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Chroniqueur : Jean-Baptiste Marteau


Jean-Baptiste Marteau reçoit Sébastien Lecornu, ministre des Armées, dans Les 4 vérités. 

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Transcription
00:00 Bonjour Sébastien Lecornu. Bonjour.
00:04 Merci d'être avec nous ce matin dans les 4V.
00:06 78e anniversaire aujourd'hui de la victoire des Alliés
00:09 à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945.
00:11 On s'approche donc du 80e anniversaire.
00:13 Et ça veut dire logiquement qu'on passe dans une commémoration
00:17 quasiment sans vétérans qui ont connu effectivement cette grande guerre.
00:20 Est-ce que ça change la façon dont on commémore ce 8 mai ?
00:22 Oui, clairement. C'est un cycle mémoriel qui va s'ouvrir.
00:25 80 années aussi par rapport aux événements de 1943
00:29 qui a été une année charnière dans la guerre.
00:30 C'est pour ça que le président de la République sera d'ailleurs
00:32 au fort de Montluc cet après-midi parce que ça permet aussi
00:35 de réexpliquer aussi tout le rôle de la résistance intérieure.
00:38 Évidemment aussi les sacrifices qui vont avec.
00:40 On pense évidemment à Jean Moulin et à d'autres.
00:42 Donc là, on rentre dans un moment de passage de témoins
00:45 de génération en génération sur justement ce devoir de mémoire globale.
00:49 Et donc c'est un point important.
00:50 Nous, on va associer de plus en plus les écoles.
00:52 Le ministère des Armées conduit un certain nombre d'actions en la matière.
00:56 On va aussi veiller à notre réseau associatif patriotique.
00:59 On a beaucoup de vétérans des autres guerres, y compris Indochine, Algérie,
01:02 qui peuvent aussi jouer ce rôle avec nos enseignants.
01:05 Et je pense qu'effectivement, on est dans un moment tout à fait important.
01:07 Un mot tout de même de ces manifestations qui risquent quand même
01:09 de venir perturber les commémorations à Paris et peut-être à Lyon
01:12 ou tout à l'heure du président de la République. Vous le regrettez ?
01:14 C'est une question un peu philosophique parce que moi,
01:16 je suis petit fils de résistants. Donc s'ils se sont battus,
01:18 c'est pour justement avoir aussi des grandes libertés,
01:20 la liberté de me poser la question, de pouvoir moi y répondre.
01:23 La liberté aussi syndicale et de manifester.
01:25 Mais en tout cas, je pense qu'une journée comme celle-ci,
01:28 c'est bien de faire preuve de retenue.
01:29 Les anciens combattants des Ganondes sont de moins en moins âgés forcément
01:32 parce qu'il n'y a pas que la Grande Guerre, il n'y a pas que la guerre de 45.
01:35 Vous préparez un plan concernant les blessés de guerre,
01:37 qui sont donc, on le dit, de plus en plus jeunes.
01:39 C'est un plan qui va à la fois se baser sur les structures psychiques et physiques.
01:44 C'est à quoi exactement ce plan ?
01:45 En fait, on a beaucoup d'anciens combattants liés effectivement aux opérations extérieures.
01:49 C'est vrai au Sahel, c'est vrai en Afghanistan, sur les différents théâtres
01:53 sur lesquels l'armée française a pu être engagée.
01:54 Je pense qu'aujourd'hui, on fait le maximum sur le volet soins,
01:58 le service de santé des armées, les invalides.
02:00 L'ensemble des équipes sont mobilisées.
02:02 Je pense qu'il y avait deux volets sur lesquels nous n'étions pas toujours au rendez-vous.
02:05 Le premier, c'est le psychologique, la blessure psychique.
02:07 Il y a des travaux importants qui ont été conduits en la matière.
02:10 D'ailleurs, je tiens à saluer l'action de Jean-Marie Bockel sur ce sujet.
02:13 Donc, la Scatarde d'État Patricia Miralles va dérouler et décliner cette semaine
02:17 une feuille de route importante, notamment avec ce qu'on appelle des maisons à tos.
02:19 On en a quatre aujourd'hui.
02:20 On aura dix à terme qui sont des maisons en région
02:23 qui permettront justement de réhabiliter sur le terrain psychosocial
02:27 le parcours d'un combattant tel qu'il a été parfois blessé
02:31 dans sa psychologie, en tout cas sur un certain nombre de pathologies particulières.
02:34 Et le deuxième, il est plus administratif.
02:35 C'est évidemment la simplification de tous les mécanismes de réparation,
02:39 de pension, de décoration sur lequel notre pays est capable d'être
02:43 particulièrement ingénieux en matière de technocratie ou d'administratif.
