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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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00:00Marie Misset, votre nouvelle tête ce matin est une peintre, exposée en ce moment même
00:03à l'Orangerie à Paris, elle s'appelle Amélie Bertrand.
00:06Bonjour Amélie Bertrand, on se remet tout de suite dans une ambiance de matin que vous
00:10connaissez bien pour que vous vous sentiez en zone familière.
00:13C'est les chansons que vous écoutiez avant de partir à l'école à 6 ans, même pas
00:32du Gérard Manset, plein les oreilles, grâce à votre père, graphiste, maquettiste, il
00:37vous a aussi formé jeune à l'utilisation de logiciels comme Photoshop, InDesign ou
00:42Illustrator.
00:43Vous, qui êtes peintre aujourd'hui, exposée en contrepoint aux non-féas de Monet à
00:47l'Orangerie, Photoshop et compagnie, c'est encore ce que vous utilisez aujourd'hui pour
00:51faire vos esquisses, pour composer vos tableaux.
00:54Ensuite, vous imprimez le modèle, vous éteignez l'ordinateur, vous faites des pochoirs et
00:58vous laissez s'exprimer la lumière en peignant, le plus souvent avec de la peinture à l'huile.
01:03Alors j'ai envie de vous dire, à vous qui nous écoutez, de regarder ce que ça donne
01:06en tapant Amélie Bertrand dans un moteur de recherche, mais ça rend pas du tout la
01:10même chose qu'en vrai.
01:11Pour moi, pour ceux qui sont autour de la table, Charline, Tania, je vous file le catalogue
01:15de Hypernuit, l'exposition à l'Orangerie, pour que vous voyiez parce que c'est très
01:18beau.
01:19Ça vous met dans quelle ambiance Amélie Bertrand, un Gérard Manset qui parle de camions,
01:23de bon matin, de camions bâchés ?
01:24Surtout après les driftings, ça met une drôle d'ambiance.
01:29Déjà petite, écouter ça, c'était assez étrange, du coup il y avait une ambiance
01:34comme ça de paysage, enfin Gérard Manset, ça donne quand même des images mentales
01:41assez folles dans le paysage, assez périphériques, du coup je pense que ça m'a marqué dans
01:46ma peinture et mon travail dès maintenant.
01:48Quand vous étiez au Beaux-Arts à Marseille, vous avez eu un prof qui vous a dit « faut
01:52que tu peignes ». Vous vous étiez inscrit dans sa classe pour l'année d'après,
01:55mais il s'est suicidé.
01:56Vous en avez déduit que la peinture était quelque chose dans lequel on s'engageait
01:59mais intégralement, mais moi ça m'aurait fait super peur en fait ce destin de ce professeur.
02:04Vous au contraire, vous vous êtes dit « allez j'y vais, je m'engage là-dedans ».
02:07C'est sûr que faire ce choix, au début c'est un choix un peu par élimination,
02:12moi je suis arrivée comme ça, aussi par ma famille inconsciemment, mais voilà, du
02:18coup arrivé au Beaux-Arts, je me suis dit que c'étaient les meilleures études de
02:21ma vie.
02:22Un prof, boxeur, peintre, me tape l'épaule avec ferveur et me dit que j'allais faire
02:29de la peinture.
02:30Ah oui, il vous l'annonce en fait.
02:31Il me l'annonce parce que je lui avais dit que peut-être que j'allais faire communication
02:33ou design, sauf qu'au Beaux-Arts, on ne savait pas trop ce que c'était, de peur
02:37de ne pas avoir de travail.
02:38Effectivement, du coup, j'ai voulu le rejoindre et ça m'a marqué, et il n'était plus
02:45là, je n'ai pas pu le retrouver.
02:47Pour vous accompagner, mais ça ne vous a pas empêché d'y aller en tout cas.
02:49Qu'est-ce qui fait aussi qu'on permet de se dire « c'est bon, je vais devenir
02:52peintre, moi, je fais ça, je vais faire ça de ma vie ».
02:55On ne se le dit pas en fait.
02:57Je pense que je suis peintre avant d'être artiste, mais je ne me suis jamais dit que
03:01je peux être artiste.
03:02Je me suis dit d'abord que je vais avancer petit à petit, faire des choses.
03:07Et maintenant, quand on me demande ce que je fais, je dis que je suis pas artiste, je
03:10fais de la peinture.
03:11On me dit de la peinture en bâtiment, je dis non.
03:14Vous envoyez, vous croyez, une vibe de personne qui fait de la peinture en bâtiment plutôt
03:18que de peindre dans votre atelier ?
03:21Je n'en sais rien, vous n'avez pas la réponse.
03:24Sans vouloir vous replonger dans un autre moment douloureux de ces années-là, qu'est-ce
03:27que ça vous époque, cette petite musique qu'on entend là, derrière ?
03:34Ce sont des chants tibétains.
03:37C'était la peinture que je n'avais pas envie… Je suis arrivée dans un atelier
03:40effectivement où il y avait une peinture abstraite, méditative, et moi j'avais envie
03:45de rejoindre un… J'avais pas envie d'écouter ça, j'avais envie que ça soit plus impactant.
