L'ancienne Première ministre raconte dans un livre ses vingt mois passés à Matignon et trace des perspectives pour l'avenir. Elisabeth Borne, députée ensemble de la 6e circonscription du Calvados, est l'invité de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 30 octobre 2024.
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00:007h41, l'heure de l'invité d'RTL Matin et Thomas, vous recevez aujourd'hui Elisabeth Borne,
00:09l'ancienne Première Ministre qui a choisi de se livrer sur ses 20 mois à Matignon dans un livre qui vient de sortir.
00:15Bonjour et bienvenue sur RTL, Madame 49.3 ?
00:18Non, je ne préfère pas. Je vais essayer d'expliquer dans ce livre que voter un budget, c'est 10 votes.
00:26Et donc, quand on a des oppositions qui sont décidées à voter systématiquement contre, c'est dit 49.3.
00:32Mais c'est vous qui racontez dans votre livre 20 mois à Matignon que c'est le surnom dont vous avez hérité quand vous étiez Première Ministre.
00:37Est-ce que ça vous a touché ? Est-ce que ça vous a blessé sincèrement ?
00:41Évidemment, c'est tout le contraire de ce que je suis. Vous voyez cette image d'autoritarisme.
00:46Moi, je suis une femme de dialogue et d'écoute, donc ces caricatures, oui, elles sont blessantes.
00:53Et j'essaye d'expliquer que la procédure d'adoption d'un budget, c'est quelque chose de compliqué.
01:00Je vous dis, c'est 10 votes. Donc, pour avoir un budget, et chacun imagine ce que ça veut dire de ne pas en avoir,
01:05ça veut dire 10 49.3, mais c'est toujours le même budget dont on est en train de parler.
01:09Et il y a eu 60 textes qui ont été votés en trouvant des compromis.
01:14Vous parlez de la façon dont vous êtes perçu dans le livre. Je suis raide, je suis cash.
01:17On me colle aussi l'étiquette de techno, écrivez-vous.
01:20Et en vous lisant, on vous découvre sensibles et pas à l'épreuve des balles.
01:23C'était vraiment impossible à assumer cette sensibilité quand vous étiez en poste.
01:27Il faut être Robocop pour être Premier ministre ?
01:30Écoutez, on n'est pas entouré que de gens bienveillants.
01:33Et donc, je pense qu'à un moment donné, il faut aussi être capable de renvoyer les balles, on va dire.
01:39Ce n'est pas facile tous les jours, vous non plus. C'est votre réputation.
01:42Oui, écoutez, je ne suis pas entouré non plus de bisounours.
01:45Donc, il faut se défendre. Qui sont les plus méchants ?
01:48On ne va pas citer des noms. Lisez le livre !
01:53Il y en a un autre qui fait peu de concessions, Elisabeth Borne,
01:56et qui va sans doute devoir en passer par le 49-3 pour faire passer son budget.
01:59C'est Michel Barnier. Quel conseil vous lui donnez au Premier ministre ?
02:02Alors moi, je vois qu'il essaie d'éviter le 49-3.
02:07Et je pense que la façon dont le débat se déroule à l'Assemblée ne donne pas une bonne image.
02:12Pourquoi ?
02:13Parce que finalement, on laisse le temps s'écouler peut-être pour arriver soit à un rejet de la première partie du budget,
02:20les recettes, soit à épuiser le temps qui est prévu dans la Constitution.
02:25Pendant ce temps-là, on voit qu'il y a des taxes qui sont adoptées sur proposition du NFP,
02:31avec le soutien plus ou moins explicite du Rassemblement national.
02:36Donc finalement, vous voyez, engager sa responsabilité sur une version du budget
02:42dans laquelle on a tenu compte des amendements présentés à l'Assemblée,
02:46je pense que c'est finalement une moins mauvaise solution.
02:49Vous dites qu'il vaut mieux y aller franchement et nettement ?
02:50Je pense que ça permet au moins que l'Assemblée pèse dans les débats.
02:55Si jamais le texte est rejeté au Sénat,
02:59moi je serais vraiment très vigilante à ce que ce que porte notre groupe,
03:04ce que porte notre famille politique, soit bien repris dans ce budget.