02:47 Pas avoir toujours prouvé qu'on a été anciens combattants.
02:49 C'est le renversement de la charge de la preuve.
02:51 Si vous êtes blessé, c'est à l'administration de venir vous donner tout de suite
02:54 ce à quoi vous avez le droit et non pas l'inverse.
02:56 Le budget des armées Sébastien Lecornu, la loi de programmation militaire
02:59 pour la période 2024-2030 arrive demain à l'Assemblée,
03:02 d'abord en commission de la Défense.
03:03 413 milliards d'euros pour la période, c'est plus 30 % par rapport à la période précédente.
03:08 C'est vrai que les sommes sont énormes.
03:10 Est-ce que ça sert uniquement à rattraper notre retard
03:12 pris pendant les décennies précédentes ?
03:14 Non, plus seulement.
03:15 Si je devais être schématique, déjà, et refaire aussi un peu d'histoire,
03:17 on a un modèle d'armée évidemment qui puise dans les années 60.
03:21 Décision des Gaullistes, avènement de la dissuasion nucléaire,
03:24 guerre froide, donc évidemment de 1960 pour faire vite
03:27 jusqu'à la dissolution du pacte de Varsovie.
03:30 Vous avez eu un modèle d'armée qui correspondait aux menaces que nous pouvions connaître.
03:33 Année 90, dissolution du pacte de Varsovie, fin du service militaire
03:37 et donc professionnalisation de l'armée.
03:38 Et là, on baisse énormément tous les crédits.
03:40 Et pour des raisons qu'on peut comprendre et surtout malheureusement,
03:42 réorientation vers la lutte contre le terrorisme armé,
03:45 qui donc a donné un modèle d'armée aussi très engagé sur ces questions.
03:49 Et là, en fait, on le voit bien depuis plus d'une année,
03:51 on a désormais une accumulation de risques très différents.
03:54 Toujours des risques anciens, compétition entre les grandes puissances,
03:57 prolifération nucléaire, on le voit avec la Corée du Nord et l'Iran,
03:59 qui vient d'ailleurs consacrer l'utilité de notre propre dissuasion.
04:03 On a besoin de garder des capacités expéditionnaires
04:05 parce que le terrorisme est toujours un enjeu majeur.
04:07 Puis personne n'en parle malheureusement assez.
04:09 On le voit bien sur la situation actuellement en Afrique.
04:12 Et puis en même temps, vous avez des menaces qui sont nouvelles
04:14 et qui peuvent d'ailleurs contourner notre appareil de défense
04:17 tel qu'il existe aujourd'hui.
04:18 Menace cyber, par exemple,
04:19 je pense que c'est un des éléments qui touche le plus la population.
04:22 On a bien vu les attaques cyber qui se multiplient sur le territoire.
04:25 Elles peuvent venir d'organismes criminels,
04:27 elles peuvent venir de militants politiques,
04:30 elles peuvent venir évidemment de groupes terroristes,
04:32 elles peuvent aussi venir d'un État étranger.
04:33 Donc ça, c'est évidemment un des enjeux majeurs.
04:35 Et vous avez aussi des espaces nouveaux qui se militarisent,
04:38 précisément le spatial, les fonds sous-marins.
04:40 Et donc, si les sommes sont importantes,
04:42 c'est qu'à la fois, il s'agit de continuer à les réparer,
04:44 mais il s'agit également aussi de réussir
04:46 quelques sauts technologiques pour l'avenir.
04:47 C'est ce qui explique l'effort important
04:49 que la nation va devoir consentir,
04:50 si le Parlement le vote, dans les années qui viendront.
04:52 Parce que c'est aussi important que les décisions que les gaullistes
04:55 ont prises dans les années 60,
04:56 notamment avec la taume à des fins militaires.
04:57 Mais ça veut dire que dans les années 90,
04:59 on était quoi, un peu trop utopique quand on s'est dit
05:00 "ça y est, c'est bon, on peut maintenant commencer à baisser les projets militaires".
05:03 Par exemple, il y avait cette phrase de Laurent Fabius en 90,
05:05 il disait "il est temps de toucher les dividendes de la paix".
05:08 On est passé dans des dividendes qui étaient négatifs à un moment donné,
05:10 notamment dans les années 2000.
05:11 Je pense qu'il y a une cohérence dans les années 90,
05:13 qu'on soit pour ou contre le service militaire sur les implications sociales.
05:17 Il y a une réalité, c'est que la professionnalisation était nécessaire
05:20 et tous les pays l'ont fait.
05:21 Pourquoi masser des millions de jeunes gens
05:23 aux frontières de l'Est de l'Europe, même de l'Est de la France,
05:26 contre la Russie de Boris Helsin à l'époque ?
