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Chères lectrices, chers lecteurs,

Voici la captation de la rencontre de Paul Perrin, conservateur du Musée d'Orsay, directeur des collections et co-commissaire de l'exposition Caillebotte : Peindre les Hommes.

- Captation réalisée le mardi 19 novembre 2024.
- Discussion animée par Hélène Bihèry-Dupuy.

Vous souhaitant de belles lectures impressionnistes,

L'écume

La Quatrième :
Bourgeois et ouvriers déambulant dans le Paris d’Haussmann, raboteurs de parquet et canotiers saisis dans l’effort, jeunes célibataires jouant aux cartes ou observant la ville depuis leurs balcons, hommes nus à leur toilette… Les figures masculines et les portraits d’hommes dominent l’œuvre de Gustave Caillebotte (1848 – 1894), à la différence de ses confrères Degas, Manet ou Renoir.

Tout autant que ses cadrages immersifs et ses complexes effets de perspective, la façon dont l’artiste observe et peint les hommes de son temps et de son entourage constitue l’un de ses apports majeurs à l’impressionnisme. A l’époque du triomphe de la virilité militaire, du patriarcat bourgeois et de la fraternité républicaine, Caillebotte questionne subtilement les normes de genre et les catégories sociales pour donner corps à un nouvel idéal masculin, à la fois viril et vulnérable, conquérant et mélancolique, maitre de l’espace public mais aussi à son aise en intérieur.

S’attachant aussi bien à la personnalité de l’artiste et à ses sociabilités – ses frères, le groupe impressionniste ou le Cercle de la voile de Paris – qu’à ses peintures et ses dessins, connus ou méconnus, cet ouvrage éclaire d’un nouveau jour la vie et l’œuvre d’un des plus grands peintres du XIXe siècle.
Une coédition musée d’Orsay / Éditions Hazan.

Transcription
00:00:00Bonsoir à tous, merci d'avoir bravé ce temps de novembre.
00:00:04Je suis ravie que vous soyez là.
00:00:07Le micro ne marche pas, me dit-on.
00:00:09Le micro marche, voilà, le micro marche.
00:00:12Bonsoir Paul Perrin, merci infiniment d'avoir accepté notre invitation.
00:00:15Merci à vous, je suis très heureux d'être là.
00:00:17Je ne sais pas s'il marche par contre.
00:00:21En effet, c'est mieux de l'allumer.
00:00:24Merci beaucoup pour cette invitation.
00:00:25Je suis très heureux d'être là ce soir.
00:00:27Je précise que je suis venu également avec mon éditrice Marie-Caroline Ducaillet,
00:00:32éditrice au musée d'Orsay.
00:00:34Voilà, pour cette exposition du très beau catalogue que je vous montrerai tout à l'heure.
00:00:39Paul Perrin, vous êtes conservateur en chef.
00:00:43Paul Perrin, vous êtes conservateur en chef, c'est mieux.
00:00:46Oui, directeur de la conservation et des collections du musée d'Orsay.
00:00:51On verra l'importance que ça a par rapport à Caillebotte, qui est donc notre sujet de ce soir.
00:00:56Puisque l'exposition Caillebotte, Gustave Caillebotte, peindre les hommes a commencé le 8 octobre dernier au musée d'Orsay.
00:01:03Elle a lieu jusqu'au 19 janvier.
00:01:04J'encourage ceux qui ne l'ont pas encore vu à s'y précipiter.
00:01:07Je crois que le succès est absolument colossal.
00:01:10À chaque fois que je passe devant le musée, il y a la queue.
00:01:12Donc, je pense que vous êtes assez content.
00:01:15Nous allons évoquer Caillebotte sous différents aspects de sa personnalité riche et complexe.
00:01:23J'ai envie, moi déjà, de vous remercier pour cette exposition.
00:01:26Qui n'a peut-être pas été si simple à monter.
00:01:29Cette année, nous commémorons le 130e anniversaire de la disparition de Caillebotte, qui est mort brutalement et prématurément à 46 ans.
00:01:36Si je ne me trompe pas, en 1894, donc.
00:01:40Peintre affilié, bien sûr, au mouvement impressionniste et comment.
00:01:45Et pourtant méconnu dans ce mouvement.
00:01:47Et on verra pourquoi.
00:01:50Mais avant de se lancer dans les détails de son existence artistique.
00:01:54Peut-être est-ce qu'on pourrait rappeler d'où il vient, dans quel monde il naît, à quelle époque, de recontextualiser un petit peu, peut-être historiquement, mais peut-être surtout familialement, le destin de ce jeune Caillebotte.
00:02:08Oui, bien sûr, volontiers.
00:02:10Caillebotte, comme vous le dites, est un artiste qui commence à être un peu plus connu aujourd'hui, mais qui, malgré tout, n'a pas la notoriété de ses amis impressionnistes Monet, Renoir, Degas et les autres.
00:02:23Pour un certain nombre de raisons.
00:02:25L'une d'entre elles est sa mort plus précoce.
00:02:29Il meurt, comme vous l'avez dit, à l'âge de 45 ans.
00:02:32Sa carrière de peintre, en gros, va du milieu des années 1870 à 1894.
00:02:39Donc, c'est à peine 20 ans de carrière de peintre.
00:02:42Ce n'est pas une oeuvre qui est très pléthorique.
00:02:46Le catégorique raisonné aujourd'hui, qui recense l'ensemble de l'oeuvre peinte de Caillebotte, c'est à peu près 500 peintures.
00:02:53Donc, évidemment, c'est très différent, par exemple, si on pense à Renoir ou à Monet.
00:02:57Monet, dont la carrière commence dans les années 1850 et qui meurt en 1926.
00:03:02Donc, vous voyez, là, on n'est pas du tout dans la même temporalité.
00:03:05Donc, moins d'oeuvres, moins d'oeuvres aussi qui ont circulé.
00:03:09Je reviendrai sur la biographie après, mais je commence par là.
00:03:12Moins d'oeuvres qui ont circulé puisque Caillebotte venait d'un milieu social très aisé et donc, il n'a pas eu besoin de vendre de son vivant.
00:03:21Finalement, les seuls tableaux qui ont circulé de son vivant sont les tableaux qu'il a donnés à ses amis.
00:03:27Il en a donné à peu près 60, 70, quand même.
00:03:31Mais le reste est resté, en fait, dans la famille.
00:03:34Les héritiers de Caillebotte, qui est donc mort, n'avait pas d'enfant.
00:03:37Et ensuite, elle est allée dans la famille de son frère, puis de sa nièce, etc.
00:03:41Et finalement, cette collection d'oeuvres de Caillebotte n'a pas été et est restée chez les descendants.
00:03:49Et ça fait en fait assez peu de temps que ces oeuvres sont mises sur le marché et circulent, on va dire depuis les années surtout 1960.
00:03:58Donc, c'est beaucoup plus tard qu'évidemment pour les autres impressionnistes qui ont eu un marché beaucoup plus développé dès la fin du 19e siècle, avec beaucoup d'oeuvres qui circulaient.
00:04:07Et puis, également, c'est un artiste que l'on voyait moins dans les musées.
00:04:12D'abord parce qu'il y avait beaucoup moins d'oeuvres de lui que de ses amis dans les grandes collections muséales.
00:04:19Là aussi, ça fait à peine, je dirais, peut-être une trentaine d'années que les grands musées internationaux achètent petit à petit de plus en plus d'oeuvres de l'artiste.
00:04:28Mais auparavant, on le voyait très peu.
00:04:30Au musée d'Orsay, par exemple, et avant, au musée du jeu de paume, etc.
00:04:35Il n'y avait quasiment que les raboteurs de parquet pour représenter l'oeuvre de Caillebotte.
00:04:39Et voilà, pour ceux qui ont vu l'exposition, vous avez peut-être constaté que Caillebotte, c'est beaucoup d'autres choses que les raboteurs de parquet.
00:04:45Il reste un de ses grands chefs-d'oeuvre, mais il a produit énormément d'autres oeuvres majeures, mais on ne les voyait pas.
00:04:52Et puis, il y a eu peu d'expositions quand même, malgré tout, organisées autour de cet artiste.
00:04:59La première grande exposition Caillebotte monographique rétrospective, elle date de la fin des années 1970, ce qui est très tard par rapport à tous les autres peintres du mouvement impressionniste.
00:05:14Et puis ensuite, en France, il faut attendre 1994 pour avoir une première grande rétrospective.
00:05:21C'était organisé par le musée d'Orsay au Grand Palais à l'époque, et ça reste à ce jour, d'ailleurs, un moment très important.
00:05:30Et il faut attendre, voilà, pareil depuis, je dirais, les années 2000-2010 pour avoir un petit peu plus d'expositions.
00:05:35Vous aviez peut-être vu pour certains d'entre vous l'exposition du musée Jacques Marendré sur Gustave et son frère Martial et notamment l'oeuvre photographique de Martial.
00:05:47Il y avait une exposition également à Giverny autour de Caillebotte, peintre jardinier et de sa production de peintures de jardin et de fleurs.
00:05:55Mais vous voyez, cette exposition au musée d'Orsay, c'est la première exposition Caillebotte au musée d'Orsay.
00:06:00Le musée d'Orsay a ouvert en 1986.
00:06:03Donc voilà, on voit bien qu'il a quand même fallu attendre un certain temps, qui est lié à cette redécouverte progressive qui est elle-même, donc est liée à sa personnalité, son milieu familial,
00:06:13dont on parlait, et cette aisance financière, notamment, qui a fait qu'il n'a pas cherché, de son vivant, à se constituer un marché et à faire circuler ses oeuvres.
00:06:24Et il est mort quelques années avant le vrai moment d'épanouissement, on pourrait dire, de l'impressionnisme, au moment où se sont constituées toutes les grandes collections de peintures impressionnistes dans le monde.
00:06:39Donc, en gros, à partir des années 1900, on pourrait dire.
00:06:42Alors justement, on y reviendra, mais vous n'avez pas fait le choix d'une rétrospective pour votre exposition.
00:06:47Vous avez fait un choix qu'on pourra trouver audacieux, puisque le titre de votre exposition, c'est Caillebotte, peindre les hommes.
00:06:57Et en effet, votre catalogue est très explicite à ce sujet.
00:07:01Toutes les toiles représentant des personnages, des figures, sont à 70% masculines.
00:07:07Alors moi, je pense que ça s'explique de mille manières.
00:07:10Vous allez nous donner votre point de vue à vous, évidemment.
00:07:13Je rappelle, au passage, parce que vous avez beaucoup insisté là-dessus quand on a échangé quelques messages pour préparer cette soirée.
00:07:19C'est un travail collectif.
00:07:21Vous êtes trois commissaires d'exposition.
00:07:22Vous avez très aimablement cité votre directrice des éditions, Marie-Caroline Dufayet.
00:07:27Vous êtes trois commissaires d'exposition, dont deux Américains.
00:07:30Et je pense que cette double culture franco-américaine pour aborder ce sujet est particulièrement intéressante.
00:07:39Et comment est-ce que vous vous positionnez, vous, en tant qu'historien de l'art et commissaire d'exposition français,
00:07:46au regard de ce que les Américains, les approches de l'histoire de l'art américaine,
00:07:50appellent les gender studies, et quel regard ça propose, je ne vais pas dire impose, aux spectateurs ?
00:07:58Alors, c'est une question complexe.
00:08:02Pour vous redonner un petit peu l'historique aussi de ce projet,
00:08:07qui explique aussi le sujet que l'on a choisi.
00:08:12Donc, en 2020, le Musée d'Orsay, enfin le ministère de la Culture,
00:08:16a classé Trésor National un tableau qui s'appelle La Partie de Bateau,
00:08:20qui fait la couverture du catalogue, précisément.
00:08:24Ce tableau-là, qui était encore dans une collection privée française,
00:08:28et qui devait peut-être quitter le territoire pour être vendu à l'étranger,
00:08:35puisque le marché aujourd'hui de la peinture impressionniste
00:08:39se trouve plutôt à Londres et surtout à New York.
00:08:42Donc, c'était plus intéressant, évidemment, de le vendre à l'étranger.
00:08:46Le Musée d'Orsay, le ministère de la Culture, a considéré que ce tableau était absolument majeur
00:08:51pour les collections publiques françaises, et que, voilà, s'il y avait
00:08:54quelques tableaux, un tableau à retenir de Caillebotte aujourd'hui
00:08:57pour enrichir les collections du Musée d'Orsay, c'était celui-là.
00:09:01Qui est, pour ceux qui ont vu aussi l'exposition, un tableau assez extraordinaire,
00:09:06qui prend place dans une série d'œuvres sur le thème du canotage,
00:09:10mais qui, au sein de cette série, est assez singulier, assez unique.
00:09:16Donc ça, c'était presque le point de départ.
00:09:19En 2022, nous avons pu faire l'acquisition de cette œuvre grâce au mécénat de LVMH,
00:09:25qui nous a permis de faire entrer l'œuvre dans les collections publiques.
