Jérôme Guedj, député PS de l'Essonne, était l'invité politique de franceinfo soir, mardi 18 février 2025.
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00:00France Info soir, l'invité, Paul Barcelone.
00:05Bonsoir Jérôme Guedj, merci d'être avec nous en direct sur France Info.
00:09Avant de vous entendre sur les derniers développements dans l'affaire Betaram,
00:13cette motion de censure également défendue demain par le Parti Socialiste.
00:16D'abord l'actualité internationale, ce qui s'est passé aujourd'hui en Arabie Saoudite.
00:20Cette photo, les Etats-Unis d'un côté de la table, la Russie de l'autre.
00:25Avec quel oeil vous la regardez ? Comment vous la regardez ?
00:28Est-ce que cela signifie ce soir la fin de l'isolement de la Russie sur la scène internationale ?
00:32Incontestablement.
00:34A la fois une relation désormais privilégiée qui peut s'établir entre Vladimir Poutine et Donald Trump.
00:42Cette réunion d'aujourd'hui est préparatoire à une rencontre entre les deux chefs d'Etat.
00:47Et puis en creux, c'est l'effacement de l'Europe et aussi l'effacement de l'Ukraine.
00:51Donc vous dites que c'est un tournant diplomatique ?
00:53Évidemment que c'est un tournant diplomatique.
00:54C'est la raison pour laquelle cet après-midi, on parlera tout à l'heure de ce qui s'est dit sur Betaram.
00:59Mais nous on a souhaité avec nos collègues députés socialistes, c'est ma collègue députée de Gironde, Marie Récalde,
01:04qui a interpellé le gouvernement, pour dire qu'on ne peut pas ne pas en parler, nous Français et nous parlementaires français.
01:09Donc on a demandé l'organisation à l'Assemblée Nationale d'un débat sur la politique internationale.
01:15Parce qu'on ne peut pas être les spectateurs impuissants de, je le redis, cet effacement de l'Europe.
01:21Pire, cet ostracisme.
01:23Dans le même temps, les leçons que le vice-président américain vient donner directement sur le territoire européen,
01:30on est en effet des biens.
01:31Et évidemment, dans un moment de bascule, avec aussi des questions très opérationnelles qui seront adressées aux Européens,
01:37avec cet effacement, en tous les cas, ce rôle que les États-Unis veulent jouer.
01:43Donald Trump avait dit « je vais régler vite le conflit ».
01:45Sauf que le conflit, il est sur le territoire européen.
01:48Est-ce que ça veut dire qu'on laisse l'idée qu'on peut violer les frontières et l'intégrité territoriale d'un pays européen,
01:54et après négocier sans les acteurs concernés, en demandant des forces d'interposition ?
02:00Bref, tout ceci est à la fois ubuesque et dangereux.
02:03Pour le moment, les Européens ne sont pas invités à la table des négociations.
02:06Oui, et donc ça veut dire qu'il faut qu'on retrouve un rôle dans ce conflit.
02:10Parce que, rappelons-le, c'est un conflit sur le territoire européen,
02:13qui viole l'intégrité territoriale d'un pays européen.
02:17Et donc c'est un précédent qui, si on le laisse s'installer,
02:20c'est-à-dire « je fais la guerre, j'occupe un territoire, je fige mes positions,
02:24et après je vais obtenir de pouvoir annexer, appelons les choses telles qu'elles sont, telle partie de l'Ukraine »,
02:30alors ça veut dire que demain, la sécurité européenne, sur les autres frontières, celles des pays baltes, est menacée.
02:36Je saisis la balle au bon, vous parliez du débat que le Parti Socialiste,
02:40et vous demandez que vous appelez de vos voeux à l'Assemblée Nationale,
02:42débat 50-1, débat sans vote, sur ce qui se passe sur la scène internationale aujourd'hui,
02:48ça va servir à quoi ? Je dis moi-même que débat sans vote,
02:51comment on saisit mieux l'opinion, comment on sensibilise mieux l'opinion aujourd'hui ?
02:55C'est ça aussi le but peut-être de ce débat ?
02:57C'est évidemment le but, d'abord c'est d'avoir un dialogue avec le gouvernement.
03:01Moi je pense même qu'à terme, immanquablement, le président de la République
03:04devra organiser des consultations avec les présidents des groupes parlementaires représentés à l'Assemblée Nationale.
