Utopie ou réelle solution pérenne ? Le modèle de la SCOP, où tous les salariés ont le même pouvoir, séduit de plus en plus. Retour de terrain avec Fatima Bellaredj, directrice générale de CG SCOP.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Générique
00:12Le Cercle RH, un grand entretien aujourd'hui avec la déléguée générale CGScope,
00:17celle qui porte, qui est la tour de contrôle, l'institution qui parle au nom de toutes les scopes en France
00:22et qui va peut-être vous donner envie d'en créer une, de changer de modèle, de changer de statut et transformer l'entreprise.
00:29Alors, dernier exemple en date, ça a été très médiatisé, c'est important de le faire d'ailleurs, l'entreprise Duralex.
00:34Vous savez, quand on était gamin, peut-être aujourd'hui encore, on regarde à l'intérieur du verre au moment où on va à la cantine
00:39et puis on se dit, t'as quel âge ? Et puis celui qui est le plus âgé va chercher le brodeau, par exemple.
00:44Ça, c'est les verres Duralex, donc c'est toute notre enfance, c'est tous nos souvenirs.
00:48L'entreprise était en faillite liée à l'augmentation du prix et du coût de l'énergie et l'entreprise a été sauvée grâce au modèle de la scope.
00:57Fatima Bellaretj, merci d'être avec nous, déléguée générale CG Scope.
01:01Un mot sur Duralex, parce que vous pilotez, vous observez évidemment la vie de ces scopes.
01:06On a énormément médiatisé Duralex. Cette entreprise était au bord de la faillite.
01:11Elle est devenue une scope, j'imagine que vous avez contribué à sa transformation en scope.
01:17J'imagine que vous avez le sourire puisque un magasin a été ouvert à Orléans, ils vendent en direct et ils vont développer de nouveaux produits.
01:24Donc ça fonctionne.
01:26Non seulement ça fonctionne, mais en plus Duralex, c'est une grande fierté parce qu'évidemment on a été à leur côté.
01:32Nos équipes régionales ont été matin, midi et soir aux côtés de l'ensemble des salariés pour faire en sorte que l'histoire de Duralex se projette dans un avenir beaucoup plus certain.
01:45On était au cinquième redressement judiciaire.
01:49À chaque fois avec des actionnaires, moins les pieds sur le terrain, on va dire, alors que le savoir-faire est entre les mains des salariés.
01:59Actionnaire turc, puis actionnaire italien de mémoire, qui était un leader du vert, qui avait racheté et qui avait fermé les fours pendant la crise Covid.
02:08On s'en souvient, il était d'ailleurs venu sur notre plateau pousser un coup de gueule en demandant à l'État de l'accompagner et de l'aider.
02:14La réalité quand même des enjeux énergétiques, on va revenir sur le modèle de la SCOP, les enjeux énergétiques sont toujours là pour l'entreprise de la Chapelle Saint-Mémin.
02:23Ils peuvent assumer quand même le coût énergétique parce que ça consomme énormément la verrerie.
02:28Alors ça consomme énormément, il y aura effectivement le sujet de l'énergie.
02:32Il y a aussi le sujet du marché mondial parce que le vert, c'est un marché qui est mondialisé.
02:39Mais ceci dit, Duralex, un vrai savoir-faire, a connu une très très belle histoire dans le passé et ça, ça fait vraiment la différence.
02:48C'est le vert incassable, comme vous évoquiez.
02:50Moi je suis toujours ravie, j'ai 28 ans, quand je bois dans un verre Duralex, ça fait toujours plaisir.
02:56Et donc vous avez un savoir-faire sur lequel vous avez une équipe qui a montré, démontré qu'elle pouvait se projeter et notamment en travaillant une offre qui a été quand même la mieux disante au niveau du tribunal.
03:10Notamment pour leur plan commercial, stratégique à l'échelle du territoire national et à l'échelle mondiale, il ne faut pas l'oublier.
