Les députés examineront à partir de 16h ce mercredi les motions de censure déposées contre le gouvernement de Michel Barnier. Pour décrypter la situation, Tristan Haute, maître de conférence en Sciences politique à l'université de Lille, est l'invité de France Bleu Nord.
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00:00Bonjour Tristan Haute, si on parle tant ce matin de ces motions de censure, c'est qu'elles ont une chance pour une fois d'être votées.
00:05Si on revient au commencement, il y a eu motion de censure parce qu'il y a eu 49.3 en début de semaine sur le budget de la sécurité sociale.
00:12Pourquoi Michel Barnier, le Premier ministre, a utilisé au départ, selon vous, cet article 49.3 ? Parce que le budget ne pouvait pas être voté ?
00:18L'article 49.3 permet au gouvernement, finalement, de ne pas avoir un vote sur un texte dont on sait qu'il aurait été négatif,
00:27mais de mettre en jeu, à la place, le gouvernement, de mettre en jeu sa responsabilité.
00:32Donc, évidemment, il s'agira pour les députés, ce soir, de censurer ou non le gouvernement.
00:37Mais, évidemment, cette censure, elle est aussi guidée par les positionnements qu'avaient ces députés sur le projet de loi de finances de la sécurité sociale,
00:46et puis, plus globalement, sur le projet de loi de finances, et donc, ce qu'on appelle le budget.
00:49Si on revient au 49.3, vous avez dit, parce qu'on suppose que le vote aurait été négatif,
00:54c'est-à-dire que le socle commun, aujourd'hui, de la majorité, ce sont les macronistes, les LR, la droite, Horizon, le MoDem,
01:00ces parties toutes mises ensemble, ne suffisent pas, aujourd'hui, à voter un budget comme le budget de la France pour 2025 ?
01:06Tout à fait. On savait, dès la mise en place du gouvernement Barnier, qu'il ne détenait pas de majorité absolue.
01:12Il détenait une majorité relative, au sens où il parvenait à rassembler un socle commun plus important,
01:20un tout petit peu plus important que la gauche rassemblée, et plus important que le Rassemblement national.
01:25Mais, on savait que, pour faire adopter ce budget, il avait besoin de l'abstention, au moins,
01:32soit du Rassemblement national, soit d'une partie de la gauche.
01:35Or, à l'issue des débats budgétaires, qui ont été finalement, alors, assez peu audibles,
01:40mais relativement houleux, avec un gouvernement qui a été mis en minorité sur un très grand nombre de sujets à l'Assemblée nationale,
01:47on a abouti à un projet de loi qui n'était pas en mesure, finalement, d'obtenir l'abstention du RN ou d'une partie de la gauche.
01:58Mais c'est l'échec de qui ? Qui n'a pas réussi, finalement, à faire devenir un budget qui soit votable, entre guillemets ?
02:06C'est l'échec de la majorité qui n'a pas réussi à se mettre d'accord avec les autres,
02:09ou ce sont les oppositions qui n'ont pas réussi à faire de concessions ?
02:12Est-ce qu'il y a un échec à détacher de tout ça ?
02:15Est-ce qu'il y a un échec à détacher ? C'est difficile à dire.
02:16En tout cas, ce qu'ont révélé ces débats budgétaires, c'est qu'il y a une situation budgétaire compliquée, avec un déficit très important,
02:23mais il y a des positionnements très différents sur ce qu'il faudrait mettre en place.
02:28Certains mettent l'accent sur la réduction des déficits, d'autres plutôt sur l'augmentation des recettes,
02:35donc évidemment de la fiscalité, mais sur certaines populations, par exemple la gauche sur les plus grandes fortunes,
02:44et même sur les déficits, réduction des déficits, mais comment on réduit les déficits ?
02:48Est-ce que, par exemple, on annule certaines exonérations de cotisations sociales ?
02:52Est-ce qu'on limite le recrutement de fonctionnaires ?
02:54Et en fait, il y a eu énormément de débats à l'Assemblée nationale sur ces questions, qui sont loin de faire consensus,
02:59c'est-à-dire que tout le monde est d'accord pour dire que la situation est difficile et qu'il faut réduire le déficit,
03:04en tout cas en grande partie le limiter, mais finalement il n'y a pas de consensus sur les modalités pratiques, et donc sur le budget.
03:12Il n'y a pas de consensus aujourd'hui entre la majorité, les oppositions, des positions qui sont irréconciliables,
03:17mais ce n'est pas la première fois, il y a déjà eu, 49.3, une motion de censure sous Elisabeth Borne,
03:23notamment, pourquoi est-ce que cette fois-ci ces motions pourraient être votées, sachant qu'elles ont échoué lors des précédentes fois ?
03:31Finalement, elles pourraient être votées parce que, pour cette fois-ci, et ce qui était déjà le cas sous Elisabeth Borne,
03:38si le Rassemblement national mêle ses voix à celles de la gauche, ça fait une majorité pour voter la censure du gouvernement.
