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##BRIGITTE_LAHAIE-2024-11-18##
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00:00Et on continue avec Belinda qui est avec nous. Merci, bonjour Belinda.
00:05Bonjour à vous deux. Merci de m'accueillir.
00:10Merci à vous deux de témoigner. On est aussi avec le père et le grand-père je crois avec vous.
00:17C'est exactement ça. Moi j'ai été abusée, j'avais 6 ans, par mon père et mon grand-père jusqu'à mes 18 ans.
00:26Et encore après mes 18 ans, quand je me suis retrouvée veuve, mon père m'a dit que si j'étais en manque, il pouvait être présent.
00:33J'ai grandi avec cette histoire, on était 5 enfants, donc on a tous vécu l'inceste.
00:39Alors ça a été caché, pas dit, parce que mon père était gendarme.
00:44Et il disait toujours, on ne vous croira pas.
00:49Oui mais ça c'est pareil, c'est une phrase qui est répétée aux enfants, qui finissent par croire qu'on ne les croira pas.
00:57Mais heureusement, on croit quand même un peu les enfants.
01:04On croit les enfants, pardon je coupe Régine si je vous permets, mais on croit les enfants maintenant.
01:11Dans les années 60, on ne les croyait pas.
01:14On n'avait pas le droit à la parole.
01:17Oui bien sûr Belinda, mais il y avait quand même des gens qui pouvaient écouter et croire les enfants.
01:23Mais vous avez raison, il y a toujours un tabou sur l'inceste.
01:29C'est ça, alors c'est vrai que je me suis sacrifiée aussi quand mon père m'a appelé en allant chercher le lait,
01:36pour que mes soeurs ne repassent pas la casserole, c'est une drôle de façon de dire ça.
01:41Je me suis sacrifiée quand il disait que c'était la personne qui allait.
01:44Je lui ai dit non, moi j'y vais pour que mes soeurs ne soient pas abusées.
01:47Donc avec ma deuxième soeur, on a été le plus abusé.
01:51Mais mes autres soeurs ont subi des attouchements.
01:55Mon frère a tellement été mal par rapport à tout ce qu'on a vécu, on s'est vendu.
02:01Mon père avait dit la première et la dernière, je n'aurais pas dû les garder à la naissance.
02:05Parce qu'il y avait un garçon en premier, j'étais une fille, et le dernier qui était un garçon était mon sexel.
02:10Donc il y a vraiment une longue histoire par rapport à l'inceste, qui est liée à l'inceste.
02:14Mon histoire est vraiment toute liée à l'inceste.
02:17J'ai entendu le témoignage de l'autre personne avant moi qui a écrit un livre,
02:20et je suis effectivement en train d'écrire un livre.
02:23Ce qui est impressionnant c'est qu'on ressort toute de l'inceste, soit démolie,
02:29parce que malgré tout on est quand même démolie, moi je me suis construite dans la résilience.
02:33Je suis famille d'accueil, j'accueille des enfants depuis des années qui sont victimes de viol et d'inceste.
02:39Mais je m'occupe aussi des autres dans la bienveillance, dans un fonctionnement où je ressens et j'entends des choses.
02:52Et je pense qu'on a tout ce parcours-là, et je me suis construite avec mon histoire
02:56de façon à apporter du bonheur aux autres, et à ne pas reproduire par contre ce que j'ai vécu.
03:03Bien sûr. Et votre mère dans tout ça, parce que quand même 5 enfants abusés par un père, un grand-père,
03:11du côté maternel, grand-mère, c'était quoi la soumission aux hommes ?
03:20Je pense que ma mère a été une enfant jetée dans la rue, elle a été nourrie d'un sucre,
03:25elle a été causette chez les uns, chez les autres.
03:27Et je pense que quand mon père est arrivé dans sa vie, ça a été le sauveur.
03:32Le fait d'être son sauveur, est-ce qu'elle a vu, est-ce qu'elle n'a pas vu, je préfère ne pas le savoir, je suis honnête avec vous.
03:40Encore au jour d'aujourd'hui, je préfère ne pas le savoir, mais je pense que par rapport à son vécu,
03:46elle l'a peut-être su ou pas, mais ça a été une mère bienveillante malgré tout.
03:51Et c'est vrai que quand on parle de mon père, encore aujourd'hui parce qu'il est décédé,
03:56les gens disent mais vous avez de la chance d'avoir un père comme ça,
04:00parce que c'était quelqu'un de très bien au niveau de la société et c'était quelqu'un de complètement parfait.
04:06Même dans le couple, je n'ai jamais vu mes parents se disputer, je n'ai jamais entendu quoi que ce soit de cris ou de violence.
04:14C'est pour ça que je parlais de Gisèle Pellicot qui dit que ce sont des bons maris et parfois des bons pères, entre guillemets.
04:21Mais est-ce qu'il y a eu quelque chose de l'ordre de la justice dans votre histoire ou pas du tout ?
04:27Pas du tout, puisqu'on en a parlé, mes soeurs ont beaucoup de problèmes pour en parler,
04:36mais je suis peut-être la seule l'aînée à rester en parler.
04:40Est-ce que vous êtes la seule à vous en sortir bien dans cette famille, justement sur les cinq ?
04:45Alors, j'ai une de mes soeurs qui est quand même soumise, une autre qui est limite anorexique.
04:52Il y a des pathologies, mon frère s'est pendu, donc il y a des pathologies.
04:58Moi je m'en sors bien, sauf que je n'aime pas du tout mon corps.
05:02La petite dame parlait tout à l'heure du baignoire.
05:05Moi, à l'âge que j'ai, je suis encore dans un système où j'ai besoin d'une lumière la nuit dans ma chambre.
05:10Oui, bien sûr. Mais quand même, voyez, votre témoignage est fort et important.
