Quel avenir fiscal pour les entreprises ? avec Jordan Serfati, Associé, DWF.
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00:00Quel avenir fiscal pour les entreprises ? On en parle tout de suite avec mon invité,
00:13Jordan Serfati, associé au sein du cabinet DWF. Jordan Serfati, bonjour.
00:19Bonjour Arnaud.
00:20Le budget 2025 n'a pas pu être adopté avant le 31 décembre dernier. Quelles sont
00:26les circonstances de cette situation exceptionnelle ?
00:30Alors en premier lieu, cette circonstance est due à la dissolution de l'Assemblée
00:34nationale qui a été annoncée par le Président de la République en juin dernier. Du fait de
00:40cette dissolution, le Parlement s'est retrouvé fragmenté et il en résulte une instabilité
00:48politique. Le gouvernement Barnier n'a pu être nommé qu'en septembre et le projet de loi de
00:57finances pour 2025 n'a pu être déposé qu'en octobre. De sorte que les parlementaires ont
01:03eu un temps très court pour ensuite débattre de ce projet. L'autre raison de ce blocage est que le
01:12gouvernement Barnier a été pris entre d'une part des parlementaires qui trouvaient les mesures
01:17fiscales de ce projet trop timides et d'autres parlementaires qui trouvaient qu'au contraire
01:22elles étaient attentatoires aux entreprises. Et donc très vite s'en est traduit une situation
01:29de blocage. Michel Barnier a dû emprunter la procédure du 49.3 de la Constitution et
01:37engager la responsabilité du gouvernement. Les parlementaires ont voté une motion de censure
01:43qui a été adoptée le 4 décembre 2024. De ce fait le gouvernement Barnier est tombé et les
01:54discussions sur le projet de loi de finances pour 2025 ont été suspendues. Face à cette situation
02:01et pour éviter une paralysie des administrations, une sorte de shutdown américaine, le gouvernement
02:11a décidé de prendre dans l'urgence une loi spéciale qui a été votée et publiée au journal
02:19officiel le 21 décembre 2024. Donc face à cette situation inédite on vote une loi spéciale,
02:26que prévoit-elle ? Cette loi spéciale est très succincte, elle contient quatre articles et en
02:32substance elle se contente d'autoriser l'état à percevoir les ressources nécessaires au bon
02:39fonctionnement de l'état et également à emprunter sur les marchés financiers pour financer les
02:44dépenses publiques. Donc le seul et unique objet de cette loi d'un point de vue fiscal est de
02:51proroger en quelque sorte la loi de finances pour 2024 sans pouvoir créer de mesures fiscales
02:57nouvelles. Il n'y a donc aucune hausse d'impôts dans cette loi. Alors on va s'intéresser maintenant
03:04aux entreprises, quelles sont les conséquences de cette situation pour les entreprises ? Alors
03:10de manière très court terme, s'il y a une conséquence qui est positive, c'est que les
03:14entreprises qui étaient visées par les hausses d'impôts prévues dans le projet Barnier,
03:18et bien pour l'instant ont un répit. Certaines entreprises ont même accéléré, anticipé des
03:26distributions de dividendes avant le 31 décembre 2024 pour pouvoir faire bénéficier à leurs
03:31actionnaires de l'imposition à un taux connu, sans subir des éventuelles augmentations qui
03:40pourraient survenir dans le cadre de l'adoption d'une loi en 2025. Mais ce qu'on peut dire de
03:46manière plus générale, c'est que cette situation d'instabilité, d'incertitude est préjudiciable
03:52au tissu économique et les entreprises l'ont exprimé par la revoix du président du Medef,
04:00Patrick Martin, qui s'est exprimé et qui a indiqué que la plupart des entreprises sont dans
04:06une position attentiste et que même certaines d'entre elles ont mis en suspens des décisions
04:11d'investissement. Donc si cette situation perdure, ce sera évidemment néfaste pour notre tissu
04:17économique, pour nos PME, pour nos startups. On comprend que l'économie est au ralenti du
04:22fait du non-vote du budget, donc on est dans l'attente, mais évidemment le projet de loi de
04:28finances va finalement être adopté prochainement. Est-ce qu'on doit s'attendre à la reprise des
04:34mesures qui étaient prévues dans le projet de loi de finances initiales, ou est-ce qu'on peut