00:09:28Et c'est au moment où on a su qu'on allait pouvoir faire cette acquisition
00:09:32que Christophe Lorigot, qui était directeur du Musée d'Orsay à l'époque,
00:09:35a décidé de vouloir programmer une grande exposition, Caillebotte, au Musée d'Orsay,
00:09:40pour célébrer cette acquisition, et pour dire à quel point elle est importante
00:09:45et pourquoi Caillebotte est un artiste majeur de la période Orsay.
00:09:50Donc il m'en a confié le commissariat, et à l'époque, nous n'avions pas encore
00:09:54de ce partenariat avec Los Angeles, le Getty Museum et Chicago,
00:09:59l'Art Institute de Chicago, qui sont arrivés après dans le projet.
00:10:03Et on a commencé à réfléchir sur le thème.
00:10:05Comment est-ce qu'on voulait présenter Caillebotte aujourd'hui, en 2024,
00:10:10à un public qui, pour une part, est familier de l'œuvre de Caillebotte,
00:10:16pour une part, va le découvrir au Musée d'Orsay avec cette exposition.
00:10:21Il me semblait qu'il était plus intéressant de ne pas faire une entre guillemets
00:10:27« simple rétrospective », c'est-à-dire de présenter toute l'œuvre,
00:10:31tous les thèmes traités par l'artiste, mais pour cette exposition,
00:10:35de se focaliser sur ce qui est, à mon sens, le cœur de son travail,
00:10:40en tout cas son inspiration majeure, l'inspiration qui guide
00:10:45ses compositions les plus importantes, les plus séchées d'œuvres, pour le dire vite.
00:10:50Et qui sont, si on le regarde, simplement regarder la couverture,
00:10:58c'est comme je le dis à chaque fois, c'est un peu le nez au milieu de la figure.
00:11:01En fait, Caillebotte peint essentiellement des figures masculines.
00:11:05Et en fait, sa vision de la modernité, puisque c'est bien ça dont il est question,
00:11:11quelle est la vision de la modernité selon Caillebotte ?
00:11:15Eh bien, la modernité, selon Caillebotte, elle est plutôt masculine.
00:11:19Elle s'incarne, en tout cas, dans des figures masculines.
00:11:21Ce qui n'est pas forcément le cas de tous les peintres modernes ou impressionnistes
00:11:25qui vont parfois plutôt, au contraire, privilégier des figures féminines.
00:11:30Si on pense à Édouard Manet, la modernité, pour Manet,
00:11:34elle s'incarne dans la figure d'une courtisane olympiaire, par exemple.
00:11:39Si on pense à Edgar Degas, la modernité, elle s'incarne dans la figure de la repasseuse
00:11:44ou dans la figure des danseuses.
00:11:46Si on regarde Renoir, c'est la femme dans la loge du théâtre
00:11:51ou c'est le nu féminin, etc.
00:11:54Et Caillebotte, lui, va, et avec beaucoup de constance,
00:11:58tout au long de sa carrière, explorer continuellement
00:12:02l'iconographie de l'homme moderne, tout au long de sa carrière,
00:12:06de ses tous débuts, puisqu'il prend d'abord pour sujet sa famille.
00:12:10Et donc, c'est plutôt ses frères, voilà, exactement.
00:12:12Ici, Martial et puis René, ces deux jeunes frères
00:12:15qui inspirent ses premières compositions les plus fortes,
00:12:18puisqu'il prend ses sujets vraiment autour de lui.
00:12:20Chez lui, d'ailleurs, c'est son hôtel particulier à Paris.
00:12:24Et puis ensuite, il sort dans la rue et puis il prend plutôt pour sujet les passants.
00:12:28Il y a des figures féminines dans la rue, mais comme on le voit
00:12:31dans les tableaux de Caillebotte, la rue, au 19e siècle, est plutôt un espace masculin.
00:12:35En tout cas, c'est comme ça que le représente Caillebotte aussi.
00:12:38Et puis voilà, tout au long de sa carrière, il va développer toute une iconographie.
00:12:43La question du sport, évidemment, qui est majeure.
00:12:46Caillebotte est celui qui va introduire dans la teinture la figure du sportif, du canotier,
00:12:51notamment des régates aussi, que Monet ou Renoir avait traité,
00:12:55mais plutôt sous l'aspect du paysage.
00:12:57Vous avez des bateaux, des barques qui passent sur la scène
00:13:01dans les tableaux de Monet et de Renoir, mais ce n'est pas la figure qui les intéresse vraiment.
00:13:04Caillebotte, lui, il s'attarde vraiment en détail sur la figure du canotier.
00:13:09Et puis aussi la figure de l'ouvrier, du travailleur, avec les raboteurs, par exemple, évidemment.
00:13:15Là encore, quelque chose d'assez différent de ce que font les autres impressionnistes à ce moment-là.
00:13:19Je parlais de deux gars et des repasseuses.
00:13:22Et puis, jusqu'à aller dans cette exploration de la figure masculine qui n'appartient qu'à lui,
00:13:29jusqu'à l'intimité la plus complète, c'est-à-dire la salle de bain.
00:13:35L'homme dans le nu masculin, après le bain, qui est aussi une particularité de l'œuvre de Caillebotte.
00:13:44Aucun autre peintre impressionniste n'a peint le nu masculin.
00:13:48Ce sont des œuvres assez exceptionnelles, si vous avez vu l'exposition, qui sont très frappantes.
00:13:54Il nous semblait que c'était un thème qui permettait à la fois de mettre en valeur ce que Caillebotte a apporté
00:14:03de différent par rapport à ses amis impressionnistes, et donc de mettre en valeur sa singularité, vraiment.
00:14:13Et puis, d'interroger ces tableaux, aussi c'est vrai, avec des outils qui sont ce qu'on appelle les études de genre.
00:14:20Alors, ça fait un petit peu peur quand on en place ces mots.
00:14:23Parfois, ce sont, comme on a vu peut-être dans certains articles de la presse,
00:14:27une vision qui est parfois un peu réductrice ou un peu caricaturale de ce que sont les études de genre.
00:14:32Les études de genre, pour le dire de manière très simple, c'est simplement s'interroger sur la question du masculin, du féminin,
00:14:42du rapport entre les sexes, entre les hommes et les femmes, dans les sociétés du passé.
00:14:49Et la connaissance de ce contexte-là, quelle était la place des femmes au XIXe siècle, quelle était la place des hommes,
00:14:57qu'est-ce qu'on attend d'une femme au XIXe siècle, qu'est-ce qu'on attend d'un homme,
00:15:01comment on les représente, pourquoi on les représente de cette manière-là.
00:15:05Tout ça était, pour ce thème, il me semblait assez logique d'utiliser ces outils de l'histoire de l'art,
00:15:13qui ne sont pas des outils neufs.
00:15:15Les études de genre, c'est quelque chose qui a 30-40 ans maintenant.
00:15:19Alors, c'est vrai qu'il a été beaucoup porté par les Anglo-Saxons, et pas que les Américains.
00:15:24D'ailleurs, je veux le préciser, parce qu'une grande partie des auteurs que l'on qualifie,
00:15:29ou que l'on met sous la sphère d'influence américaine, il y a beaucoup d'Anglais, par exemple.
00:15:35Dans notre catalogue, le texte qui parle précisément de ces sujets-là, notamment du nu masculin,
00:15:42est rédigé par un Américain et un Allemand.
00:15:44Certaines des grandes historiennes de l'art féministe qui se sont emparées un peu de ces sujets,
00:15:50pour certaines, sont sud-africaines ou australiennes.
00:15:54Donc voilà, c'est plus large qu'on ne le pense.
00:15:58On va dire plutôt Anglo-Saxon, alors, le nom d'Anglo-Saxon,
00:16:01qui a beaucoup est aimé en Europe et en France aussi.
00:16:03Et aujourd'hui, ce regard-là, on le porte aussi sur les œuvres.
00:16:06Oui, et puis voilà, personnellement, comme je le disais, c'est un thème qui est d'abord venu du Musée d'Orsay.
00:16:11Après, ensuite, le Getty et Chicago ont été très heureux de rejoindre le projet.
00:16:15On a travaillé ensuite vraiment ensemble, notamment pour faire le sommaire du catalogue,
00:16:19réfléchir aux sections de l'exposition, se demander quelles œuvres on allait demander dans le monde entier.
00:16:25Mais le thème principal, c'est ça qui vient plutôt du musée.
00:16:28Et voilà, moi, personnellement, j'appartiens aussi à une génération d'historiens de l'art
00:16:33qui s'est formée, on va dire, dans les années 2000.
00:16:38Et j'ai fait mes études à l'École du Louvre dans les années 2000 et à l'université.
00:16:45Et voilà, c'est considéré, en tout cas pour ma génération, comme un acquis aussi de l'histoire de l'art,
00:16:51une manière de piocher dans un certain nombre de disciplines, d'outils, pour interroger les représentations.
00:16:57On peut aussi convenir que chaque génération redécouvre les œuvres et porte un regard neuf
00:17:02en fonction de son histoire et de la sociabilité du monde qui nous entoure.
00:17:06Absolument, et je crois d'ailleurs que c'est peut-être là qu'il y a peut-être eu un peu une incompréhension,
00:17:11en tout cas, je ne dirais pas une déception, mais une frustration de certains visiteurs,
00:17:16de certains journalistes ou lecteurs qui ont aussi, eux, grandi, ou en tout cas appréhendé l'œuvre de Caillebotte
00:17:25avec un certain regard, des certaines lunettes qui sont liées aussi à leur temps, à leur époque.
00:17:33Et par exemple, pendant un moment, il était très important, quand on parlait de Caillebotte,
00:17:38de parler de Paris, de l'haussomanisation, de la ville moderne.
00:17:44C'était une manière d'aborder la peinture de Caillebotte qui était très récurrente.
00:17:49Un autre aspect qui revient souvent parfois chez les visiteurs, de questions,
00:17:53c'est autour du rapport entre Caillebotte et la photographie.
00:17:57Et ça, c'est aussi parce qu'on a longtemps regardé l'œuvre de Caillebotte sous cet angle du regard photographique.
00:18:04Non pas que l'exposition met ces aspects de côté, ils sont présents, on en parle dans l'exposition,
00:18:11mais on a choisi de mettre l'accent sur une approche qui nous semblait un peu différente, un peu nouvelle,
00:18:20pour réactualiser cette peinture.
00:18:25Si vous voulez bien, moi j'aimerais quand même qu'on parle un petit peu de ses origines
00:18:29et justement de cette fratrie dans laquelle il est né.
00:18:31Parce que je pense que ça, c'est aussi un déclencheur assez fort.
00:18:35Les premiers sujets sont ses frères, comme vous l'avez dit.
00:18:39Il me semble qu'un mot phare de toute son existence, ça pourrait être la fraternité.
00:18:47Et la liberté aussi, on va y venir.
00:18:49Et elle marche de pair, en fait, il me semble.
00:18:51Oui, et d'ailleurs je dirais même liberté, égalité, fraternité.
00:18:55Je crois que, d'ailleurs c'est très à propos,
00:18:59parce que Caillebotte commence sa carrière d'artiste sous la Troisième République.
00:19:03Donc à partir de, en gros, 1870.
00:19:05Troisième République qui va progressivement justement affirmer cette triade de valeurs importantes.
00:19:13Et je crois que Caillebotte, son œuvre est assez emblématique de ces trois valeurs,
00:19:20de la liberté, de l'égalité, de la fraternité.
00:19:23Lui-même était probablement, sans qu'on connaisse très bien ses opinions politiques,
00:19:27il ne s'est jamais vraiment exprimé sur le sujet.
00:19:29On ne lui connaît pas d'engagement politique particulier.
00:19:32Mais il était probablement républicain, en tout cas.
00:19:35Et son œuvre, voilà, elle fait écho à ses notions, à ses valeurs.
00:19:41La liberté d'abord, qui est celle qu'il a choisi de devenir artiste.
00:19:45Et donc là, entre guillemets, d'échapper un peu à son milieu familial.
00:19:50Il y a beaucoup d'artistes dans la famille Caillebotte.
00:19:53Il vient donc d'une...
00:19:55Donc son père est entrepreneur et a fait fortune en étant fournisseur de lits et de draps aux armées.
00:20:04Et donc il a, notamment sous la monarchie de Juillet et le Second Empire,
00:20:08eu des contrats très très importants avec l'État, avec l'armée française.
00:20:13Et donc c'est comme ça, en fait, en une génération que la famille Caillebotte est devenue une famille très riche.
00:20:19Grâce à cette figure paternelle, Martial Caillebotte, qui meurt d'ailleurs très tôt
00:20:24et que Caillebotte ne représentera jamais dans sa peinture.
00:20:27Et puis, donc voilà, cette famille, il y a quatre frères, de plusieurs mariages d'ailleurs,
00:20:34puisque le père de Caillebotte se remarie trois fois.
