Elle m'inspire que c'est d'abord le drame qui se joue sur cette terre.
01:14 Une spirale de la violence qui semble ne pas vouloir s'arrêter.
01:18 Et c'est dans ce monde, ce monde de violence que nous allons fêter Noël.
01:21 Quel sens ça peut avoir ? Je crois que c'est une vraie question pour les chrétiens.
01:24 C'est aussi une vraie stimulation pour oser fêter la fête de Noël pour ce qu'elle est.
01:30 Et pas forcément pour ce qu'on en fait.
01:32 - Fêter Noël, le mot est fort. Demain, vous allez célébrer la messe de Noël.
01:37 Et vous savez ce que vous direz dans votre mêlis ?
01:40 - Je suis en train d'y réfléchir. C'est demain.
01:42 Et entre-temps, on a dimanche, églatrime, dimanche de l'Avent.
01:45 Mais je suis extrêmement frappé de ce que celui que nous célébrons,
01:48 et moi que je confesse comme vrai Dieu, celui qui se fait enfant,
01:52 je ne m'aime pas devant quelque chose de très émouvant.
01:55 Je suis saisi par un acte de Dieu qui prend cher de ma chair
01:58 et qui, pour entrer dans notre humanité, prend la place de celui qui n'est pas reçu.
02:02 Il n'y avait pas de place commune pour l'accueillir et il part en exil immédiatement.
02:06 Il va falloir qu'on prenne la mesure de ce que ça veut dire.
02:09 Et donc, je vais avoir du mal à confesser celui que je célèbre à Noël
02:12 sans dire que la dignité de l'homme, la dignité de la personne humaine,
02:17 elle est pour tous sans exception là-bas, en Terre Sainte, en Palestine, en Israël, chez nous.
02:24 - Chez nous. Et on va venir justement dans un instant à ce qui se passe chez nous, ici, en France.
02:29 Mais une question aussi vieille que la religion, que les monothéismes,
02:32 comment est-ce qu'on concilie la croyance en Dieu et l'existence du mal ?
02:36 - La foi chrétienne et la Bible ont une parole.
02:38 Ils pensent que Dieu nouveau, vivant, est bon.
02:42 Et que notre liberté, elle a pu s'opposer.
02:44 Et que la violence, fondamentalement, un acte violent, je peux décider de le poser ou de ne pas le poser.
02:50 Et c'est pour ça que le christianisme est une parole de salut.
02:52 Non pas un salut qui vient nous obliger de l'extérieur, tu dois,
02:56 mais un salut d'un Dieu qui vient partager ma vie pour que j'accueille la sienne,
02:59 plus forte que ma violence, plus forte que mon incapacité d'aimer.
03:02 Et qui me relance chaque matin en me disant "Olivier, tu peux, tu peux".
03:05 - Olivier Leborgne, vous avez publié un livre, "Prières pour les temps présents", l'an dernier,
03:09 dans lequel vous revenez sur votre rencontre avec des exilés à Calais.
03:13 Vous parliez de la dignité de tous les humains en Israël, en Palestine et ici aussi.
03:19 On a eu cette semaine le vote d'une loi très contestée sur l'immigration.
03:24 Qu'est-ce qu'elle vous inspire, cette loi qui a été durcie par les parlementaires ?
03:31 - Je la trouve assez difficile à analyser.
03:33 J'ai lu beaucoup de commentaires qui vont dans beaucoup de sens.
03:35 Mais ce qui me frappe, c'est l'ambiance dans laquelle,
03:38 la manière et l'ambiance dans laquelle elle a été élaborée,
03:41 que l'État se voit, a le droit, a des pouvoirs égaliens pour gérer l'immigration.
03:47 Ça me paraît tout à fait légitime et la sécurité fait partie.
03:51 Mais c'est pas de ça dont il s'agit.
03:53 On fait des exilés, des migrants, des boucs émissaires
03:56 et on est en train de découper la dignité humaine.
03:59 Moi, j'avais les phrases, la phrase du pape François au palais du Pharaon,
04:04 quand il est venu à Marseille.
04:06 Le président, M. le ministre de la Terre était là en face de lui.
04:10 "Nous allons vers un naufrage de civilisation."
04:13 Si vous commencez, et ça je crois qu'on en est tous conscients,
04:16 c'est pas une question de croyance, c'est une question d'homme qui réfléchit.
