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Me Virginie Leroy, avocate de la famille Paty

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00:00Bonjour Virginie Leroy, vous êtes l'avocate des parents de Samuel Paty, Jean et Bernadette, et de l'une de ses sœurs Gaëlle.
00:06La Cour d'assises spéciales de Paris a condamné hier soir les deux amis de l'assassin de Samuel Paty à 13 ans et 16 ans de réclusion.
00:12Condamnation aussi pour les deux hommes qui ont alimenté la campagne de haine contre le professeur en 2020.
00:17Des peines au-delà des réquisitions. La famille avait exprimé sa déception au moment de ces réquisitions.
00:22Est-ce que cette déception a disparu ce matin ?
00:24Oui. On est soulagés, satisfaits par ce verdict. On a beaucoup lutté pendant l'audience.
00:33C'est vrai qu'on avait été prévenus par les avocats généraux que les réquisitions n'allaient sans doute pas nous plaire.
00:39Et j'avais fait le choix de plaider sur les faits, ce qui n'est pas non plus commun en tant que partie civile,
00:45au terme d'une plaidoirie réquisitoire où on a tenu à soutenir notamment la complicité pour les deux amis d'Anzoroff.
00:53Et la cour nous a entendu, a retenu cette complicité avec des peines qui ne sont pas insignifiantes.
00:59Et c'était vraiment important pour la famille.
01:02Ça veut dire que ça fera jurisprudence, selon vous ?
01:04Oui, c'est ça. Je l'avais plaidé également de dire que ce verdict, le dossier a quand même une particularité
01:11de cette fatwa numérique avec des réseaux sociaux omniprésents.
01:15Et il fallait un signal fort, il fallait faire jurisprudence pour l'avenir.
01:20Et c'est aussi un signal d'alerte. Et ça, on y tenait beaucoup de notre côté.
01:23Vous avez parlé de votre plaidoirie qui, vous l'avez dit aussi, ressemblait à un réquisitoire,
01:27pour dire finalement, il ne faut rien laisser passer, ne pas renoncer.
01:30Est-ce que de ce point de vue-là, vous êtes aussi soulagée ?
01:32Vous estimez que les peines ne traduisent pas un renoncement, justement ?
01:35Oui, et ça, c'était vraiment primordial pour les parents et pour Gaël Petit aussi.
01:39J'avais rappelé sans doute les derniers mots dans la semaine qui a précédé l'attentat de Samuel Petit.
01:46Et c'était aussi lui rendre hommage.
01:48Il avait répondu à sa principale qui lui a proposé de s'écarter du collège.
01:52Si je rentre chez moi, je recule. J'ai donc commencé ma plaidoirie comme ça.
01:57Et je pense que la justice ne doit pas reculer.
01:59Le moindre petit renoncement, c'est un cataclysme dans cette matière-là.
02:04Donc oui, c'était important.
02:06Et justement, il y a donc des avancées avec cette reconnaissance de la complicité d'assassinat terroriste,
02:10de l'association de malfaiteurs pour ces deux hommes qui ont orchestré la campagne de haine.
02:14Pour vous, c'est un verdict plutôt équilibré.
02:17Ce n'est pas l'avis de Maître Berton qui défend le père de la jeune fille à l'origine du mensonge
02:21qui a coûté la vie à Samuel Petit.
02:23Il a été condamné à 13 ans de réclusion.
02:25Et Maître Berton dénonce finalement un verdict quasi-politique.
02:29C'est un verdict qui finalement, je pense, était écrit depuis le départ.
02:33C'est un verdict au-delà des réquisitions,
02:35qui s'inscrit en réalité dans une accusation qui n'a pas été portée par le parquet général,
02:41mais qui a été téléguidée par les partis civils depuis le premier jour.
02:45Donc c'est quelque chose qui est ressenti avec une extrême douleur
02:49parce qu'on a un sentiment d'incompréhension,
02:51d'avoir voulu expliquer ce qu'on finalement ne voulait pas entendre,
02:55comme si en réalité la justice était faite pour apaiser l'opinion publique
02:59et pas pour juger des gens.
03:00C'est un verdict politique, Virginie Leroy ?
03:03Nécessairement. Moi, je n'ai pas de difficultés avec ça.
03:05Il est nécessairement politique parce que l'attentat, l'assassinat de Samuel Petit,
03:09je pense qu'il a sidéré la France entière.
03:11Maintenant, il faut quand même revenir à la réalité.
03:14On a eu des débats, sept semaines de débats extrêmement difficiles,
03:18extrêmement denses où chacun a pu s'expliquer.
03:20Et moi, je l'ai rappelé concernant le client de mon confrère Berton,
03:24Brahim Chnina, il n'a pas fourni d'explications convenables à la Cour.
03:28Il n'a fourni aucune.
03:30Et c'est quelqu'un qui s'est acharné pendant dix jours contre Samuel Petit
03:35alors qu'il savait que ça filmentait
03:37et alors qu'il avait été prévenu de la dangerosité de ces vidéos.
03:41Et la Cour l'a rappelé hier.
03:43On verra avec la feuille de motivation plus dans le détail,
03:45mais elle l'a quand même rappelé hier dans son verdict.
03:47Il va y avoir un appel. Est-ce que les parents de Samuel Petit y sont préparés ?
