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Vendredi, samedi et dimanche dans Europe 1 Soir Week-end, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique.
Retrouvez "L'interview politique d'Europe 1 Soir week-end" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-politique-deurope-1-soir-week-end

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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatour Dupin.
00:04C'est une première depuis 6 ans, visite d'Etat d'un président français qui se rend demain au Maroc,
00:09Emmanuel Macron, à la rencontre de Mohamed VI, avec une délégation de ministres,
00:15mais pas que, le chef de l'Etat sera accompagné d'une quarantaine de chefs d'entreprise,
00:19d'une dizaine des acteurs bien en vide des côtés de la Méditerranée.
00:24On a choisi d'en parler ce soir avec Xavier de Riancourt qui est dans ce studio.
00:28Bonsoir monsieur, vous êtes ancien ambassadeur de France en Algérie,
00:32vous êtes l'auteur de l'énigme algérienne chronique d'une ambassade à Alger,
00:37et votre regard est important ce soir, puisque vous connaissez parfaitement bien cette région,
00:42je le disais, vous avez été ambassadeur de France en Algérie, voisin du Maroc.
00:45Nos relations sont au plus bas avec l'Algérie à cause du choix de la France, on en a parlé,
00:51puisque Emmanuel Macron a décidé de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental,
00:57et ça peut froisser les Algériens, pour ainsi dire.
01:01Vous connaissez parfaitement le secteur, d'abord, quand même, une visite d'Etat,
01:08peut-on dire ce soir que c'est quand même historique cette visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Maroc,
01:14vu les relations qui étaient entretenues entre la France et le Maroc jusqu'ici ?
01:18Non, c'est la formule la plus solennelle de la visite officielle,
01:24c'est une visite qui va durer deux jours, et c'est la formule visite d'Etat,
01:29comme on attendait d'ailleurs le président algérien qui devait faire une visite d'Etat en France.
01:34Donc c'est la visite la plus solennelle qui soit, enfin, ça ne change pas grand-chose,
01:40mais ce qui est important, c'est, vous l'avez dit tout à l'heure, c'est qu'après six ans de brouilles,
01:45après six ans de relations complètement gelées entre la France et le Maroc,
01:51nous reprenions langue avec le Maroc, et donc ça se traduit, ça se symbolise par cette visite d'Etat.
01:58Pourquoi ? Est-ce que vous pouvez expliquer aux auditeurs d'Europe 1 pourquoi cette brouille avec le Maroc ?
02:02Alors que maintenant, qui se réchauffe pour la raison que je viens d'évoquer,
02:05on va parler des enjeux de cette visite, mais peut-être pour planter le décor historique,
02:10c'est vrai que la France et le Maroc depuis six ans, c'était extrêmement compliqué, pour quelles raisons ?
02:15Il y a plusieurs raisons, il y a eu des raisons ponctuelles, comme par exemple l'affaire Pegasus,
02:19vous vous souvenez, ces enregistrements, ces pièges de téléphones, le mien avait été piégé, du reste, on m'avait entendu.
02:27Vous vous en êtes rendu compte ? Vous vous en êtes aperçu ?
02:30Non, non, on m'a prévenu après que le mien, ambassadeur en Algérie, était piégé, donc il y a eu cette affaire ponctuelle.
02:38De longtemps, votre téléphone a été piégé, vous le savez ou pas ? Vous n'avez pas eu de détails sur l'espionnage de votre téléphone ?
02:44C'est un de vos collègues qui enquêtait là-dessus qui m'avait prévenu.
02:47Incroyable, mais ça vous a porté préjudice ?
02:51De toute façon, étant ambassadeur là-bas, les Marocains, les Algériens, tout le monde se surveillait, donc ce n'était pas plus grave que ça.
02:57Vous aviez l'habitude de ça.
02:59Il y avait cette affaire Pegasus qui a mis un peu le feu aux poudres, et puis surtout, il y a eu le pari algérien qu'a fait Emmanuel Macron,
03:09parce que le président de la République, depuis 2017, il avait misé sur l'Algérie.
03:14Il a fait deux visites en Algérie, une en 2017, une en 2021.
03:20Il a fait énormément de gestes vis-à-vis de l'Algérie, comme le Maroc et l'Algérie sont en opposition,
03:26sur des tas de dossiers, dont celui du Sahara occidental, par la force des choses, nous nous sommes brouillés avec le Maroc.