00:20:38Une première fois, il a un premier fils, Alfred, qui va devenir prêtre,
00:20:43qui sera le curé de Notre-Dame-de-Lorette.
00:20:46Il a une deuxième épouse, mais qui meurt très jeune.
00:20:49Avec laquelle il n'aura pas d'enfant.
00:20:51Avec laquelle il n'a pas d'enfant.
00:20:52Et puis la troisième, donc Céleste, qui est dans l'exposition, on en a son portrait,
00:20:56avec lequel il a trois fils.
00:20:58Donc Gustave, qui est l'aîné, ensuite René et Martial, c'est ça.
00:21:04Donc Caillebotte, voilà, grandit dans cette fratrie de quatre frères,
00:21:08avec cette figure paternelle très forte, évidemment, qui a construit la fortune familiale,
00:21:13qui a même construit, on pourrait dire, l'hôtel particulier dans lequel la famille vit.
00:21:18Puisque c'est grâce à la fortune familiale qu'il achète un terrain, rue de Miroménile,
00:21:22pour faire bâtir un hôtel particulier, dans lequel la famille s'installe à la fin des années 1860.
00:21:28Et en fait, avec cet argent, le père d'Ephraim Caillebotte, en gros, achète une rue,
00:21:37la rue des Deux-Gares, qui est entre la gare de l'Est et la gare du Nord.
00:21:41Et tous les loyers des immeubles de cette rue vont ensuite constituer la rente de cette famille
00:21:48et d'Ephraim Caillebotte pendant toute leur vie.
00:21:51Moi, ce que je trouve assez fabuleux, c'est que c'est un jeune homme qui naît dans une famille bourgeoise,
00:21:55de la grande bourgeoisie, avec un père qui, en effet, est un symbole de réussite entrepreneuriale,
00:22:01sociale, financière, on va lui remettre la Légion d'honneur,
00:22:05il a des obsèques absolument mirobolants, si j'ose dire.
00:22:11Le frère aîné, Alfred, est souvent surnommé le prêtre le plus riche de Paris.
00:22:15Et voilà un homme qui donne une grande liberté à ses fils,
00:22:19c'est-à-dire qu'aucun des fils ne va reproduire le schéma paternel,
00:22:23qui n'a pas été très heureux en mariage, puisqu'il a effectivement perdu deux femmes très jeunes.
00:22:28Aucun des frères ne se mariera, le prêtre, ça va de soi.
00:22:33Les trois autres frères ne correspondent absolument pas au modèle bourgeois de l'époque,
00:22:38qui encouragent vivement et à la congéalité et à la paternité.
00:22:43Ce sont trois frères célibataires qui vont vivre ensemble.
00:22:46Et donc il y a déjà ce cercle, en fait j'ai l'impression qu'Aigot vit beaucoup dans des cercles,
00:22:50le cercle des frères, puis le cercle des amis, puis le cercle des impressionnistes,
00:22:54puis le cercle de la voile de Paris, puisque vous l'avez dit tout à l'heure,
00:22:57c'est un navigateur émérite, il aura même un chantier naval, il va dessiner, construire des bateaux,
00:23:03il a appelé un de ses bateaux le Rose Beef, j'ai trouvé ça très drôle, preuve qu'il a de l'humour.
00:23:07C'est un homme qui vit dans des cercles masculins, et à qui je pense qu'on a quand même donné,
00:23:14au berceau presque, à lui et à ses frères, une très grande liberté.
00:23:18Et ça déjà, de la part de Marcial Caillebotte, c'est extrêmement moderne, je trouve.
00:23:23Oui, c'est vrai. Ils font tous quand même des études de droit jusqu'à la licence,
00:23:27et puis après ils ont le droit de faire autre chose.
00:23:30Mais il y a quand même cette étape-là.
00:23:33Mais en effet, c'est vrai qu'après, Marcial rentre au conservatoire, devient pianiste, compositeur amateur,
00:23:40et puis Caillebotte rentre dans l'atelier de Léon Bonnat, puis à l'école des Beaux-Arts,
00:23:45où il passe quelques mois, donc il y a une forme de libéralisme dans cette approche de la carrière de leur fils.
00:23:53Il sait aussi que leur fils n'aura pas besoin de travailler pour vivre,
00:23:57donc il a assuré à sa famille cette rente qui fait qu'ils auront la liberté de faire ce qu'ils veulent.
00:24:04Mais c'est vrai que c'est une démarche assez nouvelle.
00:24:07Alors là, il y a une particularité aussi, c'est que Marcial Caillebotte n'attend pas
00:24:13que ses fils reprennent l'entreprise familiale parce qu'il l'a vendue.
00:24:17Donc il a vendu ses parts, il a vendu l'entreprise familiale,
00:24:21et avec l'argent, il a investi dans l'immobilier parisien pour constituer cette rente.
00:24:25Ensuite, il laisse à ses fils cette liberté qui est, à mon avis, intéressante aussi
00:24:31parce qu'elle dit probablement que la génération du père a constitué le capital économique, financier,
00:24:41et il laisse à la génération suivante le fait de constituer le capital culturel,
00:24:45c'est-à-dire cette fois de développer la relation avec les artistes,
00:24:49d'être ce capital culturel, peut-être que sa génération à lui ou de ses parents n'avait pas.
00:24:57Marcial Caillebotte ne collectionne pas la peinture, il n'y a pas vraiment de collection d'art chez eux.
00:25:03Donc on sent qu'il passe ce flambeau-là à la génération suivante et il l'encourage.
00:25:09Alors tour entier qu'il est, Caillebotte déteste l'oisiveté,
00:25:13et on va voir à travers le catalogue et à travers son oeuvre que c'est un homme extrêmement actif.
00:25:18Et d'une très très grande générosité, c'est-à-dire il est très conscient de la chance de sa naissance
00:25:24et il va vraiment en faire profiter ses amis.
00:25:26Et ça je trouve que c'est un des traits de caractère assez merveilleux qu'il développe.
00:25:32Et on va le voir en particulier auprès du cercle des impressionnistes.
00:25:35Et j'aimerais bien qu'on voit ensemble, que vous nous racontiez comment il est arrivé chez ces impressionnistes
00:25:40puisque ses débuts en peinture, avec justement ce célébrissime et magnifique tableau des Ramoteurs de Le Parquet,
00:25:45dont vous montrez d'ailleurs toutes les esquisses préparatoires, les dessins, ça c'est toujours magnifique je trouve.
00:25:50On a l'impression vraiment d'être au-dessus de son épaule et là dans son atelier, ça c'est génial, dans les expositions.
00:25:55Donc on va voir qu'il peint aussi d'autres milieux que le sien.
00:26:00Et ça aussi c'est très moderne.
00:26:02Mais ce tableau est un peu maudit au départ, puisqu'il est refusé au salon.
00:26:06Et voilà, comment est-ce qu'il arrive auprès des impressionnistes ?
00:26:10C'est un tableau qui résume beaucoup de choses, les Ramoteurs de Le Parquet.
00:26:13D'abord sur cette question du travail que vous avez évoqué.
00:26:16Cette sorte d'éthique du travail, qui a peut-être été justement passée par son père,
00:26:21et que Caillebotte reprend à son compte.
00:26:24Par exemple, il va faire très attention toute sa vie à être considéré comme un peintre professionnel,
00:26:30et non pas comme un amateur.
00:26:32Alors que beaucoup par exemple de critiques d'art qui vont commenter son travail,
00:26:35vont un peu avoir tendance à essayer de le mettre dans la case du peintre du bourgeois,
00:26:41peintre du dimanche, dilettante.
00:26:43Et lui il va toujours essayer de prouver presque qu'il est un peintre professionnel.
00:26:49D'ailleurs dans les documents d'état civil que l'on a de Caillebotte,
00:26:53il se déclare toujours comme artiste peintre.
00:26:56Alors que par exemple ses frères écrivent rentier.
00:26:59Donc voilà, on voit bien que lui ne se déclare jamais comme rentier.
00:27:03Il se déclare toujours comme artiste peintre.
00:27:05Et ça montre vraiment son...
00:27:07Voilà, il veut être considéré comme un artiste à part entière,
00:27:09et pas comme un dilettante ou un amateur.
00:27:12Donc cette question du travail, elle est là.
00:27:15Donc le fait même de choisir de représenter des travailleurs,
00:27:18avec les raboteurs qui est son premier tableau un peu manifeste,
00:27:22elle est probablement liée à sa propre identité.
00:27:24C'est-à-dire de vouloir montrer des gens au travail, un travail manuel.
00:27:28Des gens qui sont en train de faire presque une oeuvre, des artisans.
00:27:35Ça évidemment renvoie à son propre travail,
00:27:38la manière dont lui peint les lattes de ce parquet,
00:27:41le travail des mains qui est très important ici.
00:27:44Tout ça renvoie presque aux gestes du peintre et de l'artiste.
00:27:47Donc c'est très important pour lui.
00:27:49Et puis après, il y a cette identification possible avec des hommes d'un autre milieu.
00:27:54Et ça, c'est le côté égalité, de liberté, égalité, fraternité.
00:27:59Caillebotte dira à un moment donné qu'il méprise les distinctions sociales,
00:28:04alors c'est facile à dire quand on est rentier et dans sa position, évidemment.
00:28:08Mais néanmoins, c'est quelque chose qui revient très souvent.
00:28:12Et ça revient dans sa peinture.
00:28:14C'est-à-dire le fait de choisir pour premier grand tableau manifeste,
00:28:18de montrer le travail et de montrer des hommes qui sont méprisés à l'époque,
00:28:23dont l'activité est méprisée par le monde de l'art,
00:28:26par le monde de la culture et du salon.
00:28:29C'est un geste très fort.
00:28:31Et il le refera à d'autres reprises.
00:28:34Par exemple, si vous pensez à ces compositions de Ruck,
00:28:37le Pont de l'Europe, par exemple, les deux versions du Pont de l'Europe,
00:28:40vous avez parmi les figures de flâneurs à la fois un bourgeois et un ouvrier ou un travailleur.
00:28:47Donc il fait attention, là aussi, à mettre en valeur cette figure-là
00:28:50et à les mettre sur le même plan.
00:28:52Il n'y a pas le travailleur qui marche dans la rue pour travailler ou pour aller à un endroit,
00:28:58et le bourgeois qui lui flâne dans Paris.
00:29:01Celui qui est accoudé sur le Pont de l'Europe dans une pause de mélancolie,
00:29:06qui est en train de rêver un peu en regardant quelque chose qui se passe sur les voies de la gare Saint-Nazaire,
00:29:13c'est l'ouvrier.
00:29:14Donc ça aussi, c'est vraiment une manière pour Caillebotte
00:29:16de signifier cette égalité sociale dans l'espace urbain.
00:29:22Et puis, pour répondre à votre dernière question,
00:29:25dernier point, c'est le tableau qui signe l'entrée de Caillebotte dans le groupe Impressionniste.
00:29:30Puisque Caillebotte le peint en 1875, il destine ce tableau au Salon,
00:29:36donc la grande exposition officielle de beaux-arts qui a lieu chaque année,
00:29:40et où il veut faire ses preuves, être connu.
00:29:44D'ailleurs, si vous regardez la taille de la signature de Caillebotte sur ce tableau,
00:29:48elle est assez énorme.
00:29:50On voit bien que personne ne connaît Caillebotte à ce moment-là,
00:29:53le nom de Caillebotte ne dit rien à personne,
00:29:55et donc il fait un grand tableau avec une grande signature pour dire qui il est et se faire connaître.
00:30:01Il est sans doute peut-être un peu naïf de penser que ce tableau va être accepté par le jury du Salon.
00:30:07En tout cas, cet espoir est déçu, puisque le jury refuse la toile à l'exposition.
00:30:15On n'a pas de procès-verbal dans ces séances du jury, donc on ne sait pas pourquoi,
00:30:20mais on peut imaginer que c'est lié au sujet d'avoir un si grand tableau
00:30:24dédié à ce que je disais tout à l'heure, à un métier si peu noble et considéré comme presque vil,
00:30:32et même quelque chose comme la laideur des types, c'est ce que dit la critique de cette époque.
00:30:39Quand le tableau est montré ensuite avec les Impressionnistes,
00:30:42il y a des critiques qui disent « Oui, on a compris, vous voulez montrer le travail,
00:30:47vous voulez faire une œuvre moderne, mais vous auriez pu quand même choisir des modèles
00:30:50qui soient un peu plus beaux que ceux que vous avez choisis là. »
00:30:53Oui, les corps sont décharnés, ce sont des gens du peuple qui ne mangent sans doute pas tous les jours à leur faim,
00:30:57et ça, ça ne se montre pas du tout.
00:30:59Non, ces décors, on voit chez Caillebotte, comme dans tous ces tableaux, ce souci de la vérité,
00:31:06de montrer les choses telles qu'elles sont.
