Maître de conférences à l'Université de Lille, le politologue Tristan Haute était l'invité ce vendredi matin du 6-9 de France Bleu Nord, alors que la campagne officielle pour les élections européennes du 9 juin se termine à minuit.
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00:00 - Bonjour Tristan Haute. Emmanuel Macron a été interviewé hier soir à la télévision. Il a longuement ciblé
00:05 l'extrême droite en appelant à voter dimanche au contraire pour ceux qui défendent l'Europe.
00:10 Qu'avez-vous pensé de ces déclarations ? Quelle est la stratégie du chef de l'État quand il dit ça ?
00:13 - Alors la stratégie du chef de l'État c'est celle utilisée par la majorité présidentielle depuis le début de cette campagne, c'est-à-dire une
00:19 focalisation du débat à la fois sur l'extrême droite en voulant ériger finalement le Rassemblement National en
00:27 principal opposant et puis une focalisation aussi du débat sur les enjeux internationaux
00:32 ce qui permet à Emmanuel Macron de bénéficier de sa stature. On l'a vu finalement beaucoup investi dans cette campagne
00:40 européenne en ciblant beaucoup l'extrême droite et en mettant beaucoup en avant les questions internationales et notamment la question ukrainienne.
00:47 - Bien sûr, il a longuement parlé hier de la Russie, la menace que représentait la Russie
00:52 aujourd'hui. Tout au long de cette campagne plusieurs têtes de liste ont reproché à la majorité présidentielle mais aussi au rassemblement de nations
00:58 de vouloir rejouer finalement le duel Macron-Le Pen qu'on a eu en 2022, qu'il y a eu en 2017
01:03 les déclarations du président hier soir. C'est un peu ça ? Est-ce que ça se fait au détriment des autres listes ?
01:08 - Ça se fait sans doute au détriment des autres listes qui sont moins audibles et qui sont contraintes finalement de réagir
01:14 aux déclarations du chef de l'État et donc d'être amené notamment sur les questions internationales
01:19 pour la majorité présidentielle et sur la question de l'immigration et qui peinent à mettre en avant
01:24 d'autres enjeux. On pense à la question de l'écologie mais on pense aussi aux questions économiques qui sont pourtant des préoccupations assez importantes
01:31 quand on regarde ce qui est déclaré comme des enjeux principaux par les Français.
01:35 - Quand on regarde les intentions de vote pour ce scrutin des européennes, ça n'a finalement pas beaucoup
01:40 bougé après plusieurs semaines de campagne. On est toujours avec le RN en tête, la majorité présidentielle en deuxième position, les socialistes en troisième.
01:47 Quand les sondages ne bougent pas, quand c'est comme ça du début jusqu'à la fin de la campagne ou alors qu'ils bougent à la marge,
01:52 ça veut dire qu'il ne s'est rien passé dans cette campagne ?
01:54 - Alors la campagne elle a été assez courte, elle a été assez peu dynamique, il y a moins de présence aussi sur le terrain mais aussi sur les réseaux sociaux
02:00 qu'à une élection comme l'élection présidentielle donc il y a moins de dynamique. On a quand même observé de la
02:05 consolidation, c'est à dire qu'il y a moins d'hésitation
02:09 des Françaises et des Français sur leurs intentions de vote, sur le fait d'aller voter
02:14 et puis sur la liste qui va être choisie. Mais ce qu'on constate aujourd'hui c'est que dans les derniers sondages, l'hésitation elle reste quand même importante
02:20 et que finalement ces intentions de vote
02:23 elles ne sont absolument pas prédictives de ce qui peut se passer dimanche prochain, parce qu'il y a une part conséquente des électrices et des électeurs
02:30 qui soit n'ont pas encore choisi, soit ne sont pas certaines de leur choix.
02:33 - C'est à dire 48 sur France Bleu de Nord, nous sommes en direct avec Tristan Haute, maître de conférence en science politique à l'Université de Lille.
02:40 - Tristan Haute, la question a été posée hier soir à Emmanuel Macron qui était sur France 2 et TF1, est-ce que le résultat de ces élections
02:46 européennes peut avoir des conséquences politiques en France ? Par exemple si le rassemblement national
02:50 dimanche soir est loin devant, est-ce que la majorité va devoir réagir ?
02:54 Il pourrait y avoir une inflexion de la politique ou quelque chose ?
02:57 - Alors c'est difficile à dire, ça dépend finalement uniquement de la majorité présidentielle, il n'y a pas de réaction mécanique.
03:02 Tout dépend du choix stratégique qui sera fait par la majorité présidentielle.
03:06 Est-ce que ça impliquera un remaniement, un changement de politique ? En tout cas on voit difficilement quelle perspective
03:12 forte serait
03:16 possible. Par exemple l'idée d'élection législative anticipée paraît extrêmement peu probable et elle dépend avant tout des Républicains
03:22 qui étant donné les enquêtes d'intention de vote
03:25 aujourd'hui y ont quand même très peu intérêt. - Les Républicains effectivement, c'est la liste portée par
03:30 François-Xavier Bellamy dans le cadre de ces élections européennes. Si on s'intéresse maintenant à la gauche
03:34 pour ces élections-ci, le PS est annoncé en tête avec la France insoumise et les écologistes derrière. Est-ce que ça montre un
03:41 retour des socialistes au détriment des insoumis ? Ou est-ce que ces élections européennes restent un cas particulier où on ne peut pas vraiment calquer
03:47 pour des élections nationales ?