03:33Et donc, il fallait reprendre langue avec le Maroc, et en quelque sorte, sortir de l'impasse marocaine en évitant le piège algérien.
03:44Et l'Algérie, évidemment, est furieuse de cette visite d'État.
03:46Ça va mal depuis la reconnaissance du Sahara occidental, enfin la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
03:53L'Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris, il n'y a toujours pas d'ambassadeur depuis la fin du mois de juillet.
03:59Les OQTF ne sont pas exécutés, parce que les laissés-passer consulaires ne sont pas délivrés.
04:05Et puis, l'Algérie prend diverses mesures de représailles, sur le plan économique notamment, vis-à-vis des entreprises françaises.
04:13Donc, je crois que le Président de la République, le gouvernement, a pesé les avantages et les inconvénients des deux.
04:18Le pari algérien, en quelque sorte, et puis le blocage où nous étions avec le Maroc.
04:23Et il a choisi de mettre l'accent sur le Maroc, et de miser sur le Maroc, d'où la visite d'État.
04:29On va parler justement de l'affaire des OQTF, mais avant de parler du Maroc, peut-être l'Algérie.
04:34C'est-à-dire que j'imagine que les laissés-passer consulaires ne sont pas foisons maintenant, de la part de l'Algérie,
04:41depuis la reconnaissance de la souveraineté du Maroc.
04:45Ils sont réduits à quasiment zéro. Il y en avait à peu près 7% qui étaient exécutés.
04:51Et puis maintenant, je n'ai pas les chiffres officiels, mais je pense que ça doit être plutôt en dessous de 7%.
04:59Et nous, combien donne-t-on de visas ? Combien accorde-t-on de visas à l'Algérie, à peu près ?
05:02On doit en accorder, à l'Algérie, à peu près 250 000 par an.
05:07Entre 250 000 et 300 000, je pense, en 2023.
05:12Et les chiffres de 2024 seront similaires, ou est-ce qu'on va réduire un petit peu la valeur ?
05:17Je pense que ce sera pareil. Non, non, je pense que ce sera autour de 250 000 en 2024.
05:22Est-ce qu'Emmanuel Macron a eu raison de se tourner vers le Maroc, puisque l'Algérie lui fermait la porte ?
05:25Au grand de file, il a pesé les avantages et les inconvénients des deux solutions, des deux situations, et il a choisi le Maroc.
05:32Alors évidemment, l'Algérie va réagir, surtout si nous prenons des initiatives, ou si le Président de la République annonce un certain nombre d'initiatives au Maroc.
05:42Oui, alors j'imagine que le chef de l'État a beaucoup de dossiers à aborder.
05:46Bon, évidemment, c'est affaire des OQTF, parce que voilà, il y a un rapport, c'est pareil, on accorde plus de 200 000 visas.
05:55223 000 visas en 2023, je regarde les chiffres.
05:57Voilà, au Maroc, et rien en retour.
05:59Et on a eu 1650 laissés-passer consulaires.
06:02Voilà les chiffres de 2023.
06:04Mais vous vous rendez compte, Xavier Drian, c'est pas possible.
06:07Est-ce que vous pensez qu'Emmanuel Macron et Bruno Retailleau, qui l'accompagnent, ont les armes nécessaires pour pouvoir faire plier, alors c'est un grand mot, le Maroc, mais en tout cas lui faire entendre raison ?
06:17Non.
06:17Non ?
06:18Non.
06:19Non.
06:19C'est très défaitiste.
06:21Vous m'interrogez, je vous donne ma réponse.
06:23Je pense que Bruno Retailleau, sa présence, c'est plutôt à destination de la consommation intérieure française.
06:29Oui, vous parlez de quoi ? De trafic de drogue ?
06:31Non, mais c'est à destination de la politique intérieure française.
06:35Vous voyez, j'emmène Bruno Retailleau avec moi au Maroc, c'est donc qu'on va parler des OQTF.
06:41Mais en réalité, est-ce que vous imaginez que dans une visite d'Etat où il y a 130 personnes dans la délégation officielle et autant dans ce qu'on appelle la DNO, la délégation non officielle, est-ce que vous pensez qu'on va parler des OQTF et des laissés-passer consulaires alors qu'on a été brouillés pendant 6 ans avec le Maroc ?
07:02Bon, j'imagine que Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, aura des entretiens avec son homologue marocain, mais encore une fois, je serais étonné, mais je me trompe peut-être, mais je serais étonné si cette visite se terminait par un accord sur le Maroc qui a décidé d'exécuter à 100% les OQTF français et délivrer les laissés-passer consulaires.