03:09Parce qu'à court ou moyen terme, immanquablement, on va se poser la question de savoir
03:13si jamais il y a cet accord, quel en est le contenu ?
03:16Et je le redis, on doit avoir quand même une ligne rouge,
03:18qui est de dire qu'on ne peut pas avaliser une annexion territoriale,
03:22FUS, pour garantir la paix,
03:24et quel type d'intervention au sol sera nécessaire pour garantir cette paix,
03:29et ça concernera immanquablement les Européens.
03:32Les Américains, ils ne seront pas dans le game.
03:34Est-ce que vous pensez qu'il faut renouer les fils du dialogue avec Vladimir Poutine ?
03:38Je reviens évidemment de ces images d'Emmanuel Macron qui était allé à Moscou
03:41parler de l'autre côté de cette grande table avec le président russe.
03:45Mais si le dialogue aboutit à s'asseoir sur des principes qui sont essentiels,
03:52ceux du droit international et de la sécurité européenne,
03:54alors je le dis, c'est un précédent extrêmement dangereux
03:57et ce sera, même après un bourbier militaire pour Vladimir Poutine,
04:01une victoire diplomatique et une victoire politique
04:04si concomitamment, comme cela est annoncé,
04:07les Etats-Unis se désengagent.
04:09Donc défi gigantesque pour les Européens sur les enjeux d'autonomie stratégique,
04:13d'autonomie de défense, et aussi pour garantir les frontières à l'échelle européenne.
04:19Je le redis, précédent extrêmement dangereux si on va dans cette direction.
04:22Jérôme Gage, autre sujet.
04:24François Bayrou continue d'affirmer cet après-midi à l'Assemblée nationale, vous y étiez,
04:28qu'il n'était pas au courant des violences dans l'affaire Bétharame.
04:32On parle aussi d'agressions sexuelles et d'affaires de viol.
04:35Il assure en revanche que le gouvernement Jospin,
04:38gouvernement socialiste aux affaires à l'époque, savait.
04:41Il nomme Elisabeth Guigou, qui était ministre de la Justice,
04:44Ségolène Royal.
04:46Elle est nommément visée par le Premier ministre
04:48et elle annonce ce soir déposer plainte pour diffamation et dénonciation calomnieuses.
04:52Est-ce que finalement la gauche, qui a mis cette affaire Bétharame sur le devant de la scène,
04:56n'est pas seulement prise à son propre piège ?
04:58Mais il y a un paradoxe terrible parce que François Bayrou lui-même
05:01s'insurge en disant je condamne toute forme d'instrumentalisation
05:04et lui, il se jette à l'acculturation politique.
05:07Et là, au nom d'un vieux principe, la meilleure défense c'est l'attaque,
05:12il vient essayer de faire un partout la balle au centre
05:15en mettant en cause le gouvernement Lionel Jospin entre 1997 et 2002.
05:21Mais nous, on n'est pas dans cet état d'esprit.
05:23Ma collègue Colette Capdevielle, qui est députée des Pyrénées Atlantiques,
05:28avec les deux autres collègues Peyo Dufault et Iñaki Echaniz,
05:32quand ils ont écrit la semaine dernière.
05:34Nous, on demande juste une clarification, une transparence,
05:38la vérité par respect pour les victimes d'abord et avant tout.
05:41On n'est pas là, nous on ne cherche pas une instrumentalisation.
05:44On n'a pas demandé la démission du Premier ministre.
05:47On dit juste qu'il y a un trouble parce qu'entre la semaine dernière
05:50où le Premier ministre disait je ne connais rien, je ne suis au courant de rien,
05:53et aujourd'hui où il nous a appris au détour de sa réponse
05:57qu'il était ami intime avec le juge d'instruction,
05:59qui était son voisin depuis 50 ans,
06:01lequel avait déjà indiqué qu'il avait reçu à sa demande
06:04pendant de longues heures dans son cabinet de juge d'instruction.
06:07Nous, on a juste besoin, par respect pour les victimes,
06:10pour comprendre les défaillances qui ont pu s'exercer à cette époque.
06:14Une sorte d'omerta, une sorte de complaisance
06:16avec à la fois des violences physiques dans un premier temps
06:19et pire, des violences de la pédocriminalité incontestablement.