04:18 Si vous commencez à dire que la dignité humaine,
04:22 on va la moduler selon les personnes,
04:24 alors vous vous mettez vous-même en propre danger.
04:26 Parce que si elle n'est pas acquise une fois pour toutes, pour tous,
04:28 alors elle sera contestée à un moment pour vous.
04:31 On va, le pape François parle de "naufrage de civilisation".
04:34 - Donc ça, ça vaut par exemple quand on dit que les migrants vont percevoir des allocations
04:39 après être restés trois ans ou cinq ans en France, selon qu'ils travaillent ou non,
04:43 alors que les français vont en percevoir d'emblée.
04:45 Il y a un traitement différencié de l'homme.
04:48 - Qu'il y ait des règles et que tout ne soit pas possible partout,
04:50 et qu'on reconnaisse que déjà des choses se font, je suis le premier à le faire.
04:54 Mais qu'on commence, par exemple, ce que vous dites, si j'ai bien compris,
04:57 ça sera bon pour ceux qui travaillent.
05:00 - Ceux qui travaillent vont devoir cotiser ?
05:02 - Moi, je suis à Calais, il se trouve qu'en face de moi, j'ai des exilés qui veulent aller en Angleterre,
05:06 ou j'ai des hommes et des femmes qui sont irréguliers, soit.
05:08 - Eux devront attendre cinq ans s'ils veulent percevoir des allocations.
05:10 - Ils sont interdits de travailler.
05:12 Je dis, c'est pour ceux qui travaillent, eux sont interdits de travailler.
05:15 Je ne comprends pas bien.
05:16 Excusez-moi, là je ne fais le procès de personne, je ne comprends pas ce qu'on me dit.
05:20 - Vous ne comprenez pas ce qu'on vous dit ?
05:22 Malgré tout, il y a une forte résistance, l'opinion a l'air d'approuver cette loi,
05:27 et de nombreuses personnes qui se revendiquent d'une tradition chrétienne,
05:32 qui revendiquent un héritage ou une culture chrétienne de la France,
05:36 refusent l'idée de votre discours qu'ils traduisent comme un discours politique.
05:42 Non plus un discours religieux, mais un discours politique.
05:46 Et on ne peut pas fonder une politique sur l'hospitalité, Olivier Leborn.
05:50 C'est ce qu'on entend, c'est la petite musique qui est derrière cette loi,
05:54 et derrière l'ambiance du moment que vous décrivez tout à l'heure.
05:57 - Permettez-moi de contester cette petite musique d'abord,
05:59 parce que de fait, aimez-vous les uns les autres ?
06:01 Kulks, qu'est-ce que vous vouliez que je vous dise ?
06:03 Ce n'est pas romantique, c'est politique.
06:06 - La phrase des évangiles, elle est politique.
06:10 - Si je l'en prends à la lettre, vous voyez, on est en face de nous,
06:14 je ne sais pas si on est d'accord sur tout, mais on va essayer de construire la paix ensemble.
06:18 Et bien ça c'est vrai quand je suis à Calais avec des gens,
06:20 peut-être qu'ils sont en situation régulière, ils sont là, dites-moi qu'est-ce qu'on fait ?
06:25 Regardez-moi dans les yeux et dites-moi.
06:27 Et je suis désolé, tout commence par l'hospitalité.
06:29 Si on ne veut pas se battre pour l'hospitalité, je ne dis pas que tout est possible.
06:33 Je dis simplement qu'après la guerre de 1940,
06:36 alors que nous avions vécu 1970 et 1914,
06:39 trois chrétiens, Konrad Adenauer, Gasperi, un italien, et Robert Schumann,
06:44 se sont dit que ce n'était pas possible qu'on continue comme ça.
06:47 Personne ne pensait que la réconciliation franco-allemande était possible.
06:50 Trois chrétiens y ont cru, ils ont fait l'impossible.
06:53 Alors je ne dis pas que tout est possible, mais je dis que nous, chrétiens,
06:55 nous devons nous battre pour l'impossible et pour qu'on refuse de découper la dignité humaine.
07:01 J'entendais, je pensais en venant, il y a ce débat sur les crèches,
07:04 est-ce qu'elles ont une place dans l'espace public ou non ?
07:06 - Oui. - Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.
07:08 - Et en une des journées. - Non mais c'est un débat qui revient régulièrement.