03:51Oui, c'est quelque chose qu'on sait depuis le départ
03:54parce qu'on a vu au travers des diverses communications du dossier
03:58que de toute façon, il y aurait un appel s'il y avait des condamnations.
04:02Je l'ai dit hier soir, on y est prêts
04:04et on s'est montré très combatifs pendant cette audience.
04:06On le sera aussi lors de l'appel.
04:08Quel est le message selon vous, Virginie Leroy, envoyé aux enseignants de ce pays
04:12par les juges qui ont rendu ce verdict ?
04:14Je pense que c'est un message de soutien aussi.
04:17Alors évidemment, le verdict n'est pas fait pour ça.
04:19Mais ce dossier, on ne peut pas le cantonner à la seule place judiciaire, évidemment.
04:26Et je l'avais plaidé également qu'il fallait aussi un message pour l'école
04:31et que les enseignants attendaient ce verdict
04:36parce que leurs enseignements sont contestés.
04:38Et ce dossier, il part de la contestation d'un enseignement républicain.
04:41Et c'est là où c'est important.
04:43Et on les a entendu exprimer leur soulagement, d'ailleurs, hier soir sur France Info.
04:46J'ai lu une interview de vous dans Libération
04:48dans laquelle vous expliquez vous sentir très proche de la famille de Samuel Paty.
04:51Vous aviez le sentiment de le connaître à travers eux.
04:54Qu'est-ce qu'il représentait pour vous ?
04:56Il représente toujours, d'ailleurs.
04:59Moi, je pense que Samuel Paty, je le connais au travers de ses parents,
05:03au travers de sa sœur, un peu au travers du dossier.
05:06Alors, ce n'était pas un hussard noir de la République, comme on l'a dit,
05:10mais c'était un prof qui avait à cœur son travail.
05:13Et c'est ça, je pense, qu'il faut garder à l'esprit.
05:15C'est quelqu'un qui aimait ses élèves, qui voulait les élever.
05:19Et ça, je pense que personne ne peut le contester.
05:21Il l'a payé de sa vie.
05:23Et je crois qu'aujourd'hui, c'est Gaël Paty qui avait fini sa déposition devant la cour d'assises
05:28en disant ça, je veux que Samuel vive dans toutes les classes.
05:31Il a tout dit.
05:33Oui, c'est ça, vivre dans toutes les classes, laisser vivre la liberté d'expression aussi.
05:36C'était un message qu'on a beaucoup entendu.
05:38La liberté d'expression et au-delà de ça, offrir à ses élèves la capacité à s'élever,
05:43la capacité à comprendre la société dans laquelle ils vivent,
05:46la capacité à réfléchir tout seul.
05:48Je crois que c'est ça qui est important aussi.
05:50Et malgré tout, il y a eu, après Samuel Paty, Dominique Bernard à Arras,
05:53professeur de lycée, tué lui aussi sur son lieu de travail par un islamiste.
05:57La preuve pour les enseignants que la protection totale n'existait pas.
06:00Est-ce que ce serait de nature à les rassurer, selon vous, ce verdict ?
06:05Je ne sais pas, j'espère.
06:07J'espère que c'est un signe d'espoir.
06:09Je pense qu'encore une fois, la justice doit avoir des réponses fermes et fortes.
06:13J'espère que ce sera le cas aussi dans ce dossier.
06:16Qu'est-ce qu'il a appris ce procès aux familles ?
06:19C'est compliqué, il y a plusieurs choses.
06:21Un procès comme ça, c'est déjà une rencontre avec les accusés,
06:25qu'on ne connaît pas, qu'on ne connaît qu'au travers du dossier.
06:28Là, ils ont été décevants, il faut dire les choses.
06:30Il n'y a pas eu vraiment d'explication.
06:32Et puis, c'est aussi la première rencontre avec l'institution judiciaire.
06:36Et Gaëlle le disait hier, c'est difficile.
06:39Elle m'a dit qu'il y a une violence dans cette salle.
06:42Hier, c'était particulier, parce que les familles des accusés ont hurlé, crié.
06:47C'était très, très, très tendu.
06:49Les accusés eux-mêmes ont montré des signes de manifestations assez violentes.
06:55Donc, c'était particulier, mais c'est quelque chose d'inédit pour eux.
06:59Et en même temps, heureusement que ça se termine comme ça.
07:02Vous avez défendu des victimes des attentats du 13 novembre à Paris,
07:05du 14 juillet à Nice.
07:07Qu'est-ce qui relie ces victimes, si quelque chose les relie ?
07:10J'ai reçu beaucoup de messages de soutien, d'ailleurs,
07:13de clients que j'avais défendus à l'endroit de la famille Paty
07:17et que j'ai évidemment relayés.
07:19Je pense qu'il y a quand même une certaine communauté
07:23un peu dans la douleur, il faut le dire,
07:25et puis aussi une solidarité qui est là, de toute manière.
07:29Parce que c'est particulier, le terrorisme,
07:32ça frappe au hasard, c'est arbitraire,
07:35et je pense que ça, ça les relie beaucoup.
07:37Merci beaucoup, Virginie Leroy, avocate des parents de Samuel Paty,
07:40de l'une de ses sœurs Gaëlle.
07:41Merci d'avoir répondu à nos questions ce matin,
07:43au lendemain du verdict de la Cour d'Assis spéciale.

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