00:31:08Jamais il n'enjolive, jamais il n'embellit les choses,
00:31:11il les magnifie, si l'on veut, par le cadrage, par la composition,
00:31:15par l'intérêt qu'ils portent à ces sujets, mais il les montre dans leur vérité.
00:31:21Et là, précisément, ce sont des corps d'hommes qui ne correspondent pas aux canons de beauté masculin du XIXe siècle.
00:31:29On parle beaucoup des canons de beauté féminin au XIXe siècle,
00:31:31comment les femmes avaient des injonctions particulièrement fortes,
00:31:37avec tous ces tableaux académiques de Vénus, etc.,
00:31:41qui diffusaient un certain idéal féminin extrêmement idéalisé,
00:31:47mais c'était la même chose pour le corps des hommes aussi.
00:31:49Et ces corps-là, par exemple, ne correspondent pas à la stature gréco-romaine,
00:31:54à des athlètes de l'Antiquité, comme on les voit dans la peinture à cette époque.
00:31:58Donc le tableau est refusé pour différents mobiles.
00:32:04Et Caillebotte est évidemment très meurtri de ce refus,
00:32:08et donc il choisit de rejoindre l'année suivante le groupe des Impressionnistes,
00:32:13qu'il lui propose de venir exposer avec eux.
00:32:16Et il accepte, et il expose ce tableau en 1876,
00:32:20qui est la date où il rejoint le groupe Impressionniste.
00:32:24Et c'est une autre date importante, on y apparaît peut-être, au sujet du lagué.
00:32:29On va en parler absolument, parce qu'au sein de ce groupe Impressionniste,
00:32:32on pense qu'il a des admirations très fortes et des influences,
00:32:35même si on ne les décède pas forcément dans sa peinture.
00:32:39Mais je crois savoir qu'il a une admiration très forte pour Degas, évidemment,
00:32:43pour Monet, pour Renoir, avec lesquels il va lier aussi des amitiés très fortes,
00:32:49même s'il se brûlera avec Degas, qui lui aura un autre sens de l'égalité,
00:32:54puisqu'il osera lui dire quelque chose, comme vous recevez ces gens-là chez vous,
00:32:59ce qui le rend tout à coup très antipathique.
00:33:02Degas n'est pas très sympathique.
00:33:04Degas n'est pas très sympathique, non. En tout cas, là, il le prouve.
00:33:07Ce que je trouve très intéressant chez Caillebotte,
00:33:10quand il rentre dans ce nouveau cercle masculin des Impressionnistes,
00:33:13même s'il y a deux, on peut peut-être faire une petite parenthèse,
00:33:16sur les femmes peintres dans le groupe des Impressionnistes,
00:33:19je pense évidemment à Berthe Morisot et à Marie Cassatt,
00:33:23peintres qu'il ne collectionnera pas, dont il n'achètera aucune oeuvre,
00:33:28ça ne dit pas qu'il est mésogyne, ce sont ses choix, ses goûts,
00:33:33mais il les défendra toujours.
00:33:35Il insistera toujours pour qu'elles soient présentes aux différentes expositions.
00:33:38Et en fait, s'inscrivant dans ce groupe, en tant que peintre, bien sûr,
00:33:42il va très vite s'imposer un peu comme le leader du mouvement.
00:33:46Comment est-ce qu'on peut expliquer ou comprendre ça ?
00:33:49Oui, c'est assez extraordinaire.
00:33:51Caillebotte rentre dans le mouvement Impressionniste en 1876
00:33:55et en quelques mois, il devient quasiment le membre le plus actif du groupe,
00:34:00celui qui fait vraiment la cohésion du groupe,
00:34:04qui organise l'exposition l'année suivante, 1877,
00:34:08qui essaie régulièrement de maintenir, de souder ce groupe.
00:34:12En fait, il se sent, je pense, investi d'une sorte de mission.
00:34:16Il est à la fois peintre dans ce groupe,
00:34:18mais il est investi dans cette mission de défendre la peinture moderne,
00:34:22la cause, il parle lui de cause, la cause de l'impressionnisme,
00:34:26qui, à cette époque-là, est une cause,
00:34:29puisque, évidemment, c'est un mouvement qui est encore largement critiqué,
00:34:33méprisé aussi.
00:34:35Dès 1876, il achète des tableaux à ses amis,
00:34:40avec son argent, il peut soutenir ses amis en difficulté.
00:34:46C'est là où, justement, peut-être que ça explique
00:34:49pourquoi il n'a pas acheté à Berthe Morisot et Marie Cassette.
00:34:52Berthe Morisot et Marie Cassette, comme Caillebotte,
00:34:54n'ont pas besoin de vendre leur peinture.
00:34:57Moi, je pense que c'est la raison.
00:34:58Donc, ça peut être une raison.
00:34:59Moi, j'ai envie de l'entendre comme ça.
00:35:01Mais ce n'est pas tout à fait...
00:35:03Complètement sûr.
00:35:05C'est-à-dire que c'est vrai, et en même temps,
00:35:07ça n'excuse pas le fait qu'il n'ait pas cherché
00:35:10à intégrer des œuvres de ses femmes dans sa collection,
00:35:13sachant qu'il destinait sa collection un jour au musée.
00:35:16Donc, c'est là la difficulté.
00:35:17C'est qu'il savait qu'il constituait sa collection pour aider ses amis.
00:35:22Donc, il achète beaucoup, notamment à Monet, Pissarro et Renoir et Sisley,
00:35:26qui sont ceux qui ont le plus de difficultés financières à ce moment-là.
00:35:30C'est un peu moins le cas de Degas.
00:35:32Il achète plutôt des Degas, vraiment,
00:35:34parce qu'il aime beaucoup l'art de Degas.
00:35:37Il achète des tableaux de Manet après la mort de Manet.
00:35:41Donc, ce n'est pas pour le soutenir particulièrement financièrement.
00:35:44Mais parce qu'il sait qu'il a besoin, dans sa collection d'œuvres de Manet,
00:35:48il achète le balcon à la vente après l'essai de Manet,
00:35:51parce qu'il lui faut un grand Manet dans sa collection,
00:35:54parce qu'il sait que cette collection, un jour, ira au musée.
00:35:57Donc, c'est là où, malheureusement, on se dit,
00:35:59mais est-ce qu'il pensait que Bert Morisot et Marie Cassatt
00:36:02rentreraient dans les collections autrement que par son leg ?
00:36:05Voilà.
00:36:06C'est plus ambiguë.
00:36:09Alors, malgré qu'il ait en effet soutenu ses deux femmes,
00:36:13au sens où, par exemple, il écrit parfois à des critiques d'art
00:36:17qui ont fait des commentaires sur les expositions impressionnistes
00:36:22et qui n'ont pas parlé de Bert Morisot et Marie Cassatt.
00:36:25Et il leur écrit après en leur disant,
00:36:28n'oubliez pas de parler de Bert Morisot et Marie Cassatt
00:36:31qui sont des peintres de talent, ne les oubliez pas.
00:36:34Donc, voilà.
00:36:36Donc, il achète en effet des peintures.
00:36:38Il organise des expositions.
00:36:40Et il se démène vraiment pour conserver une sorte de cohésion au groupe
00:36:44pour que celui-ci vive le plus longtemps possible.
00:36:47Et voilà.
00:36:48L'éclatement du groupe impressionniste autour de 1879-80
00:36:52et dans les années suivantes doit être,
00:36:54pour lui d'ailleurs, très difficile à vivre
00:36:57tellement il s'est investi dans ce groupe.
00:37:01Il s'est investi tellement dans ce groupe
00:37:03qu'il va faire quelque chose d'absolument inédit
00:37:05et assez incroyable.
00:37:06Et même encore aujourd'hui,
00:37:07même si aujourd'hui on connaît le mécénat, etc.
00:37:09Ça paraît fou.
00:37:10Surtout qu'il n'a que 28 ans quand il rédige son testament.
00:37:15Alors, il le rédige deux jours après le décès de son frère René
00:37:19qui meurt brutalement à 26 ans
00:37:20dans des circonstances qui restent un peu mystérieuses.
00:37:22Mais on a compris que Détroit, le plus rentier, c'était lui.
00:37:25Et on a compris qu'il menait une vie indissolue
00:37:27et qu'il ne nous a pas permis de vivre très vieux.
00:37:29Est-ce que vous accepteriez, ce n'est pas très long,
00:37:32de nous lire le texte de ce lec qui date du 3 novembre 1876
00:37:35parce que c'est un très beau texte d'abord.
00:37:37Puis parce que ça dit beaucoup de choses de Caillebotte.
00:37:39Oui, oui, volontiers.
00:37:40J'aime beaucoup ce texte qu'on a fait reproduire,
00:37:43qu'on a transcrit dans le livre
00:37:45sur la collection de Caillebotte et son leg à l'État.
00:37:49Et donc, comme je vous disais,
00:37:50on vous dit qu'il a écrit quelques jours
00:37:52après la mort de son jeune frère.
00:37:55Et donc, lui a 28 ans quand il écrit ce testament.
00:37:59On est donc en 1876, en novembre 1876.
00:38:03Il a exposé pour la première fois
00:38:05avec les impressionnistes au mois d'avril ou mars 1876.
00:38:10Et il commence à acheter des tableaux aux impressionnistes,
00:38:13probablement en 1876.
00:38:16Quelques mois auparavant.
00:38:18Je vous lis son texte.
00:38:19« Je désire qu'il soit pris sur ma succession
00:38:22la somme nécessaire pour faire en 1878,
00:38:25dans les meilleures conditions possibles,
00:38:27l'exposition des peintres dits intransigeants ou impressionnistes.
00:38:31Il m'est assez difficile d'évaluer aujourd'hui cette somme
00:38:34elle peut s'élever à 30, 40 000 francs ou même plus.
00:38:37Les peintres qui figureront dans cette exposition
00:38:40sont Degas, Monet, Pissarro, Renoir, Cézanne, Sisley, Mademoiselle Morisot.
00:38:47Je nomme cela sans exclure les autres.
00:38:50Deuxième disposition.
00:38:52Je donne à l'État les tableaux que je possède.
00:38:55Seulement, quand je veux que ce don soit accepté
00:38:58et le soit de telle façon que ces tableaux n'aillent
00:39:00ni dans un grenier, ni dans un musée de province,
00:39:03Kaibot est né à Paris, il est très parisien
00:39:06donc il est un peu méprisant avec la province,
00:39:08ni dans un musée de province mais bien au Luxembourg,
00:39:11le musée du Luxembourg,
00:39:13et plus tard au Louvre,
00:39:15il est nécessaire qu'il s'écoule un temps
00:39:17avant l'exécution de cette clause
00:39:19jusqu'à ce que le public, je ne dis pas comprenne,
00:39:22mais admette cette peinture.
00:39:24Ce temps peut être de 20 ans ou plus.
00:39:26En attendant, mon frère Martial
00:39:28et à son défaut un autre de mes héritiers
00:39:30les conserveront.
00:39:32Et dernière disposition,
00:39:34je prie Renoir d'être mon exécuteur testamentaire
00:39:37et de bien vouloir accepter un tableau qu'il choisira.
00:39:40Mes héritiers insisteront pour qu'il en prenne un important.
00:39:43Voilà, fait à Paris, le 3 novembre 1876.
00:39:47C'est quand même un très jeune homme
00:39:49qui a écrit ce texte, il a 28 ans,
00:39:51à l'évidence il est choqué par le décès de son frère,
00:39:54lui-même disant je veux qu'une somme soit réservée
00:39:56pour l'exposition 1878
00:39:58comme si possiblement il allait mourir
00:40:00dans les deux ans qui viennent.
00:40:02La générosité dont il fait preuve,
00:40:05la détermination aussi de léguer à l'État
00:40:08et de faire un musée, jamais je pense
00:40:10il n'aurait rêvé de voir un jour
00:40:12le musée d'Orsay où vous œuvrez
00:40:14avec tellement de talent, Paul Perrin,
00:40:16je pense que l'écran est sublime pour lui,
00:40:18pour ses camarades,
00:40:20c'est impressionnant quand même ce texte
00:40:22et cette détermination.
00:40:24Il serait peut-être déçu de voir que les hommes
00:40:26ne sont pas au Louvre mais au musée d'Orsay,
00:40:28c'est possible.
00:40:30Il est déjà l'égard, il n'a pas la guerre Saint-Lazare.
00:40:32C'est vrai, c'est absolument exceptionnel
00:40:34cette disposition, ce testament,
00:40:36il n'y a pas d'équivalent
00:40:38dans l'histoire des collections en France
00:40:40d'une telle disposition.
00:40:42Jusqu'alors,
00:40:44le musée d'art contemporain au XIXe siècle
00:40:46c'est le musée du Luxembourg
00:40:48et c'est un musée qui est constitué
00:40:50d'achats et de commandes de l'État,
00:40:52de l'administration,
00:40:54il n'y a quasiment pas de dons privés
00:40:56et encore moins de collections entières
00:40:58constituées par un collectionneur
00:41:00d'art moderne
00:41:02qui donnerait sa collection à l'État.