07:10 - Je crois que le christianisme, indépendamment de la foi, fait partie de la culture française,
07:14 il y a parfois des étroitesses d'esprit qui me surprennent.
07:17 Mais ceux qui se battent pour ces crèches-là, qu'ils aillent jusqu'au bout !
07:21 - C'est-à-dire ?
07:23 - Qu'est-ce qu'il y a dans cette crèche ?
07:24 Il y a celui qui a pris la place de celui qui n'était pas reçu dans le monde.
07:26 Il n'avait pas de place pour lui dans la salle commune.
07:28 Donc si je me bats pour la crèche, il faut que je me batte pour l'hospitalité.
07:31 Sinon, je suis en contradiction avec le signe pour lequel je me bats.
07:34 - Et avec l'hiver à l'heure d'accueil, on va bientôt aller au standard.
07:36 - Olivier Leborgne, vous aviez célébré en octobre l'an dernier les obsèques de la petite Lola,
07:42 dont la principale suspecte était une migrante en situation irrégulière
07:46 qui était visée par une obligation de quitter le territoire français.
07:50 Cet assassinat, on le retrouve aujourd'hui dans le discours des manifestants d'ultra-droite
07:55 pour réclamer justement un durcissement de la politique envers les migrants.
07:59 Comment est-ce que vous, qui avez célébré les obsèques de cette petite fille, vous vivez cela ?
08:03 - J'ai dit que le droit et le droit, la justice, la sécurité,
08:07 ce sont des valeurs importantes pour la vie commune.
08:09 Donc là, je ne vais pas du tout dire qu'il faut faire tout et n'importe quoi.
08:13 Ceci dit, moi j'ai rencontré la famille de Lola.
08:16 Elle a succombé à la barbarie.
08:19 Qui peut croire que c'est de nous-mêmes succomber à la barbarie qui nous sauvera de la barbarie ?
08:25 Non. C'est en nous battant pour la dignité de la personne humaine, dans la justice et la vérité.
08:29 Je suis le premier à le penser. Dans la justice et la vérité.
08:32 Mais inlassablement, revenir au respect inalienable de la dignité de la personne humaine.
08:36 - On va partir au standard avec vous, Mgr Olivier Le Borgne. Chantal, bonjour.
08:41 - Oui, bonjour.
08:42 - Merci de participer au grand entretien de France Inter ce matin.
08:46 Vous aviez une question, une intervention.
08:48 - Oui, oui. Ça me calonne, moi qui arrive à 76 ans.
08:53 Et voilà, je pose la question, aujourd'hui je me pose la question,
08:58 est-ce que la civilisation n'irait pas mieux si on remplaçait la notion de Dieu
09:05 par simplement une question concernant la spiritualité que nous avons au plan de l'esprit en chacun de nous ?
09:13 Et qui nous garderait sous une forme beaucoup plus humaine et éviterait tous ces conflits entre nous.
09:22 - Merci Chantal pour votre question. Votre réponse, Olivier Le Borgne ?
09:25 - Je me méfie, moi, personnellement un peu de l'autoréférencement,
09:28 c'est-à-dire ma spiritualité qui viendrait de mes sentiments et de je ne sais quoi.
09:31 Alors je peux comprendre qu'il y a beaucoup de chemin et là je ne me permettrais pas de juger.
09:36 Il se trouve que moi j'ai fait une expérience.
09:38 Que la foi ce n'est pas une notion, moi j'ai fait l'expérience d'une rencontre de quelqu'un qui est vivant.
09:42 Je comprends très bien que d'autres ne l'aient pas fait.
09:43 - Dieu donc ?
09:44 - Dieu lui-même, Dieu vivant. Je l'ai fait, j'avais 16 ans.
09:46 - Il y a presque 50 ans, vous avez eu une rencontre directe avec Dieu.
09:49 - 44 ans, ne me vieillissez pas. J'ai eu une rencontre de fait qui a bouleversé ma vie.
09:54 Je rêverais que d'autres puissent la faire, je ne peux l'imposer à personne.
09:58 Mais ce n'est pas une notion, c'est une rencontre.
10:00 Alors ce que dit cette dame en revanche est très juste.
10:03 Et là il faut que les chrétiens s'interrogent.
10:05 C'est-à-dire que cette rencontre, moi elle me pousse à l'hospitalité, à la justice dans la vérité.
10:10 Elle ne me pousse pas à certaines formes qui ne sont pas cohérentes avec ce que nous célébrons à Noël.
