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Xerfi Canal a reçu Maxime Lefebvre, ancien ambassadeur et professeur de relations internationales à l'ESCP Business School, pour parler du risque préoccupant de décrochage de la France.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00Bonjour Maxime Lefebvre. Bonjour. Maxime Lefebvre, vous êtes ancien ambassadeur,
00:13vous êtes professeur de relations internationales à ESCP Business School.
00:17Papier dans Conversation France, qui est issu pour une part de l'ouvrage que vous avez
00:24dirigé et édité à Troyes, avec Florence Chaltier et les Loups de Trio.
00:28Propos sur la souveraineté européenne chez Dallose.
00:31Papier dans Conversation France, la France dans la nouvelle législature européenne à
00:35risque préoccupant de décrochage. Alors évidemment, quand j'ai vu ça,
00:38je me suis dit il faut que Maxime Lefebvre vienne m'en dire davantage.
00:40Alors bon, on va refixer le contexte. Début juin, élection européenne,
00:46ça je pense que ça n'a échappé à personne. Le résultat des élections européennes n'a
00:50échappé à personne. On a bien vu la conséquence avec la dissolution de l'Assemblée nationale,
00:54donc Nouveau Parlement français plus Nouveau Parlement européen.
00:57La question qui se pose tout de suite, c'est est-ce que la place, l'influence de la France,
01:03d'une façon ou d'une autre, sont un peu menacées aujourd'hui en Europe au vu de ces résultats?
01:07Alors oui, un petit peu parce que la France, d'abord, quand on regarde les députés qui ont
01:14été envoyés à Bruxelles, la moitié sont en fait des partis extrêmes à gauche ou à droite,
01:18donc ils sont dans l'opposition par rapport à la grande coalition pro-européenne que
01:24évidemment a élue Madame von der Leyen au mois de juillet et qui est composée de conservateurs,
01:29de sociodémocrates, de centristes, de verts. Et on voit que, par exemple, seulement 30% des
01:36députés français au Parlement européen ont voté pour Madame von der Leyen, des socialistes et des
01:40centristes. Ce qu'on voit aussi, c'est que Madame von der Leyen est allemande, elle a déjà commencé
01:46à composer sa commission européenne avec, par exemple, une autre représentante qui est estonienne,
01:50Madame Kaya Callas, qui va remplacer Joseph Borrell, qui était espagnole. Et donc on voit que
01:56finalement, il n'y a pas beaucoup de présence française dans tout ça. En 2019, on avait eu
02:00Madame Lagarde comme présidente de la Banque centrale européenne, mais elle va partir en
02:042027. On aura sans doute M. Thierry Breton qui sera confirmé comme commissaire européen français,
02:11ça c'est un élément de continuité, mais on a une France quand même affaiblie par ces résultats
02:16électoraux et on peut craindre que l'influence française soit un peu réduite par rapport à ce
02:22qu'elle était avant, notamment face à l'Allemagne, face à la CDU de CSU, qui occupe le principal
02:28parti au Parlement européen, qui est le parti des partis populaires européens. Madame von der
02:34Leyen fait partie de ce parti. Ce parti, pour le moment, il est dans l'opposition à Berlin, mais il
02:39est très probable qu'il arrivera au pouvoir en 2025, lors des élections allemandes. Donc on va
02:44avoir, si vous voulez, un dispositif avec peut-être plus de place pour les petits pays, plus de place
02:50pour l'Allemagne et une influence française qui risque de se réduire. Alors la grande question,
02:56c'est est-ce qu'il y a des positions un peu fondamentales qui risquent d'être menacées
03:00dans ce contexte-là ? Alors ce qu'il faut d'abord dire... Françaises, j'entends... Oui, les positions
03:04françaises. Alors ce qu'il faut d'abord dire, si vous voulez, c'est que dans l'Europe, tout n'est
03:10pas des positions d'un pays contre un autre pays. En réalité, on a une situation où on a
03:16beaucoup aussi de positions partisanes. Si vous regardez par exemple la priorité qui était le
03:22pacte vert, on voit bien aujourd'hui qu'elle est un petit peu remise en question. On ne remet pas
03:27en cause le pacte vert, mais on remet en question un petit peu l'importance de cette priorité. On a
03:32eu des grosses manifestations d'agriculteurs au début 2024 qui ont conduit à remettre en cause
03:36un certain nombre d'obligations environnementales pour les agriculteurs. On voit aussi sur les
03:42questions migratoires, par exemple, qu'il y a des clivages plutôt partisans que des clivages
03:47nationaux. On a évidemment une gauche qui est plutôt favorable à l'immigration à cause de la
03:53tradition humaniste de ces partis. On a une droite qui veut durcir la politique sur les
03:59questions migratoires. Et au milieu, on essaie de construire un consensus. Sauf que si on regarde,
04:04par exemple, le pacte migratoire européen qui a été voté en avril, seuls les députés du parti
04:09Macron Renaissance ont voté pour ce pacte. Les autres n'ont pas voulu le voter. Donc on voit