07:25Tout au mieux, il y aura dans le communiqué final le fait que les deux ministres de l'Intérieur ont exprimé leurs préoccupations au sujet des laissés-passer consulaires. J'imagine que ce sera ça. Je suis honnête avec vous.
07:39Mais vous avez raison d'être honnête, et justement votre regard, vous, c'est votre métier, vous connaissez ça par cœur, vous ne tombez pas dans les pièges.
07:46J'ai eu beaucoup de visites officielles.
07:48À quoi, selon vous, va servir cette visite d'Etat au Maroc, Xavier de Riancourt ?
07:53Elle est importante, parce que voilà, c'est le signe qu'on va se rabibocher, si l'on peut dire, avec le Maroc.
08:00Et sur les OQTF, à quoi va-t-elle servir cette visite, Xavier de Riancourt ?
08:05Peut-être qu'il y aura des discussions. Il y a eu une réunion, une commission mixte sur les questions migratoires à la fin du mois d'octobre, donc il y a quelques jours.
08:15Je ne crois pas qu'elle ait donné grand-chose.
08:20À quoi va servir cette visite ?
08:22Je vous ai répondu, on ne va pas parler entre le président de la République et le roi Mohamed VI, on ne va pas aborder la question des OQTF.
08:34Encore une fois, on exprimera notre préoccupation, parce qu'en termes diplomatiques, c'est très fort d'exprimer sa préoccupation,
08:41mais il ne va pas y avoir d'accord sur l'exécution des OQTF.
08:45Donc elle ne va servir à rien cette visite d'Etat ?
08:47Pour les OQTF.
08:49Mais ça va peut-être quand même remettre le dossier sur le tapis, et peut-être qu'à l'avenir, dans un proche avenir, on avancera.
08:58Mais pourquoi courbe-t-on les Chines, ou donne-t-on la sensation de courber les Chines face au Maroc, nous la France, Xavier de Riancourt ?
09:06On a fait la même chose avec l'Algérie, ça n'a pas fonctionné.
09:09On a courbé les Chines, on a fait beaucoup de gestes. Pour l'Algérie, on n'a rien eu en retour, est-ce qu'on est d'accord, Xavier de Riancourt ?
09:17Rien ! Est-ce que ça ne va pas être la même chose avec le Maroc ?
09:19On a eu des injures.
09:21Vous avez raison de le rappeler.
09:23Et on a eu des injures du président algérien, du recteur de la mosquée de Paris, de l'ambassade d'Algérie.
09:30Rappelez-nous ces injures, Xavier de Riancourt.
09:33Il y a eu encore, là, dans une conférence de presse, il y a quelques jours, le président algérien a dit que la France avait fait en Algérie un grand remplacement face aux musulmans.
09:44Vous voyez, nous en parlions tout à l'heure.
09:46Et des accusations de génocide, etc.
09:50Comme le disait le président de la République il y a quelques années, c'est l'utilisation, la falsification de l'histoire par l'Algérie.
09:58Et au Maroc ?
10:01Est-ce que ce sera la même histoire ?
10:03Est-ce qu'on est en train de réécrire la même histoire ?
10:05Non, parce qu'au Maroc, il y a quand même, d'abord, le passé qui n'est pas le même, ce qui est important.
10:11Alors qu'avec l'Algérie, c'est toujours beaucoup plus compliqué.
10:15Il y a des perspectives économiques qui sont quand même beaucoup plus importantes qu'en Algérie.
10:21Le TGV, les entreprises françaises.
10:25Il y a à peu près des investissements de 8 milliards d'euros au Maroc contre 4 milliards en Algérie.
10:31Donc vous voyez, c'est du simple double.
10:33Il y a la coupe du monde de football en 2030 où il va y avoir des grands investissements, j'imagine, pour les entreprises françaises.
10:41Donc on a fait le choix du Maroc, délibérément.
10:45Donc c'est un choix économique judicieux, selon vous ?
10:48Et puis le Maroc est influent en Afrique.
10:51Alors qu'en Afrique, nous avons été mis à la porte des pays du Sahel, du Mali, du Niger, du Burkina.
10:57Et le Maroc, la diplomatie marocaine est très agile en Afrique.
11:02Quel est le rôle de la France d'ailleurs ?
11:04C'est intéressant ce que vous abordez comme question.
11:06Quel est le rayonnement de la France aujourd'hui en Afrique et notamment en Afrique du Nord ?
