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Chroniqueur : Jeff Wittenberg


Jeff Wittenberg reçoit Antoine Armand, député Renaissance et rapporteur de la Commission d'enquête sur l'indépendance énergétique, dans Les 4 vérités. 

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Transcription
00:00 -Bonjour Antoine Armand.
00:02 -Bonjour.
00:03 -Vous êtes l'auteur de ce rapport dont parlait à l'instant Maya,
00:07 qui est le fruit de la commission d'enquête sur l'énergie.
00:10 C'est un constat sévère sur les choix faits par la France
00:14 depuis plusieurs décennies.
00:15 On va en parler en détail.
00:17 Mais vous êtes aussi un député Renaissance.
00:20 Qui va comment, ces jours-ci ?
00:22 Même au sommet de l'Etat, il y a du flottement
00:24 entre la ligne d'Emmanuel Macron, très ferme,
00:27 sur la réforme des retraites, et puis celle d'Elisabeth Borne,
00:31 qui dit qu'il faut, en tout cas, un apaisement avec les syndicats.
00:35 -Je suis, comme mes collègues de la majorité,
00:38 un député concentré, et à l'écoute des Français.
00:40 Pendant cette réforme des retraites,
00:43 on n'a finalement pas beaucoup parlé des retraites.
00:45 On a beaucoup parlé de travail.
00:47 Dans ma circonscription à l'Assemblée nationale,
00:50 j'ai entendu les questions de pénibilité.
00:52 Comment fait-on quand on a un métier pénible
00:55 et qu'on est 35 ans, on se sent usé, fatigué,
00:57 on sent qu'on ne va pas pouvoir terminer cette carrière-là
01:01 pour avoir des conditions de travail plus agréables ?
01:04 Je crois que ça doit être ça, l'obsession du concret,
01:07 de l'amélioration des conditions de travail.
01:09 -C'est ce dont vous voulez parler, sauf que les syndicats,
01:12 la CFDT, la CGT, vous ramènent toujours, encore et toujours,
01:16 à cette ligne des 64 ans, de cette réforme
01:18 qui ne passe pas dans l'opinion,
01:20 qui ne passe pas dans les manifestations,
01:23 et c'est ce qu'il faut tenir, coûte que coûte,
01:25 sur cette réforme, contester objectivement.
01:28 -L'opposition des syndicats, ce n'est pas une nouveauté.
01:31 Le fait que cette réforme est impopulaire,
01:33 ce n'est pas une nouveauté.
01:35 Et je vais vous le dire très simplement,
01:37 ça ne fait plaisir à personne de faire une réforme comme ça,
01:40 de dire, voilà, aujourd'hui, l'âge moyen de départ
01:43 à la retraite en France, c'est à peu près 63 ans et demi,
01:46 on va mettre l'âge légal à 64 ans.
01:48 C'est un effort collectif et difficile.
01:51 Avec beaucoup d'humilité, je le mesure.
01:53 C'est pour ça que je parle des conditions de travail,
01:56 de la qualité de vie au travail, de la perspective
01:58 qu'on peut avoir d'augmenter, au fur et à mesure,
02:01 sa rémunération, ses conditions de travail.
02:04 -Vous dites que ça ne fait pas plaisir,
02:06 mais on l'a fait quand même.
02:07 Que vous disent vos électeurs de Haute-Savoie ?
02:10 Ce n'est pas le territoire le plus hostile à Emmanuel Macron,
02:13 mais est-ce que vous ne sentez pas, y compris chez vous,
02:17 un mouvement de rejet, à la fois du président
02:19 et des représentants, aujourd'hui, c'est difficile
02:22 de défendre cette loi en toute franchise ?
02:24 -Absolument, mais ce qu'il faut bien comprendre,
02:27 et c'est ma conviction profonde, c'est que cette loi,
02:30 c'est une des mesures de la vision que nous portons
02:33 depuis des années et que nous portons sur le travail.
02:36 Permettre l'apprentissage, permettre à des jeunes
02:39 de rentrer sur le marché du travail,
02:41 baisser les impôts, les cotisations sociales...
02:44 -Les reçus sous discours. -Puissent payer moins.
02:46 Il est entendu. Il est normal aussi
02:49 qu'il y ait des partis plus difficiles à faire accepter.
02:51 C'est notre responsabilité.
02:53 J'ai été élu il y a un peu plus de six mois.
02:55 Dans le programme de la majorité, il y avait la réforme des retraites.
02:59 Je l'apporte, je l'assume.
03:01 -Vous l'assumez.
03:02 Est-ce qu'il y a pas secrètement une partie de la majorité,
03:05 je ne sais pas si vous en faites partie,
03:08 qui espère peut-être une censure partielle, totale,
03:11 du Conseil constitutionnel la semaine prochaine,
03:14 ou l'adoption, la validation de ce qui permettrait
03:17 d'avoir une initiative partagée qui permettrait
03:19 de sortir par un autre moyen de se guépiller ?