03:18C'est vrai parce que c'est aussi un marché sur lequel ils vont j'imagine développer de nouveaux produits.
03:22Il y a des réflexions pour aller chercher d'autres marchés.
03:25Et c'est François Martiano qui est le directeur général aujourd'hui du Duralex, qui était auparavant un des cadres de l'entreprise, qui pilote l'entreprise.
03:32Excellent directeur général.
03:34Très engagé et qui pour le coup aurait été le bienvenu sur le plateau de Smart Job.
03:40Une Scope concrètement c'est quoi ? En quelques mots, pour nous faire un peu de pédagogie.
03:45Alors pour faire très pédagogique et très court, une Scope c'est une entreprise comme les autres, à la différence que ce sont les salariés qui sont leurs propres patrons.
03:54Puisqu'ils détiennent la majorité du capital.
03:57Donc ça veut dire très concrètement que les salariés possèdent un certain nombre d'actions qu'il leur est donné.
04:03Et qui leur donne un accès à une forme de conseil d'administration dans lequel ils peuvent s'exprimer. Nous sommes d'accord.
04:09Oui tout à fait. En fait les salariés ont au moins 51% du capital.
04:15Les actions, nous on appelle ça plutôt des parts sociales.
04:18Donc ils sont coopérateurs. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'ils décident en fait des orientations de l'entreprise.
04:24Alors si c'est une SA, ça sera dans le cadre d'un conseil d'administration.
04:28Mais on a aussi des Scopes de plus petite taille. Donc on va élire un gérant ou une gérante.
04:35Et donc les salariés qui sont à la fois salariés et associés vont décider des orientations stratégiques de l'entreprise.
04:44Plutôt secteur industriel ? Parce qu'il y a beaucoup de Scopes en secteur industriel. Vrai ou pas vrai ?
04:51Alors on a une sur-représentation du secteur industriel et du secteur du bâtiment et des travaux publics.
04:58Ça s'explique tout simplement parce que c'est un mouvement qui s'est créé il y a 140 ans par les ouvriers.
05:05Et c'est pour ça que nous avons à peu près 35% des emplois qui sont soit dans l'industrie soit dans le bâtiment.
05:16Et puis après nous sommes présents dans tous les secteurs d'activité. Le commerce, le service aux entreprises, l'éducation.
05:25On a quelques fleurons. On a notamment le groupe UP qui fait le chèque déjeuner mais qui fait aussi tous les autres titres, cadeaux, etc.
05:36On a reçu le président de la CCI, Île-de-France, Dominique Restinaud, la semaine dernière, qui portait et qui était mobilisé sur la reprise d'entreprise.
05:44Est-ce que dans le cadre de la reprise d'entreprise, le modèle Scope peut être un outil intéressant pour un repreneur ?
05:51Parce que c'est jamais simple de reprendre une entreprise. Il y a une part de risque, une part d'incertitude. Est-ce que le modèle de la Scope est un bon modèle dans le cadre d'une reprise ?
06:00Non seulement c'est un bon modèle mais en plus il a fait ses preuves. On crée l'équivalent de 300 à 400 entreprises chaque année.
06:08Ça représente jusqu'à 4000 emplois si je regarde sur les dernières années de développement.
06:14La moitié de ces emplois sont créés dans le cadre soit d'une transmission d'entreprise saine, c'est-à-dire on rachète l'entreprise à un vendeur, un sédant,
06:26ou bien on va, comme pour Duralex, présenter une offre au tribunal.
06:32Avec une transformation de la structure de l'entreprise.
06:36Nos équipes sont des équipes techniques qui accompagnent. On parlait de Duralex, on a une autre équipe qui est basée en centre Val-de-Loire
06:44qui a été aux côtés de l'entreprise pour les aider à formaliser leur offre au tribunal.
06:51Et puis là surtout ils sont encore présents. Parce que vous savez quand vous créez une entreprise, les 5 premières années sont les années les plus difficiles.