04:38s'attendre également à des hausses d'impôts ? Alors on sait que le gouvernement Berroux privilégie
04:45une reprise du projet initial, donc une reprise de débat sans dépôt d'une nouvelle loi qui
04:52écraserait la précédente. Donc les mesures qui étaient dans le projet initial seront rediscutées,
05:00donc le processus législatif reprend son cours. Dans ces mesures, on a deux mesures phares,
05:06la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises et la contribution
05:14différentielle sur les hauts revenus. Les deux principales mesures. On aura d'autres mesures
05:19qu'il faudra aussi suivre pour certaines entreprises dans certains secteurs, comme par
05:24exemple le transport maritime. On a aussi le rachat d'actions qui sera taxé et qui concerne là aussi
05:32les entreprises cotées. On pourrait aussi avoir de nouvelles mesures, et là le ministre de l'économie
05:38et sa ministre chargée des comptes publics ont d'ores et déjà indiqué dans la presse qu'il
05:45fallait s'attendre potentiellement à des nouvelles hausses d'impôts. Déjà des mesures permettant une
05:52sorte de rattrapage des recettes qui n'ont pas pu être perçues en 2025, qui auraient été perçues en
06:022025 si la loi de finances avait été votée. La contribution sur les revenus des grandes
06:10entreprises par exemple n'a pas été votée donc elle s'appliquera pas, mais un mécanisme est à
06:16l'étude pour pouvoir élargir la base de cette imposition et que l'état puisse se rattraper de
06:23cette manière. C'est à peu près 50 milliards d'euros c'est ça qui sont estimés ? Les 50
06:29milliards d'euros c'est en totalité, mais comme des nouvelles hausses d'impôts sont à prévoir,
06:34on peut imaginer que ce montant va s'alourdir. Du fait des tractations qui ont lieu en ce moment
06:41avec les parties de gauche, on peut imaginer que de nouvelles hausses d'impôts seront décidées,
06:49et dans ce cas là elles seront décidées dans le cadre d'une autre loi qui sera proposée très
06:58probablement par le gouvernement Berroux, une loi de finances rectificative. Est-ce que les mesures
07:04pourront s'appliquer rétroactivement ? Alors c'est un sujet complexe, on peut penser que le
07:14gouvernement évitera d'emprunter la voie de la rétroactivité. Pourquoi ? Parce que étant donné
07:22que l'année civile a expiré et qu'aucune loi de finances n'a pu être adoptée, il est compliqué
07:31de faire rétroagir une loi de finances au-delà de cette date butoir du 1er janvier. Il existe
07:37certaines dérogations, mais tout prête à croire au regard des différentes prises de parole des
07:44ministres que cette voie de la rétroactivité ne sera pas empruntée. Toutefois il faut porter
07:50quelques atténuations à cela. La première atténuation c'est que des mesures favorables
07:54aux contribuables rétroactives pourront s'appliquer. On pense à l'indexation du barème de l'impôt sur
08:01le revenu sur l'inflation qui pourra être décidée et applicable à compter du 1er janvier. On peut
08:08aussi avoir à l'esprit le communiqué du gouvernement en date du 31 décembre qui se
08:17ménage la possibilité d'une rétroactivité sur certaines mesures. Les mesures concernées sont
08:23plutôt des mesures favorables aux contribuables ou des mesures interprétatives. Donc on peut se
08:29rassurer comme cela. Mais il y a quelque chose d'un peu plus inquiétant, c'est que le ministre
08:34de l'économie a d'ores et déjà annoncé que Bercy était en train de réfléchir à des mécanismes de
08:40rattrapage. Ce que j'expliquais il y a quelques instants, c'est-à-dire permettre à l'Etat,
08:46d'une autre manière que par la rétroactivité, de percevoir les recettes qui auraient dû s'appliquer
08:51si la loi avait été votée dans les temps. Et donc pour la contribution sur le revenu, l'idée c'est
08:57d'élargir la base. On n'a pas encore tous les éléments de ce mécanisme, mais nul doute qu'on
09:03aura un peu plus de précision dans les prochains jours. On va suivre tout ça avec attention. Merci
09:10Jordan Sarfati d'être venu sur notre plateau. Je rappelle que vous êtes associé au sein du
09:14cabinet DWF. Merci Yannick. C'est le moment de se quitter. Merci de votre fidélité. Quant à moi,
09:20je vous retrouve très bientôt sur BeSmart for Change. Restez curieux et informés.