05:28 C'est la reprise des essais nucléaires.
05:30 - Et aujourd'hui, il faut rattraper tout ça.
05:31 - C'est évidemment le démantèlement d'Albion.
05:33 Non, ça je pense qu'il y a une cohérence dans les années 90,
05:36 d'ailleurs sous la présence de François Mitterrand
05:37 comme sous la présence de Jacques Chirac,
05:38 je pense qu'il faut expliquer la cohérence de ça.
05:40 Il est clair que dans les années 2000, on est allé trop loin,
05:42 et pour cause, parce que les armées sont complètement loyales,
05:45 il n'y a pas de syndicats, donc ça a été facile.
05:47 - La grande muette...
05:48 - Gauche et droite confondues, pour être très clair,
05:51 ont pressurisé les crédits militaires,
05:53 et c'est depuis l'élection du président de la République en 2017,
05:56 on n'a pas attendu l'Ukraine, qu'évidemment on remet des moyens.
05:58 Mais c'est vrai que là, ce n'est plus une remontée de moyens
06:00 pour réparer ou pour se remettre à niveau,
06:02 c'est aussi pour permettre à la France de tenir son rang
06:05 et surtout nous adapter aux menaces telles qu'elles peuvent
06:08 réellement peser sur la nation française.
06:09 - Notamment par exemple le renseignement militaire,
06:10 plus 60% du budget, ça c'est vraiment une donnée maintenant importante ?
06:13 - Le renseignement global, la DGSE aussi,
06:15 qui ne fait pas que du renseignement militaire,
06:16 qui fait aussi du contre-terrorisme
06:18 ou des éléments liés aux ingérences étrangères.
06:21 C'est indispensable, vous voyez bien.
06:22 Pour le coup, il y a eu un bond en avant spectaculaire.
06:25 Pendant la première guerre du Golfe,
06:26 la France n'était absolument pas souveraine
06:28 dans la capacité de comprendre ce qui se passait.
06:29 En clair, on était dépendant des Américains.
06:31 Il y a 10 ans, c'était déjà très fragile,
06:33 y compris sur ce qui se passait au Levant.
06:35 Aujourd'hui, la France a ses moyens propres d'observation
06:38 et de compréhension de ce qui se passe sur un certain nombre de théâtres.
06:40 Et ça, pour le coup, c'est clé, parce qu'il en va de notre diplomatie,
06:43 il en va de notre autonomie et de notre souveraineté.
06:45 - Un mot aussi, Sébastien Lecornu, c'est de redonner à la France
06:47 la capacité de réarmer, de refabriquer par exemple des armes, des munitions.
06:50 On ne fabrique plus aujourd'hui des munitions de petit calibre.
06:53 Les obus notamment qui sont envoyés en Ukraine,
06:55 on les fabrique en très petite quantité.
06:56 Quand est-ce qu'on va retrouver en France
06:58 notre pleine capacité de production industrielle ?
07:00 - La bonne nouvelle, c'est qu'à part les exemples
07:01 que vous venez de donner, globalement, on est autonome en tout.
07:03 Et pour cause, là encore, le gaullisme des années 60
07:06 et notre dissuasion nucléaire qui fait qu'on a un modèle
07:09 qui s'appuie sur une industrie qui est complètement souveraine.
07:11 On est un des rares pays à ne pas devoir acheter à Pékin, à Moscou, à Washington
07:14 en fonction des orientations diplomatiques des uns et des autres.
07:17 Et ça, pour le coup, c'est une véritable richesse.
07:19 Il est clair qu'il faut relocaliser un certain nombre de choses.
07:21 Ce n'est pas tant l'Ukraine qui l'a révélée et réveillée.
07:23 C'est plutôt d'ailleurs le Covid.
07:24 - Ça prend combien de temps ? - C'est particulièrement vrai.
07:26 Typiquement, j'ai annoncé une décision de relocalisation d'une filière poudre
07:30 pour produire des obus de 155 mm à Bergerac avec l'entreprise Orinco.
07:33 Ça va prendre deux à trois années, mais c'est-à-dire quand même assez rapide.
07:36 - C'est un mot quand même, le budget de la défense militaire
07:38 qui, comme ça, fait plus de 30 % sur la période, jusqu'en 2030.
07:42 Alors qu'on a un problème de retraite, on a beaucoup parlé pendant cette réforme
07:45 de ces 13 milliards qui manquent pour équilibrer les comptes.
07:47 Il y en a certains qui vont vous dire pourquoi on ne les prend pas dans le budget militaire.
07:50 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
07:51 - En fait, il faut leur répondre la vérité.