00:41:04Il y a des collections importantes
00:41:06qui sont données au musée,
00:41:08généralement c'est des collections d'art
00:41:10anciens qui sont données au Louvre
00:41:12mais une collection d'art contemporain
00:41:14donnée au musée d'art contemporain,
00:41:16il n'y a pas d'équivalent à l'époque.
00:41:18C'est ce qui va provoquer toute la discussion
00:41:20sur comment accepter
00:41:22cette donation parce que
00:41:24c'est totalement inédit.
00:41:26Ce qui est assez fou
00:41:28quand on lit ça,
00:41:30de voir ce jeune homme de 28 ans
00:41:32qui en 1876, l'impressionnisme
00:41:34n'a que deux ans d'existence,
00:41:36est déjà en train d'imaginer
00:41:38que cette liste de noms
00:41:40doit un jour figurer au Louvre,
00:41:42c'est d'une pression
00:41:44incroyable
00:41:46et cette manière qu'il a
00:41:48de choisir cette bande
00:41:50d'amis-là, de participer de ce groupe-là,
00:41:52de les collectionner
00:41:54et de dire que ces artistes-là
00:41:56à son époque doivent un jour
00:41:58entrer au musée,
00:42:00c'est exceptionnel.
00:42:02On lira avec beaucoup d'intérêt ce livre
00:42:04que vous publiez aussi,
00:42:06Musée d'Orsay, édition Hazan.
00:42:08Je tiens à signaler que c'est une coédition avec l'édition Hazan.
00:42:10Caillebotte et les impressionnistes, histoire d'une collection
00:42:12parce qu'on verra que ce leg et cette collection
00:42:14aura une destinée pas si évidente que ça
00:42:16et ça paraît fou, évidemment,
00:42:18aujourd'hui, en 2024, de se dire que les impressionnistes
00:42:20comme il le dit déjà dans son livre,
00:42:22on va laisser une vingtaine d'années au public
00:42:24le temps peut-être non pas de comprendre
00:42:26mais d'admettre que cette peinture existe.
00:42:28Evidemment, vu d'ici, c'est...
00:42:30Comme il est mort à peu près
00:42:3220 ans plus tard, ça a eu le temps
00:42:34de...
00:42:36d'être exaucé et quand il meurt
00:42:38en 1894,
00:42:40une grande partie du public
00:42:42admet cette peinture, tout le monde ne la comprend pas
00:42:44donc on est à peu près dans ce qu'il avait
00:42:46imaginé, mais évidemment ça va
00:42:48provoquer un certain nombre de questionnements.
00:42:50Je voulais juste dire, je suis très heureux
00:42:52qu'on ait publié cet ouvrage.
00:42:54C'est la première fois
00:42:56que le Musée d'Orsay publie
00:42:58un ouvrage sur la collection Kaibot
00:43:00sur son leg à l'état
00:43:02qui a été fait
00:43:04en 1876,
00:43:06qui a été rendu effectif
00:43:08dans les années 1890
00:43:10et il a fallu attendre 2024
00:43:12pour avoir enfin un ouvrage
00:43:14de référence sur Kaibot collectionneur
00:43:16et donateur et je suis vraiment très heureux qu'on ait
00:43:18pu faire ce livre, merci
00:43:20Marc.
00:43:22Et je voulais juste préciser aussi
00:43:24il y a deux ouvrages
00:43:26on n'a pas voulu traiter les
00:43:28deux sujets dans le même livre
00:43:30parce que c'est deux sujets
00:43:32importants qui méritent chacun
00:43:34leur propre publication et de la même
00:43:36manière dans l'exposition, on a choisi
00:43:38de ne pas évoquer la figure de Kaibot
00:43:40mécène, amie des impressionnistes
00:43:42collectionneur donateur dans l'exposition
00:43:44parce que souvent
00:43:46elle a un peu
00:43:48éclipsé le peintre
00:43:50donc on voulait qu'il laisse son moment
00:43:52dans les galeries d'exposition
00:43:54du musée d'Orsay, vraiment pour sa peinture
00:43:56et qu'on regarde sa peinture
00:43:58sans comparer son travail avec celui
00:44:00des autres, sans penser à cette action
00:44:02là et par contre dans les collections
00:44:04permanentes du musée d'Orsay, donc au cinquième étage
00:44:06dans la galerie impressionniste
00:44:08du musée, on a
00:44:10réuni le temps de l'exposition
00:44:12toutes les oeuvres qui composent
00:44:14sa donation
00:44:16et qui sont exceptionnellement
00:44:18réunies et qui permettent de se
00:44:20rendre compte de l'importance de cette donation
00:44:22importante, alors malgré tout
00:44:24elle aurait pu être encore plus importante
00:44:26Kaibot, quand il meurt
00:44:28en 1894, il y a à peu près
00:44:30un peu plus de 70 oeuvres
00:44:32dans sa collection, quasiment
00:44:34que des oeuvres impressionnistes, donc là aussi
00:44:36il a un profil de collectionneur qui est assez
00:44:38particulier, c'est quelqu'un
00:44:40qui n'a acheté que des oeuvres
00:44:42qui correspondent à son propre
00:44:44mouvement artistique
00:44:46il n'a pas acheté la génération suivante par exemple
00:44:48il n'a pas acheté des peintres
00:44:50on va dire entre guillemets plus
00:44:52secondaires du mouvement impressionniste, il n'y a
00:44:54que Cézanne, Degas, Renoir
00:44:56Manet, Monet, Sisley
00:44:58Pissarro
00:45:00voilà, donc c'est quand même assez
00:45:02particulier
00:45:04et il n'y a que 40 oeuvres
00:45:06sur les 70
00:45:08dans sa collection qui sont entrées
00:45:10dans les collections publiques françaises
00:45:12après sa mort
00:45:14Et pour vous, qui êtes le directeur
00:45:16des collections, évidemment c'est le cœur
00:45:18de la collection du Musée d'Orsay dont vous y êtes
00:45:20particulièrement attaché, moi j'avais
00:45:22noté dans le livre le détail
00:45:24du lec de 65 toiles, 4 Manet
00:45:2616 Monet, 8 Renoir, 13 Pissarro
00:45:288 Degas, 8 Sisley, 5 Cézanne
00:45:30Alors oui, c'est
00:45:32absolument exceptionnel, en plus
00:45:34il achète ces oeuvres-là
00:45:36à ses amis vraiment au moment
00:45:38on va dire un peu l'apogée de l'impressionnisme
00:45:40donc à la fin des années 1870
00:45:42donc c'est le moment
00:45:44où il achète le Bal du Moulin de la Galette
00:45:46à Renoir, il achète les Gares Saint-Lazare
00:45:48à Monet
00:45:50il achète les Paysages de Pontoise
00:45:52à Pissarro, il achète
00:45:54les Femmes à leur Toilette, les Rochers de Bélif
00:45:56par exemple, de Monet
00:45:58donc voilà, en plus c'est vraiment
00:46:00les années un peu héroïques de
00:46:02l'impressionnisme, et puis il achète
00:46:04aussi les oeuvres qui ne se vendent pas
00:46:06et donc ça c'est particulier aussi
00:46:08puisqu'il n'achète pas forcément
00:46:10les oeuvres les plus commerciales
00:46:12de ses amis, mais il achète
00:46:14justement les oeuvres qui ne se vendent pas parce que
00:46:16souvent elles sont particulièrement
00:46:18radicales et audacieuses
00:46:20et c'est le cas, je dirais en tête
00:46:22il y a un tableau de Renoir
00:46:24qui s'appelle Le Torse au Soleil
00:46:26qui est une oeuvre
00:46:28extraordinaire avec
00:46:30une femme à demi-nus dans un paysage
00:46:32avec des couleurs et un jeu
00:46:34de lumière qui filtre à travers les feuillages
00:46:36qui est une oeuvre complètement expérimentale
00:46:38au moment où Renoir
00:46:40le peint, et évidemment personne n'achète
00:46:42ce tableau, et Caillebotte
00:46:44parce que c'est un peintre, un collectionneur
00:46:46mais c'est d'abord un artiste
00:46:48lui, il comprend à quel point
00:46:50cette oeuvre là, elle est majeure pour Renoir
00:46:52à quel point l'art Renoir
00:46:54va plus loin que
00:46:56ce qu'aucun autre peintre a fait en termes de
00:46:58représentation du corps dans la lumière
00:47:00et donc non seulement
00:47:02il aide son ami qui n'a pas vendu ce tableau
00:47:04mais il achète une oeuvre vraiment radicale
00:47:06et c'est ce qui fait la particularité
00:47:08de cette collection
00:47:10c'est une collection qui est faite
00:47:12dans l'instant de ce mouvement
00:47:14impressionniste, de cette aventure
00:47:16et avec l'oeil d'un artiste
00:47:18qui sait reconnaître notamment la valeur
00:47:20des oeuvres parfois les plus radicales
00:47:22de ses amis.
00:47:24J'aimerais pour qu'on
00:47:26conclue peut-être cette discussion
00:47:28qu'on a proposé à notre public de vous poser des questions
00:47:30qu'on revienne à la représentation du corps
00:47:32masculin dans une
00:47:34thématique que vous montrez
00:47:36magistralement dans votre exposition
00:47:38qui je pense vous tient très à coeur puisque vous avez signé
00:47:40le très bel article sur les sportsmen
00:47:42dans le catalogue. J'aimerais qu'on
00:47:44parle des canoteurs, des canotiers
00:47:46j'aimerais qu'on parle de navigation
00:47:48et j'aimerais qu'on
00:47:50qu'on aille un peu au fil de l'eau
00:47:52sans doute les toiles qui sont les plus proches
00:47:54de ce qu'on peut attendre d'un peintre impressionniste
00:47:56ça n'est pas toujours le cas
00:47:58dans ses oeuvres plus urbaines je dirais
00:48:00mais là au fil de l'ierre qui lui est
00:48:02très familière puisque c'est la rivière
00:48:04qui coule au bas de la propriété que son père avait acheté
00:48:06au moment de sa grande gloire
00:48:08professionnelle
00:48:10il peint
00:48:12les hommes d'une façon très particulière
00:48:14sur cette oeuvre par exemple
00:48:16qui est unique dans la thématique
00:48:18de façon tout à fait frontale
00:48:20on est face au rameur
00:48:22ce rameur qui a une tenue quand même
00:48:24très particulière
00:48:26alors il est certes en bras de chemise mais il garde son chapeau haute forme
00:48:28les autres canotiers eux sont
00:48:30beaucoup plus sportifs
00:48:32qu'est-ce que vous pourriez nous dire de la représentation
00:48:34justement du corps des hommes
00:48:36dans cette activité nautique particulière
00:48:38oui donc
00:48:40j'avais très envie de travailler sur ce thème
00:48:42parce qu'on avait fait l'acquisition au musée d'Orsay
00:48:44du tableau partie de bateau et qui est un tableau
00:48:46assez intrigant quand même
00:48:48et donc j'avais envie de le comprendre
00:48:50de mieux le comprendre et de le mettre un peu
00:48:52en perspective et donc j'ai travaillé particulièrement
00:48:54dans le catalogue sur cette section
00:48:56sur le canotage
00:48:58et les canotiers
00:49:00donc c'est une série de tableaux que Caillebotte peint à Hyères
00:49:02donc là où il y a
00:49:04où ses parents avaient acheté une maison de campagne
00:49:06qu'il va d'ailleurs
00:49:08vendre quelques mois après la mort de ses parents
00:49:10il n'était pas particulièrement
00:49:12attaché forcément au pierre
00:49:14il a vendu cette maison
00:49:16mais en tout cas il en a profité
00:49:18lorsqu'il passait ses étés dans la maison
00:49:20de Hyères, la maison Caillebotte aujourd'hui
00:49:22qui se visite d'ailleurs je vous engage
00:49:24tous si vous n'avez pas été visiter cette maison
00:49:26à y aller, vous retrouverez notamment les paysages
00:49:28de ces bords de Hyères
00:49:30la rivière qui coule le long du jardin
00:49:32et c'est là qu'il a toute cette
00:49:34série sur les canotiers
00:49:36et qui est, oui je pense
00:49:38vraiment là aussi emblématique
00:49:40de son
00:49:42approche du sujet moderne
00:49:44qu'est-ce que c'est pour Caillebotte
00:49:46le sujet moderne
00:49:48Caillebotte est un artiste
00:49:50qui ne regarde pas l'art
00:49:52du passé, c'est pas un artiste
00:49:54qui fait des copies au Louvre par exemple
00:49:56c'est pas un artiste qui essaie d'intégrer
00:49:58la référence au maître
00:50:00dans son travail, c'est vraiment un artiste
00:50:02qui regarde vers l'avenir
00:50:04ou en tout cas qui est dans le présent
00:50:06et qui veut peindre une peinture pour son temps
00:50:08pour son époque
00:50:10et pour ça il choisit des sujets qui sont
00:50:12ceux de son époque, c'est ça la modernité
00:50:14et donc un des
00:50:16grands sujets
00:50:18c'est le développement des loisirs
00:50:20la peinture impressionniste s'est emparée de ce sujet
00:50:22et parmi les loisirs il y a le canotage
00:50:24qui devient une des passions
00:50:26des parisiens notamment
00:50:28sous le Second Empire et au début de la Troisième République
00:50:30lui-même pratique le canotage
00:50:32et donc ça c'est un autre aspect
00:50:34très important qui est la modernité
00:50:36selon Caillebotte, elle est toujours
00:50:38autobiographique
00:50:40elle est toujours une manière de parler de lui
00:50:42de son existence et presque de
00:50:44comment dire
00:50:46d'exhiber
00:50:48entre guillemets
00:50:50sa vie quotidienne
00:50:52presque un journal intime
00:50:54exactement
00:50:56si vous regardez en fait tous les sujets qu'a peint Caillebotte
00:50:58ce sont toujours
00:51:00des sujets qui sont pris autour de lui
00:51:02dans un rayon en gros de 50 mètres
00:51:04il n'est jamais beaucoup plus loin
00:51:06à Paris
00:51:08quand il est rue de Miroménie
00:51:10dans l'hôtel familial
00:51:12il peint certes des raboteurs de parquet
00:51:14ces raboteurs de parquet sont
00:51:16chez lui en fait
00:51:18c'est pas comme s'il allait peindre
00:51:20s'il allait faire un reportage
00:51:22dans le nord de la France pour peindre
00:51:24les mineurs, quand il peint le travail
00:51:26il peint des raboteurs qui sont chez lui
00:51:28qui travaillent pour sa famille
00:51:30c'est un peu la même chose avec le sport
00:51:32il ne va pas aller représenter des compétitions
00:51:34d'aviron par exemple
00:51:36sur la Seine ou la Marne
00:51:38comme il en est beaucoup à l'époque
00:51:40donc ils vont plutôt représenter ces sujets là
00:51:42lui il représente des canotiers
00:51:44sur l'hier, donc en gros
00:51:46des embarcations qui passent dans son jardin
00:51:48littéralement, donc c'est aussi son quotidien
00:51:50qu'il nous montre, c'est des lieux
00:51:52qu'il habite
00:51:54la même chose avec la rue, les rues que l'on voit
00:51:56dans les tableaux de Caillebotte
00:51:58le pont de l'Europe
00:52:00la place de Dublin
00:52:02ces rues là, c'est son quartier
00:52:04c'est des endroits qu'il fréquente au quotidien
00:52:06quand il va au café de la
00:52:08de la Nouvelle-Athènes
00:52:10ou qu'il va voir ses amis dans leurs ateliers
00:52:12dans le quartier des Batignolles
00:52:14il passe par le pont de l'Europe
00:52:16depuis sa maison
00:52:18de la rue de Miroménie
00:52:20donc c'est toujours une modernité qui est
00:52:22liée à sa propre existence
00:52:24et la peinture pour lui c'est
00:52:26fixer, donner vie à des moments
00:52:28de sa vie
00:52:30et une manière de dire
00:52:32voilà, mon quotidien
00:52:34qui incarne une forme de modernité
00:52:36c'est ça la peinture
00:52:38la peinture d'aujourd'hui
00:52:40et puis un dernier aspect sur cette question de
00:52:42peindre les oeuvres, la manière dont il les présente
00:52:44justement dans cette série, elle est très intéressante
00:52:46ce thème du canotage
00:52:48dans la peinture à la même époque
00:52:50si vous regardez
00:52:52les tableaux du Salon
00:52:54ou même Manet ou Renoir
00:52:56en fait l'univers du canotage
00:52:58c'est un...