03:08C'est évidemment essentiel pour moi.
03:10On va parler de celui qui vous a succédé, Ruth Varenne à Matignon, c'est Gabriel Attal.
03:13Finalement, après avoir annoncé votre candidature pour la tête du Parti Renaissance,
03:18vous avez décidé de la retirer cette candidature, lui laissant le champ libre.
03:21Pourquoi avoir reculé Elisabeth Borne ?
03:23Alors je n'ai pas retiré ma candidature.
03:25On a trouvé un accord avec Gabriel Attal pour un rassemblement,
03:30c'est-à-dire qu'on est en train de travailler sur la fusion des listes
03:33qu'on avait constituées l'un et l'autre et un partage des responsabilités.
03:38Et dans la période politique qu'on est en train de vivre,
03:42je pense que c'est important de jouer l'unité et la complémentarité.
03:46Donc il est candidat au poste de secrétaire général,
03:49moi de la présidence du Conseil national.
03:51Et ce qui m'importe, vous savez, fondamentalement,
03:54c'est d'inscrire notre famille politique, ce bloc central,
03:58de façon durable dans la vie politique française
04:01et de porter un projet qui redonne de l'espoir aux Français.
04:04Vous avez confiance en Gabriel Attal ?
04:06Bien sûr, on a travaillé depuis de nombreuses années ensemble
04:10et on a un accord et je pense que ça me permettra de faire ce que je souhaite,
04:14c'est-à-dire porter un projet qui redonne de l'espoir à nos concitoyens.
04:18Donc ça va être lui le patron, vous serez à côté ?
04:21On a veillé à avoir un partage équilibré au sein du parti
04:27et je vous dis, à la fin, pour moi, en politique, l'important c'est les idées.
04:31C'est la constance aussi, pardon Elisabeth,
04:33dans le livre, vous lui mettez un bon tacle quand même,
04:35je revendique ne pas avoir passé ma vie entre l'école alsacienne,
04:38la rue du Faubourg Saint-Honoré et la rue de Varennes,
04:40autrement dit l'école privée où il a été l'Elysée et Matignon.
04:44Et vous-même, vous disiez en août qu'il n'était pas d'usage
04:46que le chef du groupe à l'Assemblée, Gabriel Attal donc,
04:48cumule avec le poste de chef de parti.
04:50En fait, je fais des considérations générales dans le livre,
04:52après chacun peut...
04:54C'est généralement assez précis quand même.
04:57Mais c'est dans le deal, vous allez reprendre la tête du groupe par le moment ?
05:00Non, non, non, je ne vais pas du tout reprendre la tête du groupe,
05:02je dis que c'est deux fonctions qui sont importantes,
05:04qui sont certainement très prenantes au groupe dans le contexte actuel.
05:08Pour un seul homme ?
05:09Et au parti, parce qu'il y a beaucoup de choses à reconstruire,
05:13à revivifier, et voilà, il aura à faire ses choix le moment venu.
05:17Il devient le candidat naturel de votre camp pour 2027, Gabriel Attal ?
05:20Je pense qu'on n'en est pas là, vous voyez.
05:21Moi, je pense, je fais partie de ceux qui considèrent qu'en politique,
05:25il faut d'abord des idées et un projet.
05:28Vous savez, quand on fait campagne, on voit à quel point il y a du désarroi,
05:31de l'impatience, de la colère, il faut redonner de l'espoir aux Français.
05:34Quand Emmanuel Macron décide de vous sortir de Matignon, vous racontez
05:37« il me demande mon avis sur mon successeur,
05:39il hésite entre deux hypothèses, Gabriel Attal et quelqu'un d'autre », écrivez-vous ?
05:43Non, je n'ai pas écrit ça, j'ai dit qu'il hésite entre deux hypothèses et Joker.
05:47Page 304. Et c'est qui l'autre ? C'est Gérald Darmanin ?
05:51On verra plus tard, un jour peut-être.
05:54Pourquoi vous ne le dites pas ?
05:55Parce que les échanges entre le président de la République et ses premiers ministres,
05:59ça ne se raconte pas.