07:53 C'est est-ce que vous pensez que les menaces qui pèsent sur la France sont sérieuses ou non.
07:56 Soit vous considérez qu'elles ne sont pas sérieuses.
07:58 Il faut continuer à diminuer même les moyens des armées.
08:00 Soit vous considérez qu'elles sont sérieuses et donc il faut pouvoir se protéger.
08:03 Il n'y a pas de modèle social qui fonctionnerait
08:06 dans un environnement sécuritaire complètement dégradé.
08:09 Et je pense que d'ailleurs, opposer les deux budgets de la nation sociale,
08:11 30 % du PIB pour faire vite, aux armées, 2 % du PIB bientôt,
08:15 je pense que ça met aussi les choses à sa place.
08:17 - Sébastien Lecornu, une particularité dans l'armée
08:19 dont on voulait vous parler ce matin, c'est que les personnes séropositives
08:22 ne peuvent plus intégrer, ne peuvent pas intégrer la gendarmerie
08:24 ou encore le corps militaire des sapeurs-pompiers.
08:26 Le ministre de l'Intérieur vous a proposé de mettre fin à cette discrimination.
08:30 C'est le cas depuis peu pour les policiers.
08:32 Qu'est-ce que vous répondez ce matin ?
08:33 - Eh bien, j'ai pris un arrêté justement, qui va revoir l'ensemble des critères d'aptitude
08:37 pour rentrer dans les forces armées.
08:39 Ça comprend effectivement les pompiers de Paris et les pompiers de Marseille,
08:42 d'ailleurs, qui sont des marins.
08:43 Ça comprend évidemment aussi la gendarmerie.
08:45 Bon, il faut savoir que ce n'était pas forcément que discriminatoire.
08:48 Le service de santé des armées avait parfois quelques peurs,
08:51 notamment pour nos militaires qui servaient en opération extérieure.
08:53 Ils ont fait un boulot remarquable avec les associations.
08:55 Je tiens d'ailleurs à remercier l'association Aids,
08:57 sur laquelle justement, ils ont fait évoluer les protocoles thérapeutiques
09:00 qui permettent de nous assurer désormais qu'avoir le VIH
09:03 ne soit pas un critère discriminant pour rentrer dans les forces armées.
09:06 - Donc là, désormais, une personne séropositive pourra devenir gendarme ?
09:09 - J'ai signé l'arrêté. Il sera publié dans les jours qui viendront.
09:11 Et quand il sera publié, gendarmerie, pompiers de Paris et de Marseille,
09:16 dans tout l'ensemble de nos forces armées, évidemment,
09:18 ça ne sera plus un critère de discrimination par principe en entrée.
09:21 - Juste d'un mot, vous savez qu'on cite régulièrement votre nom
09:24 pour succéder éventuellement à Elisabeth Borne un jour.
09:26 Ça vous énerve ? Ça vous fait sourire ? Vous en avez marre ?
09:28 - Ça m'agace un peu, oui, pour être honnête.
09:29 Parce que je considère que ce n'est pas comme ça que les institutions fonctionnent.
09:32 Et surtout, moi, je suis bien là où je suis.
09:34 J'ai voulu être ministre des armées.
09:35 Je suis petit fils de résistant et je suis très heureux de faire cette matinée avec vous.
09:38 - On dit souvent que le ministre de la Défense est l'aide de camp du président de la République.
09:42 La relation que vous avez avec lui, ça vous va ?
09:45 C'est effectivement ce que vous imaginiez ?
09:46 - C'est le domaine réservé et c'est la pureté de la constitution de la Ve République.
09:50 C'est une bonne chose.
09:51 - Donc, vous devez aussi rester à la place du ministre de la Défense prévu dans la stratégie de la République ?
09:55 - Le chef des armées, c'est le président de la République.
09:57 Et d'ailleurs, ce sont là encore une fois de plus, pardon de le redire,
09:59 les gaullistes qui ont imaginé cet équilibre-là.
10:01 Et pour autant, le gouvernement comme le Parlement ont un rôle important à jouer
10:05 dans les affaires militaires et c'est ce qu'on va faire dans les jours qui viennent
10:07 avec cette loi de programmation militaire,
10:08 dans laquelle chaque sensibilité politique va aussi devoir prendre ses responsabilités.
10:12 - Sébastien Lecornu, on vous retrouve effectivement aux côtés du président de la République,
10:14 notamment pour les commémorations du 8 mai, à suivre bien sûr en direct sur France 2,
10:17 juste après Télé Matins.
10:18 Merci d'être venu dans les 4V.
10:19 - Merci pour votre invitation.
10:20 - Bonne journée à vous.