00:53:00dans les romans de Maupassant, dans les nouvelles de Maupassant par exemple
00:53:02vous alliez peut-être y venir
00:53:04vous avez peut-être en tête
00:53:06la nouvelle partie de campagne
00:53:08le monde du canotage
00:53:10c'est un monde qui est très lié à cette question de la séduction
00:53:12à finalement
00:53:14au rapport homme-femme
00:53:16à une
00:53:18liberté de meurtre aussi qui est un peu
00:53:20permise dans cet espace
00:53:22de banlieue avec ces restaurants
00:53:24ces guinguettes
00:53:26de campagne qui sont en fait toujours
00:53:28un peu un prétexte, en tout cas dans les représentations
00:53:30et en littérature, à explorer
00:53:32une sorte de
00:53:34d'aspect amoureux
00:53:36si ce n'est gris-voix
00:53:38de ces
00:53:40univers, et chez Caillebotte c'est l'inverse
00:53:42il n'y a pas de femmes dans ces scènes
00:53:44de canotage, il n'y a que des hommes
00:53:46c'est un univers entre guillemets
00:53:48chaste si je puis dire, il évacue
00:53:50tout cet aspect de séduction
00:53:52de l'univers
00:53:54du canotage pour se concentrer
00:53:56sur le sport, sur
00:53:58le corps en mouvement, sur l'effort
00:54:00sur cette sorte de nouvelle
00:54:02discipline corporelle qu'est
00:54:04le sport
00:54:06et ça, ça fait vraiment la particularité
00:54:08de son oeuvre
00:54:10par rapport à toute l'iconographie du canotage
00:54:12de cette époque
00:54:14et évidemment, parfois
00:54:16ça pose
00:54:18des questions, c'est à dire
00:54:20la partie de bateau
00:54:22Caillebotte nous met dans la position
00:54:24nous sommes dans ce bateau
00:54:26face à cet homme, donc c'est une sorte de barque
00:54:28de promenade, ici c'est pas vraiment un canotage
00:54:30sportif, donc une barque de promenade
00:54:32l'homme tient les deux rames
00:54:34nous on se laisse guider sur le
00:54:36bateau, on est face à lui
00:54:38et donc a priori si l'on regarde l'iconographie
00:54:40de l'époque, nous sommes une femme à ombrelle
00:54:42c'est plutôt généralement une femme avec
00:54:44une ombrelle qui se trouve face à ce type
00:54:46de personnage
00:54:48et Caillebotte se met dans cette position
00:54:50là et regarde
00:54:52l'homme qui rame, Renoir a fait
00:54:54un tableau assez équivalent
00:54:56mais Renoir se met
00:54:58dans la position du rameur
00:55:00et peint l'autre côté du bateau
00:55:02avec la femme à l'ombrelle
00:55:04c'est en cela que
00:55:06ce sujet, il me semble, de peindre les hommes
00:55:08il est pertinent
00:55:10parce que Caillebotte délibérément
00:55:12nous met dans une position
00:55:14qui n'est pas habituelle
00:55:16dans la peinture, dans les représentations
00:55:18de cette époque, alors évidemment ça suscite
00:55:20plein de questions et on peut
00:55:22gloser sur ces questions
00:55:24d'érotisme, de sexualité de l'artiste
00:55:26l'exposition prend
00:55:28soin je crois de ne pas
00:55:30surinterpréter et de
00:55:32s'en tenir à un certain nombre
00:55:34de faits, on n'a pas
00:55:36d'éléments biographiques
00:55:38aujourd'hui qui permettent
00:55:40d'attester une orientation
00:55:42sexuelle, ni dans
00:55:44un sens ni dans l'autre
00:55:46ce que l'on a c'est sa peinture et sa peinture
00:55:48il est évident
00:55:50qu'elle propose un regard nouveau
00:55:52sur ces figures d'hommes
00:55:54que l'on peut ensuite
00:55:56libre aussi aux spectateurs de les interpréter
00:55:58comme ils le souhaitent
00:56:00je résiste pas à
00:56:02citer cette petite citation
00:56:04qui est dans le catalogue, cette petite citation
00:56:06d'une nouvelle que je ne connaissais pas
00:56:08qui s'appelle Mouche de Guillaume Passant
00:56:10au propos des canotiers qui dit
00:56:12une femme c'est indispensable dans un
00:56:14canot, indispensable
00:56:16parce que ça tient le coeur et l'esprit
00:56:18en éveil, parce que ça anime
00:56:20ça
00:56:22ça distrait, ça pimente
00:56:24et ça fait décor avec une ombrelle
00:56:26rouge glissant sur les berges vertes
00:56:28évidemment
00:56:30Caillebotte n'est pas du tout
00:56:32dans la peinture décorative
00:56:34ses canotiers sont dans des tenues
00:56:36blanches immaculées qui laissent
00:56:38apparaître leur musculature
00:56:40de sportif, les canotiers sont
00:56:42extrêmement concentrés, on voit que c'est une
00:56:44activité extrêmement sérieuse
00:56:46hygiéniste probablement comme c'est la mode de l'époque
00:56:48et donc oui
00:56:50Caillebotte peint les hommes
00:56:52et c'est la même chose avec le nu masculin
00:56:54dans la salle de bain, le nu à sa toilette
00:56:56c'est un peu un prolongement de cet
00:56:58univers du sport aussi, c'est à dire que
00:57:00Caillebotte ne nous montre pas
00:57:02le bain justement, c'est à dire le moment
00:57:04de plaisir, de délassement
00:57:06et cette culture là qui naît à cette époque
00:57:08il nous montre le moment d'après
00:57:10où l'homme se frotte le corps
00:57:12c'est vigoureux, il se sèche
00:57:14cette figure elle est dans l'action
00:57:16c'est toujours des corps actifs
00:57:18et finalement c'est
00:57:20plutôt l'idée de l'hygiène qui l'intéresse
00:57:22de la discipline du corps
00:57:24qui est complémentaire
00:57:26à celle du sport
00:57:28et voilà
00:57:30là encore nouveau cette manière
00:57:32de nous placer le spectateur dans la salle de bain
00:57:34d'un homme, ce que personne
00:57:36n'avait fait jusqu'alors en peinture
00:57:38et qui est là encore probablement
00:57:40une manière de mettre en scène
00:57:42sa propre existence, sa propre
00:57:44intimité puisque la salle de bain
00:57:46que l'on voit dans ce tableau est probablement
00:57:48la sienne
00:57:50il y a une baignoire ce qui n'est pas fréquent sauf dans un certain milieu
00:57:52exactement, le fait d'avoir une baignoire
00:57:54est quand même encore très rare
00:57:56à cette époque, le fait d'avoir une pièce
00:57:58dédiée au bain et à la toilette
00:58:00dans les appartements est encore dans les années
00:58:0260-70 un luxe
00:58:04et donc on voit bien que là
00:58:06cette peinture là elle décrit un univers
00:58:08social qui n'est pas un univers ouvrier
00:58:10par exemple, on est plutôt du côté de
00:58:12de Caillebotte
00:58:14c'est toujours une manière selon lui
00:58:16le fait même d'ailleurs que l'homme soit vu de dos
00:58:18dans ce tableau permet d'ailleurs une sorte
00:58:20d'identification
00:58:22quelque part c'est un peu Caillebotte
00:58:24lui-même qui se met en scène
00:58:26dans cette existence quotidienne
00:58:28qui est le
00:58:30coeur de son inspiration
00:58:32on notera aussi, je trouve que c'est très
00:58:34intéressant que souvent ces figures ne posent pas
00:58:36mais qu'elles sont
00:58:38regardées par le peintre
00:58:40et qu'il nous les donne à voir
00:58:42et donc on regarde le regard du peintre
00:58:44sur les figures qu'il nous offre
00:58:46et ça c'est aussi très moderne je pense
00:58:48il n'y a pas beaucoup de mise en scène
00:58:50il y a vraiment en effet le sentiment
00:58:52que l'on regarde un instant
00:58:54qui a été saisi, capté
00:58:56par l'artiste
00:58:58et pas le sentiment
00:59:00de la pause, alors même que évidemment
00:59:02ce sont des pauses souvent très longues
00:59:04dans l'atelier du peintre
00:59:06mais oui, il cherche toujours à nous donner
00:59:08le sentiment
00:59:10de la vérité en fait, de la vie
00:59:12de capter la vie
00:59:14dans ce qu'elle peut avoir parfois
00:59:16justement d'actif, le sport, ou au contraire
00:59:18un petit peu parfois
00:59:20de mélancolie
00:59:22ou d'ennui, ou en tout cas de repose
00:59:24avec notamment toutes ces figures d'hommes
00:59:26en intérieur qui jouent aux cartes
00:59:28qui regardent par la fenêtre, qui sont à leur balcon
00:59:30pour regarder ce qu'il se passe dans la rue en dessous
00:59:32donc là qui sont moins des moments
00:59:34d'action que des moments
00:59:36de contemplation
00:59:38mais là encore ça parle aussi de
00:59:40Caillebotte lui-même
00:59:42qui est aussi un peu un contemplatif
00:59:44de la modernité
00:59:46qui la regarde
00:59:48qui regarde ce spectacle des rues de Paris
00:59:50qui ensuite lui sert
00:59:52de sujet de peinture
00:59:54mais c'est d'abord lui
00:59:56ce regardeur qui nous montre dans ces tableaux
00:59:58Il faut parler de mélancolie et c'est vrai que moi
01:00:00quand je vois certaines de ses oeuvres, je pense un peu
01:00:02à Hopper, je ne sais pas si c'est quelque chose
01:00:04qui peut s'entendre
01:00:06en histoire de l'art, je ne suis pas du tout spécialiste
01:00:08certains tableaux m'évoquent vraiment
01:00:10la solitude urbaine, il y a quelque chose
01:00:12comme ça, une espèce de préscience
01:00:14de la solitude dans les grandes métropoles
01:00:16quand on voit ces hommes au balcon
01:00:18un regard comme ça un peu noiselgique
01:00:20Je ne suis pas du tout un spécialiste
01:00:22de l'art de Hopper mais
01:00:24il y a quelque chose d'un peu inquiétant
01:00:26souvent chez Hopper, un peu oppressant
01:00:28même, je ne sais pas si
01:00:30je ressens la même chose chez Caillebotte
01:00:32On a beaucoup
01:00:34interprété l'oeuvre de Caillebotte
01:00:36comme une oeuvre justement qui traite
01:00:38d'une forme de malaise
01:00:40de l'homme
01:00:42des hommes et des femmes d'ailleurs
01:00:44dans les grandes villes
01:00:46on a pas mal parlé
01:00:48parfois d'incommunicabilité
01:00:50entre les figures
01:00:52de solitude
01:00:54je pense que c'est plus
01:00:56ambivalent
01:00:58chez Caillebotte, il y a aussi une part de satisfaction
01:01:00il y a aussi une part de plaisir
01:01:02il y a aussi une part de
01:01:04contemplation de cette vie moderne