10:14 Et que peut-être je suis infidèle parfois.
10:16 - Infidèle ?
10:17 - Je suis infidèle aux valeurs de l'évangile.
10:20 Enfin vous savez, moi je suis le premier des pécheurs.
10:22 Saint Paul dit "je ne fais pas le bien que je voudrais faire et je fais le mal que je ne voudrais pas faire".
10:26 Il raconte mon expérience. Peut-être pas la vôtre mais il raconte la mienne.
10:29 - Alors Olivier Lebang, au début des années 1950, 92% des français se déclaraient catholiques.
10:35 Ils ne sont plus que 30% aujourd'hui à le revendiquer.
10:38 La France, fille aînée de l'Église selon la formule traditionnelle, est devenue celle de l'athéisme.
10:45 Comment est-ce que vous analysez cette évolution et cette situation ?
10:49 - Alors déjà 30% qui se revendiquent catholiques, ce n'est pas encore la France de l'athéisme.
10:53 Il ne manque pas que le christianisme et les autres religions en France.
10:56 Et je suis extrêmement frappé moi dans le Pas-de-Calais de voir la force de la piété populaire.
11:00 Dès que je vais dans un sanctuaire, dans un lieu de périnage, je vois des petits gens,
11:02 oui des gens qui n'ont peut-être pas fait beaucoup d'études,
11:05 si vous saviez comme ils sont beaux, et comme ils déposent dans des cris leur vie.
11:09 Et puis voilà, ils s'ouvrent à bon. Ils ont un sens du sacré, un sens de Dieu.
11:13 Vous savez, je me faisais la réflexion.
11:15 L'Église n'est pas à la hauteur du témoignage qu'elle devrait donner.
11:17 La crise des abus l'a dit.
11:19 Il y a une scécalorisation rapide.
11:22 Mais quand on me dit que c'est à cause de ça qu'il n'y a pas de monde dans les églises,
11:26 je pose la question, est-on sûr de ça ?
11:28 Quand on entend "aimez-vous les uns les autres de la part de Jésus"
11:31 ça nous bouscule tellement que je comprends qu'il y a des gens qui ne veulent pas venir dans les églises.
11:34 Parce que si je prends au sérieux le message de la crèche et la parole de Jésus,
11:39 qui n'est pas seulement un doux romantisme, mais qui ne fait pas de politique, mais qui a un impact politique.
11:44 Saint-François disait "l'amour n'est pas aimé".
11:46 J'ai mis très longtemps à comprendre pourquoi l'amour n'était pas aimé.
11:49 Je trouvais que c'était romantique, moi j'avais 20 ans, 25 ans, 30 ans.
11:52 Un jour je me dis "mais bien sûr, le bien de tous jusqu'à l'horizon du bien commun".
11:57 Mais il y en a qui n'ont pas envie.
11:59 Je me permets, excusez-moi, sur la question des migrations,
12:02 le pape François dit "allons-nous sacrifier la dignité humaine de tous au confort de quelques-uns ?"
12:08 Mais je comprends qu'il y ait des gens qui n'ont pas envie d'entendre ça.
12:10 Bonjour Marc, merci d'être avec nous dans le Grand Entretien.
12:14 Vous voulez intervenir justement sur cette question à l'approche de Noël.
12:18 Oui, je vais être très concret.
12:22 J'imagine que pour Noël, évidemment, pour vous chrétiens, c'est d'abord l'accueil.
12:28 Alors samedi dernier, très concrètement, on a dû avec l'association Utopia 56,
12:33 à la gare de Calais, improviser pour une centaine de personnes,
12:37 qui étaient des Afghans, des Iraniens, des Syriens,
12:42 hommes, femmes, parfois enceintes, un peu comme la Vierge Marie,
12:46 et enfants. On a dû improviser des hébergements de dernière minute avec cette association.
12:52 Alors la question est la suivante, à quand un véritable centre d'accueil à Calais ?
12:57 Apparemment, avec la loi sur l'immigration, je ne suis pas sûr qu'on en prenne vraiment le chemin.
13:01 Mais qu'en pense Mme Bouchat, qui est maire de Calais ?
13:06 Elle envisage toujours d'aller faire de la chasse à l'homme à travers la campagne,
13:11 pour déchirer les tentes et autres.
13:14 Alors on va laisser Mgr Le Bonne vous répondre, Marc.
