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Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...

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00:00Frédéric Peyre, bonjour.
00:02Bonjour Sophie.
00:03Vous dirigez Amplitude Communications.
00:06Vous avez une boîte de coursiers.
00:08On va appeler une société de coursiers, s'il vous plaît.
00:10Ah, une boîte de coursiers, j'aime bien les boîtes aussi.
00:12Et alors, société de coursiers bien sûr.
00:15Et je trouve ça très intéressant parce qu'il s'est passé tellement de choses chez les coursiers.
00:19D'abord, à quel âge vous l'avez montée cette entreprise ?
00:21Il faut savoir que je suis un autodidacte.
00:23Je n'ai malheureusement pas eu la chance de passer mon bac parce que je n'avais rien fait.
00:26Donc, j'ai commencé à travailler dans une société de coursiers.
00:30Et puis ensuite, j'ai racheté la société de mon patron.
00:33Ça, c'est formidable.
00:34Alors, comment vous avez trouvé l'argent pour racheter la société de votre patron ?
00:37Mon patron m'a fait un crédit vendeur.
00:39C'est quoi un crédit vendeur ?
00:41Ça veut dire que ce n'est pas la banque qui vous prête, c'est le patron qui vous prête.
00:44Ça, c'est sympa.
00:45En combien de temps vous l'avez payé ?
00:46Sept ans.
00:47Mais c'était une petite structure à l'époque.
00:49Alors ça, je trouve ça formidable parce qu'on est autodidacte.
00:54On prend une boîte, tout d'un coup, on se retrouve enseveli sous des déclarations,
00:58le recrutement, comment on fait, etc.
01:00Ça, ça a été facile ?
01:01Ça a été un peu complexe.
01:02Il faut savoir que quand j'ai repris la société de mon patron,
01:05ce n'était pas une très grosse structure.
01:09Ça a été gérable et j'ai réussi à m'entourer de personnes compétentes
01:14qui m'ont aidé, chose que je ne savais pas faire.
01:16Et est-ce qu'on gagne de l'argent dans le métier de la course ?
01:18Non, on n'en gagne pas.
01:20On fait ça par amour des hommes.
01:22Et des transports.
01:24Les marches sont assez faibles ?
01:25Les marches sont très faibles.
01:27Et c'est la raison pour laquelle on se bat au quotidien.
01:29Il faut tenir ça comme une épicerie.
01:31Vous pouvez aujourd'hui...
01:32Toutes les entreprises doivent être tenues comme des épiceries.
01:34Toutes les entreprises doivent être tenues comme une épicerie.
01:36Après, si vous avez un peu d'éthique, il faut vraiment le tenir comme une épicerie.
01:41Pourquoi ? Parce que moi, mon objectif premier,
01:43c'est de payer correctement les gens avec lesquels je travaille.
01:46Alors, il y a une question qui se pose.
01:48D'abord, vous vous êtes développé un petit peu.
01:50J'ai compris, vous avez essayé de prendre d'autres branches à certains moments.
01:53Tout à fait.
01:54Donc, j'ai repris une entreprise en difficulté en 2007,
01:58qui était une entreprise qui faisait du transport de sang et d'organes,
02:00que j'ai vendue en 2019.
02:02Ah quand même, vous l'avez gardée combien de temps ?
02:0412 ans.
02:05Et pourquoi vous l'avez revendue ?
02:06Parce que c'est un cauchemar de travailler avec les administrations.
02:08Je travaillais avec la PHP.
02:10Je travaillais avec des établissements publics.
02:12Et c'est des gens qui ne payent pas.
02:14J'espère que tout le monde note.
02:17Parce que toutes les entreprises se plaignent de ça, effectivement.
02:19Ce sont les plus mauvais payeurs,
02:21qui s'intéressent souvent au délai de paiement.
02:24Mais je crois que l'État n'est pas un très bon payeur.
02:28Non seulement, ce ne sont pas des bons payeurs,
02:30mais en plus, les acheteurs sont 100 fois nuit lois.
02:33Bon, nous allons donc nous arrêter là.
02:36Et vous avez également diversifié un peu au niveau de la course, ou pas ?
02:40Alors, en 2007, en même temps que j'ai repris l'entreprise en difficulté,
02:44qui faisait du transport de sang et d'organes,
02:46j'ai créé une société de mototaxi.
02:48Transport de personnes en moto.
02:50Et ça, ça rapporte plus ?
02:52C'est une petite niche.
02:54C'est une prestation qui est assez chère,
02:56donc c'est compliqué à développer.
02:58D'accord.
02:59Et alors, moi, ce qui m'intéresse,
03:00parce que vous avez vécu de plein fouet,
03:02comme d'ailleurs on a invité des propriétaires de grandes entreprises de taxis, etc.