01:01:06qui n'est pas toujours
01:01:08en effet une question
01:01:10une vision négative
01:01:12ou une vision de malaise
01:01:14que l'on peut trouver
01:01:16par exemple chez Degas
01:01:18ou chez d'autres peintres naturalistes
01:01:20c'est le cas par exemple aussi de ces compositions
01:01:22que vous avez peut-être vu
01:01:24où vous avez un homme et une femme
01:01:26dans un intérieur
01:01:28qui s'exposent
01:01:30chez Caillebotte
01:01:32avec par exemple la jeune femme
01:01:34qui regarde par la fenêtre
01:01:36et puis l'homme à côté d'elle
01:01:38qui est en train de lire le journal
01:01:40ces compositions là
01:01:42qui ont été
01:01:44quand Caillebotte les a exposées
01:01:46tout de suite interprétées par les critiques
01:01:48notamment par le critique Huisman
01:01:50comme des sortes de
01:01:52d'apologie du divorce
01:01:54d'une certaine manière
01:01:56le divorce est rétabli en France
01:01:58trois ans après
01:02:00que Caillebotte ait peint cette peinture
01:02:02mais en tout cas comme une sorte de vision négative
01:02:04un peu comme dans les romans naturalistes
01:02:06chez Zola ou d'autres
01:02:08sur cette condition bourgeoise
01:02:10sur le mariage
01:02:12sur l'ennui
01:02:14la tristesse
01:02:16de cette société bourgeoise
01:02:18et du mariage
01:02:20et c'est des tableaux qui ont été
01:02:22lus souvent sous cet angle là
01:02:24et quand on les regarde
01:02:26à mon avis on peut les regarder tout à fait différemment
01:02:28le tableau avec l'homme et la femme
01:02:30en intérieur
01:02:32puisque qui nous dit
01:02:34que nous avons affaire à un couple marié
01:02:36dans ce tableau
01:02:38il n'y a pas d'alliance
01:02:40peut-être le frère et la soeur
01:02:42c'est toujours une question de regard
01:02:44et donc là par exemple
01:02:46selon moi
01:02:48c'est une hypothèse
01:02:50c'est beau ce qu'elle vaut
01:02:52ce que l'on voit dans les deux tableaux
01:02:54pourrait aussi bien être
01:02:56la compagne de Caillebotte
01:02:58qui vit avec une femme qui s'appelle Charlotte Berthier
01:03:00qui vit avec lui
01:03:02à ce moment là et jusqu'à la fin de ses jours
01:03:04et donc si cette femme
01:03:06qui pourrait lui ressembler
01:03:08est Charlotte Berthier
01:03:10nous n'avons pas affaire à un couple
01:03:12marié qui s'ennuie
01:03:14nous avons affaire à la compagne de Caillebotte
01:03:16et probablement l'un des meilleurs amis
01:03:18de Caillebotte qui s'appelle Richard Gallo
01:03:20qui pose pour le peintre
01:03:22donc en gros ça pourrait être
01:03:24des tableaux qui peuvent être lus au contraire
01:03:26comme les deux plus proches
01:03:28compagnons
01:03:30de vie de Caillebotte
01:03:32sa compagne
01:03:34et l'un de ses meilleurs amis
01:03:36qui posent pour lui parce qu'en fait
01:03:38ils sont au quotidien chez lui, ils passent leur temps à la cuisine
01:03:40et donc presque il leur rend hommage
01:03:42à cette vie quotidienne
01:03:44qu'ils partagent
01:03:46dans cet appartement
01:03:48et donc on peut interpréter
01:03:50de manière peut-être moins négative
01:03:52le regard de Caillebotte sur cette société
01:03:54J'insiste pour montrer cette partie de Bésig
01:03:56que je trouve magnifique
01:03:58où on voit le cercle des amis
01:04:00on voit que ce n'est pas un homme solitaire
01:04:02et mélancolique
01:04:04qui regarde la vie avec désespoir
01:04:06et peut-être qu'en effet sa compagne
01:04:08attendait les amis pour la partie de Bésig
01:04:10en se disant mais ils sont en retard ce soir
01:04:12Merci infiniment Paul Perrin
01:04:14de nous offrir cette si belle exposition
01:04:16Merci à Marie-Caroline Dufrayer
01:04:18qui nous offre ces deux livres remarquables
01:04:20et je vous invite donc
01:04:22évidemment à aller voir cette exposition
01:04:24à en profiter parce qu'ensuite elle va partir
01:04:26à Los Angeles, ce sera un petit peu plus compliqué
01:04:28puis à Chicago
01:04:30jusqu'au 19 janvier
01:04:32Merci infiniment
01:04:34Applaudissements
01:04:36Applaudissements
01:04:38Applaudissements
01:04:40Applaudissements
01:04:42Si vous voulez bien nous consacrer
01:04:44à ce petit moment, je vais proposer au public
01:04:46de vous poser des questions
01:04:48Voilà, il faut se lancer, Madame
01:04:50Oui, moi j'avais une question de pure curiosité
01:04:52puisqu'il a eu du mal à être vraiment reconnu
01:04:54Oups
01:04:56En France
01:04:58Vous m'entendez, c'est ça
01:05:02Oui, je voulais savoir
01:05:04s'il y avait eu des pays étrangers
01:05:06qui avaient reconnu Kaibot
01:05:08ou qui avaient une prédilection
01:05:10Alors c'est d'abord
01:05:12les Etats-Unis
01:05:14qui ont vraiment été le pays
01:05:16où Kaibot a le plus été
01:05:18regardé en premier
01:05:20La France évidemment
01:05:22mais ensuite dans les pays étrangers
01:05:24c'est les Etats-Unis
01:05:26Parmi les premiers tableaux
01:05:28achetés par des musées à l'étranger
01:05:30c'est le tableau
01:05:32La rue de Paris de temps de pluie
01:05:34le grand tableau
01:05:36qui est acheté par le musée de Chicago
01:05:38dans les années 1960
01:05:40C'est un tableau qui est venu très très tôt
01:05:42pour la réception de Kaibot
01:05:44Un tableau
01:05:46qui a été
01:05:48que la France a laissé partir
01:05:50dans ces années-là
01:05:52et qui a été acheté
01:05:54par Chicago
01:05:56d'ailleurs pour une somme qui n'était pas si élevée
01:05:58que ça à l'époque, la cote de Kaibot
01:06:00dans les années 1960 n'est pas très élevée
01:06:04qui est le plus grand format
01:06:06de l'artiste
01:06:08les musées américains vont progressivement
01:06:10acheter ses oeuvres
01:06:12tout au long de la seconde moitié du XXe siècle
01:06:14et c'est aux Etats-Unis
01:06:16que vous avez les premiers
01:06:18historiens de l'art qui vont vraiment s'intéresser
01:06:20sérieusement à son travail
01:06:22je parle en dehors de la France
01:06:24avec notamment
01:06:26un historien de l'art conservateur américain
01:06:28qui était conservateur au MoMA
01:06:30le musée d'art moderne de New York
01:06:32qui s'appelle Kirk Varnedo
01:06:34qui dans les années 1970
01:06:36va être celui qui va vraiment redécouvrir
01:06:38le travail de Kaibot
01:06:42Monsieur une question
01:06:44Bonjour
01:06:46merci pour ces propos
01:06:48qui me donne encore plus envie
01:06:50d'aller voir cette exposition
01:06:52ma question va porter
01:06:54sur Kaibot
01:06:56collectionneur
01:06:58vous avez mentionné que Kaibot
01:07:00avait été l'élève de Bonnard
01:07:02Bonnard est un collectionneur
01:07:04reconnu
01:07:06quel est votre avis
01:07:08sur le fait que Kaibot
01:07:10se soit inspiré de Bonnard
01:07:12éventuellement pour constituer
01:07:14cette collection
01:07:16et pour passer à la postérité
01:07:18Oui c'est une bonne question
01:07:20Bonnard était donc un très grand
01:07:22collectionneur
01:07:24mais je pense qu'un profil totalement
01:07:26différent, Bonnard est un collectionneur
01:07:28d'art ancien
01:07:30qui a donné à la fin de sa vie
01:07:32sa collection pour en faire un musée
01:07:34alors que Kaibot
01:07:36est un collectionneur purement
01:07:38d'art contemporain
01:07:40et d'un art contemporain
01:07:42qui est son propre mouvement artistique
01:07:44qu'il défend, c'est un profil très différent
01:07:46donc je ne sais pas
01:07:48s'il y a tant de liens que ça
01:07:50entre les deux, mais c'est intéressant
01:07:52évidemment de les rapprocher puisque c'est
01:07:54deux artistes de la même époque
01:07:56mais deux visions très différentes du musée
01:07:58et de la collection
01:08:00et de la donation
01:08:02Peut-être est-il aspiré par le fait que
01:08:04Bonnard aussi soit un homme
01:08:06affluent
01:08:08Oui alors dans les années 1870
01:08:10au moment où
01:08:12Kaibot fait ses débuts et
01:08:14constitue sa collection, Bonnard
01:08:16progressivement devient en effet un artiste
01:08:18académique, reçoit
01:08:20des honneurs importants
01:08:22donc c'est possible en effet qu'il ait regardé
01:08:24et je pense qu'il avait de l'admiration aussi
01:08:26pour son maître tout simplement
01:08:28Vous dites en revanche dans le catalogue que lui
01:08:30Kaibot a inspiré les donateurs et les mécènes
01:08:32pour plusieurs générations
01:08:34Oui parce que
01:08:36quand ouvre la salle Kaibot
01:08:38au musée de Luxembourg en 1897
01:08:40c'est la première salle dans un musée
01:08:42dans le monde dédiée à l'impressionnisme
01:08:44donc ça va être
01:08:46plusieurs générations
01:08:48de collectionneurs derrière vont voir
01:08:50cette collection, vont voir qu'elle a été donnée par un homme
01:08:52et ça va susciter des réactions
01:08:54ambivalentes, certains vont
01:08:56comme Kaibot
01:08:58constituer une collection dans l'idée de la donner
01:09:00un jour à l'état pour combler
01:09:02les lacunes des collections publiques
01:09:04c'est ce que va faire par exemple
01:09:06Moroney-Laton, Isaac de Carando
01:09:08qui ont donné leur collection qui sont au musée d'Orsay
01:09:10en partie aujourd'hui
01:09:12ou au Louvre
01:09:14des collectionneurs étrangers aussi
01:09:16les musées allemands vont prendre exemple sur Kaibot
01:09:18les grands collectionneurs russes
01:09:20par exemple Chokine, Morozov
01:09:22vont visiter le musée du Luxembourg
01:09:24donc ça va évidemment avoir un rôle
01:09:26de déclic très important
01:09:30Y a-t-il d'autres questions madame ?
01:09:32Bonjour monsieur
01:09:34Y a aussi un nu féminin
01:09:36dans cette exposition
01:09:38vous en dire un mot ?
01:09:40Je vais vous le montrer regardez
01:09:42j'ouvre justement la bonne page
01:09:44C'est pas la moitié d'un nu ?