03:46Ce n'était pas le cas sous Elisabeth Borne, qui pouvait s'appuyer finalement sur le fait que les députés et les républicains ne votent pas la censure,
03:53ce qui lui permettait d'obtenir, sans avoir de majorité absolue finalement, de continuer à se maintenir au gouvernement avec sa majorité relative.
04:00Là, ce n'est plus possible, c'est-à-dire que le socle commun, même avec les républicains, n'a plus la majorité,
04:05et ne peut plus finalement empêcher une majorité de se former contre lui, et donc d'être censurée.
04:128h au moins 10, ici Matin, nous sommes en direct avec Tristan Haute, maître de conférence en science politique à l'Université de Lille.
04:19Si l'une ou l'autre de ces motions de censure, Tristan Haute, est votée cet après-midi, concrètement, il se passe quoi ?
04:24On n'a plus de gouvernement, il faut en nommer un nouveau ?
04:27Alors on n'a plus de gouvernement, celui qui est en place va exécuter les affaires courantes,
04:32ce qu'on a connu en fait cet été, pendant une assez longue période d'ailleurs,
04:36et tout l'enjeu sera, pour Emmanuel Macron, de renommer un ou une première ministre,
04:41en espérant que finalement, ce ou cette première ministre ne se fera pas censurer très rapidement.
04:50Parce qu'il y a une échéance, c'est le budget, c'est le 31 décembre,
04:53on va faire adopter un budget pour l'année 2025,
04:55s'il n'y a pas de budget, si on retombe dans la même situation, on reprend le budget de 2024, ça implique quoi ?
05:00Ça implique qu'un certain nombre d'évolutions budgétaires prévues dans le budget 2025 ne vont pas avoir lieu,
05:05alors on pourrait dire certaines sont positives, d'autres sont négatives,
05:07il y avait des réductions de dépenses publiques prévues,
05:10mais en même temps il y avait des aides pour certains secteurs qui étaient prévues,
05:13ça veut aussi dire qu'il n'y aura pas non plus de grands chamboulements,
05:17c'est-à-dire qu'il y a des évolutions à la marge,
05:20il ne faut pas oublier que pour établir le budget de 2025,
05:23on est aussi quand même pas mal reparti du budget de 2024,
05:25donc il faut quand même relativiser les évolutions,
05:28et puis même s'il n'y a pas de budget, il y a possibilité d'avoir une loi spéciale
05:31qui va permettre notamment de prolonger certains aspects,
05:34et en plus d'être amendé, ce qui va permettre de compenser,
05:38ce qu'on entend depuis hier notamment sur les augmentations d'impôts,
05:41ça pourrait finalement être évité.
05:47Michel Barnier l'a évoqué hier lors de son interview sur France 2 et TF1,
05:51le fait que les tranches d'imposition soient calquées sur l'inflation,
05:54c'est-à-dire qu'on garderait les schémas de l'an dernier,
05:57en tout cas du budget 2024.
05:58Dernière question, Tristan, on le voit que c'est tendu à l'Assemblée nationale
06:03depuis la réélection d'Emmanuel Macron en 2022,
06:05qui n'avait pas de majorité absolue déjà en 2022,
06:08encore plus depuis la dissolution de l'Assemblée nationale,
06:11est-ce que notre Constitution, la Vème République,
06:13est adaptée à ce genre de situation,
06:15il n'y a pas de majorité à l'Assemblée nationale,
06:17on voit qu'on n'est pas capable de faire voter des budgets,
06:20est-ce que notre Constitution est adaptée à cette situation ?
06:22C'est à la fois la question de la Constitution,
06:25c'est aussi la question du système électoral,
06:27et c'est la question aussi de ce qu'on attend des partis politiques
06:31et du rapport des partis politiques à l'Assemblée,
06:34et puis des citoyens et citoyennes aux partis politiques.
06:37Evidemment, si on est sur un système avec une absence de majorité absolue,
06:41ça veut dire aussi bâtir des coalitions,
06:43ça veut dire aussi mieux représenter proportionnellement
06:46les différents partis politiques,
06:48pour éviter que finalement, avec un paysage électoral très éclaté,
06:52un parti se retrouve à être majoritaire avec 25 ou 30% des voix.
06:56Donc évidemment, ça implique sans doute de penser des évolutions.
07:00On voit revenir par exemple les débats autour de la proportionnelle,
07:04et puis on voit évidemment revenir des débats sur la Constitution de la Vème République,
07:08dont on voit que parfois, certaines situations n'avaient pas été pensées.
07:13Des gouvernements renversés par une motion de censure,
07:15il faut remonter en 1962 pour voir un cas similaire.
07:19C'était Georges Pompidou, à l'époque renversé par une motion de censure,
07:22ça arrivera peut-être encore, on attend cet après-midi,
07:2516h, l'heure pour le début de l'examen de ces deux motions de censure
07:28déposées contre Michel Barnier.
07:30Merci beaucoup Tristan Haute de nous avoir éclairé sur la situation,
07:33maître de conférences anxieuses politiques à l'Université de Lille.
07:36Bonne journée.
07:37Bonne journée.