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Ancien trader chez Cargill, Constant Thirouin est aujourd’hui agriculteur et consultant pour Piloter sa ferme. Il revient avec nous sur la spéculation, et notamment sur la présence d’acteurs financiers sur les marchés du blé, du maïs et du colza.

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00:00Nos marchés de céréales et de blé en particulier sont des marchés spéculatifs et n'importe
00:10quelle personne qui est concernée par ce produit-là est un spéculateur, parfois sans
00:19le savoir ou sans en être conscient, mais à commencer par l'agriculteur, à partir
00:25du moment où on décide de semer du blé, on a toujours l'espoir que ça vaille plus
00:32cher demain et c'est pour ça qu'on ne vend pas forcément tout de suite sa production,
00:37y compris au moment où on a fini de la récolter, donc avant de la récolter on peut se cacher
00:43derrière l'incertitude du rendement et de la production, mais une fois que c'est récolté
00:47finalement on se dit peut-être que ça va valoir plus cher demain, donc c'est un acte
00:51de spéculation et finalement ce marché où les prix sont connus tout le monde à l'instant T,
00:57quand vous avez un acheteur final qui veut acheter de la marchandise, forcément il connaît
01:03le prix au niveau des intermédiaires qui couvrent un certain nombre de risques, entre autres le
01:10transport, la perte de qualité, la perte de quantité à certains moments, les incertitudes,
01:16les assurances et autres, si vous voulez vendre à un client final à un moment où le marché vaut
01:21100, le client final il va vouloir acheter 98, donc si vous voulez réussir à faire tourner une
01:27activité économique, il faut que vous vendiez à 98 quand vous avez acheté à 90 ou quand vous
01:34pensez que vous achèterez demain à 90, après peut-être que vous vous trompez, que vous rachèterez
01:39ce que vous avez vendu à 98 à 105, à ce moment là vous perdez de l'argent, mais on est sur quelque
01:44chose de spéculatif, on a une vision sur les prix à court terme, moyen terme qui permet de se
01:52positionner sur un certain nombre de choses, mais on est dans de la spéculation et ce n'est pas un
01:58gros mot la spéculation. C'est une chose nécessaire d'avoir des gens qui viennent avec une façon de
02:08raisonner différente pour pouvoir apporter la liquidité, le dynamisme sur les marchés. Quand
02:16vous avez un problème de sécheresse par exemple, de manque de disponibilité de marchandises, si vous
02:23n'avez que des acteurs professionnels directs sur le marché, tout le monde a la même opinion,
02:27ceux qui ont déjà vendu veulent racheter, ceux qui sont acheteurs veulent acheter, vous avez un marché
02:33qui va monter encore trois fois plus vite qu'il ne pourrait monter aujourd'hui sans qu'il se passe
02:37réellement de transactions et sans que personne n'arrive correctement à travailler. Aujourd'hui,
02:42le fait d'avoir des personnes qui viennent avec des intérêts différents, avec des timings
02:48différents, parce que quand on dit fonds de pension on couvre tout et n'importe quoi, vous avez des
02:53gens qui traitent à la journée, vous avez des gens qui traitent justement sur le long terme à
02:59plusieurs années, vous avez des gens qui traitent des différences entre des marchés, vous avez
03:04différents types d'actions et c'est ce qui vous permet quand le marché vaut 350 euros de trouver
03:09quelqu'un pour acheter quand vous êtes vendeur et quand le marché vaut 150 euros de trouver
03:15quelqu'un pour vous le vendre si vous êtes un éleveur et que vous avez besoin d'acheter de la
03:18marchandise. Et donc on est dans des marchés qui sont volatiles, qui vont continuer à être volatiles
03:23et justement la chance qu'on a en tant qu'agriculteurs en France c'est qu'on a dans la
03:30même année un marché qui peut être favorable aux éleveurs à acheter pas trop cher et favorable
03:35aux producteurs pour vendre à un bon prix.
03:41On a une présence des fonds de pension sur le marché mais principalement sur le marché américain.