03:49 - Alors on ne peut pas calquer sur les élections nationales, pas parce que ce sont des élections européennes mais parce que la participation est quand
03:53 même pas du tout la même et qu'une partie des électeurs et des électrices, et on le voit dans les enquêtes,
03:58 des électeurs et électrices de Jean-Luc Mélenchon, notamment les jeunes, les milieux populaires, sont quand même beaucoup plus démobilisés
04:04 pour ces élections européennes. C'est près de trois quarts des jeunes qui risquent de ne pas aller voter
04:08 dimanche, donc très faible mobilisation de ces électeurs qui votent habituellement beaucoup plus pour la France insoumise et
04:15 finalement
04:17 les électeurs et les électrices de gauche qui restent mobilisés, plus âgés, plus diplômés, ils ont un profil qui les prédispose plutôt à voter
04:23 soit pour le Parti Socialiste, soit pour les écologistes. Et là l'événement c'est plutôt l'inversion par rapport à 2019
04:29 entre les écologistes et les socialistes avec les écologistes qui sont en difficulté, notamment en France mais aussi à l'échelle européenne
04:35 parce qu'ils sont de moins en moins propriétaires de l'enjeu écologique. - Oui, j'avais posé la question comment cela s'explique, parce qu'effectivement il y a cinq ans
04:40 la liste Europe Écologie Les Verts portée par Yannick Jadot était arrivée troisième, là cette année ils sont annoncés donc derrière
04:46 beaucoup plus de listes, parce que finalement tout le monde parle d'écologie donc eux ils n'ont plus de spécificité ?
04:51 - A la fois tout le monde en parle donc ils n'ont plus de spécificité et aussi
04:54 personne n'en parle entre guillemets, puisque finalement c'est pas un enjeu du tout central dans la campagne
04:58 que les écologistes ont eu beaucoup de mal à amener, notamment parce que comme le reste des oppositions
05:04 ils ont dû être amenés à réagir
05:06 aux enjeux portés par le rassemblement national et par la majorité présidentielle. - Ce scrutin nous en parlons ce matin Tristan Haute avec notre
05:12 prisme franco-français mais il s'agit bien d'un scrutin européen.
05:15 Ce qu'il faudra regarder dimanche soir ce seront les forces en présence au niveau européen finalement qui
05:19 à l'échelle d'un continent, à l'échelle des 27
05:22 est en tête. L'enjeu sera quoi ? Le score des nationalistes notamment ? Est-ce qu'il pourrait y avoir des
05:26 alliances entre eux et la droite traditionnelle ? C'est ça qu'il faudra regarder ? - Tout à fait, c'est les scores des
05:30 parties des deux groupes d'extrême droite au Parlement européen.
05:34 Qui sont annoncées avec une certaine poussée. Quelle est la résistance à la fois de la droite traditionnelle, du Parti Populaire
05:41 européen mais aussi de la gauche et notamment du Parti Socialiste européen ? Quelle résistance des libéraux
05:47 européens de Renew, qui est le parti auquel appartiennent les élus de renaissance ?
05:52 Et quel recul des écologistes qui sont en difficulté à l'échelle européenne ?
05:56 - Avec peut-être déjà des surprises, on en discutait tout à l'heure avant de rentrer en studio au résultat des élections aux Pays-Bas où là ce sont les
06:04 socialistes alliés aux écologistes qui sont arrivés en tête alors qu'on annonçait l'extrême droite première. - Tout à fait, tout à fait, une surprise
06:10 qui finalement montre bien que les élections de dimanche ne sont pas jouées en France mais aussi à l'échelle européenne
06:15 et que c'est très difficile d'anticiper les résultats
06:18 dans les pays membres de l'Union Européenne pour ces 720 sièges au Parlement européen, dont seulement 80 concernent la France. - En tout cas pour ceux qui nous
06:24 écoutent, qui s'intéressent à ces élections, qui ne savent pas encore pour qui voter, on a fait toute une série d'entretiens ici avec des articles
06:30 également sur l'intégralité des têtes de liste qui sont présentes. Il y a 38 listes pour ces élections européennes de dimanche. On rappelle que c'est une élection à un tour
06:38 et que vous n'entendrez plus personne à partir de ce soir minuit puisque la campagne officielle
06:43 s'arrête ce soir, c'est-à-dire que vous entendrez plus d'hommes politiques ni de femmes politiques jusqu'à dimanche.
06:49 En tout cas merci beaucoup Tristan Haute d'avoir été avec nous ce matin pour y voir plus clair sur cette élection de dimanche,
06:55 maître de conférence en sciences politiques à l'Université de Lille. Bonne journée ! - Bonne journée !