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Budget 2025 : "Plus tôt le projet de loi de finances sera voté, mieux ce sera", pour Xavier Jaravel, membre du Conseil d'analyse économique

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00:00Bonsoir à toutes et à tous. Quel Premier ministre et quel budget pour la France, nous
00:08sommes entrés dans une période d'incertitude politique et économique. Bonsoir Xavier Geravel.
00:13Bonsoir.
00:14Vous êtes économiste, membre du conseil d'analyse économique, professeur à la London
00:17School of Economics. Les marchés n'ont pas paniqué après la chute du gouvernement
00:21mercredi soir. C'est un indicateur qui vaut ce qu'il vaut, mais est-ce que ça veut
00:25dire qu'ils sont confiants vis-à-vis de ce qui se passe dans notre pays ?
00:28Ils ne sont plus très confiants depuis assez longtemps. Vous savez, on mesure le taux
00:32auquel la France paye pour s'endetter, on compare ça à d'autres pays comme l'Allemagne
00:36et du coup, depuis trois mois, le taux par rapport à l'Allemagne augmente. Donc, on
00:40n'est pas encore au niveau de l'Italie, mais on est maintenant à un niveau plus élevé
00:44que la Grèce, que l'Espagne. Donc, on est vu comme moins bon payeur que des élèves
00:49qui sont plutôt d'assez mauvais élèves, comme la Grèce et l'Espagne. Bien sûr, on
00:52n'est pas encore l'Italie, donc on peut toujours se consoler d'une manière ou d'une
00:55autre, mais il y a quand même de l'inquiétude.
00:58De l'inquiétude, justement. Vous, vous avez quelle lecture de la situation actuelle ? Est-ce
01:02que ça inquiète l'économiste que vous êtes ?
01:04À court terme, je pense qu'il n'y a pas à y avoir d'effondrement du pays, mais à
01:09long terme, on continue à saper nos fondations, puisqu'on ne va pas être capable de faire
01:15toutes les réformes qu'il faut faire. On n'est pas du tout engagé sur une réduction
01:19du déficit public et on ne fait pas les choix structurants qui auraient dû être les nôtres
01:23sur le fait de bien répartir la charge de repaiement de la dette, de résorption
01:28du déficit, la charge entre actifs et inactifs, tout ce genre de choses. C'est un peu une
01:33situation tragique au sens où tout se passe finalement dans le scénario noir, mais comme
01:40il n'y a pas de déflagration, il n'y a pas non plus de prise de conscience immédiate
01:46et donc on peut continuer comme ça longtemps, jusqu'au jour où on sera vraiment comme
01:49la Grèce. C'est-à-dire que les taux vont vraiment augmenter, dépasser l'Italie.
01:55C'est une voie possible et une autre voie, c'est qu'on continue un peu comme ça,
01:58bon an, mal an, jusqu'à la présidentielle de 2027 et que là, il y a un choix plus clair
02:02qui soit fait et qu'on puisse être mis sur une trajectoire pérenne.
02:06On va revenir un petit peu avant 2027. Ce qui se dessine pour les prochains jours, c'est
02:10une loi spéciale qui serait déposée au Parlement pour permettre, je cite Emmanuel
02:15Macron, à la continuité des services publics et de la vie du pays en appliquant pour 2025
02:19les choix de 2024, donc du budget pour 2024, avant une reprise des discussions budgétaires
02:24l'année prochaine. Quel impact tout cela va-t-il avoir en attendant sur nos finances
02:28publiques ?
02:29En fait, c'est très difficile à dire parce que tout le monde pense qu'il va y avoir
02:32une loi spéciale, mais aussi qu'ensuite le projet de loi de finances et le projet
02:35de loi de finances pour la Sécurité Sociale seront revotés, peut-être dans des formes
02:37différentes. Et donc, on aura quand même des changements par rapport à 2024, mais
02:41si on restait dans ce scénario très improbable, où en fait on garde ce qu'on avait en 2024,
02:46déjà, il y a plein de complexités techniques, c'est-à-dire que constitutionnellement,
02:49en fait, on ne reprend pas 2024, mais c'est au plus, on fait comme 2024. Mais normalement,
02:54les toits doivent l'imiter au maximum et doivent juste faire ce qui doit être fait
02:56pour assurer la continuité de la vie de la nation. Donc, personne ne sait vraiment de
03:01quoi il s'agirait, mais globalement, on se dit que le déficit serait de l'ordre
03:04de 6 %, donc le déficit serait un peu plus élevé que ce qu'avait proposé le gouvernement
03:09Barnier. Mais en fait, la charge serait très inégalement répartie, c'est-à-dire qu'il
03:13y a des gens comme les agriculteurs qui vont perdre plusieurs mesures qui auraient été
03:16bénéfiques pour eux, il y a des gens qui vont payer plus d'impôts, qui vont rentrer
03:20et commencer à payer l'impôt. En revanche, les plus riches, les entreprises, elles, échappent
03:25au surcroît d'impôts qui avait été prévu par le gouvernement Barnier.