13:17 Vous connaissez bien, évidemment, et Calais, et la maire de Calais,
13:22 et les problématiques liées à l'hébergement d'urgence.
13:26 On est sur des questions très complexes, mais j'entends très bien la question de cet homme.
13:30 Alors, monsieur, vous posez une question à Mme Bouchat.
13:33 Marc, je vous laisse poser la question à Mme Bouchat, dans les termes dans lesquels vous lui avez posé.
13:39 Le Secours Catholique est très investi. Il y a un accueil de jour où on accueille au moins 600 personnes chaque jour.
13:44 C'est vrai que les conditions d'accueil sont très difficiles.
13:47 Le préfet, le procureur m'ont expliqué pourquoi on ne pouvait pas rester plus de deux jours.
13:51 Et moi je dis "très bien, mais est-ce qu'on ne peut pas revoir le droit ?"
13:55 C'est-à-dire qu'on me dit que ce n'est pas possible.
13:57 Encore une fois, Robert Schuman, avec quelques autres, on lui avait dit que ce n'était pas possible.
14:02 Il y est allé.
14:04 Noël m'empêche de me résigner.
14:06 Et je veux qu'on... Enfin, je veux...
14:09 Avec mes pauvres moyens, je suis un pauvre parmi les pauvres, moi, mais ne nous résignons pas.
14:13 Et je partage le cri de cet homme.
14:16 Même si le Secours Catholique, d'autres associations peuvent avoir parfois des regards différents sur la situation,
14:21 on n'empêche qu'ils se battent pour la dignité de ces personnes.
14:23 Olivier Lebrugne, cette semaine, dans un document officiel approuvé par le pape,
14:27 le Vatican a officiellement autorisé la bénédiction des couples de même sexe,
14:31 des couples divorcés aussi, lorsqu'elle est effectuée, en dehors des rituels liturgiques.
14:36 Est-ce que c'est une avancée majeure pour vous ?
14:39 Parce qu'on ne va pas, justement, jusqu'à faire de vrais mariages entre personnes de même sexe
14:43 ou de vrais mariages entre personnes divorcées.
14:45 Alors, merci, vous avez bien lu le texte, parce que certains le lisent un peu rapidement.
14:49 Et il y a une grande différence entre les bénédictions dans le cadre liturgique
14:52 qui disent que tel statut est un sacrement, et un autre type de bénédiction.
14:57 Et le pape fait tout à fait la différence, qui sont les bénédictions qu'on fait au cours de la vie,
15:01 où on invoque la grâce, le don, la force de Dieu pour ce qu'on vit.
15:05 Je discutais avec des prêtres hier, et vous savez qu'avant Noël, il y a nous...
15:08 Parce que c'est une question qui ne fait pas consensus au sein même de l'Église catholique.
15:11 Alors, souvent, je demande aux gens "Avez-vous lu le texte ?"
15:14 Il est encore très bref, donc je peux le demander. Ils ne l'ont pas encore lu.
15:17 Il faut le lire, lisez-le, il est très clair, très précis.
15:21 Et donc, les prêtres me disaient "Mais, Monseigneur, là, actuellement, on est en train de confesser,
15:25 on vit le sacrement de réconciliation avant les fêtes, c'est cette grâce de la miséricorde qui vient là où on a mal,
15:29 Dieu vient faire du bien. Vous savez comment on entre dans le sacrement de réconciliation ?
15:33 "Père, bénissez-moi parce que j'ai péché."
15:35 Ce n'est pas "Père, bénissez-moi malgré mon péché", mais c'est parce que là, j'ai fait mal,
15:39 et en faisant du mal, je me fais mal.
15:42 Et là où le mal m'atteint, j'ai besoin de la miséricorde, de l'amour de Dieu.
15:46 Et donc, quand on donne la bénédiction, là, on ne dit pas "C'est bien ce que tu as fait",
15:49 mais on dit "La force de Dieu t'aide à vivre."
15:52 C'est ça que dit le Pape. Demain, je vais célébrer en prison.
15:55 Je sais qu'à la sortie de la messe, il y a des prisonniers qui vont me demander la bénédiction.
15:59 Je ne leur demande pas leur casier moral, leur casier judiciaire, je dis "Bien sûr que le Seigneur te bénisse, qu'il te donne sa force."