06:22Les victimes se sont regroupées à la fin de l'année 2023.
06:25Aujourd'hui, elles sont plus d'une centaine à avoir déposé plainte
06:28depuis mars dernier.
06:30Donc il y aura une procédure.
06:32Mais ce qui s'est passé dans les années 90 questionne
06:35ceux des responsables politiques qui étaient en très grande proximité.
06:38Et François Bayrou, il était député,
06:40président du Conseil Général du Ressort Territorial Concerné,
06:44et ministre de l'Éducation,
06:47informé au moins des violences physiques.
06:50Et pour autant, vous dites, on n'appelle pas à sa démission.
06:53On n'est pas à cet instant...
06:55Une partie de la gauche le fait, c'est pour ça que je vous pose la question.
06:57On prend ses responsabilités.
06:59Après, c'est en conscience que chacun en tire les conséquences.
07:01Mais par contre, je le redis, par respect pour les victimes,
07:03il y a besoin de voir l'enchaînement des faits
07:06et pas essayer d'allumer des contrefeux,
07:08enfin vraiment mettre en cause le gouvernement d'après.
07:11Bon, Ségolène Royal, on a tous le souvenir de son combat à l'époque
07:14comme ministre de l'Enseignement scolaire,
07:16justement sur la question des violences sexuelles à l'école
07:19et la lutte contre la pédophilie.
07:21Elle avait d'ailleurs pris une instruction dès son arrivée
07:23au ministère de l'Éducation nationale
07:26pour justement stabiliser des procédures
07:28qui peut-être ne l'étaient pas suffisamment à l'époque.
07:30Est-ce que cette affaire Bétharame est de nature
07:32à nuire à vos bonnes relations ?
07:34Je mets peut-être bonnes entre guillemets
07:36avec le gouvernement de François Bayrou, avec le Premier ministre.
07:38Je ne sais pas ce que vous entendez.
07:40Je vais vous le dire,
07:42que vous n'avez pas voté la censure,
07:44que vous avez accepté de négocier le budget,
07:46qu'il a fait un certain nombre de concessions.
07:48Est-ce que cette affaire Bétharame est de nature
07:50à perturber ce genre de choses dans le contexte
07:52où le parti socialiste dont vous faites partie
07:54défendra demain une motion de censure
07:56à l'Assemblée nationale sur les valeurs
07:58pour dénoncer notamment la trumpisation du débat public ?
08:00Je vous confirme, nous sommes dans l'opposition.
08:02Ce n'est pas parce qu'on a accepté une négociation
08:04à la fois pour atténuer
08:06les effets néfastes du budget,
08:08du budget de la Sécurité sociale,
08:10le budget initial qui était celui de Michel Barnier.
08:12Nous, on a joué jeu sincèrement de la négociation
08:14et on a pu obtenir
08:16des avancées ou revenir sur des mesures
08:18qui étaient vraiment très problématiques
08:20dont on a limité les conséquences négatives.
08:22Mais on est dans l'opposition.
08:24Il n'y a pas d'hésitation.
08:26Ce n'est même pas une question
08:28majorité-opposition que d'interpeller
08:30comme on le fait sur la question de Bétharame
08:32le Premier ministre, c'est une question
08:34comment la qualifier de vertu républicaine.
08:36Moi, je suis attaché à la transparence,
08:38à une forme de morale et d'éthique en politique
08:40et ça, ce n'est pas un clivage gauche-droite,
08:42ce n'est pas un clivage majorité-opposition,
08:44c'est chacun la manière dont il conçoit
08:46son rôle de responsable public.
08:48Cette motion de censure,
08:50le Rassemblement national ne devrait pas
08:52la voter demain, cela veut dire que
08:54le gouvernement Bayrou ne va pas être
08:56renversé. Est-ce que ce n'est pas simplement
08:58un coup de com' ou alors c'est un avertissement
09:00ou pire encore, pour
09:02paraphraser Manuel Bompard,
09:04le coordinateur de la France insoumise, un coup de pistolet
09:06à eau ?
09:08C'est une cohérence avec la position
09:10qui a été la nôtre depuis le début.
09:12Dans le rapport à François Bayrou, nous avons dit
09:14nous acceptons de négocier avec vous
09:16parce qu'il fallait un budget pour le pays,
09:18en limitant les effets négatifs, je redis ce que j'ai dit tout à l'heure.