04:16bien qu'on a une difficulté pour la France de faire partie de ces compromis européens quand
04:21on les adopte. Alors ce qu'il faut dire aussi, c'est que la France, si vous voulez, elle est
04:26menacée aujourd'hui d'abord par sa situation budgétaire. Parce que la France est passée de
04:3060 à 110% d'endettement par rapport au PIB depuis l'avènement de la monnaie unique en 2002. Si
04:37vous regardez l'Allemagne, l'Allemagne a augmenté, mais l'Allemagne a su le faire baisser son
04:42endettement. Donc aujourd'hui, on est à 64% environ. La France est sous le coup d'une procédure de
04:49déficit excessif. La France a un endettement qui est aujourd'hui qui n'est plus dépassé que par
04:54la Grèce et par l'Italie. Donc il y a des choix difficiles qui vont devoir être pris, évidemment,
04:58par le gouvernement français pour respecter les règles du pacte de stabilité budgétaire qui ont
05:03été décidées. Alors ça ne veut pas dire que la France ne veut pas défendre ses positions, bien
05:07sûr. Si vous regardez par exemple le nucléaire, c'est un bon exemple en 2023 où la France avait
05:14réussi à créer une coalition pour le nucléaire face à une coalition des antinucléaires qui
05:19étaient emmenés par l'Allemagne. Et on a réussi à faire reconnaître le rôle du nucléaire comme
05:23énergie, peut-être pas renouvelable, mais en tout cas une énergie qui est importante pour lutter
05:28contre le changement climatique et c'est un succès. Évidemment, on voit toute cette tension comme
05:34toujours, d'ailleurs dans les affaires diplomatiques, comme toujours. Mais on voit effectivement une
05:39forme de fragilisation. Je vous avais reçu sur ce plateau pour évoquer la question de l'autonomie
05:44stratégique. L'autonomie stratégique européenne, c'était vraiment au cœur du discours d'Emmanuel
05:50Macron aussi. Est-ce que cet agenda-là risque d'être perturbé ? Alors c'est un agenda
05:58qui a fait beaucoup de progrès depuis 2017. Macron, évidemment, a thématisé la souveraineté européenne
06:04par son grand discours de la Sorbonne, mais derrière la souveraineté européenne, vous avez
06:07aussi toutes ces mesures concrètes sur l'autonomie stratégique qui ont été aussi aidées par le
06:11contexte, ce qui se passe avec la Chine, ce qui se passe avec la guerre en Ukraine,
06:16ce qui s'est passé avec le Covid. Donc sur beaucoup de sujets, cette idée que l'Europe doit être moins
06:21dépendante, doit renforcer son indépendance stratégique, renforcer sa puissance économique,
06:27industrielle, sa souveraineté, on dit aussi, est importante. Là où il y a aussi des avancées,
06:32c'est qu'on a clarifié le propos et l'objectif. Quand on parle de souveraineté européenne,
06:37on ne dit pas qu'on va faire un État souverain, fédéral, centralisé, européen. L'idée, c'est
06:44plutôt de développer des politiques qui augmentent l'autonomie européenne, qui réduisent ses
06:49dépendances et ses vulnérabilités, qui permettent par exemple de faire de la politique industrielle.
06:54On a énormément développé les aides nationales, européennes, pour la santé, pour les
06:58semi-conducteurs, pour les batteries. On essaie de faire des choses aussi sur le numérique. On essaie
07:03d'être moins dépendant sur les matières premières et les métaux critiques. Toutes ces politiques-là,
07:07elles ont beaucoup avancé. On voit aussi sur la défense qu'on coopère davantage, par exemple pour
07:14aider l'Ukraine, dans la coopération industrielle sur les projets de défense, même si on est encore
07:18très loin d'une politique de défense totalement autonome par rapport à l'OTAN ou aux États-Unis.
07:25Donc la France, elle a joué un rôle important dans ce mouvement. Ses idées ont progressé,
07:30y compris dans le domaine, par exemple, de la réciprocité commerciale, dans la politique
07:34commerciale. Et ce qui est important, évidemment, c'est que l'affaiblissement interne que nous
07:39connaissons ne se traduise pas par un affaiblissement des positions françaises et même,
07:44éventuellement, par une espèce de cercle vicieux où, au fond, la France serait un peu marginalisée
07:50dans les décisions. Elle se verrait imposer des décisions et ça renforcerait une forme de rejet,
07:54une forme de défiance des citoyens français par rapport à l'Union européenne, alors qu'on voit
08:00dans les sondages que les Français sont parmi les plus défiants par rapport à l'Union européenne.
08:04Et là, il y a une très grande responsabilité de nos dirigeants de rester engagés, d'être
08:09responsables, de faire preuve de leadership, de montrer qu'ils défendent les intérêts français,
08:14et de le montrer aux Français. Un risque préoccupant de décrochage,
08:19c'est le titre du papier que vous aviez publié, donc à suivre de manière vraiment,
08:25avec beaucoup d'attention, ce risque. Merci à vous Maxime Lefebvre. Merci.

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