03:22 -Je ne le crois pas. On ira au bout du processus institutionnel.
03:26 On attend avec le respect qui s'impose
03:28 à la décision du Conseil. -D'accord.
03:30 Pas d'espoir de ce côté-là.
03:32 -Le processus institutionnel suit son cours.
03:35 Si certaines mesures devaient être censurées,
03:37 on en tirerait les conséquences.
03:39 -Vous restez, vous continuez à assumer
03:42 le bien-fonder de cette réforme.
03:44 On en vient, donc, au rapport dont vous êtes l'auteur,
03:47 on en parlait, sur l'énergie.
03:49 C'est un réquisitoire, en fait, contre la politique suivie,
03:53 notamment en matière de nucléaire, depuis plusieurs années,
03:56 par plusieurs présidents de la République.
03:58 Vous pointez François Hollande, les choix faits par lui.
04:02 On va y revenir.
04:03 Il y a un chiffre qui frappe d'abord,
04:05 monsieur Antonin Armand,
04:07 c'est les chiffres de la production de l'électricité.
04:10 En 2022, la moitié des réacteurs en panne,
04:14 comment on en est arrivé là ?
04:15 -En réalité, sur cette moitié de réacteurs en panne,
04:18 ils ne sont pas en panne,
04:20 vous avez une moitié de réacteurs qui sont à l'arrêt
04:23 du fait d'EDF,
04:25 pour vérifier les défauts de corrosion sous contrainte,
04:28 qui est un défaut générique industriel.
04:31 Vous avez une autre partie,
04:32 et c'est aussi le sens de votre question,
04:35 qui vient de la maintenance des arrêts programmés,
04:38 parce que ces réacteurs commencent à vieillir.
04:41 -C'est-à-dire qu'on a apporté les réparations nécessaires.
04:44 Ca ramène à votre question,
04:46 on a pris un retard considérable en matière énergétique,
04:49 notamment en matière d'anticipation.
04:51 -Pourquoi ? La France était excédentaire
04:53 dans sa production au début des années 2000.
04:56 Quels ont été les mauvais choix qui ont été faits
04:59 pour qu'aujourd'hui, on se pose la question d'une pénurie ?
05:02 On avait redouté des coupures, des délestages cet hiver
05:05 qui n'ont pas eu lieu.
05:07 Comment on en est arrivé là ?
05:09 -C'est une question qui est soulevée,
05:11 et c'est pour ça que je parle d'une longue divagation politique.
05:14 A la fin des années 1990, au début des années 2000,
05:17 nos dirigeants ont été bercés d'une forme d'illusion
05:20 selon laquelle l'énergie serait toujours abondante,
05:23 alors qu'on savait déjà à l'époque
05:25 qu'il fallait sortir des énergies fossiles
05:28 et que la production de l'électricité,
05:30 en France, elle est décarbonée grâce au nucléaire,
05:33 était une des portes de sortie.
05:35 On a vécu sur nos acquis,
05:37 ce qui nous aurait permis d'avoir une avance considérable
05:40 en prenant les décisions qu'on a prises sur le marché européen.
05:44 Eh bien, on a fragilisé notre mixe électrique,
05:47 on a fragilisé notre pays.
05:49 -Mais est-ce que la France n'était pas aussi dans l'air du temps ?
05:52 Elle faisait un peu cavalier seule en Europe
05:55 en ayant un parc nucléaire aussi important.
05:57 L'Allemagne, notre voisin et principal partenaire,
06:00 a fermé ses réacteurs.
06:01 La catastrophe de Fukushima a marqué les esprits.
06:04 Hollande a annoncé dans son programme
06:06 qu'il voulait passer à 50 % de nucléaire.
06:09 Est-ce qu'il n'y avait pas un air ambiant
06:11 qui était anti-nucléaire ?
06:13 -Absolument.
06:14 On a une responsabilité collective dans la difficulté qu'on a eue
06:17 à ne pas expliquer ce qui s'était passé à Fukushima.
06:20 Pourquoi ? C'était d'abord un tsunami qui avait causé une inondation
06:24 qui avait eu un impact.
06:26 Mais les morts de la radioactivité à Fukushima sont peu nombreuses.
06:29 Il y avait cet air ambiant.
06:31 Mais la responsabilité du politique,
06:33 et je le dis venant d'une nouvelle génération
06:36 qui espère avoir des résultats énergétiques
06:38 dans les 30 prochaines années,
06:40 c'est de regarder la science, les contraintes industrielles
06:44 et de regarder nos objectifs.
06:46 On a tenu, on n'a pas arrêté notre parc nucléaire
06:49 comme les Allemands qui, je le rappelle,
06:51 rouvrent des centrales à charbon.