01:09:46C'est pas la moitié d'un nu non
01:09:48même si elle est très menue
01:09:50C'est très juste dans le sens où
01:09:52cette exposition s'appelle
01:09:54Peindre les hommes mais il y a des femmes
01:09:56dans cette exposition
01:09:58et dans toutes les sections quasiment de l'exposition
01:10:00il y a des figures féminines
01:10:02justement parce que cette question du genre
01:10:04elle ne s'apprécie aussi dans
01:10:06le lien entre les hommes
01:10:08et les femmes, le rapport entre le masculin
01:10:10et le féminin et qu'on ne peut pas comprendre
01:10:12la modernité de Kaibot dans son approche
01:10:14des hommes sans regarder aussi
01:10:16comment il a regardé les femmes
01:10:18et là l'exemple est extraordinaire en effet
01:10:20c'est le seul nu féminin peint par Kaibot
01:10:22mais quel nu féminin ?
01:10:24c'est un tableau qui est un de ses plus grands formats
01:10:26grand en nature
01:10:28un tableau que Kaibot a probablement
01:10:30peint pour l'exposer
01:10:32à une exposition du groupe impressionniste
01:10:34et puis à un moment donné
01:10:36il y a eu peut-être une forme d'auto-censure
01:10:38l'oeuvre n'a jamais été exposée
01:10:40du vivant de Kaibot
01:10:42parce que peut-être il avait eu
01:10:44le sentiment que là il avait été
01:10:46un peu loin dans le réalisme
01:10:48c'est une vision du corps féminin
01:10:50qui détonne tellement
01:10:52avec
01:10:54ce que l'on trouve dans la peinture
01:10:56académique de l'époque
01:10:58et même chez les impressionnistes
01:11:00on ne trouve pas ce degré de réalisme
01:11:02dans la représentation du corps de la femme
01:11:04avec notamment
01:11:06cette pilosité très présente
01:11:08qui est à l'opposé
01:11:10de ce qu'on trouve dans la peinture du XIXe siècle
01:11:12et même
01:11:14le canon
01:11:16la marque quasiment du corset
01:11:18autour de la taille
01:11:20tous ces éléments là
01:11:22en font une oeuvre extrêmement
01:11:24troublante
01:11:26qui d'ailleurs a été interprétée
01:11:28un peu de manière
01:11:30très
01:11:32différente selon le
01:11:34regardeur
01:11:36c'est un tableau pour certains historiens de l'art
01:11:38certains spécialistes
01:11:40justement est une sorte de preuve
01:11:42quelque part du fait que Kaibot
01:11:44ne pose pas un regard
01:11:46érotique sur le corps de la femme
01:11:48parce qu'il la montre d'une manière
01:11:50qui n'est pas du tout dans les
01:11:52stéréotypes érotiques et esthétiques
01:11:54du XIXe siècle
01:11:56et d'autres au contraire voient
01:11:58dans ce tableau une oeuvre très érotique
01:12:00justement par son réalisme, par son
01:12:02l'intimité que ce tableau
01:12:04dévoile.
01:12:06Moi j'ai entendu une chose
01:12:08très drôle au sujet de ce tableau, vous ne le voyez sans doute pas
01:12:10de loin, les orteils de la dame sont un peu
01:12:12croquevillés. Certains regardeurs
01:12:14pour reprendre votre expression, ils voient
01:12:16l'expression presque
01:12:18orgasmique du plaisir
01:12:20d'autres disent, elle doit avoir froid
01:12:22Donc effectivement
01:12:24autant de tableaux que de regards
01:12:26On peut le regarder différemment, on peut regarder
01:12:28sous cet angle en effet d'une forme de
01:12:30regard érotique sur le corps ou en tout cas de
01:12:32même dans le geste que cette
01:12:34femme a
01:12:36ou au contraire on peut avoir l'impression
01:12:38qu'elle se cache un peu
01:12:40qu'elle n'a pas vraiment très envie de poser
01:12:42peut-être pour l'artiste, que c'est l'artiste qui lui a
01:12:44demandé de prendre cette pose
01:12:46parce qu'il veut représenter un nu
01:12:48moderne, quelque part un peu
01:12:50comme pour
01:12:52réactualiser Olympia
01:12:54de Manet et faire son Olympia
01:12:56à lui et donc il demande
01:12:58à un modèle de poser
01:13:00sur ce canapé et on sent peut-être
01:13:02une forme de gêne quasiment
01:13:04dans la pose que cette femme a et dans son
01:13:06représentation de ce corps, voilà
01:13:08Les deux
01:13:10sont possibles
01:13:16Alors le canapé on le retrouve
01:13:18dans plusieurs tableaux d'ailleurs, ce sofa
01:13:20qui revient
01:13:26Le canapé cache quelque chose
01:13:28C'est l'image dans le tapis
01:13:30et l'image dans le motif
01:13:32Y a-t-il d'autres questions madame ?
01:13:34Plus fort s'il vous plaît
01:13:38Attendez, pardon, madame avait commencé à poser une question
01:13:40Y a une autre dame qui avait commencé
01:13:42mais après je vous donnerai la parole
01:14:08Est-ce que les expositions vous prennent
01:14:10l'impression que vous avez un retour
01:14:12est-ce que les retours
01:14:14du public ou est-ce que les gens
01:14:16vous disent des choses qui vous
01:14:18surprennent ou au contraire
01:14:20qui vous conforment à l'idée que vous avez
01:14:22dans ces tournements
01:14:24que vous avez proposés ?
01:14:26Alors oui c'est
01:14:28toujours intéressant avec les expositions parce que c'est ça
01:14:30oui c'est le
01:14:32bonheur des expositions c'est qu'on a
01:14:34sa vision de l'artiste que l'on propose
01:14:36avec un projet comme celui-là, on écrit ce catalogue
01:14:38on propose cet accrochage et après
01:14:40l'exposition elle vit
01:14:42sa vie si je puis dire et elle est reçue
01:14:44différemment, elle apporte des choses
01:14:46et on découvre d'autres éléments en cours de route
01:14:48et là par exemple
01:14:50ce qui est assez frappant
01:14:52les retours sont très bons sur
01:14:54l'accrochage
01:14:56l'oeuvre
01:14:58Oui oui
01:15:00les visiteurs sont extrêmement
01:15:02séduits par l'artiste
01:15:04par l'oeuvre
01:15:06par la démonstration aussi d'une certaine manière
01:15:08et il y a une sorte de
01:15:10j'ai l'impression à chaque fois de
01:15:12surprise et un peu
01:15:14d'étonnement
01:15:16c'est à vous aussi de dire
01:15:18les visiteurs, spectateurs
01:15:20de dire ah oui il a
01:15:22fait tout ça, il a fait autant d'oeuvres
01:15:24aussi fortes, aussi puissantes
01:15:26et de salle en salle on voit
01:15:28qu'il y a quelque part à chaque fois
01:15:30dans chaque salle les spectateurs disent
01:15:32ah oui il a fait ça
01:15:34et puis ah oui ses oeuvres
01:15:36c'est aussi lui, ah il a aussi peint
01:15:38ses grands formats donc il y a une part
01:15:40de choc
01:15:42un peu j'ai l'impression quand même devant la peinture
01:15:44et c'est une peinture qui est d'ailleurs assez
01:15:46qui cherche ça, qui est un peu
01:15:48provoquante, qui est un peu radical
01:15:50qui déstabilise
01:15:52qui
01:15:54et par ses
01:15:56formats aussi je pense que les gens réalisent
01:15:58aussi la taille de ses tableaux
01:16:00on peut le voir en petit dans des livres
01:16:02et qui réalise
01:16:04cette espèce de choc de la rencontre
01:16:06avec la peinture de Caillebotte qui soutient
01:16:08ce choc
01:16:10et un élément qui me frappe beaucoup
01:16:12c'est, alors voilà comme vous l'avez vu
01:16:14c'est une exposition qui est plutôt organisée sous un angle
01:16:16iconographique
01:16:18on parle assez peu dans l'exposition de technique
01:16:20de peinture, on parle assez peu
01:16:22du style, de cette question
01:16:24de l'impressionnisme
01:16:26justement de l'héritage de
01:16:28Bruno, etc
01:16:30et ce qui frappe beaucoup les visiteurs
01:16:32c'est la peinture
01:16:34c'est vraiment le fait de se dire, oui il a créé
01:16:36des images qui sont
01:16:38reproduites partout
01:16:40à couverture de folio ou autre
01:16:42et en même temps on voit
01:16:44cette peinture et elle est présente
01:16:46il y a une touche, il y a une matière
01:16:48il y a des couleurs
01:16:50et ça c'est très présent j'ai l'impression
01:16:52dans ce que j'entends
01:16:54et c'est grâce aux expositions
01:16:56aussi, une rencontre
01:16:58vraiment avec la matérialité
01:17:00de la peinture de Caillebotte
01:17:02ses formats et cette matérialité
01:17:06j'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui
01:17:08frappe beaucoup les spectateurs
01:17:10Madame, vous vouliez poser une question
01:17:22Oui, c'est un thème
01:17:24qui avait fait l'objet d'une exposition
01:17:26à Giverny il y a quelques années
01:17:28qui en effet a occupé
01:17:30vraiment les dernières années de sa vie
01:17:32en effet ce jardin du Petit-Genevillier
01:17:34un peu comme Monet
01:17:36à la même époque, qui est en train de développer
01:17:38le jardin de Giverny, il s'échange
01:17:40beaucoup de lettres, il s'échange des graines
01:17:42des recommandations
01:17:44pour des pionnieristes
01:17:46etc
01:17:48donc c'est un sujet
01:17:50qui devient un sujet de peinture
01:17:52pour lui très important
01:17:54avec beaucoup de natures mortes de fleurs
01:17:56qui ne sont pas d'ailleurs des natures mortes
01:17:58puisque ce ne sont pas des fleurs coupées dans des vases
01:18:00mais ce sont des vues de son jardin
01:18:02ou en tout cas des mises en scène de la fleur
01:18:04qui sont très
01:18:06très novatrices
01:18:08et en effet c'est une part
01:18:10intéressante de la fin de sa carrière
01:18:14Y a-t-il encore une question ?
01:18:16On ne sait pas
01:18:18On ne sait pas tout à fait
01:18:20pourquoi il est mort
01:18:22à l'époque on parle de congestion
01:18:24cérébrale
01:18:26c'est ce que l'on lit dans la presse
01:18:28et les échanges, donc on ne sait pas exactement
01:18:30ce que ça veut dire, les témoignages d'ailleurs sont assez
01:18:32partagés puisque
01:18:34certains disent qu'il est mort très subitement
01:18:36justement d'une congestion
01:18:38cérébrale, alors est-ce que c'est une forme
01:18:40d'attaque, d'AVC, on ne sait pas très bien
01:18:42et d'autres au contraire
01:18:44d'autres témoignages laissent à penser qu'il était
01:18:46malade depuis quelques mois
01:18:48avant sa mort et qu'il a eu
01:18:50un temps de déclin
01:18:52et de
01:18:54phase de maladie
01:18:56plus longue qu'il n'y paraît
01:18:58dans les derniers mois de sa vie
01:19:00on ne sait pas plus
01:19:02Est-ce que vous avez une correspondance ?
01:19:06Alors il n'y a pas de correspondance
01:19:08Kaibot, enfin comment dire
01:19:10édité
01:19:12d'ailleurs c'est un des grands problèmes
01:19:14avec Kaibot, c'est qu'on manque
01:19:16de correspondance
01:19:18toute la correspondance que Kaibot a envoyée
01:19:20à Monet, à Pissarro
01:19:22donc des gens qui ont conservé
01:19:24leur correspondance, ça en l'a
01:19:26donc ça s'est publié dans la correspondance
01:19:28de Pissarro, la correspondance de Monet
01:19:30mais les lettres que lui a reçues
01:19:32sa correspondance intime
01:19:34semble-t-il n'a pas été conservée
01:19:36par les héritiers de l'artiste
01:19:38et donc il nous manque évidemment
01:19:40tout un pan aussi de sa
01:19:42vie intime
01:19:44parce qu'il nous manque ses lettres
01:19:48Votre exposition est extraordinaire
01:19:50parce que moi j'avais déjà vu
01:19:52beaucoup d'expos Kaibot
01:19:54mais là il y avait des tableaux qu'on n'a jamais vus
01:19:56jusque-là
01:19:58Merci beaucoup
01:20:00et ça c'est la
01:20:02force de frappe
01:20:04du musée d'Orsay
01:20:06qui permet aussi
01:20:08de faire venir du monde entier
01:20:10des oeuvres qui voyagent
01:20:12rarement
01:20:14et ce type de partenariat entre
01:20:16le musée d'Orsay, Chicago, Los Angeles
01:20:18permet aussi d'avoir notamment tous ces
01:20:20pré-américains qui voyagent
01:20:22assez peu en Europe
01:20:26J'allais dire là aussi la fraternité est à l'oeuvre
01:20:28Merci infiniment

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