06:58Donc là ils sont à leur côté pour les accompagner, les conseiller autant sur leur business plan que sur toutes les démarches à réaliser.
07:06Les démarches qui sont aussi les négociations avec la banque et avec ceux qui ont soutenu l'entreprise, je pense à la région centre Val-de-Loire qui a été soutien.
07:16Tout à fait, la région et l'agglomération d'Orléans ont été vraiment exemplaires parce qu'ils souhaitaient absolument, comme je vous le disais,
07:25on en était au cinquième redressement judiciaire et donc il y avait une volonté de dire ça suffit, nous n'avons pas donné confiance aujourd'hui aux salariés.
07:34Ce modèle existe et nous avons beaucoup de coopératives en fait en centre Val-de-Loire. Donc accompagnons en fait ces salariés dans ce savoir-faire.
07:44Deux questions de Béossien parce que c'est intéressant, parfois on regarde ce modèle de la SCOP tout en le connaissant sans réellement le connaître.
07:50Il existe toujours donc un lien de subordination, c'est-à-dire François Martiano, le directeur général qui préside à cette SCOP SA de Duralex, puisqu'on cite l'exemple de Duralex.
08:00Il y a un rapport de subordination avec les collaborateurs où ils sont actionnaires et donc ça tue ce rapport de subordination.
08:06Alors c'est la force du modèle, je vais prendre le côté positif. C'est la double qualité, donc il y a bien un lien de subordination,
08:14c'est-à-dire que quand vous êtes à votre poste, vous êtes dans votre mission de salarié et puis là effectivement c'est une essa,
08:22donc quelques salariés représentants sont en fait au conseil d'administration en tant qu'associés, pas en tant que représentants du personnel, en tant qu'associés.
08:32Parce qu'ils portent des parts, ils ont des parts sociales.
08:34Parce qu'ils portent des parts et qu'ils ont été élus en fait par leur père pour siéger au conseil d'administration.
08:40Donc là il n'y a plus de lien de subordination puisqu'il se parle en tant qu'associés.
08:44En tant qu'associés, il n'y a pas de lien de subordination. Le lien de subordination n'est que dans le cadre effectivement de leur mission.
08:50Vous êtes chef de chantier, ouvrier et là vous êtes sur un mandat d'associés.
09:00Donc c'est vraiment cette double qualité mais qui est une véritable force.
09:04C'est-à-dire que vous vous retrouvez quand même quand vous êtes à votre poste dans l'opérationnel.
09:10Et puis quand vous êtes au conseil d'administration ou à l'Assemblée Générale, vous avez fait des bons résultats, vous allez donner des orientations sur les bons résultats, vous faites des mauvais résultats.
09:20Vous allez aussi prendre vos responsabilités en redéfinissant des orientations.
09:26Et là ça fait une sacrée responsabilité collective où tout le monde se remonte les manches en se disant que cette année on n'a pas été bon.
09:33Comment on fait pour remplir nos objectifs et revenir et progresser ?
09:37Indépendamment des enjeux industriels, du maintien de notre industrie en France, mettons l'autre côté, ça dit quoi d'une entreprise, d'une scope ?
09:44Ça veut dire que les salariés ne sont pas dans l'opposition avec le patron mais qu'ils vont marcher ensemble dans un même objectif.
09:51Tout le monde est dans le même bateau en fait.
09:54Et donc ils vont avancer ensemble.
09:56Et donc il peut y avoir des moments difficiles, c'est la vie de l'entreprise.
09:59Mais là vous ne pouvez pas renvoyer la faute à des actionnaires qui ne vous auraient pas écouté puisque c'est vous qui avez défini la ligne et la stratégie.
10:11Et ça, ça soude très très fort en particulier dans ces moments.
10:15Tous ceux qui connaissent la vie de l'entreprise savent que quand tout va bien, il y a quand même un très gros avantage, c'est qu'on se répartit aussi les bénéfices.