03:28Parmi les sujets qui ont fâché, il y a eu celui des retraités. Le gouvernement voulait
03:31reculer de six mois l'indexation des pensions sur l'inflation, inacceptable pour une bonne
03:36partie de la classe politique. Vous, vous écriviez dans une tribune, dans les échos,
03:40les retraités aisés devraient contribuer davantage au redressement des comptes publics.
03:45En fait, il y a un constat simple, c'est que les dépenses liées aux retraites créent
03:51beaucoup de déficits. Vous regardez la dette accumulée depuis 2017, la moitié de la dette
03:57accumulée, c'est les déficits liés aux retraites, des régimes de la fonction publique
04:02et de tous les autres régimes. Et ensuite, on peut voir aussi que les retraités qui
04:06aujourd'hui sont à la retraite ont un taux de rendement élevé. C'est-à-dire
04:10que souvent, on dit qu'ils ont cotisé, donc leurs retraites sont dues, c'est vrai,
04:14mais il faut regarder le taux de rendement. Et en fait, pour eux, c'était un bon investissement
04:17au sens où ils ont un taux de rendement assez bon par rapport aux générations actuelles
04:20qui, elles, ont des taux de rendement projetés beaucoup plus faibles. Donc, il y a une question
04:23d'inégalité intergénérationnelle. Et ensuite, on voit que les retraités aussi
04:27épargnent beaucoup plus que les actifs. Donc, ça veut dire que d'une certaine manière,
04:32ils ont suffisamment de fonds disponibles et plein d'indicateurs, comme le taux de
04:36pauvreté sont aussi beaucoup plus faibles parmi les retraités, pas tous. Et c'est
04:40pour ça que du coup, la proposition, c'était de dire qu'on fait contribuer les retraités
04:45aisés et on pourrait les faire contribuer au prorata de leur importance dans la dépense
04:51publique qui est très, très, très élevée. Souvent, je pense pour la plupart des Français,
04:55on dit oui, le déficit, il faut que l'État réduise ses dépenses. En fait, quand vous
04:58regardez les chiffres, le gros des dépenses, c'est les dépenses de retraite, c'est les
05:02dépenses de santé. Ce n'est pas du tout les dépenses du train de vie de l'État.
05:05Mais c'est très difficile politiquement de défendre cette position.
05:08Politiquement, c'est quelque chose qui n'est pas passé.
05:09Et ce qui est particulièrement intéressant, c'est que le gouvernement est censuré techniquement
05:13sur cette mesure-là. Le Rassemblement national refuse que les retraités aisés puissent avoir
05:18une désindexation partielle de leur retraite. C'est quand même pas un effort très important.
05:23On demande beaucoup aux actifs et aux autres. En retraité, on ne demandait quasiment rien.
05:26Même ça, ça ne passe pas.
05:28Ce n'est pas l'avis de tous les retraités.
05:29En tout cas, pour les retraités, faire partager l'effort à tout le monde, ça paraît assez
05:35normal, en particulier vu les rappels historiques que je faisais, il me semble qu'il y ait.
05:40Mais donc, ça, ce n'est pas passé.
05:43Et donc, ce qui est aussi intéressant, c'est que les retraités plutôt ne votent pas pour
05:46l'Assemblée nationale. Justement, ils votent plutôt pour les formations du centre.
05:49Les retraités, c'est un votant sur deux, un électeur sur trois.
05:54Et donc, c'est très difficile de changer d'équilibre.
05:57Mais je pense que ce sera nécessaire.
05:58Autrement, notre pays ne pourra pas résorber son déficit, investir dans l'éducation,
06:02investir dans l'innovation, investir dans l'avenir.
06:04Il ne nous reste plus qu'une minute, mais j'ai une question.
06:05Est-ce que le plus tôt, il y a une loi spéciale qui est adoptée, le mieux ce sera ?
06:10Oui, parce que ça va résoudre plein d'incertitudes et notamment pour les fonctionnaires
06:13gestionnaires. Aujourd'hui, ils ne savent pas quel crédit ils vont avoir pour 2025.
06:16Donc, il faut planifier des choses à l'hôpital ou vous êtes dans l'armée et vous ne pouvez
06:20plus acheter vos hélicoptères, vos porte-avions, plus faire de recrutement.
06:23Donc, le plus tôt, ces éléments-là, la loi spéciale, mais aussi qu'un PLF et un PLF 16 soient votés,
06:28le mieux ce sera.
06:31Le plus tôt, le mieux ce sera. Merci beaucoup.
06:32Merci à vous.
06:33Xavier Jaravelle, membre du conseil d'analyse économique, professeur à la London School of Economics.
06:38Et vous étiez l'invité. Ecoute France Info.

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