06:01Ça dépend, parce que dans ces 20 mois à Matignon,
06:03il n'y a pas un chapitre consacré à Emmanuel Macron,
06:05mais il est présent partout en filigrane,
06:06et on sent qu'il vous glisse pas mal de peau de banane.
06:08Vous dites qu'on ne raconte pas les échanges entre un président de la République
06:11et sa première ministre.
06:12Non, non, je ne les raconte pas.
06:13Sauf que, oui, mais lui, il raconte.
06:14Lors de la composition du gouvernement,
06:17il vous dit « Je m'interroge à voix haute et propose de nommer Gérald Darmanin aux armées.
06:21L'hypothèse évoquée dans ce bureau, où nous n'étions que deux,
06:25donc lui et vous, parviendra très vite aux oreilles de Gérald,
06:28qui y verra une mauvaise manière de ma part. »
06:30Oui, il doit prendre des conseils, je pense, le président de la République.
06:33Oui.
06:33Du coup, ça fuite.
06:36Il y a d'autres épisodes comme ça.
06:37Le président de la République vous invite à demander la confiance de l'Assemblée,
06:40quand vous êtes nommé premier ministre.
06:41« Tes prédécesseurs l'ont fait, ce serait élégant que tu le fasses », me répète-t-il.
06:44« Ce serait élégant, mais suicidaire », écrivez-vous.
06:46Est-ce qu'il a voulu vous envoyer dans le mur, Emmanuel Macron ?
06:49Non, je pense... Enfin, vous savez, ce que je décris,
06:52c'est, je pense, la relation forcément compliquée
06:56entre le président de la République et le premier ministre,
07:00après des révisions de la Constitution, notamment celles de 2000,
07:03le quinquennat, l'inversion du calendrier,
07:06qui sème un peu de confusion sur le rôle respectif de chacun.
07:10C'est pour ça que je fais des propositions de réforme dans mon livre,
07:13parce que je pense que ce n'est pas une question de personne,
07:16c'est vraiment, aujourd'hui, une question d'instinct.
07:18Mais les personnes, c'est important, c'est comme les bisounours
07:20que vous évoquiez tout à l'heure au début de l'interview.
07:22Vous avez réussi à le cerner, Emmanuel Macron, en 20 mois, Matignon ou pas ?
07:25Écoutez, on a beaucoup échangé, je pense que lui, comme moi,
07:28on aime rentrer dans le fond des dossiers, on aime échanger.
07:31Ensuite, chacun a sa personnalité.
07:33Il faut lire le livre, parce que vous allez un peu plus loin dans le livre que face au micro.
07:36J'ai l'impression que ce n'est pas tout à fait la même Elisabeth Borne.
07:38Alors, il y a tout un chapitre édifiant sur le sexisme,
07:40que je laisse les lecteurs découvrir.
07:43Et ce qui est marquant aussi, c'est que vous cassez le discours ambiant
07:45et parfois conciliant avec le rassemblement national.
07:47Là, je vais vous lire encore.
07:48« L'ERN s'applique désormais à se présenter paradoxalement
07:51comme le meilleur défenseur des Juifs.
07:53Il ne fait que hiérarchiser l'urgence de ses combats.
07:55Dans un premier temps, il s'en prend aux musulmans.
07:57Quand la besogne sera achevée, il s'en prendra de nouveau aux Juifs.
08:00C'est un parti raciste et antisémite, l'ERN, comme l'était le FN à sa fondation. »
08:05Moi, je n'oublie pas d'où vient l'ERN,
08:07et je n'oublie pas qu'ils ne sont jamais revenus sur leur position historique.
08:16Après, je ne confonds pas les positions historiques du RN avec les électeurs RN.
08:22Et je pense que ceux qui se tournent vers le rassemblement national,
08:25ce sont d'abord des gens qui attendent des réponses concrètes.
08:31Et donc, c'est à ça qu'il faut qu'on s'attelle.
08:33Est-ce que dans votre camp, on a tendance à normaliser un peu trop l'ERN ?
08:36Et finalement, à faire son jeu ?
08:38Non, mais je ne pense pas qu'on le normalise.
08:39Nous, je pense que c'est vrai aussi que les outrances de certains,
08:43je pense en particulier à la France Insoumise,
08:45font aussi la courte échelle au rassemblement national.