10:25Mais quand ça ne va pas bien, qu'on n'a pas fait de bénéfice, on se sent soudé parce qu'on a envie de sauver son outil de travail.
10:32On a envie d'aller plus loin pour montrer qu'on sait faire.
10:35Dans l'histoire du Ralex qui mériterait presque d'être un film au cinéma, c'est une aventure.
10:39Il y a eu des documentaires qui sont en train d'être tournés qui racontent cette espèce d'aventure humaine aussi qui dépasse largement le cadre de l'entreprise.
10:49Il faut sauver cet espèce de patrimoine local.
10:53Il y a aussi de ça dans l'histoire du Ralex.
10:55Est-ce qu'il y a beaucoup de ça dans toutes les autres histoires de scope puisque vous les avez en vue panoramique ?
10:59Est-ce qu'il y a aussi un peu ça, sauver un territoire, sauver un terroir, sauver un village ?
11:05On vient de sortir les derniers chiffres, il y a 4600 entreprises, ça fait 87 000 salariés et nous avons passé la barre symbolique des 10 milliards de chiffres d'affaires.
11:15C'est un réseau qui a fait ses preuves.
11:18Derrière chacune des scopes, vous avez des histoires différentes.
11:24C'est vrai que dans la reprise d'entreprises en difficulté, souvent en milieu rural mais pas que, vous avez derrière la sauvegarde du savoir-faire.
11:34Le savoir-faire, le Made in France a beaucoup fonctionné.
11:38Du Ralex, vous avez évoqué le magasin, l'équipe nous disait c'est incroyable, on est complètement submergé.
11:46Vous avez acheté vos verres ?
11:48J'ai acheté mes verres, j'ai acheté des petites soucoupes, j'ai fait œuvre utile et j'y retournerai.
11:52Et on voit ces ouvrières, puisque certaines sont des cadres mais d'autres sont des ouvrières, travailler au paiement, à l'encaissement avec un sourire incroyable.
12:02Ça raconte autre chose d'une entreprise ?
12:05Oui, je considère que c'est l'entreprise de demain.
12:12C'est le modèle de citoyenneté.
12:15Horizontale ?
12:17Oui, c'est toujours embêtant quand on a un peu des raccourcis.
12:23Horizontale au moment de l'Assemblée Générale, parce que tout le monde va contribuer, tous les associés peuvent parler.
12:30Ensuite, vous avez un fonctionnement que vous définissez.
12:33C'est vrai que quand on est sur des petites tailles, on va pouvoir faire des choses très horizontales.
12:39Et puis, quand la taille augmente, parce que la moyenne de nos entreprises, la taille moyenne c'est 23 salariés.
12:45Mais vous allez de 2 salariés à, le groupe UP qu'on évoquait, ils sont 3500.
12:51Donc vous imaginez bien que là, les modalités sont un peu différentes.
12:55Merci Fatima Bellaret, d'être venue nous rendre visite pour ce beau voyage au pays des scopes, qui sont des histoires toutes absolument incroyables.
13:03Et évidemment avec aujourd'hui ce focus de cœur aussi pour l'entreprise Duralex.
13:08Engagée à continuer à vivre, à produire et à nous proposer des verres pour nos enfants, nos petits-enfants et après encore.
13:15Merci Fatima.
13:16Merci à vous.
13:17Déléguée Générale CG Scope et vous accompagnez toutes ces scopes, on l'aura compris, dans leur développement et même dans la reprise évidemment et la transformation de modèles.
13:24Merci de nous avoir rendu visite, c'est un vrai plaisir.
13:26On termine avec un livre, il va vous intéresser, il s'appelle « Les négociatrices ».
13:31Oui, le portrait de femmes qui ont des postes à responsabilité, qui se sont livrées dans ce livre et on accueille l'autrice.
13:37C'est le livre de Smartjob pour terminer notre émission.