Aujourd’hui dans « Les 4 V » Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Charles de Courson, rapporteur général de la Commission des finances et député de la Marne (LIOT).
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00:00Bonjour Charles de Courson, bienvenue dans les 4V, soyez les bienvenus, soyons le plus clair possible, sans langue de bois s'il vous plaît, le sujet est déjà assez complexe.
00:10Comme ça le budget, la commission des finances dont vous êtes le rapporteur s'est donc réunie pendant 3 jours pour examiner ce budget.
00:15Au final, 50 milliards d'impôts en plus qui ont été votés, le gouvernement voulait 20 milliards maximum, ce qui fait dire à certains que c'était un carnaval fiscal cette commission des finances.
00:25C'est le cas selon vous ?
00:26C'est tout à fait exact. Pourquoi ? Il n'y a aucune majorité, comme vous le savez, et en plus ceux qui soutiennent le gouvernement se sont divisés.
00:35Et on a vu des coalitions dans tous les sens pour faire adopter tel ou tel amendement.
00:42Les 50 milliards, personne ne sait où on en est puisque j'ai fait faire l'inventaire...
00:47C'est Bercy qui a chiffré, qui a estimé que c'était 50 milliards d'impôts en plus qui avaient été votés.
00:50Non, il y a eu 199 amendements adoptés et certains ne sont absolument pas évalués.
00:58Et donc c'est quelques dizaines de milliards, mais vous voyez, c'est un festival, ce n'est pas sérieux.
01:05Donc ce n'est pas sérieux selon vous tout ce qui a été voté dans cette commission, notamment par la gauche, mais aussi par le Rassemblement National et par le MoDem ?
01:11Il y avait des alliances un peu contre-nature comme de l'a dit l'opinion ce matin.
01:14Oui, contre-nature où on pourrait dire des coalitions ponctuelles sur tel ou tel amendement, mais sans aucune cohérence d'ensemble.
01:24J'ajoute que déjà la proposition que faisait le gouvernement de presque 30 milliards d'augmentation des recettes et de 30 milliards de réduction des dépenses
01:35aurait un effet récessif considérable sur l'économie.
01:39Ce n'est pas moi qui le dis, l'OFCE l'estime à 0,4, 0,5, c'est-à-dire un tiers, un bon tiers de la croissance prévue ne sera pas réalisé à cause de l'effet dépressif de ces mesures.
01:50Donc en rajouter encore n'est pas raisonnable.
01:53Soyons clairs Charles de Courson, tout ce que vous avez voté en commission a finalement été rejeté par le vote de cette commission.
01:59Donc c'est le texte initial du gouvernement qui va arriver dans l'hémicycle ce soir à 21h30.
02:03Donc vous avez travaillé pour rien pendant trois jours ?
02:05Non, parce que dans les 199 amendements, il y a des amendements qui vont dans le bon sens.
02:11Il n'y a pas que des choses...
02:13Oui mais ils n'ont pas été votés, tout a été rejeté.
02:15Ça a été rejeté par une coalition entre tous les courants politiques, sauf le Nouveau Front Populaire.
02:24Le Nouveau Front Populaire a voté pour la première partie.
02:29Il y avait tellement de hausses d'impôts que tout le monde a voté contre.
02:31Voilà, mais tous les autres ont voté contre.
02:34Vous avez donc tenté de mettre en garde vos collègues juste avant le vote.
02:37Vous avez précisé, attention, si la même chose arrive lors du vote dans l'hémicycle,
02:41c'est le texte du gouvernement qui va aller directement au Sénat sans aucun ajout de l'Assemblée nationale.
02:45Aidez-nous à comprendre un peu.
02:47Si les députés ne votent pas le budget dans quelques jours, ça part directement au Sénat sans rien ?
02:53Premièrement, si la première partie n'est pas votée, c'est-à-dire si on vote contre la première partie,
02:59on ne peut pas attaquer la deuxième partie.
03:01Les recettes d'abord, les dépenses ensuite.
03:03La première partie, ce sont les recettes, la deuxième partie, ce sont les dépenses.
03:06Donc, à ce moment-là, le texte est transmis au Sénat dans la position initiale, dans la finance initiale.