03:08Vous avez vécu quand même un espèce de retournement de situation dingue.
03:11Parce que maintenant, il y a les plateformes.
03:15Autant les taxis ont eu des Uber qui ont débarqué, etc.
03:19Qu'est-ce qui se passe pour les coursiers ?
03:21Ah oui, c'est une vraie problématique.
03:23C'est l'esclavagisme du 21e siècle.
03:25Je pense que vous avez tous dû le constater,
03:27lorsque vous sillonnez Paris,
03:29vous voyez des coursiers sur des petits scooters,
03:32avec des glacières.
03:34Ça, c'est une véritable concurrence.
03:36C'est une concurrence illégale.
03:38Pourquoi illégale ?
03:39Parce que ce ne sont pas des entrepreneurs.
03:41Si vous prenez les grands noms des plateformes qui proposent du transport,
03:44ils ne prennent aucun risque.
03:45Ils n'ont pas de salariés, ils n'investissent en rien.
03:48Mais ils assurent quand même, ils assurent leurs salariés.
03:51Ils assurent leurs salariés.
03:52D'où ils assurent leurs salariés ?
03:53Ils n'assurent pas leurs salariés du tout.
03:55Ils ont juste créé des algorithmes qui leur permettent aujourd'hui
03:58de mettre en relation le restaurant qui a besoin d'une livraison
04:01avec le coursier qui doit les livrer.
04:03Et donc, ça a été là un bouleversement complet
04:06pour des entreprises qui ont pignon sur rue, etc.
04:09Alors, on n'était pas tellement impacté.
04:11Parce que moi, aujourd'hui, le principal de mon activité,
04:13la Société Amplitude Communication,
04:15c'est une société qui propose du transport de plis et colis
04:18pour le compte de cabinets d'avocats, de banques et d'autres sociétés.
04:21Boîte sérieuse.
04:22Boîte sérieuse, parce qu'on fête nos 30 ans cette année.
04:241994-2024.
04:26Bravo.
04:27Voilà.
04:28Et donc, on n'était pas tellement sur la livraison de nourriture.
04:31Donc, on n'a pas été tellement impacté.
04:32Mais on a vu ça d'un très mauvais œil.
04:34Et est-ce que vous recrutez ?
04:36Alors, est-ce que c'est facile de recruter ?
04:37Quel type de gens vous recrutez ?
04:39Parce que le coursier, quelquefois, on en a un peu peur.
04:43Non, le coursier, c'est une personne extraordinaire.
04:45Le coursier, c'est une personne
04:47qui a à peu près la même carte d'identité que moi,
04:49qui n'a pas eu la chance de faire des études
04:51ou qui a décidé de ne pas en faire.
04:52Comme vous.
04:53Moi, ce n'est pas une question de chance.
04:54C'était une volonté.
04:55J'étais un cancre.
04:56Je l'assume aujourd'hui.
04:57Et c'est une personne qui a besoin de liberté.
05:00Donc, quoi de mieux que d'être coursier ?
05:02C'est-à-dire qu'il est toute la journée sur sa moto.
05:05Il a des contacts.
05:06Il est en relation avec les personnes
05:08lorsqu'il vient retirer les plis
05:09ou lorsqu'il vient les déposer.
05:10C'est l'image de marque de l'entreprise.
05:12Ça, c'est très important.
05:13Et donc, on lui donne des vraies responsabilités.
05:15Alors, chez vous, certainement,
05:17mais pardonnez-moi,
05:18on sait qu'il y a des coursiers
05:20qui, quand ils livrent des pizzas,
05:22livrent de la drogue avec.
05:24Oui.
05:25Ce n'est pas vrai, ça ?
05:26Non, ce n'est pas vrai.
05:27Ça se peut, mais c'est vraiment...
05:29C'est anecdotique.
05:30Moi, je ne vous parle pas de livreurs de pizzas.
05:32Moi, je vous parle de coursiers
05:33qui travaillent pour le compte de société
05:35comme cette société dans laquelle on est actuellement
05:37pour livrer des plis.
05:38Et est-ce que vous avez devant vous
05:40une possibilité d'extension ?
05:41Si vous avez un rêve, là, en deux secondes,
05:44pour conclure,
05:45ce serait de faire quoi de votre entreprise ?
05:47De continuer à la diriger comme je la dirige
05:50et de continuer à avoir ses salariés
05:52qui sont impliqués dans cette société,
05:53ce qui fait que le matin, quand je me lève,
05:55je suis content de pousser la porte de mon bureau
05:57parce que je suis content de croiser ses regards.
05:59C'est le mot de la fin et c'est magnifique.
06:01Merci beaucoup, Frédéric Pellet.
06:02Merci à vous.
06:05Sous-titrage Société Radio-Canada

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