03:45Le matif, le renexte français, ils sont encore peu présents, c'est pour ça qu'on manque
03:53de liquidité, on manque de profondeur au niveau des échéances qui sont traitées,
03:58on va traiter une, deux, un peu sur la troisième échéance mais guère plus et on n'a pas des
04:04volumes importants et en fait ces gens-là recherchent de pouvoir rentrer, sortir de leur
04:09position assez facilement parce qu'il y a du volume qui traite et le marché à terme français
04:14n'offre pas aujourd'hui cette possibilité-là donc on a quelque chose qui tient mais on n'est
04:21pas encore au niveau du blé et le problème c'est qu'on a un certain nombre d'acteurs français
04:25aujourd'hui, d'acteurs de maïs français qui ne vont pas sur le marché à terme et donc
04:31on n'a pas cette liquidité, cet effet boule de neige, ce cercle vertueux qui ferait
04:41qu'on ait plus d'intervenants sur le marché. Ce serait bénéfique ? Pour moi ce serait bénéfique
04:46parce que le marché à terme permet une meilleure visibilité pour l'agriculteur si on revient à
04:53cette base-là de quelle est la valeur demain du marché, comment est-ce que je me protège,
04:59si je suis capable de vendre pour la moisson qui vient à un prix qui est rémunérateur sur
05:05mon exploitation, au moment où je sème je fais un semis en conscience. L'utilisation des marchés à
05:11terme a clairement permis de construire une relation entre l'acheteur et le vendeur, une
05:17relation de confiance, de travailler sur la qualité, de travailler sur la traçabilité et de sortir
05:24de juste une discussion de prix. Chacun gère son prix de son côté et on travaille sur la
05:28logistique, on travaille sur la qualité, on travaille sur la traçabilité. La logistique en
05:32train pareil, si on n'a pas de marché à terme en maïs, on est incapable de faire des trains parce
05:37que l'acheteur il n'a pas forcément envie d'acheter au moment où le vendeur a envie de vendre.
05:42Pour le coup effectivement on a aussi des intervenants financiers qui viennent sur le
05:53marché du colza mais on a aussi des intervenants qui viennent pour s'arbitrer, qu'ils soient
05:58canadiens, australiens ou autres parce qu'ils ne vont pas forcément vendre un bateau là d'un
06:04seul coup mais ils peuvent vendre régulièrement du par exemple du colza jusqu'au jour où ils
06:08vendent physiquement la marchandise donc ils vont vendre des lots de colza au fur et à mesure qu'ils
06:12achètent le colza. Alors agriculteurs australiens ils vendent du matif et puis un jour où ils
06:20vendent le bateau ils rachètent ce matif là donc ils s'arbitrent sur le marché.
06:25Donc ça c'est de l'arbitrage, c'est de la gestion au bon père de famille de l'utilisation d'un marché
06:30à terme et c'est ce qui représente une grosse partie quand même de l'utilisation c'est
06:35dire que si chacun dans chaque étape utilise le matif pour cette gestion saine de la
06:42gestion de son coût de production, de la gestion de sa marge industrielle, on se retrouve avec la
06:48même tonne qui effectivement va passer 4-5 fois ou 6 fois à travers le marché potentiellement et
06:56après on a effectivement aussi du fait qu'il y ait de la liquidité, qu'il y ait suffisamment de
07:01liquidité on a des opérateurs financiers qui apportent également de la liquidité et qui
07:08apportent un acheteur quand on a envie de vendre un prix élevé et un vendeur quand on a envie
07:14d'acheter un prix bas.
07:20Oui on en a plus, de plus en plus, c'est peut-être exagéré, la grosse différence c'est que c'est assez récent en fait que sur le modèle de ce qui se faisait à Chicago
07:32on expose quelle est l'origine des positions. Aujourd'hui maintenant on a une classification de ceux qui détiennent des positions,
07:41avant on ne l'avait pas donc on le voyait moins mais ils ont quand même toujours été un petit peu présents du fait de cette internationalité du produit.
07:50Après le colza et la trituration ça fonctionne beaucoup en fait par une gestion de marge, beaucoup plus que sur d'autres produits et donc en fait l'utilisateur triturateur,
08:04lui ce qui l'intéresse c'est sa marge de trituration. Quelle est la marge qu'il fait entre son achat de graines, sa vente d'huile, sa vente de tourteau et son achat d'énergie entre les deux.
08:14Et donc qu'il achète son colza à 300 euros ou à 700 euros, potentiellement il fait plus de marge en achetant le colza à 700 euros qu'en l'achetant à 300.
08:27Donc en fait dans l'absolu le prix intrinsèque importe peu, ce qui est important c'est la marge.
08:33Donc le raisonnement est aussi différent du raisonnement qu'on peut avoir sur le blé, on va plus raisonner sur une valeur brute de la marchandise.

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