03:14Et donc, c'est le Sénat qui, lui, va probablement voter un texte.
03:19Mais c'est fondamentalement malsain, puisque je rappelle que dans une démocratie à la française,
03:25c'est l'Assemblée nationale qui a le dernier mot.
03:27Mais donc, on fait quoi ?
03:28Vous dites à vos collègues députés, attention, il va falloir construire un texte et le voter à la fin,
03:32sinon tout ce qu'on a fait ne servira à rien.
03:34Aux dernières nouvelles, on a 3800 amendements.
03:38Il y en avait 1800.
03:40On a fini samedi, dans l'après-midi.
03:45À 2800, on est incapable d'examiner autant d'amendements dans les délais impartis.
03:52C'est-à-dire, théoriquement, jusqu'à vendredi soir, peut-être samedi, mais même avec samedi, c'est impossible.
03:58À moins que les différents auteurs de ces amendements retirent massivement des amendements.
04:03Il y a plein de nouveaux impôts qui ont été votés en commission.
04:05Je vais m'arrêter sur un, parce qu'il est assez emblématique, selon moi,
04:07notamment cette sorte d'impôt universel qui permettra de taxer les Français qui sont expatriés
04:13sur la différence d'impôt qu'ils auraient dû voter.
04:15Quand ils sont dans un pays où il n'y a pas beaucoup d'impôts,
04:17on leur ferait payer le différent au fisc français.
04:20C'est une bonne idée, selon vous ? C'est une idée juste ?
04:22Mais non, c'est contraire à tous nos engagements, notamment communautaires.
04:27Alors, cet amendement ne s'appliquait que ceux qui sont implantés à l'extérieur de l'Union européenne.
04:35Je dis, mes chers collègues, vous allez avoir donc deux catégories de Français expatriés.
04:40Ceux qui sont expatriés dans un pays de l'Union européenne
04:43et ceux qui sont à l'extérieur de l'Union européenne.
04:46Donc, c'est une nouvelle mesure, vous dites, démagogique.
04:48Et donc, le Conseil constitutionnel s'offre un plaisir d'annuler pour rupture d'égalité.
04:53Donc, en fait, tout le monde s'est fait plaisir un peu dans cette commission sur l'envoûture.
04:56On a proposé de nouveaux impôts.
04:57Je ne sais pas si tout le monde s'est fait plaisir.
04:59Moi, j'ai essayé d'être sérieux.
05:01C'est le boulot du rapporteur général.
05:03Mais il n'y a pas que des mauvaises choses qui ont été,
05:07sur les 200 amendements pour faire simple, qui ont été adoptés.
05:10Alors, justement, au final, on sait que ce budget va être voté par 49.3,
05:14il va être adopté par 49.3 à l'Assemblée nationale.
05:17Le gouvernement met ce qu'il veut dans le texte, dans ce 49.3.
05:19Donc, il faudra négocier avec lui pour intégrer tel ou tel amendement.
05:23Comment vous allez vous y prendre ?
05:24Écoutez, j'espère qu'il va y avoir un dialogue.
05:28Le Premier ministre s'y était engagé pour au moins qu'on prenne les amendements
05:34qui améliorent le texte du gouvernement, des amendements solides, etc.
05:38Mais je vous rappelle qu'une fois que le 49.3 est déposé,
05:42il y aura immédiatement une motion de censure.
05:44Donc, la question, c'est est-ce que la motion de censure sera adoptée ou pas ?
05:47C'est ça la vraie question.
05:48Comment on trouve 60 milliards d'euros d'économies ?
05:50Le gouvernement a dit on fait 40 milliards d'économies, 20 milliards de doses d'impôts.
05:55Vous avez déjà dit arrêtons 60 milliards, c'est beaucoup trop.
05:58Oui, c'est beaucoup trop parce qu'il y aura un effet récessif.
06:02Je pense que quelque chose de raisonnable, c'était 30 à 40 milliards,
06:07mais très majoritairement sur la réduction de la dépense.
06:10Il n'y a pas assez de réduction de dépense selon vous ?
06:12Absolument, puisqu'on est à moitié-moitié
06:15par rapport à ce qu'on appelle le tendanciel.
