Dans son édito du 03/12/2024, Paul Sugy revient sur la relation conflictuelle entre Michel Barnier et Marine Le Pen.
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00:00Paul Sujit avec nous, bonjour Paul, Marine Le Pen avait fixé un dernier ultimatum à Michel Barnier hier pour échapper à la censure, il fallait
00:07renoncer à désindexer partiellement les pensions de retraite de l'inflation, ce que le gouvernement a refusé de faire.
00:13Est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu qu'il cède là-dessus au vu du risque à présent d'être censuré ?
00:19Oui Romain, alors on est dans une situation politique paradoxale, évidemment la censure est promise,
00:23arithmétiquement elle est acquise, en même temps elle n'est pas votée, donc tout cet édito évidemment est au conditionnel.
00:28Et Dieu sait ce qui peut encore se passer dans 24 heures, mais disons-le tout net, pour le bien du pays en tout cas, sur
00:33cette mesure de la désindexation des retraites, on regarde simplement des enjeux budgétaires,
00:37il aurait mieux valu un budget dans lequel on accepte, pour un temps, de faire peser un léger effort sur les épaules des retraités.
00:43Le report de la réévaluation des pensions de retraite pour tenir compte de l'inflation était plutôt une bonne mesure en contexte de disette budgétaire,
00:49alors qu'on demande déjà de très nombreux efforts aux actifs, il était juste d'en demander aussi aux retraités et de partager donc ces efforts.
00:56La gauche et l'ORN ont beau jeu de dire qu'il existe des retraités en situation de grande précarité,
01:00c'est vrai, mais ils étaient du reste exclus de la mesure, donc fondamentalement sur cette mesure,
01:05Michel Barnier et Laurence Saint-Martin étaient plutôt bien inspirés de tenir bon, et chacun a bien compris, surtout qu'il s'agit là plutôt d'un prétexte,
01:12qui peut dire avec certitude que si Michel Barnier avait dit hier
01:15« d'accord, on donne ce hochella supplémentaire à Marine Le Pen », la censure lui aurait été épargnée.
01:20Depuis trois jours, chaque nouvelle concession appelait en réponse une nouvelle réclamation.
01:24Alors la désindexation des retraites, c'est un prétexte, c'est aussi un symbole,
01:28si l'ORN vote la censure sur le fondement de cette mesure, le parti qui prône plutôt le pragmatisme, le réalisme,
01:35en disant « regardez la réalité du pays en matière de sécurité, en matière d'immigration »,
01:39eh bien cette fois refuserait de voir le monde tel qu'il est pour le regarder de nouveau à travers les lunettes déformées du poétiquement correct.
01:47Vous savez, moi je trouve ça pas très sérieux, peut-être pas très courageux non plus,
01:50je crois pas du tout à l'idée que les extrêmes se rejoignent, on parle parfois d'une tenaille identitaire,
01:54il y aurait à gauche et à droite cette tenaille, mais là il y a tout de même une tenaille populiste,
01:59la gauche et l'ORN qui se mettent d'accord ensemble pour défendre des avantages acquises,
02:03sans regarder que peut-être la réalité du pays ne permet pas de les maintenir.
02:06Est-ce qu'on en serait là si l'ORN avait été davantage considéré, respecté par Michel Barnier, par le gouvernement ?
02:12Non, vous avez raison, et de fait, si le gouvernement est censuré,
02:15c'est d'abord un échec pour lui et pour son Premier ministre, Michel Barnier.
02:19Le premier qui manquerait son pari, ça serait lui, il a été nommé Premier ministre,
02:23il se voulait au-dessus de la mêlée, droit dans ses bottes, parler au français plutôt qu'au parti,
02:28en homme de dialogue et de compromis, obtenir des deals avec chaque camp
02:31pour à la fin réussir à faire avancer son budget, s'il est censuré, c'est un échec pour lui,
02:35sa méthode n'aura pas marché, peut-être que Michel Barnier était un très bon négociateur du Brexit,
02:40mais il aura été, de ce point de vue-là, un mauvais Premier ministre.
02:42Selon vous, c'est aussi un pari manqué pour l'ORN ?
02:45Pour l'ORN, oui, et singulièrement pour la présidente de son groupe parlementaire à l'Assemblée, Marine Le Pen,
02:50oui, du point de vue de la respectabilité, c'est-à-dire que Marine Le Pen,
02:54qui ambitionnait finalement pour son parti de devenir un parti,
02:56une force parlementaire comme les autres, eh bien, n'aura pas réussi,
02:59mais ce n'est pas seulement sa faute, à aller au bout de cette logique de considération.
03:03Ça commence dès les refus de poignée de main, lorsque les députés, pour certains d'entre eux,
03:09l'une d'entre elles d'ailleurs était ministre, Agnès Pannier-Runacher,
03:12ont refusé de serrer la main des députés du ORN.
03:15Eh bien, c'est aussi ce fossé, qui ne s'est pas complètement résorbé
03:18entre l'ORN et le reste de la vie parlementaire, qui a certainement incité en retour.
03:24Marine Le Pen a finalement proposé sa vengeance.
03:27Une vengeance qui, encore une fois, est ce pari manqué de la respectabilité,
03:30que peut-être la vie politique va payer cher dans les années qui viennent.
03:34Paul Sujit avec nous. Merci beaucoup, Paul.