11:11En Afrique du Nord, c'est-à-dire au Maroc et en Algérie,
11:15il est l'équivalent de notre puissance qui est aujourd'hui nettement amoindrie en Europe sur le plan économique, sur le plan budgétaire,
11:27sur le plan de la francophonie également.
11:30Beaucoup de dirigeants français s'expriment en anglais, donc ça donne un mauvais exemple, si je puis dire, à ces pays-là.
11:38Quand le président Macron est allé en Algérie, sur la tribune officielle, il était écrit « President of the French Republic »
11:45et non pas en Algérie « Président de la République Française ».
11:49Donc vous voyez, on perd de notre influence, je pense.
11:55Est-ce que ça fait toujours rêver la France ?
11:57Ça fait rêver pour ceux qui veulent venir en France, qui veulent quitter les pays du Maghreb,
12:04la Tunisie notamment, qui est dans une situation économique déplorable et politique également.
12:09Les Algériens, les Marocains, ces pays-là ont aussi une jeunesse qui est turbulente
12:15et il y a à peu près 60-70% de la population qui a moins de 30 ans.
12:20Donc il faut créer des emplois, il faut créer des logements, il faut donner du travail à tous ces jeunes surtout.
12:27Et comme chaque Algérien, chaque Marocain, chaque Tunisien a un frère, un oncle ou un cousin en France,
12:33la tentation est grande de venir en France.
12:35Vous parlez de regroupement familial peut-être, c'est ça ?
12:38Oui, mais pas seulement. Il y a le rêve.
12:41Il existe encore ce rêve ?
12:43Le rêve ou le mythe français malgré tout.
12:47Ah, il reste ?
12:48Oui, parce que celui qui est en France, c'est un peu l'oncle d'Amérique.
12:52Ça marche encore l'oncle d'Amérique ?
12:54Ça marche encore. Encore une fois, en Algérie, je parle de l'Algérie que je connais mieux,
12:59mais la situation n'est pas très éloignée au Maroc.
13:01Vous avez quand même une population très jeune et qui a du mal à trouver des emplois, des logements, etc.
13:08Un environnement social, culturel qui est assez pesant parfois,
13:13donc voilà, on se dit que l'Europe, la France, c'est la liberté.
13:18Une toute dernière chose, vous qui connaissez très très bien ce secteur,
13:22vous qui connaissez la diplomatie, c'est votre métier et vous l'exercez,
13:27que peut faire la France pour se protéger face à ces pays qui ne répondent pas toujours à ces demandes ?
13:40Il faut d'abord appliquer nos lois, parce que nous ne les appliquons pas.
13:44Nous avons un dispositif législatif et réglementaire important.
13:50Et puis, il faut, comme je l'ai écrit il y a quelques temps avec l'ancienne ministre Noël Lenoir dans le Figaro,
13:58il faut limiter la liberté de circulation à l'intérieur de l'espace Schengen aussi.
14:04Et ça, oui, ça effectivement, mais ça, il faut que ça change.
14:07Schengen au départ, en 1985.
14:10Est-ce que vous pensez, excusez-moi, qu'on est trop coulant en Europe ?
14:14Oui, parce que nous sommes des démocraties.
14:18Oui, nous sommes des démocraties.
14:21Et par définition, les démocraties sont tolérantes.
14:24C'est un bien, mais c'est aussi une source de difficultés et de faiblesses.
14:27On a les solutions, on ne les applique pas, c'est ça ?
14:29Oui.
14:30On n'est pas assez ferme en fait.
14:32On ne veut pas les appliquer. C'est une question de volonté politique.
14:35Question de volonté politique.
14:37Merci infiniment, M. Dédry, d'être venu dans le studio d'Europe 1,
14:42puis d'avoir dit les choses clairement.
14:44Merci d'avoir eu cette honnêteté.
14:47À quoi va servir, effectivement, cette visite d'État d'Emmanuel Macron ?
14:51Nous savons ça, évidemment, jusqu'à mercredi, avec beaucoup, beaucoup d'intérêt.
14:55On verra, mais vous nous dites qu'il n'y a pas grand-chose à attendre,
14:57notamment du côté des OQTF.
14:58C'est surtout une façon de se rabibocher dans un premier temps avec le Maroc.
15:02On parlera des dossiers qui fâchent un peu plus tard.
15:04Merci infiniment d'être venu dans le studio d'Europe 1.
15:07Il est 20h58.

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