03:50Mais après, maintenant, vieillissant, je me dis peut-être que…
03:53Il y avait quelque chose…
03:54Exactement, mais c'était vraiment un autre engagement.
03:59Vous étiez plutôt rock.
04:01Votre peinture, elle provoque des sensations, un léger malaise, une sorte de vallée de
04:05l'étrange.
04:06En tout cas, c'est à ça que ça me fait.
04:07Je ne sais pas, regardez Charline, si ça vous fait la même chose.
04:09C'est des images qu'on connaît, il y a des motifs qu'on reconnaît, des grillages,
04:13des arbres artificiels, et pourtant il y a un truc très bizarre.
04:16Ça vous surprend que je vous dise ça ?
04:19Non, c'est ce que je recherche.
04:20En fait, en utilisant l'ordinateur, tous ces pochoirs, c'est vraiment des outils
04:25qui sont comme des ingrédients.
04:28Des petits outils, ouais.
04:29Exactement, et je ne veux vraiment pas être catalogué là-dedans.
04:32Et ensuite, ça me permet juste de mettre en place un processus de cloisonner l'espace
04:38de la toile, de fermer le regard, de coincer un peu le spectateur.
04:42Charline, vous vous sentez coincée là, en regardant ?
04:44Pas du tout, je me sens avec un jaillissement de couleurs.
04:48Et après, je joue bien sûr avec la couleur, qui est vraiment ce qui m'intéresse le plus
04:54pour créer de la lumière.
04:55C'est un aspect comme ça, pop, sucré, immédiat, à travers un condensé de couleurs.
05:04Je fact-check, tout est juste, tout est vrai.
05:07D'ailleurs, la couleur, la lumière, c'était les obsessions de Monet aussi.
05:12Vous avez un écran extraordinaire en ce moment à l'orangerie pour faire contrepoint
05:15avec les nymphéas, ça s'appelle « Hypernuit ».
05:18Vous m'avez d'ailleurs appris qu'il avait conçu, je ne le savais pas, tout le bâtiment
05:21pour abriter ces nymphéas.
05:23Il a pensé à la lumière, à la taille des pièces, à la taille des corridors.
05:26Vous souffrez, vous aussi, de ce genre d'obsession, Amélie Bertrand ?
05:30Oui, du coup, c'est incroyable de pouvoir faire ça.
05:33On aimerait à chaque fois penser la peinture pour l'endroit où il va être exposé.
05:38Du coup, les nymphéas, ça donne une sensation d'immersion.
05:42Monet, en fait, voulait faire vraiment…
05:44Lui, il avait pensé d'abord, ce qui était marrant, à faire une salle à manger, un salon.
05:49Faire du papier peint, en fait ?
05:51Oui, et quand j'ai appris ça…
05:52Parce que les nymphéas, ça s'appelle aussi les grandes décorations.
05:54Et donc, il y a tout un pan du décor dans l'impressionnisme assez intéressant.
05:59Et ensuite, avec son ami Georges Clemenceau, ils ont parlé de salle des fêtes.
06:04Et quand j'ai entendu ça, je me suis dit, moi, je vais présenter ma salle des fêtes
06:08dans l'entrée des nymphéas.
06:09Donc, voilà, c'est vraiment une clairière de gazon synthétique illuminée avec des
06:16rétroprojecteurs de boîte de nuit.
06:18C'est-à-dire qu'à la place de la lumière du jour, par laquelle Claude Monet était obsédé,
06:23vous, c'est la lumière de nuit qui vous a obsédé ?
06:25Oui, c'est pour ça que ça s'appelle effectivement Hyper Nuit.
06:28Et donc, c'est à côté de l'excès, j'ajoute de l'apparat, de l'éclat à la peinture
06:34pour créer ces lumières sans couleur fluo.
06:38On peut les voir dans ce catalogue Hyper Nuit que Charline feuilletait.
06:41Est-ce que vous avez un avis sur les images générées par IA ?
06:44Parce qu'en regardant le catalogue, en regardant votre travail, je me suis dit que ça pourrait
06:48fonctionner avec votre travail.
06:50On y pense, c'est comme Photoshop en fait.
06:52Moi, je n'ai pas changé mon Photoshop, c'est toujours celui de 2000, c'est S3.
06:56En fait, j'ai essayé, mais ça ne marche pas du tout.
06:58Ça ne marche pas pour l'instant.
06:59Non, la peinture, c'est de la bonne vieille peinture à l'huile avec des trucs et astuces
07:05pour en mettre plein les yeux.
07:07Allez en prendre plein les yeux à l'orangerie avec de la bonne vieille peinture à l'huile.
07:11Merci beaucoup Amélie Bertrand.
07:13On peut voir ces huit peintures que vous avez réalisées spécialement pour l'Hyper Nuit.
07:17C'est à l'orangerie à Paris en ce moment.
07:19Un contrepoint à Monet qui mérite d'être vu.
07:21En vrai, c'est jusqu'au 27 janvier prochain.
07:23Et puis en mars, vous avez une exposition personnelle dans votre galerie qui vous représente
07:27depuis le début à CEMIOS.
07:28Merci.
07:29Merci.

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