16:03 Et c'est ce que nous invite à vivre le Pape, tout simplement hors célébration liturgique,
16:07 parce qu'il précise tout à fait, enfin c'est pas le Pape, c'est le texte approuvé par le Pape,
16:11 qu'il ne s'agit pas, ceux qui viennent pour que leur statut,
16:15 hors celui du mariage tel que les chrétiens langage, soit légitimé, ils se trompent de porte.
16:19 En revanche, s'ils veulent, comme des pauvres à accueillir, comme je suis un pauvre,
16:22 accueillir la force de Dieu dans leur vie, ils sont les bienvenus.
16:25 - Il ne fallait pas aller plus loin que ça ?
16:27 - C'est une précision qui m'ouvre, qui me donne du dynamisme
16:32 et qui me permet aussi de discuter avec les gens qui ont peur, comme ceux qui se ferment.
16:36 - Olivier Lebang, le projet de loi sur la fin de vie devrait être présenté à la rentrée,
16:41 en début 2024 par le gouvernement. Cette semaine, la conférence des évêques de France
16:45 a invité les différentes paroisses à une prière particulière, afin, je cite,
16:50 "d'éclairer ceux qui sont chargés d'élaborer et de voter la loi".
16:54 Comment faire, à part prier, pour une mesure qui ira forcément contre votre dogme et votre foi ?
17:04 - Alors, c'est pas seulement la nôtre, tu ne tueras pas, il y a quand même beaucoup de gens
17:08 qui partagent cette avis là, de multiples religions, et même des non-croyants,
17:11 donc j'aimerais qu'on ne confessionnalise pas trop ce débat.
17:14 Il y a quand même des hommes et des femmes qui, en conscience, indépendamment de toute appartenance religieuse,
17:18 partagent cet avis.
17:20 - Mais vous entendez qu'on puisse souffrir, n'avoir aucun espoir ?
17:24 - Alors j'entends, mais ce que j'entends aussi, c'est que la loi sur les centres de soins palliatifs
17:29 n'a pas été mise en œuvre jusqu'au bout, et que dès que quelqu'un est pris en charge
17:32 par une unité de soins palliatifs, quasiment tout le temps, la demande d'analyse disparaît.
17:37 Pas tout le temps, il y a quelques cas exceptionnels et il y en aura toujours.
17:40 Mais parce qu'on sait soigner la souffrance, et plusieurs médecins m'ont dit qu'ils n'ont pas été formés,
17:44 mais qu'on sait soigner quasiment toutes les souffrances,
17:47 parce que les soins palliatifs recréent de la relation.
17:50 Et finalement, très souvent, les demandes d'aide à mourir, c'est "dites-moi que j'ai du prix".
17:55 Et moi, je voudrais pas qu'on... J'aimerais qu'on relève le défi de la fraternité
17:59 plutôt que celui de l'aide à mourir.
18:01 - Le nombre d'auditeurs est considérable, qui vous remercie Mgr Born,
18:06 alors je cite Bourrin, qui... - Le Born !
18:08 - Le Born, pardon, mais c'est une erreur qui est sous mes yeux,
18:11 pour cette parole révolutionnaire qui nous bouscule en cette veille de la célébration de la nativité.
18:16 Le discours de Mgr Le Born me donnerait presque envie de retourner,
18:20 me rapprocher de la doctrine chrétienne.
18:23 Voilà, et je ne me revendique pas chrétien, mais merci à Olivier Le Born.
18:28 C'est un commentaire de Gérard Duchesne, ainsi que d'un bouddhiste qui est tout à fait d'accord avec vous.
18:35 Il y a quelque chose sur lequel j'aimerais vous entendre, c'est demain le réveillon de Noël.
18:40 Pour Jésus, il ne peut y avoir deux maîtres, Dieu et l'argent.
18:43 Qu'est-ce qui se passe au pied du sapin, et qu'est-ce qui se passe dans la folie consumériste de cette période de l'année ?
18:49 - Vous posez bien la question. Je trouve que les cadeaux, c'est beau, on est content qu'il y ait quelque chose.
18:57 Mais quand l'argent domine tout, quand on n'en fait qu'une fête commerciale...
19:01 Vous savez, je suis très très marqué par Vaclav Havel, qui n'était pas chrétien, mais...
19:04 - L'ancien dissident tchécoslovaque, un président de la première démocratie tchécoslovaque.
19:10 - Dans les années 70, sous la dictature communiste, il perçoit que la dictature consumériste du capitalisme absolu,
19:15 enfin du libéralisme absolu, est aussi destructrice pour l'homme que les autres dictatures.