06:53 En revanche, on a pris ce retard et on le paye aujourd'hui.
06:56 -La fermeture de Fessenheim,
06:58 c'était une erreur.
07:00 C'est-à-dire, par exemple, on a toujours un petit doute
07:03 sur jusqu'à quand peut-on prolonger ces centrales
07:06 dont certaines ont plus de 50 ans, Fessenheim étant la plus vieille.
07:09 -Là encore, si on prend les choses
07:11 d'un point de vue rationnel, scientifique, industriel,
07:15 la fermeture ou non des centrales, c'est une décision
07:18 qui appartient à l'autorité de sûreté nucléaire,
07:20 qui est indépendante et qui fait un travail formidable.
07:24 Ensuite, la prolongation des centrales,
07:26 cela dépend de cette autorité et de l'investissement
07:29 de l'autorité nucléaire.
07:30 Ces choix, c'est aussi de la politique.
07:33 On a entendu, lors de vos auditions,
07:35 par exemple, Nicolas Sarkozy charger très fortement
07:38 son successeur sur ces choix nucléaires.
07:40 Vous, dans votre rapport, vous êtes sévère avec François Hollande.
07:44 Vous épargnez plutôt Emmanuel Macron,
07:47 qui était aussi très proche de François Hollande
07:49 pendant son quinquennat.
07:51 Lui-même, le président actuel,
07:53 dont vous êtes un des représentants,
07:55 a changé de doctrine.
07:57 Il a baissé le nucléaire et il veut ouvrir des EPR.
08:00 - Je le dis très clairement dans mon rapport,
08:02 car l'honnêteté fait aussi partie de l'intérêt
08:05 de ce genre de travail parlementaire.
08:07 Nous avons, les dernières années, un bilan,
08:10 un retour assez contrasté.
08:12 Effectivement, nous avons commencé par suivre
08:14 des décisions qui étaient celles de 2015,
08:17 la fermeture de Fessenheim, la réduction du parc nucléaire.
08:20 Et puis, nous avons instruit le dossier.
08:22 Nous avons regardé ce qui s'était passé à l'EPR de Flamanville.
08:26 La réduction des conditions de relance du parc nucléaire
08:29 a conduit au discours de Belfort.
08:31 Et c'est le plus important,
08:33 qu'est-ce qu'on a vécu les derniers mois ?
08:35 Pour la première fois, dans notre histoire récente,
08:38 on a parlé de sobriété, d'énergie renouvelable, de nucléaire.
08:42 Face au mur énergétique, il faut faire les trois.
08:45 - Pour l'avenir, vous parlez de Flamanville.
08:47 Cette EPR dont on entend systématiquement le report,
08:51 le fait que la facture augmente,
08:53 est-ce que ce n'est pas une très mauvaise publicité
08:56 et une énergie qui coûte très cher et dont on ne voit jamais ?
08:59 - Absolument. La gestion, et elle a été rappelée
09:02 dans un rapport du dossier de Flamanville,
09:05 qui a pris une dizaine d'années de retard,
09:07 est préoccupante.
09:08 Elle doit nous appeler à réfléchir à notre industrie nucléaire.
09:12 La meilleure façon de défendre le nucléaire,
09:15 qui est un atout industriel souverain français,
09:17 c'est de voir ses limites, ses risques.
09:20 - Vous êtes favorable à ce que l'on supprime,
09:22 le mécanisme qui impose à EDF de vendre son électricité
09:26 au prix européen, la RENH, pour quelles raisons ?
09:29 - C'est une réforme profonde du marché européen.
09:31 La réalité, c'est que le cadre européen,
09:34 aujourd'hui, est néfaste, néfaste, au mix électrique français.
09:37 Il désavantage le nucléaire,
09:39 il met EDF dans une situation difficile,
09:42 puisqu'il l'oblige à revendre une partie de son électricité
09:45 peu chère. Il faut suspendre l'arène,
09:47 mais il faut aussi la compenser pour que nos producteurs,
09:50 nos entreprises, ne subissent pas cette augmentation
09:54 de l'électricité, et qu'ils payent au prix du gaz.
09:56 - Les antinucléaires ne s'expriment pas beaucoup.
09:59 On a l'impression qu'aujourd'hui, ça ne se discute plus.
10:02 - D'abord, je crois qu'on arrive progressivement,
10:05 à part quelques chapelles à la limite du sectarisme,
10:09 à sortir de cette opposition binaire, inventée, imaginaire,
10:12 entre les énergies renouvelables, qui produisent de l'électricité
10:16 sans carbone, et le nucléaire, qui fait de même.
10:19 - On vous a entendu ce matin. Merci, Antoine Armand,
10:22 très important sur le nucléaire et qui fait beaucoup débat.