08:48Ils font aussi la courte échelle.
08:49Vous évoquez également le président du RN, Jordan Bardella.
08:52Il sait prendre la température, mais absolument pas rédiger l'ordonnance.
08:55Il ne propose aucune réponse à ses problèmes,
08:57ou des solutions si creuses qu'elles n'en sont pas.
08:59Vous savez que lui aussi, il va sortir un livre dans quelques jours, Jordan Bardella.
09:02Il ne pourra pas faire de pub dans les gares.
09:04Je ne sais pas si vous avez entendu cette petite polémique.
09:05J'imagine que oui, si vous avez entendu, Isabelle Borne.
09:08Qu'est-ce que vous pensez, en quelques mots, de cette polémique ?
09:10C'est de la censure ?
09:13Non, je ne pense pas que ce soit de la censure.
09:14Après ça, chacun fait la promotion de son livre comme il l'entend.
09:17Et puis, je n'ai pas tellement envie de m'intéresser au livre de Jordan Bardella.
09:20Voilà, il y a un excellent livre à lire.
09:22Absolument, qui s'appelle « 20 mois à Mathieu ».
09:24Vous êtes très, très prudente, Isabelle Borne.
09:26On ne va pas tout dévoiler de votre livre à vous,
09:28mais quand même, l'épilogue qui est titré « Un chemin d'espoir »,
09:30il ressemble à une profession de foi pour la suite.
09:33« J'ai l'envie d'être prête », ça, ça vient très tôt, page 17, « J'ai l'envie d'être prête ».
09:37Et c'est un livre qui se termine finalement par le mot « fin » ou par le mot « à suivre » ?
09:42Moi, j'ai envie de m'investir dans la vie politique française.
09:45Tous les politiques ont envie de s'investir.
09:46Oui, bien sûr, mais vous voyez...
09:48Certains le disent très franchement.
09:49Je crois que, de par mon histoire, j'ai une certaine forme de ténacité et de résilience.
09:54Et ça me tient à cœur, parce que finalement, moi, je dois tout à mon pays.
09:58J'ai été pupille de la nation.
10:00Ça me tient à cœur de pouvoir lui rendre ce qu'il m'a apporté.
10:04Et ça passe notamment par mon implication en politique.
10:07Vous vous interdisez de penser à 2027 ?
10:09Je pense que ce n'est pas le moment.
10:10Je pense qu'aujourd'hui, les Françaises et les Français attendent qu'on réponde à leurs problèmes immédiats.
10:15Est-ce que vous vous interdisez dans votre vision de l'intérêt général d'y penser ?
10:20Moi, je ferai tout ce que je peux faire pour porter un projet qui donne de l'espoir à nos concitoyens.
10:27Et vous voyez, par exemple, quand on passe sa vie au SMIC,
10:30forcément, on est en colère.
10:32Et je pense qu'il faut qu'on soit capable de dire à chacun,
10:36d'abord, comme ça a été mon histoire,
10:38qu'on peut venir, on peut avoir un père qui était apatride,
10:42on peut avoir une mère qui se retrouve dans la galère,
10:44et on peut terminer Premier ministre dans notre pays.
10:47Et puis de dire à chacun aussi qu'il a le droit de progresser tout au long de sa vie,
10:52de démarrer comme opérateur et de terminer comme directeur.
10:55Et c'est ça que je porte.
10:56Merci beaucoup Isabelle.
10:57Je suis content d'avoir lu ce livre parce que j'ai l'impression d'avoir fait connaissance avec vous.
11:00On s'est rencontrés plusieurs fois, je vous ai interviewés plusieurs fois.
11:02Et là, je me dis, tiens, elle se lâche un peu, elle se livre et on sait qui elle est.
11:05Et c'est assez intéressant honnêtement.
11:07Elisabeth Borne, même si je ne suis pas critique littéraire,
11:0920 mois à Matignon et ta livre publiée chez Flammarion.
11:12Merci d'être venu me voir.
11:13C'était qui le deuxième ?
11:14Donc c'était Attal et l'autre ?
11:16Un jour peut-être.
11:16Un homme ou une femme ?
11:18C'est un homme ou une femme ?
11:18Un homme, forcément.
11:19Un homme, forcément.