05:15Moi, j'appuie là-dessus. Vous étiez cinq enfants, il y en a une qui s'en sort bien,
05:20et il y a quatre enfants qui ont des problèmes de santé ou qui se suicident.
05:25Enfin, je veux dire, on voit les ravages de l'inceste.
05:28Donc c'est important que tout le monde comprenne bien qu'il faut vraiment lever ce tabou.
05:34Puisque vous dites aussi sur le côté gendarme, je ne sais pas si vous avez vu,
05:39il y a l'histoire du Grélet, j'ai regardé un documentaire qui était gendarme,
05:43je ne sais pas si vous êtes au courant de ça,
05:46et la seule personne qui a compris que le Grélet était un gendarme était une femme,
05:51et personne ne l'a crue pendant trente ans, on ne l'a pas crue.
05:55C'était une policière, et dans le documentaire, il montre que c'est un milieu uniquement masculin
06:00et qu'on se moquait d'elle, c'est la parole d'une femme, et elle disait, je vous assure,
06:04je suis sûr que cet homme est un gendarme, ou un policier en tout cas.
06:08Et vous savez, c'est vrai que du coup, moi je me suis marrée avec un gendarme,
06:14pour me dire peut-être que la justice existe vraiment, qu'il y a des gens qui sont bien,
06:19et malheureusement je suis retombée sur quelqu'un de pas bien du tout.
06:23Donc j'ai reproduit une fois, la personne est décédée, quand je dis juste ça,
06:28je me suis retrouvée très jeune, et je me suis remariée avec un gendarme,
06:33pour à nouveau me prouver que les gendarmes peuvent être des gens bien.
06:38Ils ne sont pas tous bien, bien sûr.
06:40C'est pour ça que je vois, vous savez, les enfants qui font des dessins dans cas d'inceste
06:45dessinent souvent des voleurs dans une voiture de police,
06:49ou des pompiers pyromanes, c'est des dessins qui reviennent beaucoup,
06:53tout de suite on repère dans le dessin, moi dès qu'un enfant fait un dessin
06:56avec un voleur dans une voiture de police, je dis tiens, parce que c'est incompatible,
07:00le policier et le gendarme est là pour nous sauver, et ils nous détruisent.
07:04C'est ça qui est terrible, tout ça, je comprends que vous avez envie de réhabiliter les gendarmes.
07:10Et puis moi j'avais un père quand même qui était dans la toute puissance,
07:14parce que je me rappelle d'une histoire à l'époque,
07:16où il y a eu un monsieur qui avait tabassé sa petite fille de 4 ans ou 6 ans,
07:21qu'il avait poussé avec un tisan sous le buffet,
07:24et je me rappelle, mon père est rentré en disant,
07:27ouais c'est une pourriture, on l'a tabassé et tout, c'est une merde de la société,
07:32voilà il a eu des propos, et je me disais, donc à ce moment-là j'avais plus 6 ans,
07:37j'avais peut-être 10 ans, et je me disais, mais mon dieu,
07:39comment il peut parler comme ça de ce monsieur alors qu'il fait pire ?
07:43Mais ça c'est fréquent, Belinda, on sait que certains juges pédocriminels
07:49vont être très très durs quand ils vont donner le verdict sur quelqu'un qui est lui aussi pédocriminel.
07:57C'est une sorte de comportement humain qu'on connaît bien quand on s'intéresse au comportement humain,
08:06et merci de votre témoignage, parce que ça montre encore une fois
08:10que vous aviez certainement quelque chose en vous qui vous a permis de tenir et de vous sauver,
08:19parce que vous venez de loin.
08:22Je suis famille d'accueil, je m'occupe d'enfants, donc de jeunes filles,
08:25ça m'émerveille d'avoir des garçons, mais c'est plus des jeunes filles,
08:28et c'est vrai que c'est pour ça que je dis aussi que j'ai été dans la résidence,
08:32parce que les éducateurs sont au courant, et je ne vais pas comparer mon histoire à la leur,
08:37parce qu'on est tous différents au niveau...
08:39Quand on est dans la CES, on est tous différents.
08:41Moi, mon père, je me mettais à trois kilomètres de lui,
08:43et j'ai ma soeur qui allait se mettre sur ses genoux, la deuxième.
08:47Mais Belinda, on est tous différents.
08:50Chaque être humain va vivre sa propre histoire,
08:53et c'est pour ça qu'il ne faut pas être dans le dogme.
08:57En tout cas, merci de votre témoignage, parce qu'il est différent de celui d'Isabelle,
09:02il est différent de celui d'Aurélie,
09:04et ceux qu'on va entendre dans la deuxième heure seront également différents.
09:08Et c'est pour ça que c'est si important d'aborder ce sujet,
09:12avec toutes les nuances qu'il y a.
09:15Et les nuances que je disais au début de l'émission,
09:17les nuances qui mélangent la haine, l'amour, l'attachement,
09:21parce que vous, comme toutes ces personnes incestées,
09:24vous aviez de l'amour pour ce père.
09:27Absolument.
09:28Merci beaucoup Belinda.
09:30On continue après les infos, bien sûr,
09:33vous n'hésitez pas à réagir si vous le désirez.
09:37Ce que je voulais dire aussi, Bruno Clavier,
09:41c'est que dans votre livre, vous parlez aussi de quelque chose d'intéressant,
09:47vous parlez de la vieillesse, de la mort,
09:50qui sont aussi des sujets tabous dans notre société.
09:53Et je vous propose, après les infos,
09:56vous nous direz pourquoi vous avez eu besoin de parler de tout ça.
10:00Nous sommes avec Bruno Clavier aujourd'hui.
10:03Vous souhaitez réagir ou témoigner ?
10:05Appelez-nous au 0 826 300 300. Merci.