19:20 Nous ne pouvons que le constater, l'argent fait des dégâts. Il est un bon serviteur, il est un très mauvais maître.
19:26 - Vous parlez de l'argent, justement, c'est inédit, l'Église lance une campagne d'appel aux dons,
19:30 en direction des 5,5 millions de pratiquants et des autres, d'ailleurs, avec des spots télé, des affiches.
19:36 L'idée c'est évidemment d'entretenir les bâtiments, de payer les prêtres, les laïcs aussi qui participent à l'Église.
19:41 Elle a perdu 50 000 donateurs entre 2021 et 2022. Comment est-ce que vous l'expliquez ?
19:48 - Les chrétiens vieillissent, on est moins dynamique, on ose moins parler d'argent.
19:52 C'est très marrant de voir que des chrétiens d'un certain âge, d'une génération qui donne régulièrement,
19:56 n'ont pas transmis ce geste à leurs enfants qui pourtant sont très engagés en Église.
20:00 Il y a de multiples raisons, on est objectivement moins nombreux, donc c'est pas très étonnant.
20:04 - Il y a eu des scandales, peut-être mal gérés ? - Ça joue bien sûr, bien sûr que la crise des scandales joue,
20:08 je ne vais pas vous dire le contraire. - Vous êtes très impliqué d'ailleurs sur ce dossier-là ?
20:11 - On essaye, mais voilà, on ne vit pas d'amour et d'eau fraîche, il faut que les chrétiens se souviennent.
20:16 Et ceux qui font des marches à l'Église, ben oui, tout ça a un coût.
20:19 Et nous ne recevons de subventions ni de l'État, ni de la mairie, ni de la région, ni du Rome.
20:23 Sauf en Alsace-Lorraine, mais le Pas-de-Calais n'est pas en Alsace-Lorraine.
20:30 - Non mais sur plus de 2000 édifices religieux qui ont été bâtis au XXe siècle après la loi de 1905,
20:35 la majorité, oui, dépend de l'Église, et on le sait assez peu, et c'est vrai que c'est une partie du patrimoine
20:40 qui est en danger aujourd'hui. On a eu l'occasion d'en parler régulièrement sur France Inter.
20:45 Il y a une dernière question, Mgr Le Born, que nous voulions vous poser,
20:50 et elle concerne l'avenir, justement, des prêtres de demain.
20:55 C'est une étude qui a été publiée dans le journal La Croix hier,
20:58 et le profil de ces prêtres de demain, ils se disent majoritairement fidèles à une doctrine assez dure,
21:04 comme s'ils ne voulaient pas d'évolution. Est-ce qu'il y a un décalage ?
21:08 Ou est-ce que ça vous inquiète, ce décalage entre l'Église et les évolutions de l'époque ?
21:13 - Écoutez, moi j'ai été un peu surpris, parce que mon expérience, je dis bien où je suis, n'est pas celle-là.
21:18 C'est que, moi je suis issu d'une génération où il y avait beaucoup de chrétiens,
21:22 donc on n'avait pas besoin de manifester clairement l'identité.
21:26 Quand on est beaucoup moins nombreux, on constate qu'on a besoin plus de dire "qui je suis, j'existe",
21:31 donc de mieux habiter sa propre tradition, et ça je trouve que c'est très bien.
21:35 Mais j'ai ordonné un prêtre et j'ai trois séminaristes, moi je les sens ouverts au débat du monde.
21:40 Ils ont des convictions, ils ont envie de les porter, mais ils deviennent prêtres pour dire l'amour de Dieu
21:45 et de transformer le monde, avec ce qu'ils sont.
21:48 Je dis souvent aux vieilles générations "souvenez-vous quand vous aviez 50 ans, comment vous regardiez ceux qui avaient 50 ans de plus que vous ?"
21:53 Alors elles me disent "mon seigneur, vous êtes durs". Je dis "non, c'est la vie".
21:56 Mais ils vont apporter des richesses que nous n'apportons pas, qui ne sont pas les mêmes, ça c'est sûr.
21:59 - Merci infiniment mon seigneur Olivier Leborgne, évêque d'Arras d'avoir été l'invité d'Inter ce matin.
22:03 Joyeux Noël, avec un peu d'avance. - Vous aussi, merci beaucoup. Joyeux Noël à tous les auditeurs.