09:20Et parce que vous étiez un peu traumatisé
09:22par la censure de Michel Barnier ou pas ?
09:24Non, parce que la censure de Michel Barnier
09:26était justifiée par une raison principale,
09:28son budget n'était pas bon et en plus
09:30il avait exclusivement et uniquement
09:32fait des œillades, pardonnez-moi l'expression,
09:34auprès du Rassemblement national.
09:36Et donc le deal implicite,
09:38ce que nous avions dit
09:40à François Bayrou, c'est
09:42nous sommes prêts à discuter avec vous, nous sommes prêts
09:44à négocier, mais la condition c'est de ne pas envoyer
09:46des signaux, d'aller sur le terrain
09:48des victoires idéologiques de l'extrême-droite.
09:50Et le sens de la motion que nous déposons
09:52c'est en effet sur les questions de valeur,
09:54parce que c'est essentiel dans l'engagement politique
09:56et donc on ne peut pas laisser passer
09:58les sondes,
10:00les tests,
10:02les propositions
10:04qui s'accumulent venant
10:06soit de parlementaires du socle commun, soit
10:08évidemment des ministres, Gérald Darmanin
10:10ou Bruno Retailleau,
10:12qui sont engagés dans une forme de course
10:14à l'échalote avec l'extrême-droite.
10:16Et donc oui, appeler ça avertissement,
10:18appeler ça sanction, parce que moi quand je dépose une motion
10:20de censure, j'admets qu'elle puisse être
10:22votée, donc c'est pas un coup d'épée dans l'eau.
10:24Donc vous prenez le risque de renverser François Bayrou, ça vous l'assumez ?
10:26Nous l'avons assumé
10:28dans la logique que
10:30nous avons mise sur la table. Nous ne censurons
10:32pas sur les budgets, parce qu'il était important d'avoir
10:34un budget dans le pays qui avait une forme de stabilité
10:36qui était nécessaire pour les entreprises,
10:38pour les assurés sociaux, pour les
10:40associations, pour les collectivités
10:42locales qui pâtissaient de l'absence de budget,
10:44mais qu'après, comme nous sommes dans l'opposition,
10:46à chaque moment où il y aura
10:48une transgression, soit
10:50dans les paroles, soit a fortiori
10:52dans des textes qui seraient déposés,
10:54nous jouerions notre rôle d'opposition.
10:56Dans l'opposition, et toujours allié
10:58de la France Insoumise du côté du Parti Socialiste
11:00ou plus du tout, Jean-Luc Mélenchon ce week-end disait
11:02« Le PS, ce ne sont plus nos alliés. »
11:04Ça y est, le divorce est consommé,
11:06c'est acté. Vous qui étiez proche
11:08de Jean-Luc Mélenchon, qui avait été son assistant parlementaire.
11:10Je vous rappelle que j'ai été
11:12candidat élu aux élections
11:14législatives dans ma circonscription
11:16de l'Essonne, à Massy et alentour,
11:18avec une candidature soutenue
11:20par la France Insoumise face à moi.
11:22Parce qu'à cette date-là,
11:24déjà, j'avais indiqué que ce n'était
11:26plus possible que la brutalisation du débat public
11:28abîmait l'ensemble de la gauche.
11:30Et donc, aujourd'hui,
11:32on en tire les conséquences
11:34de part et d'autre. Jean-Luc Mélenchon dit
11:36« Ce ne sont pas nos alliés. » Nous,
11:38on le dit depuis un moment qu'il y a.
11:40Moi, je n'ai pas de problème avec les électeurs.
11:42Je n'ai pas de problème même avec un certain nombre
11:44de militants, d'élus
11:46de la France Insoumise. Mais la stratégie qui consiste
11:48à dire « j'ai raison tout seul »,
11:50elle ne marche pas. On le voit dans les résultats
11:52des élections. Elle abîme la gauche.
11:54Moi, je n'ai pas de problème à apporter
11:56une radicalité dans les propositions, mais pas
11:58une brutalité dans la manière ni de les
12:00incarner, ni de
12:02se positionner par rapport
12:04à ses partenaires de gauche.
12:06Merci à vous, Jérôme Guez, député socialiste
12:08de l'Essonne. Et bonne soirée.
12:10Merci Paul Barcelone. On se retrouve à 20h pour
12:12les informer.