06:18Mais si vous comparez par rapport à la loi de finances initiale 2024,
06:23on est à deux tiers de recettes supplémentaires dans la proposition gouvernementale
06:27et un tiers de dépense, de réduction de dépense.
06:29Donc, ce n'est pas assez.
06:30Mais regardez, on a déjà tout le monde qui dit non, il ne faut pas toucher à l'école,
06:33il ne faut pas toucher aux hôpitaux, il ne faut pas toucher à la police.
06:35Donc, on touche où ? Où est-ce qu'on fait des économies ?
06:37Je vais vous donner un certain nombre d'exemples.
06:40Sur les générations de charges sociales patronales,
06:44ça coûte 76 milliards au budget de l'État.
06:47C'est 500 milliards le budget de l'État, je le fais simple.
06:50Donc, vous avez l'une des dispositions qui va jusqu'à 3,5 SMIC,
06:55c'est-à-dire jusqu'à 6 000 euros de salaire par mois.
07:00Ce n'est pas raisonnable.
07:02Mais le patron a déjà dit, si on touche à ça, on touche à l'emploi,
07:04il y aura du chevage en plus.
07:05Non, non, non.
07:06Commençons par réduire de 3,5 progressivement jusqu'à 2,5.
07:13C'est déjà pas mal.
07:142,5 SMIC.
07:15Mais on pourrait aller plus loin, puisqu'il y a un deuxième qui va jusqu'à 2,5.
07:192,5 SMIC, c'est déjà important.
07:22Le SMIC est à 1 700 euros.
07:24Donc, si vous voulez, c'est des salaires de plus de 4 000 euros.
07:28Dernier thème pour finir, Charles de Courson, on parlait des retraites.
07:30Vous allez faire un colloque avec vos collègues et Éric Coquerel,
07:34qui préside la commission des finances,
07:35pour savoir quel est l'avenir pour les retraites,
07:37et si on doit abroger cette fameuse réforme.
07:39Dans dix jours, il y a un vote, une niche parlementaire du RN.
07:41Vous avez été un opposant farouche de cette réforme des retraites en 2023.
07:45Vous allez voter, donc, cette abrogation ?
07:47Alors, moi, j'ai une position très différente.
07:52Je l'ai dite, d'ailleurs, à Isabel Borne, puisqu'elle est redevenue députée.
07:56Je lui ai dit, vous avez fait une erreur fondamentale.
07:58Vous l'avez voulu jouer sur l'âge légal.
08:02Il ne faut pas toucher à l'âge légal,
08:04parce que si vous augmentez l'âge légal,
08:06ce sont les couches sociales les plus modestes qui ont commencé à travailler le plus tôt,
08:10qui ont eu les métiers et les salaires les plus bas, qui sont pénalisés.
08:14Donc, abroger cette réforme des retraites.
08:16Et donc, moi, ma position, c'est qu'il ne faut pas toucher à l'âge légal.
08:21Ce qu'il faut, c'est encourager l'augmentation de l'âge effectif de départ à la retraite.
08:26Oui, mais là, la retraite…
08:27Attendez, en 2023, vous savez quel est l'âge moyen de départ à la retraite dans le régime général ?
08:3263 ans et demi.
08:34Donc, ce qu'il faut, c'est des mesures d'encouragement.
08:36On en avait proposé cinq, notamment des négociations par branche pour les salariés âgés.
08:41Mais donc, concrètement, vous votez oui ou non ?
08:42Vous abrogez la réforme des retraites dans 10 jours ou vous la laissez ?
08:44Moi, j'ai proposé un autre système, c'est-à-dire qu'on gèle.
08:49Qu'est-ce qui a déclenché ?
08:50On applique pas la réforme.
08:52Non, on gèle l'âge légal.
08:54Voilà.
08:55Et on négocie avec les partenaires sociaux, car il y a beaucoup de gens raisonnables parmi les partenaires sociaux,
09:03pour voir comment on peut encourager les Français à travailler plus longtemps par des moyens incitatifs et pas par ce moyen coercitif.
09:13Merci beaucoup Charles de Courson, bonne journée, bon courage pour ces longs débats qui s'annoncent dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale dès ce soir.
09:18Merci beaucoup à tous les deux.
09:20Merci également à Sophie Charmé pour la traduction en langue des signes.